Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION

de Mansfield Medical Distributors, Ltd.

à la demande n893,588 produite par Colleen Biggs

(faisant maintenant affaire sous le nom de The Natural Fertility Awareness Company Inc.) en vue de

l’enregistrement de la marque de commerce OVU-TRAC

                                                        

 

Le 19 octobre 1998, Colleen Biggs a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce OVU-TRAC. La demande est fondée sur l’emploi de la marque de commerce au Canada depuis le 18 décembre 1996 en liaison avec les marchandises et services suivants :

Marchandises :

Trousse permettant aux femmes d’apprendre à connaître leur période de fertilité naturelle; appareil optique, savoir microscopes, permettant aux femmes d’identifier leur période fertilité naturelle; trousses d’observation du diagnostic médical comprenant des lamelles destinées au prélèvement de la salive. 

 

Services :

Fournir aux individus et aux couples des services de consultation et des conseils dans le domaine de la fertilité naturelle des femmes; fournir des renseignements sur Internet et sur le World Wide Web dans le domaine de la fertilité naturelle des femmes; services éducatifs, savoir fournir des cours, ateliers et programmes par téléphone et sur le World Wide Web (Internet) dans le domaine de la fertilité naturelle des femmes; et services de renseignements, savoir, transmission par courrier électronique, aux visiteurs du site Web, de renseignements et de conseils pratiques dans le domaine de la fertilité naturelle des femmes.

 

 

La demande a été annoncée en vue de la procédure d’opposition dans le numéro  du 15 décembre 1999 du Journal des marques de commerce. L’opposante, Mansfield Medical Distributors, Ltd., a produit une déclaration d’opposition le 3 février 2000.

 

Dans sa déclaration d’opposition, l’opposante allègue que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce OVU-TRAC, que la marque de commerce OVU-TRAC n’est pas enregistrable et qu’elle n’est pas distinctive, tous ces motifs étant fondés sur la confusion probable entre la marque OVU-TRAC et la marque OVU-THERM de l’opposante. L’opposante allègue qu’elle employait au Canada la marque de commerce OVU-THERM en liaison avec des thermomètres médicaux avant la date de premier emploi revendiquée par la requérante. En outre, celle‑ci a enregistré OVU-THERM sous le no LMC 432,417.

 

L’opposante a également fait valoir que la demande de la requérante n’était pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce parce que la marque de commerce n’était pas employée par Colleen Biggs en liaison avec les marchandises et les services visés par la demande depuis aussi loin que le 18 décembre 1996, [traduction] « la National Fertility Awareness Company l’ayant plutôt employée, et non Colleen Biggs, et ce, dans la mesure où un emploi quelconque depuis le 18 décembre 1996 peut être prouvé ».

 

Le 10 août 2000, une confirmation de cession a été produite afin d’inscrire la Natural Fertility Awareness Company Inc. (ci‑après la requérante) comme propriétaire à l’égard de la demande d’enregistrement. La cession a été exécutée le 4 juillet 2000 mais des effets rétroactifs lui ont été attribués au 1er novembre 1998. L’Office de la propriété intellectuelle du Canada a inscrit la modification de l’intitulé le 27 octobre 2000.

 

Le 13 octobre 2000, la requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle niait les allégations de l’opposante. S’agissant du motif d’opposition fondé sur l’article 30, voici ce que la requérante a indiqué :

[traduction] Colleen Biggs, exploitant l’entreprise en qualité de propriétaire unique, a employé la marque de commerce à compter du 18 décembre 1996. Plus tard, Colleen Biggs a constitué la Natural Fertility Awareness Company en société et cédé ses droits relatifs à la marque de commerce à cette même société, propriétaire actuelle de la marque de commerce.

 

La preuve produite par l’opposante consiste en les affidavits de Sandra Vickers et de Irwin Braude.

 

Mme Vickers a fourni une copie d’une annonce faisant la publicité de la trousse de tests relatifs à la fertilité naturelle OVU-TRAC qu’elle avait trouvée sur Internet le 26 janvier 2000. Une partie du texte publicitaire indique que [traduction] « la Natural Fertility Awareness Company a créé la trousse de tests relatifs à la fertilité naturelle OVU-TRAC » et on mentionne à un autre endroit que Colleen Biggs est la présidente de la Natural Fertility Awareness Company. Mme Vickers n’a pas indiqué si cet élément était le seul qu’elle avait trouvé sur Internet relativement à OVU‑TRAC.

 

M. Braude, président de l’opposante, a confirmé que son entreprise vendait des thermomètres médicaux OVU-THERM depuis aussi loin que 1984. Il a indiqué que les ventes annuelles des thermomètres OVU-THERM avaient atteint 3430 unités ou 12 766 $ en 1999. En 2000, elles se chiffraient à 3090 unités ou 12 416 $. Il a fourni un échantillon de l’emballage utilisé au Canada pour les thermomètres OVU-THERM. On indique sur la boîte que le produit est un thermomètre basal, décrit comme étant [traduction] « une méthode pour apprendre à connaître les périodes de fertilité ». Depuis 1995, l’opposante a acheté et utilisé 22 200 boîtes pour ses thermomètres OVU-THERM. M. Braude a également fourni une copie de l’enregistrement no LMC 432,417 de la marque de commerce OVU-THERM.

 

La preuve de la requérante consiste en l’affidavit de Colleen Biggs, présidente de la Natural Fertility Awareness Company Inc. L’affidavit de Mme Biggs porte essentiellement sur la trousse de tests de fertilité OVU-TRAC, produit dont la vente est annoncée dans la publicité présentée par Mme Vickers.

 

Selon Mme Biggs, la trousse de tests de fertilité OVU-TRAC contient un microscope, des lamelles de microscope, un tableau de suivi, un étui, des piles et des instructions pour l’utilisation du microscope à des fins d’analyse de la salive féminine permettant de déterminer la période de fertilité. La trousse de tests de fertilité OVU-TRAC se vend aux détaillants au prix de 65,97 $, et le prix de vente conseillé est de 109,95 $. Voici les montants des ventes en gros sur une base annuelle : 1998 – 9 901,07 $; 1999 – 13 772,21 $; 2000 – 20 620,15 $; 2001 (jusqu’en juin) – 7 590,30 $.

 

Mme Biggs a fourni une copie de l’emballage initialement utilisé en 1996 pour la trousse OVU‑TRAC, de même que l’emballage utilisé en juin 2001. Le premier mentionne la Natural Fertility Awareness Company, alors que le second mentionne la Natural Fertility Awareness Company, Inc. Elle a également fourni une facture qui, à son avis, fait la preuve de la date revendiquée de premier emploi. La facture, produite sous la cote « I », est établie en date du 4 décembre 1996 et l’inscription démontre la vente d’une trousse de tests de fertilité OVU-TRAC à une personne en Alberta. Toutefois, un seul nom figure, Nu Focus Canada West, dans la partie supérieure de la facture.

 

Mme Biggs a fourni, en produisant les pièces « J » à « O », des factures représentatives concernant la vente de troussse de tests de fertilité afin de démontrer la constance des activités commerciales depuis la date de premier emploi. Les factures antérieures à avril 1997 démontrent qu’elles ont été établies par Nu Focus Canada West. Après cette date, les factures démontrent qu’elles ont été établies par Treat Yourself Naturally et, à compter du 23 octobre 1997, la mention suivante figure dans la partie inférieure des factures : [traduction] « La Natural Fertility Awareness Company est une filiale de Treat Yourself Naturally. » À compter du 21 octobre 1998, les factures sont établies par Natural Fertility Awareness Company, Inc., mais en 2000 et en 2001, elles mentionnent simplement la Natural Fertility Awareness Company.

 

Mme Biggs a dit qu’elle avait commencé à exploiter l’entreprise se rapportant à OVU-TRAC comme entreprise individuelle et qu’au moment où la Natural Fertility Awareness Company Inc. a été constituée en société, cette société exploitait l’entreprise. Elle a produit sous la cote « R » la copie [traduction] « d’un formulaire de cession démontrant la marque de commerce qu’elle a personnellement cédé à la société », cession nunc pro tunc dont on parle précédemment. On ne nous a pas indiqué à quel moment la Natural Fertility Awareness Company Inc. a été constituée en société. De plus, je ne sais pas avec certitude qui est la Natural Fertility Awareness Company ni en quoi elle consiste, compte tenu que ce nom semble associé au produit tant avant qu’après la cession consentie par Mme Biggs à la Natural Fertility Awareness Company Inc. Au total, trois noms sont associés avec la trousse OVU-TRAC, The Natural Fertility Awareness Company, Nu Focus Canada West, et Treat Yourself Naturally, leur rôle et statut juridique n’étant pas clairement définis.

 

Mme Biggs nous a informé qu’une dépense de 39 184,32 $ avait été engagée pour le développement de OVU‑TRAC, la conception de son emballage, la publicité et les offres pour la faire connaître; elle a également fourni quelques exemples de matériel d’aide à la vente et d’annonces publicitaires pour la trousse de fertilité naturelle OVU-TRAC. Ces exemples mentionnent la Natural Fertility Awareness Company, Inc.

 

Mme Biggs a expliqué que le suffixe TRAC [traduction] « avait été choisi puisque la trousse de tests permettent à la femme de ‘cerner’ sa période de fertilité ». Elle dit également que le préfixe OVU [traduction] « est utilisé relativement à des produits qui concernent la fertilité féminine puisqu’il s’agit de la racine des mots ‘ovule’, ‘oocyte’, ‘ovulaire’, ‘ovulation’, et ‘ovuler’ ». Elle a fourni les définitions des termes « ovuler », « ovarien », « ovule », « oocyte », « cerner » et « thermo- » données dans les dictionnaires.

 

Selon Mme Biggs, il existe d’autres marques dont le nom comprend le préfixe OVU [traduction] « qui sont actuellement employées relativement à la fertilité féminine et qui n’ont rien à voir avec la requérante ou l’opposante en l’espèce ». Elle a fourni des renseignements concernant une certaine trousse de tests OVUQUICK qu’elle avait achetée à Edmonton le 23 mai 2001. Elle a également fourni les résultats de ses recherches effectuées sur Internet avec les termes OVU-TRAC, OVUQUICK, OVU-TECH et OVU. Elle n’a obtenu aucun résultat pour la recherche qu’elle a effectuée sur Internet relativement à OVU‑THERM.

 

Chaque partie a produit un plaidoyer écrit.

 

Le 16 janvier 2002, la requérante a demandé la tenue d’une audience. Dans une lettre en date du 18 juillet 2002, la requérante a demandé l’autorisation de produire l’affidavit supplémentaire de Colleen Biggs. En réponse à sa demande, le président de la Commission des oppositions de marques de commerce lui a signalé qu’aucune demande d’autorisation pour la production d’éléments de preuve supplémentaires  ne pouvait être examinée à moins que les parties aient expressément convenu, sur demande de la partie adverse, que celle-ci aurait la possibilité de contre‑interroger le souscripteur de l’affidavit. Comme la requérante n’est pas allée plus loin dans ses démarches pour l’obtention d’une autorisation, l’affidavit supplémentaire ne fait pas partie du dossier dans la présente instance.

 

Une audience où les deux parties étaient représentées a eu lieu.

 

Le risque de confusion

Les dates pertinentes en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur le risque de confusion sont les suivantes : pour l’enregistrabilité prévue à l’alinéa 12(1)d) - la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]; pour le droit à l’enregistrement prévu au paragraphe 16(1) – la date du premier emploi de la marque par la requérante; pour le caractère non distinctif - la date de production de l’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), p. 130, et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R.(3d) 412 (C.A.F.), p. 424].

 

Le critère établi pour apprécier la confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. En appliquant le critère établi à cet égard au paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids de chacun des éléments pertinents pourra varier en fonction des circonstances [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.); Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

OVU-TRAC et OVU-THERM sont tous deux des termes inventés et possèdent un certain caractère distinctif. Toutefois, chacune des marques possède un caractère suggestif important lorsqu’on examine leur emploi en liaison avec les marchandises visées. 

 

Seule la marque OVU-TRAC semble avoir acquis un caractère distinctif grâce à la publicité, mais il est difficile d’évaluer dans quelle mesure elle est connue.

 

La marque OVU-THERM est employée depuis beaucoup plus longtemps. En date du 18 décembre 1996, la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues joue manifestement en faveur de l’opposante. En date du 3 février 2000, pas moins de 600 trousses OVU-TRAC, dont la valeur en gros s’élève approximativement à 42 000 $, avaient été vendues. À cette date, au moins 3430 thermomètres OVU-THERM, dont la valeur s’élève à 12 000 $, avaient été vendus. En date d’aujourd’hui, les ventes des trousses de la requérante se chiffrent à au moins 750 unités ou 50 000 $, alors que celles de l’opposante s’élèvent à 6500 unités ou 25 000 $. Les ventes de l’opposante peuvent en réalité largement dépasser les montants indiqués aux dates pertinentes vu la confirmation faite par M. Braude que 22,000 boîtes portant la marque OVU-THERM ont été employées depuis 1995.

 

À première vue, il n’y a pas de lien entre les marchandises visées par l’enregistrement de la marque OVU-THERM (thermomètre médical) et les services offerts par la requérante. Toutefois, le lien est beaucoup plus manifeste avec les marchandises (thermomètre basal) pour lesquelles la marque OVU-THERM est actuellement employée, compte tenu que ces marchandises ont en commun la détermination de la période de fertilité. Néanmoins, comme le faisait remarquer l’agent de la requérante, il existe des différences entre les marchandises des parties (des thermomètres d’une part, et des microscopes d’autre part), et il conviendrait de ne pas trop en minimiser l’importance puisque, malgré la similarité du but visé par les marchandises, les moyens utilisés pour y parvenir sont nettement différents.

 

Vu que les produits des parties sont utilisés par les femmes afin qu’elles puissent déterminer leurs périodes de fertilité, il est permis de présumer qu’ils empruntent des voies commerciales identiques.

 

Il existe un degré appréciable de ressemblance entre OVU-TRAC et OVU-THERM mais, comme l’a fait remarquer Mme Biggs, cette similarité découle largement du préfixe commun OVU, lequel est logiquement employé lorsqu’il s’agit de marques de commerce liées à des produits de fertilité. L’idée à laquelle la marque de l’opposante nous fait penser est qu’il est possible d’utiliser ses thermomètres pour déterminer si la température du corps indique qu’une femme est en période d’ovulation. Quant à celle que suggère la marque de la requérante, on peut penser qu’il est possible d’employer ses marchandises et ses services pour cerner la période d’ovulation.

 

Au chapitre des circonstances additionnelles, la requérante a fourni peu d’éléments pour prouver l’emploi de marques contenant le préfixe OVU par les tiers.

 

Il incombe à la requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. Le fardeau imposé à la requérante signifie que lorsqu’une conclusion définie ne peut être tirée une fois que tous les éléments de preuve ont été présentés, la question doit être tranchée en sa défaveur [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293]. À mon avis, toutes les circonstances de l’espèce me portent à conclure qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marchandises et services OVU-TRAC de la requérante et les marchandises OVU-THERM de l’opposante. Ma conclusion est principalement fondée sur l’idée que suggère le préfixe commun OVU, de même que sur l’idée générale que suggère chacune des marques. À mon avis, il est probable que le consommateur canadien moyen ou la personne qui achète des produits pour déterminer la période de fertilité pense que les thermomètres OVU-THERM et les marchandises et services OVU-TRAC visés par la demande ont une source commune. On considère souvent que le premier élément d’une marque joue un rôle plus important dans l’établissement du caractère distinctif, mais lorsqu’un terme est descriptif ou suggestif, la protection qu’on lui accorde est plus restreinte qu’un terme inventé ou unique [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.) et Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

Puisque ma conclusion est la même pour chacune des dates pertinentes, aucun des motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité, sur le droit à l’enregistrement et sur le caractère distinctif n’est bien fondé.

 

L’article 30

L’ancien président de la Commission des oppositions de marques de commerce, M. Partington, a résumé dans l’affaire Ivy Lea Shirt Co. c. Muskoka Fine Watercraft and Supply Co. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562 (C.O.M.C.) aux pages 565 et 566, confirmée par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.), ce en quoi consistent les fardeaux de preuve de chacune des parties relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) :

[traduction] Bien qu’il incombe à la requérante d’établir que sa demande est conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, l’opposante a le fardeau initial d’établir l’existence des faits qu’elle invoque au soutien de son motif fondé sur l’article 30 (voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.) aux pages 329 et 330; et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.)). Toutefois, le fardeau de preuve qui incombe à l’opposante relativement à la question du non‑respect de l’alinéa 30b) de la Loi par la requérante, n’est pas aussi exigeant (voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (T.M.H.O.) à la page 89). De plus, l’opposante peut invoquer les éléments de preuve contenus à l’affidavit de la requérante  pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe dans le cadre de ce motif. Dans ce cas, cependant, l’opposante doit démontrer que la preuve de la requérante est « manifestement » incompatible avec les arguments que cette dernière invoque dans sa demande.

 

La preuve que l’opposante a produite au soutien de son motif d’opposition fondé sur l’article 30 comprend une annonce publicitaire en date du 26 janvier 2000, pour la trousse OVU-TRAC permettant aux femmes d’apprendre à connaître leur période de fertilité naturelle, dans laquelle on mentionne que [traduction] « la Natural Fertility Awareness Company a créé la trousse de tests relatifs à la fertilité naturelle OVU-TRAC ». Compte tenu que Colleen Biggs a cédé ses droits à la Natural Fertility Awareness Company Inc., j’estime qu’il n’est pas indiqué d’accorder une trop grande importance à cette annonce.

 

La preuve de la requérante concernant le premier emploi de la marque OVU-TRAC en liaison avec la trousse permettant aux femmes d’apprendre à connaître leur période de fertilité naturelle est davantage pertinente. Cette preuve comprend une facture établie en date du 4 décembre 1996 pour la vente d’une trousse de tests de fertilité OVU-TRAC et du produit FREESKIN Botanical Formula. En général, lorsqu’une marque de commerce est mentionnée, il ne s’agit pas de l’emploi d’une marque au sens de l’article 4 de la Loi, à moins de faire la preuve que la facture accompagnait les marchandises. En l’espèce, la facture indique que le produit a été expédié le même jour par messagerie Express Post et on a fait la preuve que la marque de commerce était affichée sur un emballage utilisé en 1996 pour le produit OVU-TRAC. La preuve n’est donc pas manifestement incompatible avec la conclusion selon laquelle, en date du 18 décembre 1996, la marque de commerce était employée en liaison avec des trousses de tests de fertilité.

 

Il s’agit alors de savoir si la facture est manifestement incompatible avec la prétention selon laquelle Colleen Biggs aurait personnellement employé la marque de commerce. Le nom de Mme Biggs ne figure nulle part sur la facture. Le nom et l’adresse qui apparaissent dans la partie supérieure sont plutôt les suivants : Nu Focus Canada West, Boîte postale 249, Coronation (Alberta). Il s’agit également de l’adresse fournie au soutien de la demande d’enregistrement initiale par Colleen Biggs, de même que l’adresse du propriétaire actuel de la Natural Fertility Awareness Company Inc. Si l’on examine le premier emballage utilisé pour le produit OVU-TRAC en 1996, aucune adresse n’y est indiquée, et n’y sont pas mentionnés les noms de Colleen Biggs ou de Nu Focus Canada West. On voit plutôt le nom « The Natural Fertility Awareness Company ». La dernière pièce qui pourrait permettre de résoudre ce casse-tête est la déclaration sous serment non contredite de Mme Biggs dans laquelle celle‑ci indique qu’elle a commencé à exploiter l’entreprise se rapportant à OVU-TRAC comme entreprise individuelle et qu’au moment où la Natural Fertility Awareness Company Inc. a été constituée en société, cette société exploitait l’entreprise.

 

Lors de l’audience, l’agent de l’opposante a fait valoir qu’aucun élément au dossier ne permettait de déterminer le rôle de Nu Focus Canada West et qu’il pouvait s’agir d’un détaillant. Si tel était le cas, l’acheteur croirait que le nom qui figure sur l’emballage utilisé lors de la première vente est la source des marchandises OVU-TRAC. Toutefois, peut‑on raisonnablement conclure que l’emballage qu’on prétend avoir utilisé en 1996 a réellement été utilisé dans le cas du produit expédié le 4 décembre 1996? Je crois que oui. Par conséquent, je conclus que la preuve produite par la requérante a permis à l’opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard des trousses permettant aux femmes d’apprendre à connaître leur période de fertilité naturelle. Par ailleurs, la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que Colleen Biggs employait personnellement la marque de commerce OVU-TRAC en liaison avec ces mêmes trousses à la date revendiquée de premier emploi. Il ressort de la preuve que le public aurait identifié The Natural Fertility Awareness Company ou Nu Focus Canada West comme étant la source des trousses en 1996. Il n’aurait pas été difficile pour Mme Biggs d’expliquer ses liens avec chacune de ces personnes morales. L’absence d’explication fait en sorte que la requérante n’a pu s’acquitter du fardeau qui lui incombe en vertu de l’article 30, du moins en ce qui concerne les [traduction] « trousses permettant aux femmes d’apprendre à connaître leur période de fertilité naturelle ».

 

L’opposante a indiqué qu’aucun élément ne fait la preuve du premier emploi, voire de tout autre emploi, de la marque OVU-TRAC en liaison avec les services et les marchandises, sauf ceux qui sont liés à la [traduction] « trousse permettant aux femmes d’apprendre à connaître leur période de fertilité naturelle ». Cette réalité n’impose toutefois pas à la requérante l’obligation de produire de tels éléments de preuve en l’absence de tout élément qui pourrait permettre de conclure que la requérante n’a pas employé la marque relativement à ces autres marchandises et services à la date de premier emploi qu’elle revendique. En d’autres termes, l’opposante ne n’est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombe, si peu exigeant soit‑il, à l’égard des autres marchandises et services.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’article 30 est donc bien fondé uniquement en ce qui concerne [traduction] « la trousse permettant aux femmes d’apprendre à connaître leur période de fertilité naturelle ».

 

Le caractère distinctif

Avant de terminer, j’aimerais répondre aux arguments présentés par l’opposante concernant l’absence de caractère distinctif de la marque de la requérante causé par la présence d’autres noms, pour lesquels aucune explication n’a été fournie, employés en liaison avec le produit à différentes dates. Je n’ai pas à me prononcer sur la validité d’un tel argument et ce, simplement parce que le motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif n’a pas été défendu de façon suffisamment approfondie pour que la question puisse être prise en considération. Si l’opposante voulait faire valoir que la marque de commerce de la requérante n’était pas distinctive parce que d’autres noms avaient été employés en liaison avec les produits OVU-TRAC, elle aurait dû demander l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition.

 

Décision

À titre de personne déléguée par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la demande relativement aux marchandises décrites comme étant [traduction] « la trousse permettant aux femmes d’apprendre à connaître leur période de fertilité naturelle », et rejette l’opposition concernant les autres marchandises et services en application du paragraphe 38(8) de la Loi. Le droit de rendre une décision partagée est énoncé dans Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH, 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.).

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), CE 7e JOUR D’OCTOBRE 2003.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions de marques de commerce

 

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