Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT DEUX OPPOSITIONS

de Shark Clubs of Canada Inc. aux demandes

nos 1044263 et 1033636 produites par 2764296 Canada Inc.

en vue de l’enregistrement des marques de commerce

SHARX POOL BAR et SHARX POOL BAR

RESTO et dessin_____________________________

 

 

Le 24 janvier 2000, la requérante 2764296 Canada Inc. a produit une demande (no1044263) en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SHARX POOL BAR fondée sur un emploi de la marque au Canada au moins depuis 1992, en liaison avec :

marchandises

Tee-shirts, stylos, crayons et chaînes porte-clés

 

Services

Exploitation de bars-salons et de bars sportifs offrant des jeux de billards, du snooker et des jeux de hasard.

 

 

La requérante renonce à l’emploi exclusif des mots POOL BAR en dehors de la marque de commerce dans son ensemble.

 

La présente demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 26 mars 2003 aux fins de la procédure d’opposition et elle a fait l’objet d’une opposition de la part de Shark Club Sports Grill Ltd. le 9 avril 2003. Le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 29 avril 2003. La requérante a répondu par la production et la signification d’une contre-déclaration réfutant de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d’opposition. Au moment de produire la contre-déclaration, la requérante a aussi demandé une décision interlocutoire concernant les alinéas b) et f) de la déclaration d’opposition (résumés ci-dessous) que la requérante considérait comme déficients. Inexplicablement, la Commission n’a pas répondu à la requérante et celle-ci n’a pas donné de suite à sa demande. De toute façon, la décision relative à la présente demande ne serait pas différente si les paragraphes b) et f) étaient radiés des actes de procédure de l’opposante, comme la requérante l'avait demandé à l'origine.

 

Les motifs d’opposition invoqués par l’opposante peuvent être résumés comme suit.

 

a)         En vertu de l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, la requérante n’a pas employé la marque depuis 1992, ou l’a abandonnée par la suite.

b)         En vertu de l’alinéa 30i), à la date de production de la demande, la requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d'employer la marque visée par la demande.

c)         En vertu de l’alinéa 12(1)d), la marque visée par la demande n'est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque verbale déposée SHARK CLUB BAR & GRILL de l’opposante et avec deux dessins-marques, illustrés ci-dessous, tous employés en liaison avec des services de restaurant et de bar :

 

 

d) et e) En vertu des alinéas 16(1)a) et c), la requérante n'est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque visée par la demande parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de l’opposante mentionnées plus haut et avec le nom commercial de l’opposante Shark Club Sports Grill Ltd. employé antérieurement par l’opposante au Canada .

f)         En vertu de l’article 2, la marque visée par la demande n’est pas distinctive car elle ne distingue pas les marchandises et les services de la requérante, compte tenu de l’emploi par l’opposante de ses marques et de son nom commercial.

 

Au cours de la procédure, la déclaration d’opposition a été modifiée pour tenir compte du fait que le nom commercial et les droits s’y rattachant ont été transférés de l’opposante initiale Shark Club Sports Grill Ltd. à l’opposante actuelle, Shark Clubs of Canada Inc. : voir la décision de la Commission en date du 23 novembre 2005.

 

La preuve de l’opposante consiste en l’affidavit de Roger Gibson, président de la société opposante. La preuve de la requérante consiste en l’affidavit de Rahman Ismaili, président, directeur et actionnaire majoritaire de la société requérante. Seule l’opposante a présenté une plaidoirie écrite, et seule l’opposante était représentée à l’audience.

 

Le témoignage de M. Gibson peut être résumé de la manière suivante. L’opposante est une société de la Colombie-Britannique qui a été constituée en 1991. Elle exploite des bars et des bars-salons offrant des sports de divertissement et des jeux de société tels que le billard et les fléchettes. L’opposante exploite des établissements en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan. En 2004, l’opposante exploitait huit établissements. Les marques de l’opposante, plus particulièrement la marque verbale SHARK CLUB BAR & GRILL, sont mises en évidence sur une enseigne fixée au-dessus de l'entrée des établissements de l’opposante, sur les couvertures de menus, sur le site Web de l’opposante, sur des certificats-cadeaux et sur divers articles tels que des chemises, des briquets et des couteaux de poche, ainsi que sur les articles de papeterie de l’opposante. Les frais de publicité imprimée et à la radio ont été d’environ 13 000 $ en 1993 et ont augmenté graduellement pour atteindre environ 345 000 $ en 2003. L’établissement de l’opposante, situé à Vancouver, a été nommé « le meilleur bar » lors de sondages réalisés en 1996, 1998 et 1999 par divers périodiques locaux. Les objections de l’opposante concernant la présente demande sont formulées au paragraphe 21 de l’affidavit de M. Gibson, qui apparaît ci-dessous :

 

Le témoignage de M. Ismaili, produit au nom de la requérante, peut être résumé comme suit. La requérante est une société canadienne dont le siège social se trouve à Montréal (Québec), où la requérante exploite un bar et un restaurant, une salle de billard et une salle de quilles. L’établissement possède 37 tables de billard professionnel et dix pistes de quilles, ainsi qu’une salle de réunion et une salle de réception. Le chiffre des ventes du restaurant (non divulgué par M. Ismaili) représente moins de 5 % du chiffre de ventes total du bar et de la salle de billard (également non divulgué). Les pièces jointes à l’affidavit de M. Ismaili montrent que l’établissement est décoré de revêtements architecturaux uniques et chics. Le mot SHARX dans la marque visée par la demande vise à faire référence à un « requin du billard » (pool shark), ce qui signifie une personne qui est un joueur expert ou un excellent joueur de billard.

 


La question fondamentale à trancher est de savoir si la marque SHARX POOL BAR visée par la demande crée de la confusion avec la marque SHARK CLUB BAR & GRILL de l’opposante. La date pertinente pour l'examen de la question de la confusion en vertu de l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision, alors que la date pertinente pour ce qui est de l’absence de caractère distinctif (motif f) énoncé plus haut) est la date de l’opposition, à savoir le 9 avril 2003. La question de la confusion est également déterminante quant à l’issue des motifs d’opposition alléguant que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement, formulés aux paragraphes d) et e) ci‑dessus. La date pertinente pour l’examen de la question du droit ou non à l’enregistrement est la date du premier emploi de la marque visée par la demande, à savoir le 31 décembre 1992. Comme l’opposante n’a pas établi d’emploi de ses marques ou de son nom commercial avant 1993, les motifs d) et e) mentionnés plus haut doivent être rejetés. Pour un recensement de la jurisprudence relative aux dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, aux pages 206 à 209 (C.F.1ere inst.)


 

Il incombe à la requérante d'établir qu'il n'y a pas de risque raisonnable de confusion, au sens de l’alinéa 6(2), entre la marque SHARX POOL BAR visée par la demande et la marque SHARK CLUB BAR & GRILL de l’opposante. Ce fardeau de preuve incombant à la requérante signifie que, si aucune conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que tous les éléments de preuve ont été présentés, la question doit être tranchée à l’encontre de la requérante : voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R. (3d) 293, aux pages 297 à 298 (C.F.1ere inst.). Le critère pour déterminer s'il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs dont il faut tenir compte pour décider si deux marques créent de la confusion sont décrits au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de marchandises, de services ou d’entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive. Tous les facteurs pertinents doivent être considérés, mais tous n’ont pas nécessairement le même poids. Le poids qu’il convient de donner à chaque facteur dépend des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et Le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

La marque de l’opposante, SHARK CLUB BAR & GRILL, tire en grande partie son caractère distinctif du mot SHARK, car les autres mots de la marque sont susceptibles de décrire les services de l’opposante. Dans le même ordre d’idée, le mot SHARX est le mot qui contribue le plus au caractère distinctif inhérent de la marque SHARX POOL BAR visée par la demande. Étant donné que le terme pool shark (requin du billard) est un terme familier pour désigner un joueur expert de billard, le caractère distinctif inhérent des marques des deux parties est relativement faible, car le consommateur peut s’attendre à ce que les établissements des parties offrent comme divertissement le billard, en plus des services de restauration et de bar. En me fondant sur la preuve plus complète produite par l’opposante et sur la preuve limitée produite par la requérante, je conclus que la marque de l’opposante a acquis une plus grande réputation dans l’Ouest du Canada que celle que la marque visée par la demande a acquise au Québec (plus particulièrement à Montréal), tout au moins à la date pertinente plus tardive qui est la date de ma décision. La période pendant laquelle les marques en question ont été employées est un facteur mineur, car la requérante allègue employer sa marque depuis 1992, alors que l’opposante prétend employer sa marque depuis 1993. La nature de l’entreprise et les services des deux parties sont essentiellement les mêmes, ou se chevauchent, car les deux parties fournissent des services de restauration et de bar dans un environnement qui offre le jeu de billard comme divertissement. Enfin, le degré de ressemblance est très élevé entre SHARK CLUB BAR & GRILL et SHARX POOL BAR tant dans le son que dans les idées suggérées, quoiqu’un peu moins dans la présentation, si on garde à l’esprit que c’est le premier mot de la marque qui est le plus pertinent pour conférer un caractère distinctif : voir Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, à la page 370 (C.F. 1re inst.), Conde Nast Publications Inc. c. Union Des Éditions Modernes (1979) 46 C.P.R.(2d) 183, à la page 188 (C.F. 1re inst.).

 

Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucun risque raisonnable de confusion entre la marque visée par la demande et la marque SHARK CLUB BAR & GRILL de l’opposante. Si la requérante avait été en mesure de démontrer que le mot SHARK, ou toute autre variante de ce mot, était courant dans les services de restauration et de bar, une telle preuve aurait pu faire pencher la prépondérance des probabilités en sa faveur.

 

La demande no 1033636 pour la marque de commerce SHARX POOL BAR RESTO & Design, illustrée plus bas, a été produite le 25 octobre 1999. Cette demande visant un dessin‑marque se rapporte aux mêmes services que la demande no 1044263 (fondée sur un emploi depuis le 25 octobre 1999 pour ce qui est des services) et se rapporte aux marchandises : « Tee-shirts, casquettes, chapeaux, grosses tasses, verres et stylos », fondée sur un emploi projeté au Canada pour ce qui est des marchandises.

 

 

Le 19 mars 1993, la demande susmentionnée a fait l’objet d’une procédure d’opposition. Dans le cadre de cette procédure, la requérante a également demandé une décision interlocutoire sur le caractère suffisant de la déclaration d’opposition, mais la question a été réglée lorsque l’opposante a modifié ses actes de procédure. Seule l’opposante a présenté une plaidoirie écrite et seule l’opposante était représentée à l’audience. Les questions soulevées dans les actes de procédure et les éléments de preuves produits par les parties quant au dessin-marque sont essentiellement les mêmes que celles qui ont été prises en considération dans l’examen de la demande 1044263, et mènent au même résultat.


 

Compte tenu de ce qui précède, les demandes nos 1033636 et 1044263 sont rejetées.

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 30 MAI 2006.

 

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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