Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 100

Date de la décision : 2013-05-29 TRADUCTION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Federated Co-operatives Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1458807 pour la marque de commerce WHOLE EARTH FARMS au nom de Merrick Pet Care, Inc.

[1]               Le 12 novembre 2009, Merrick Pet Care, Inc. (le Requérant) a soumis une demande pour la marque de commerce WHOLE EARTH FARMS (la Marque) basée sur l’usage de la Marque au Canada depuis le 3 novembre 2009 et sur son usage et son enregistrement aux États-Unis. Les biens visés par la demande sont les suivants : « Aliments pour animaux de compagnie; gâteries pour animaux de compagnie ».

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 21 juillet 2010.

[3]               Le 9 août 2012, Federated Cooperatives Limited (l’Opposant) a présenté une déclaration d’opposition à l’égard de la demande. En plus d’invoquer que la demande ne satisfait pas à certaines des exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T -13), l’Opposant affirme que la Marque ne peut pas être enregistrée, car le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement et la Marque n’a pas de caractère distinctif. Le principal enjeu de cette opposition est de déterminer si la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce enregistrée de l’Opposant, WHOLE EARTH, no d’enregistrement LMC619378, utilisée en liaison avec les aliments pour animaux.

[4]               L’Opposant a déposé l’affidavit de Kevin Krug, gestionnaires des Services marketing de l’Opposant. M. Krug a fait l’objet d’un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit, et les formulaires de transcription de ce contre-interrogatoire ont été versés au dossier. À titre de preuve, le Requérant a déposé les affidavits des personnes suivantes : Donald Young, vice-président des Ventes de Merrick Pet Care, Inc., Sam Spradlin, chef des Services financiers de Merrick Pet Care Inc., Karen Lau Cardinell, technicienne en droit au sein de la société du Requérant, Roy Bornmann, étudiant en droit au sein de la société du Requérant. Aucun des souscripteurs d’affidavit du Requérant n’a participé à un contre-interrogatoire.

[5]               Le Requérant a également sollicité et reçu l’autorisation de déposer un supplément à l’affidavit de Donald Young, comme preuve supplémentaire aux termes du paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce (DORS/96-195) en date du 16 août 2012.

[6]               Les deux parties ont produit un mémoire et étaient représentées à l’audience.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[7]               L’Opposant doit fournir une preuve admissible suffisante pour étayer chacun des motifs d’opposition. Ce principe s’appelle le fardeau de preuve de l’Opposant. Une fois que l’Opposant s’est acquitté de cette obligation, le Requérant doit ensuite établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re instance) à 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (CAF)].

[8]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

         Alinéa 38(2)a) et article 30 : la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (COMC), 475];

         Alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(1) : la date du premier emploi par le Requérant [voir le paragraphe 16(1)];

         Alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(2) : la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(2)];

         Alinéas 38(2)b) et 12(1)d) : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (CAF), 413 (CAF)];

         Alinéa 38(2)d) — Absence de caractère distinctif : la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (CF)].

Enjeu préliminaire

[9]               Lors de l’audience orale, l’Opposant a sollicité un réexamen de la décision prise le 16 août 2012, autorisant le Requérant à déposer un supplément à l’affidavit de M. Donald Young à titre de preuve additionnelle. L’Opposant affirme que le Requérant n’aurait pas dû recevoir l’autorisation de déposer des preuves supplémentaires alors que l’instance est déjà si avancée, c’est-à-dire alors que l’Opposant avait déjà soumis son mémoire. Il a également mis en doute l’importance de la preuve, et la raison pour laquelle le Requérant ne l’a pas soumise plus tôt.

[10]           Dans sa décision, la membre de Paulsen a examiné s’il était dans l’intérêt de la justice d’autoriser le Requérant à soumettre l’affidavit supplémentaire de M. Young à titre de preuve additionnelle. Elle était bien consciente du stade avancé des procédures, elle a souligné que M. Young expliquait qu’il avait par inadvertance omis d’inclure certaines factures dans son premier affidavit, erreur due au fait que la production du premier affidavit avait été précipitée. En ce qui a trait à l’importance de la preuve, la membre de Paulsen remarque que la preuve était directement pertinente aux motifs d’opposition invoqués et que le Requérant doit pouvoir présenter les meilleures preuves possible pour sa défense. Finalement, le fait que l’Opposant pouvait demander l’autorisation de contre-interroger M. Young, soumettre un mémoire supplémentaire ou encore traiter la preuve additionnelle lors de l’audience amoindrissait le préjudice qu’il aurait pu subir.

[11]           Le registraire ne peut réviser la décision prise dans la lettre datée du 16 août 2012, que si cette décision est fondée sur une erreur de droit ou sur une interprétation erronée des faits présentés au registraire lorsqu’il a tranché [voir Jalite Public Ltd c. Lencina (2001), 19 C.P.R. (4th) 406 (COMC)]. Puisqu’on n’a pas prouvé qu’une telle erreur soit survenue, je ne suis pas disposée à réexaminer la décision du 16 août 2012.

Motifs d’opposition aux termes de l’alinéa 30b)

[12]           L’Opposant allègue que la demande pour la Marque ne se conforme pas aux exigences prévues à l’alinéa 30b) de la Loi, car le Requérant n’utilise pas la Marque depuis la date du premier emploi revendiquée dans la demande.

[13]           Il est plutôt facile pour l’Opposant de s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe aux termes du paragraphe 30b) [Tune Masters c. Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (COMC), à 89] et l’Opposant peut satisfaire ces critères non seulement en faisant référence à ses propres preuves, mais aussi à celles du Requérant [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) (C.F., 1re instance), de 216 à 230]. Toutefois, même si un opposant peut utiliser la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve pour ce motif, il doit démontrer que la preuve du requérant est clairement incohérente avec les revendications faites dans la demande.

[14]           Dans le présent cas, l’Opposant utilise la preuve du Requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve. À cet égard, l’affidavit supplémentaire de monsieur Young renfermait des factures représentatives indiquant des ventes de produits de la marque WHOLE EARTH FARMS à des animaleries, au Canada et aux États-Unis. Les bons de commande identifiés par les numéros SO-017217 et SO-017216 sont tous deux datés du 31 octobre 2009, et indiquent des ventes au détail au Canada, en parallèle à un bordereau d’expédition, un connaissement, une liste de vérification et une liste de prélèvement présentés pour prouver l’envoi et la réception du produit du Requérant.

[15]           L’Opposant affirme que les bons de commande ne soutiennent pas la date de premier emploi revendiqué du Requérant, soit le 3 novembre 2009, car les factures ne sont pas des reçus de paiement ni des preuves de livraison des biens au Canada. L’Opposant allègue que les documents déposés par monsieur Young montrent que la commande visant la nourriture pour animaux du Requérant a été traitée au Texas et recueillie le 31 octobre 2009 pour livraison FOB au Canada, soit un samedi. L’Opposant soulève qu’il n’est pas raisonnable de déduire qu’un acheteur canadien a reçu les marchandises le 3 novembre 2009, la date de premier emploi revendiquée par le Requérant. En outre, les factures indiquent également que l’acheteur avait jusqu’au 30 novembre 2009 pour payer les marchandises.

[16]           Bien que je sois d’accord avec l’Opposant quant au fait que la preuve du Requérant n’est pas aussi précise ou informative qu’on pourrait le souhaiter, conformément au paragraphe 4(1) de la Loi, le Requérant n’est pas obligé de prouver l’utilisation de la Marque au Canada en date du 3 novembre 2009 avant que l’Opposant ne se soit acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe. Il n’y a pas de contradiction flagrante dans la preuve que constitue l’affidavit de M. Young et, jusqu’à preuve du contraire, je ne crois pas qu’il soit complètement déraisonnable de croire que l’acheteur canadien avait reçu les marchandises du Requérant à la date du premier emploi. En outre, l’Opposant a choisi de ne pas contre-interroger M. Young pour obtenir les réponses aux questions qu’il soulève présentement au sujet de l’usage de la Marque. J’estime donc que l’Opposant ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard de son allégation suggérant que le Requérant n’utilisait pas la Marque à la date du premier emploi revendiquée dans la demande opposée. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Motifs d’opposition aux termes de l’alinéa 30i)

[17]           Pour ce qui est du motif d’opposition aux termes de l’alinéa 30i), je constate que le Requérant a fait la déclaration requise et il n’y a aucune preuve qu’il l’ait fait de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC), 155]. Je rejette donc ce motif d’opposition.

Motifs d’opposition aux termes de l’alinéa 30d)

[18]           En ce qui a trait au motif d’opposition aux termes l’alinéa 30d), il n’y a aucune preuve qui mette en doute la rectitude de l’emploi et de l’enregistrement à l’étranger revendiqués dans la demande du Requérant. Je rejette donc aussi ce motif d’opposition.

Motifs d’opposition aux termes de l’alinéa 12(1)d)

[19]           Les quatre derniers motifs d’opposition portent sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque et celle de l’Opposant. Bien que les dates essentielles pour les motifs d’opposition soient différentes, je ne crois pas que la question relative à la probabilité de confusion s’articule autour d’une de ces dates en particulier. J’évaluerai la probabilité de confusion entre la Marque et celle de l’Opposant, WHOLE EARTH, enregistrée sous le numéro LMC619378, en fonction du motif d’opposition basé sur l’alinéa 12(1)d), puisqu’il représente le meilleur argument de l’Opposant.

[20]           J’ai fait appel au pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que l’enregistrement LMC619378 de l’Opposant pour la marque de commerce WHOLE EARTH en liaison avec la nourriture pour animaux est toujours existant.

TEST EN MATIÈRE DE CONFUSION

[21]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[22]           La liste des facteurs énumérés n’est pas exhaustive, et il n’est pas nécessaire d’accorder à chacun d’entre eux la même valeur [voir, en général, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (CSC)]. Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (CSC), la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur ayant préséance parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est le degré de ressemblance entre les marques.

Alinéa 6(5)a) — le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[23]           Bien que les marques des deux parties possèdent, à un certain degré, un caractère distinctif inhérent, elles suggèrent toutes les deux que le produit est composé d’ingrédients naturels. Je conviens que, comme l’indique l’Opposant, le mot FARMS n’ajoute pas un caractère distinctif à la Marque, étant donné qu’il s’agit d’un mot relativement descriptif.

[24]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou par son emploi. M. Krug énonce que l’Opposant exploite six plans d’alimentation fabriquant de la nourriture animale, laquelle est par la suite vendue à ses coopératives de vente au détail (desquelles environ 250 sont situées dans l’Ouest canadien) en vue de revendre le produit au grand public ainsi qu’à des clients directs, par exemple des parcs d’engraissement et des porcheries. Il souligne, par ailleurs, que l’Opposant vend de la nourriture animale en liaison avec la marque de commerce au Canada depuis 1999 et que les ventes de nourriture pour animaux au pays varient de 37 280 dollars en 1999 à un million de dollars en 2010.

[25]           Le Requérant soulève que l’Opposant n’a pas prouvé l’usage de sa marque de commerce en soi. À cet égard, le Requérant attire notre attention sur les étiquettes que M. Krug applique aux sacs de 25 kilogrammes de nourriture pour animaux vendus par l’Opposant à ses propres coopératives de vente au détail. Les étiquettes jointes à la preuve E de l’affidavit de M. Krug vont comme suit [TRADUCTION] :

CO-OP®WHOLE EARTH* ALIMENTATION PAR COUCHES

 

Fabriquée par FEDERATED CO-OPERATIVES LIMITED, siège social :

 

Saskatoon (Saskatchewan)  S7K 3M9

 

MC Marque de commerce déposée de RMC Distributing Ltd., utilisée sous autorisation.

 

*Marque de commerce déposée de Federated Co-operatives Ltd.

 

[26]           Le Requérant fait remarquer que puisque le mot CO-OP utilise les mêmes couleurs, taille et fonte que les mots WHOLE EARTH, le public percevrait la marque utilisée comme étant CO-OP WHOLE EARTH, et non pas la marque enregistrée WHOLE EARTH [voir Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd (1984), 2 C.P.R. (3d) de 535 à 538 et Canada (registraire des marques de commerce) c. Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 C.P.R. (3d), 523]. Lors de son contre-interrogatoire, M. Krug a admis que les termes CO-OP WHOLE EARTH figurent sur tous les sacs transférés aux coopératives de vente au détail et vendus à ces endroits; la marque WHOLE EARTH elle-même n’est jamais indiquée seule sur l’emballage des sacs de nourriture pour animaux et l’emballage des sacs n’est pas modifié, les sacs sont vendus tels que reçus [contre-interrogatoire de M. Krug, questions 30-32, 67-72].

[27]           L’Opposant, d’un autre côté, souligne que l’usage démontré dans le présent cas est celui de deux marques de commerce dont l’image est différente pour indiquer qu’il s’agit de marques de commerce distinctes. L’Opposant remarque par ailleurs que l’avis au bas de l’étiquette aide à clarifier le sens de l’astérisque pour le consommateur. L’Opposant se fie à l’arrêt AW Allen Ltd c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1985), 6 C.P.R. (3d) 270 (C.F. 1re inst.), qui conclut que rien n’empêche l’utilisation simultanée de deux marques de commerce.

[28]           L’usage de la marque de commerce combinée à d’autres mots ou caractéristiques constitue un emploi de la marque de commerce déposée si le public, à la première impression, perçoit cet emploi de la marque de commerce. C’est une question de fait, à savoir si la marque de commerce se distingue du matériel ajouté et si cette marque demeure reconnaissable [Nightingale, supra; Promafil Canada ltée c. Munsingwear Inc (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (CAF)]. Dans le présent cas, l’Opposant utilise un astérisque pour signaler que la Marque est sa marque de commerce sur l’étiquette, le symbole MC et l’avis inscrit sur l’étiquette indiquent clairement que la marque CO-OP est une marque de commerce déposée distincte qui appartient à une autre entité. Selon moi, cela constitue l’usage de deux marques et non pas d’une seule marque combinée; les mots « alimentation par couches » seraient perçus comme une description. Je conclus donc que l’usage démontré par l’Opposant est celui de la marque de commerce déposée WHOLE EARTH.

[29]           En ce qui a trait à la portée de la réputation de la Marque, la nourriture pour chiens du Requérant a été vendue en liaison avec la Marque depuis au moins le mois de septembre 2009. De septembre 2009 à décembre 2011, le Requérant a vendu 25 486 unités de sa nourriture pour animaux à des animaleries au Canada et a généré des recettes de 190 823,30 $. La nourriture pour chiens du Requérant a fait l’objet de campagnes publicitaires auprès des consommateurs dans les animaleries et sur divers sites Web offrant des produits pour animaux.

[30]           Selon l’information qui m’a été présentée, je conclus que la marque de l’Opposant est mieux connue au Canada que la Marque.

Alinéa 6(5)b) – Période pendant laquelle chacune des marques a été en usage

[31]           La période pendant laquelle chaque marque a été en usage favorise l’Opposant.

Alinéas 6(5)c) et d) – Genre de marchandises, services ou entreprises et nature du commerce

[32]           C’est la comparaison de l’énoncé des marchandises du Requérant, tel que présenté dans la demande, par rapport aux marchandises enregistrées de l’Opposant, qui régit mes conclusions quant à ce facteur [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (CAF)].

[33]           Après avoir examiné la preuve soumise par les deux parties, j’estime que les marchandises des deux parties sont connexes, dans la mesure où elles contiennent toutes deux de la nourriture pour animaux. La nature du commerce des deux parties, par contre, est différente. À cet égard, il semble, en fonction de la preuve, que les sacs de 25 kilogrammes de nourriture pour animaux de l’Opposant soient principalement conçus pour les fermiers afin de nourrir le bétail, notamment des poulets, des dindes, des lapins et des porcs. Les marchandises du Requérant, par contre, sont des produits alimentaires fins, sains et naturels à l’intention des animaux domestiques.

[34]           Pour ce qui est des voies commerciales des parties, la preuve indique qu’à ce jour, les marchandises du Requérant ont été distribuées partout au Canada et aux États-Unis au moyen de chaînes d’animaleries vendant des produits de spécialité en ligne et dans leurs magasins et d’une chaîne de distribution de masse [Young, paragr. 5 et 7]. Les marchandises du Requérant visent les consommateurs de produits alimentaires sains et naturels qui, en tant que propriétaires d’animaux domestiques, achètent une nourriture saine et nutritive par souci à l’égard de la santé de leur animal.

[35]           La preuve de l’Opposant, par contre, indique que l’Opposant est une organisation en copropriété avec les coopératives de vente au détail (qui sont toutes situées dans l’Ouest canadien), auxquelles elle distribue la nourriture pour animaux en vue de la revendre au grand public [Krug, paragr. 2]. Bien qu’elle soit principalement vendue à des fermiers exploitants des parcs d’engraissement et des porcheries, la nourriture pour animaux de l’Opposant est également vendue à des clients directs, notamment Early’s Farm et Garden à Saskatoon, qui, selon monsieur Krug, sont [TRADUCTION] « considérés comme des animaleries » [Krug, paragr. 2 et question 103 du contre-interrogatoire]. En outre, la nourriture pour animaux de l’Opposant est vendue ouvertement dans les magasins, aux côtés d’autres produits, notamment de la nourriture pour animaux domestiques.

[36]           En se basant sur l’arrêt Alticor c. Nutravite Pharmaceuticals Inc (2005), 42 C.P.R. (4th) 107 (CAF), le Requérant a allégué que les énoncés des marchandises doivent être lus avec l’intention de déterminer le type probable d’activités ou de commerce visé par les parties, plutôt que de relever tous les types de commerces possibles qui pourraient être englobés par la formulation. La preuve, dans le présent cas, indique effectivement qu’il ne semble pas y avoir de chevauchement réel entre les voies de commercialisation des parties, du moins à ce jour. De plus, bien que la preuve du Requérant démontre qu’il n’utilise la Marque qu’en liaison avec la nourriture pour chiens, les marchandises énumérées dans la demande (c.-à-d. aliments pour animaux de compagnie; gâteries pour animaux de compagnie) sont suffisamment générales pour inclure tous les animaux domestiques.

[37]            Bien que je sois d’accord que la nature du commerce de l’Opposant suggère que la nourriture pour animaux est principalement vendue par les commerces des coopératives membres à des fins commerciales, la preuve de l’Opposant indique que les marchandises ont été vendues également à des particuliers comme nourriture pour lapins domestiques [Krug, paragr. 8]. Également, aucun des énoncés des marchandises soumis par les parties ne précise une restriction à une voie de commercialisation particulière.

[38]           Il est utile de se rappeler que dans l’arrêt Masterpiece susmentionné, au paragraphe 53, la Cour suprême a insisté que l’accent doit être mis sur les modalités stipulées dans la demande d’enregistrement des marques de commerce et sur « ce que l’enregistrement permettrait [au Requérant] de faire, et non pas ce [qu’il] fait actuellement. » La Cour ajoute par ailleurs au paragr. 59 que bien que « l’emploi réel de la marque n’est certes pas dénué de pertinence, mais il ne doit pas non plus remplacer complètement l’examen d’autres emplois qui pourraient être faits en conformité avec l’enregistrement. »

[39]           Je conclus donc que les voies de commercialisation des parties pourraient se chevaucher.

Alinéa 6(5)e) – Degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[40]           Dans le cas présent, le Requérant a adopté la marque de commerce de l’Opposant en entier. La seule différence est que le Requérant a ajouté le mot non distinctif « Farms » à sa propre marque. Je juge donc qu’il y a une forte ressemblance entre les marques, sous tous les aspects.

[41]           Je tiens à mentionner que le Requérant a soulevé les différences quant à la présentation de la Marque, telle qu’utilisée, et la marque de commerce de l’Opposant. La Marque, dans sa forme présentement utilisée, présente effectivement un élément graphique relativement distinctif. Toutefois, la Marque visée par la demande est une marque verbale : à ce titre, les caractéristiques graphiques distinctives présentement utilisées pour la Marque n’ont aucune incidence sur la présente analyse au sujet de la probabilité de confusion.

Autres circonstances de l’espèce

Absence de confusion malgré la coexistence des marques des deux parties

[42]           Pour ce qui est des autres circonstances de l’espèce, le Requérant affirme qu’il n’a jamais reçu aucun rapport de confusion alléguée avec la marque de l’Opposant, puisque le Requérant a commencé l’emploi de sa marque en 2007 aux États-Unis et en 2009 au Canada. En outre, aucun des partenaires des chaînes d’animaleries n’a signalé un quelconque incident lié à la confusion.

[43]           Il n’est évidemment pas nécessaire pour l’Opposant de prouver la confusion pour que je puisse conclure à l’existence d’une probabilité de confusion, mais cette absence de confusion en dépit de l’empiétement des marchandises et des voies de commercialisation pourrait causer une conclusion négative quant aux allégations de l’Opposant [voir Monsport Inc c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.]; Mercedes-Benz AG c. Autostock Inc (1996), 69 C.P.R. (3d) 518 (COMC)]. Dans le cas actuel, toutefois, étant donné la relativement courte période de coexistence des marques des parties et le fait qu’il ne semble pas que les marques aient été utilisées dans les mêmes régions au Canada, je ne suis pas prête à accorder une grande valeur à l’absence de preuve à l’égard de la confusion.

Preuve de l’état du registre

[44]           Pour ce qui est des autres circonstances de l’espèce, le Requérant se base sur la preuve relative à l’état du registre de Karen Cardinell. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions quant à l’état du marché : voir la décision sur l’opposition dans l’arrêt Ports International Ltd c. Dunlop Ltd (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 et la décision prise dans Welch Foods Inc c. Del Monte Corp (1992), 44 C.P.R. (3d), 205 (CF). Il convient également de mentionner la décision Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (CAF), laquelle suggère que les conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées des preuves afférentes à l’état du registre que dans les cas où un grand nombre d’enregistrements pertinents ont été relevés.

[45]           La recherche dans la Base de données des marques de commerce canadiennes effectuée par Mme Cardinell a permis de repérer 24 marques actives contenant une combinaison des mots suivants : (1) Whole et Earth; (2) Earth et Farm; (3) Whole et Farm* (variations possibles pour la terminaison du mot Farm).

[46]           Après un examen plus approfondi, toutefois, on constate qu’aucun de ces enregistrements n’est lié aux marchandises visées dans la présente cause. À cet égard, il n’existe pas d’enregistrement pour la nourriture pour animaux ou pour animaux domestiques. Puisque je ne peux donc pas déduire si les consommateurs étaient habitués à voir de telles marques dans le domaine de la nourriture pour animaux ou pour animaux de compagnie, l’affidavit de Mme Cardinell n’étaye pas beaucoup les allégations du Requérant.

Conclusion

[47]           Le test qui doit être utilisé est la question de la première impression pour le consommateur occasionnel quelque peu pressé qui voit les mots WHOLE EARTH FARMS sur les sacs de nourriture et de gâteries pour animaux domestiques vendus par le Requérant, alors que ce consommateur n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce WHOLE EARTH de l’Opposant et ne prend pas le temps de s’interroger à ce sujet ou de vérifier ce qui en est [voir Veuve Clicquot].

[48]           Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce et avoir effectué les tests pour la probabilité de confusion en lien avec la première impression et le souvenir imparfait, j’estime que les probabilités de confusion sont parfaitement divisées, à égalité entre la conclusion qu’il y a risque de confusion et celle qu’il n’y en ait pas. Le Requérant ne s’est donc pas acquitté de son fardeau de persuasion, soit prouver par prépondérance de probabilités qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposant. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai particulièrement tenu compte du fait que le Requérant a incorporé la marque de l’Opposant en entier dans les deux premiers segments de sa marque verbale, la portée de la réputation de la marque de l’Opposant dans l’Ouest canadien et la connexion entre les marchandises des parties.

[49]           Le motif d’opposition aux termes de l’alinéa 12(1)d) est donc accepté.

Autres motifs d’opposition

[50]           Les motifs d’oppositions restants s’articulent également autour de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque WHOLE EARTH de l’Opposant. Je considère que l’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve pour chacun de ces motifs.

[51]           Mes conclusions à l’égard du motif d’opposition 12(1)d) peuvent en grande partie s’appliquer également aux autres motifs d’opposition. Conséquemment, j’estime que le Requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau de persuasion à tous les moments importants de démontrer, par prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque raisonnable de créer de la confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposant. Conséquemment, l’Opposant a également réussi à prouver les motifs d’opposition aux termes des alinéas 16(1)a), 16(2)a) et 38(2)d) de la Loi.

Règlement

[52]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad. a.

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.