Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE CONCERNANT L’OPPOSITION

de Sports and Entertainment Inc. à la demande

no 746,924 produite par SkyDome Corporation

(successeur en titre à Stadium Corporation

of Ontario Limited) en vue de l’enregistrement de la

marque de commerce WORLDS ONLY SPORTS AND

ENTERTAINMENT HOTEL

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Le 4 février 1994, la requérante SkyDome Corporation (par l’entremise d’un prédécesseur en titre) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce WORLDS ONLY SPORTS AND ENTERTAINMENT HOTEL.  La demande est basée sur :

(1) l’emploi projeté de la marque en liaison avec une longue liste de marchandises relevant de la catégorie générale suivante :

 

 

jouets et jeux, accessoires de bébé, articles de sport, vêtements, chaussures, fournitures de bureau et papeterie, trousses d’école, matériel d’emballage, publications, affiches, valises, articles de souvenir, bijoux, poignées, coussins, verrerie, céramique, porcelaine, coutellerie, linges de maison, caméras, nettoyants, produits alimentaires et confiseries;

 

(2) l’emploi de la marque depuis au moins octobre 1993 en liaison avec :

 

(1)               des chemises de classement et des cartes postales;

(2)               l’exploitation d’un hôtel.

 

 

La requérante a renoncé à l’usage exclusif du mot SPORTS à l’égard de ces articles qui se rapportent aux articles de sports et a renoncé à l’usage des mots ENTERTAINMENT HOTEL à l’égard de l’exploitation d’un hôtel.

La présente demande a été annoncée aux fins de toute opposition éventuelle dans le Journal des marques de commerce du 16 août 1995, mais n’a fait l’objet d’une opposition officielle que le 13 février 1997.  À cet égard, la requérante a consenti à ce que plusieurs prolongations de délai soient accordées à l’opposante afin que celle-ci  puisse s’opposer à la demande visée aux présentes, car les parties examinaient la possibilité de conclure un règlement.  Le 10 mars 1997, une copie de la déclaration d’opposition a été transmise à la requérante.  En réponse, la requérante a produit et signifié sa contre-déclaration.  Par la suite, à deux occasions, l’opposante a demandé et obtenu l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition (voir les décisions de la Commission en date du 26 octobre 1998 et du 20 mai 1999.  La deuxième déclaration d’opposition modifiée porte la date du 15 février 1999.  En réponse à la première déclaration d’opposition modifiée, la requérante a produit une contre-déclaration modifiée en date du 4 décembre 1998.

 

Suivent les motifs d’opposition invoqués.

 

3. Les motifs d’opposition sont les suivants :

 

(a)    La demande ne se conforme pas aux exigences de l’article 30, plus particulièrement aux dispositions suivantes :

(i)                 l’alinéa 30a), car la demande ne renferme aucun état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquels la marque a été employée ou sera employée;

(ii)               l’alinéa 30b), car la demande ne renferme pas la date exacte à compter de laquelle la requérante ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce au Canada en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande.  L’opposante conteste l’allégation contenue dans la demande selon laquelle la requérante ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont employé la marque au Canada, et, plus particulièrement, en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande depuis au moins octobre 1993 ou de quelque façon que ce soit. De plus, même si la marque a été employée au Canada, ce qui n’est pas admis ou nié, elle n’a pas été employée continuellement depuis cette date en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

(iii)             l’alinéa 30e), car la demande ne renferme pas une déclaration portant que la requérante a l’intention d’employer cette marque de commerce au Canada;

(iv)             l’alinéa 30i), car la demande ne renferme pas une déclaration portant que la requérante est convaincue qu’elle a droit d’employer la marque de commerce au Canada, telle que celle-ci est exigée, et comme la requérante ne pouvait pas être et ne peut toujours pas être convaincue qu’elle a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises et services décrits dans la demande, étant donné qu’à la date de dépôt de la demande, la requérante connaissait très bien la marque de commerce et le nom commercial de l’opposante décrits aux présentes et savait que l’opposante continuait de les employer.  De plus, la requérante ne pouvait pas être convaincue de son droit à employer la marque au Canada, car elle n’a jamais eu l’intention de l’employer comme marque de commerce, mais plutôt comme slogan générique;

 

(b)   la marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de :

(i)                 l’alinéa 12(1)d), car elle crée de la confusion au sens des articles 2 et 6 avec une marque de commerce déposée et plus particulièrement avec la marque de commerce déposée valide et non périmée suivante appartenant à l’opposante :

 

MARQUE DE COMMERCE -- No D’ENREGISTREMENT--DATE D’ENREGISTREMENT

SPORTS &                             405,155                              20 novembre 1992

ENTERTAINMENT

INC.

 

(ii)               l’alinéa 12(1)b), car qu'elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle ne donne pas une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d'origine de ces marchandises ou services;

 

(c)    la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque compte tenu des dispositions de :

 

(i)                 l’alinéa 16(1)a) et de l’alinéa 16(3)a), car à la date du dépôt de la demande, la marque créait de la confusion au sens des articles 2 et 6 avec au moins une marque de commerce qui avait été antérieurement employée au Canada par une autre personne, et surtout avec la marque de commerce SPORT & ENTERTAINMENT INC. de l’opposante qui était employée au Canada depuis au moins le 28 septembre 1992 en liaison avec des « publications imprimées » et des services « de publication; de marketing d’événements, notamment la concession de licence et de mise en marché; la promotion d’événements par la concession de licence et la mise en marché, y compris les événements sportifs; le parrainage de représentation; la production de vidéo et la production télévisuelle et la consultation sur tout ce qui précède »;

(ii)               l’alinéa 16(1)c) et de l’alinéa 16(3)c), car à la date du dépôt de la demande et à la date alléguée du premier emploi, la marque créait de la confusion au sens des articles 2 et 6 avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne, et plus particulièrement avec Sports and Entertainment Inc., un nom commercial employé au Canada par l’opposante depuis au moins le 28 septembre 1992 en liaison avec les marchandises et services mentionnés à l’alinéa 3(c)(i) ci-dessus.

 

4. La marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2, car elle ne distingue pas réellement et n’est pas apte à distinguer les marchandises et services de la requérante, tels que ceux-ci sont énoncés dans la demande, des marchandises et services des autres et plus particulièrement des marchandises et services de l’opposante en liaison avec lesquels celle-ci a employé et continue d’employer sa marque de commerce et son nom commercial, mentionnés ci-dessus, au Canada.

 

 

            La preuve de l’opposante consiste en l’affidavit de M. Buzz Carroll, président de la société opposante.  La preuve de la requérante consiste en l’affidavit de M. Gregory Howson, vice-président des finances de la société requérante.  M. Howson a été contre-interrogé à l’égard de son affidavit. Les pièces liées au contre-interrogatoire, la transcription y afférente et les réponses liées aux engagements (en date du 16 juillet 1999) font partie du dossier de la preuve.  Aucune des parties n’a présenté de mémoire écrit et n’a demandé d’audition orale.

 

            Les éléments de preuve de la requérante présentés au moyen de l’affidavit de M. Howson peuvent être résumés de la façon suivante : Stadium Corporation of Ontario Limited (ci-après Stadium) était une société d’État de l’Ontario constituée en vue de la construction, au centre-ville de Toronto, d’un stade sportif polyvalent avec toit rétractable et d’installations connexes.  La construction a commencé en 1986.  L’une des installations consistait en un hôtel qui a ouvert ses portes à la fin de 1989.  L’hôtel constitue une partie du stade lui-même et comporte des chambres et faisant face à l’aire de jeu.  En 1994, la requérante SkyDome a acquis les actifs du stade, y compris l’hôtel susmentionné et la marque de commerce WORLD’S ONLY SPORTS AND ENTERTAINMENT HOTEL visés aux présentes.  SkyDome a confié à la société Canadian Pacific Hotels Corporation (ci-après CP) l’exploitation, pour son compte, de l’hôtel, connu sous le nom de SkyDome Hotel.  SkyDome a également accordé une licence à CP l’autorisant à employer les marques de commerce SkyDome, la marque visée aux présentes WORLD’S ONLY SPORTS AND ENTERTAINMENT HOTEL et d’autres marques de commerce appartenant à SkyDome.  Les pièces jointes B-1 à B-7, C-1 à C-3 et D-1 à D-6 sont des exemples de littérature promotionnelle et d’annonce concernant le SkyDome Hotel.  De plus, il semble selon la transcription du contre-interrogatoire de M. Howson que les marchandises visées par la présente demande seraient vendues par CP sous la marque visée par la demande dans le cadre du programme de mise en marché de CP et de SkyDome de sorte à profiter des installations sportives et hôtelières uniques qu’ils exploitent : voir la page 15 de la transcription du contre-interrogatoire de M. Howson.

 

            Il ressort de l’examen des pièces jointes à l’affidavit de M. Howson, que la marque de commerce WORLD’S ONLY SPORTS AND ENTERTAINMENT HOTEL visée par la demande figure presque toujours très près des marques de commerce CANADIAN PACIFIC et SKYDOME HOTEL, comme dans l’exemple de marque figurant ci-dessous :

 

 

 

Il n’y a pas d’exemple montrant un emploi sans équivoque de la phrase visée par la demande en soi à titre de marque commerce.  Toutefois, il y a de nombreux exemples d’emploi de la phrase « world’s only sports and entertainment hotel » de manière clairement descriptive, par exemple :

 

Pièce B-1 Demeurer dans le « world’s ONLY sports and entertainment hotel » qui offre un ensemble de divertissements…

 

Pièce B-2 Skydome Hotel, le « world’s Only sports and entertainment hotel » offre cet hiver de nouveaux forfaits extraordinaires…

 

Pièce D-5 Skydome Hotel est le « world’s only sports and entertainment hotel ». Situé au coeur du district du divertissement de Toronto…

 

Pièce D-6 Choisissez le forfait « world’s only sports and entertainment » juste pour vous! NOUS SOMMES BRANCHÉS à tous les meilleurs divertissements de la ville…

 

De plus, la requérante admet à la page 30 de la transcription du contre-interrogatoire que la phrase « world’s only sports and entertainment hotel » ne serait pas employée séparément et sans la marque de commerce SKYDOME HOTEL :

 

Mme SPRING ZIMMERMAN: [TRADUCTION] Je crois que vous y arrivez, M. MacPhee—puis-je vous demander ceci ou vous le dire de cette façon, et je crois que le témoin essaie de vous dire, et dans le cas contraire, il peut vous le dire lui-même.  Je crois qu’il est possible que l’hôtel puisse annoncer la marque de commerce Skydome Hotel sans parfois utiliser les mots World’s Only Sports and Entertainment Hotel.  Donc, il est possible que cela se fasse.  Le contraire ne serait jamais fait.

 

LE DÉPOSANT : C’est ça.

 

Mme SPRING ZIMMERMAN : Jamais la phrase World’s Only Sports and Entertainment Hotel ne serait annoncée sans la marque de commerce Skydome.

 

            La question est donc de savoir si l’emploi de la phrase « world’s only sports and entertainment hotel » par la requérante par l’entremise de son titulaire de licence CP constitue un emploi en tant que marque de commerce.  C’est la question qui est, je crois, soulevée par l’opposante dans (1) l’alinéa 3(a)(iv) de la déclaration d’opposition lorsque l’opposante allègue que la phrase « world’s only sports and entertainment hotel » est employée en tant que « slogan générique » plutôt que comme marque de commerce et dans (2) l’alinéa 3(b)(ii) lorsque l’opposante allègue que la marque est clairement descriptive ou trompeuse.  Le critère à appliquer consiste à se demander si le public percevrait, comme première impression en voyant la phrase, qu’elle est employée en tant que marque de commerce : voir la décision relative à l’opposition dans Nightingale Interloc Ltd. v. Prodesign Ltd. ( 1984), 2 C.P.R. (3d) 535 à la p. 538.

 

            Dans la présente affaire, le fait que la phrase « world’s only sports and entertainment hotel » soit descriptive des services de la requérante, que la phrase soit réellement employée de façon descriptive par la requérante par l’entremise de son titulaire de licence CP dans la publicité et la promotion, et que la phrase soit un élément constitutif d’une marque composée (telle qu’elle a été illustrée ci-dessus) appuient la prétention de l’opposante selon laquelle le public ne percevrait pas la phrase visée par la demande en soi comme étant employée en tant que marque de commerce.  En particulier, l’emploi de la marque composée plutôt que la phrase visée par la demande en soi suppose que le public ne séparerait pas, comme première impression, la phrase de la marque composée.  À cet égard, on peut se fonder sur Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour L’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), 4 C.P.R.(3d) 523 à la p. 525 (C.A.F.).  Dans Honeywell, précitée, la Cour a indiqué ce qui suit en ce qui concerne la question de savoir si l’emploi de la marque composée CII HONEYWELL BULL constituait l’emploi de la marque déposée BULL :

 

Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d’une façon telle qu’elle n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée.

 

La Cour a conclu que l’emploi de la marque composée ne constituait pas un emploi de la marque BULL.

 

            Dans la présente affaire, on peut se demander si la phrase « world’s only sports and entertainment hotel » était employée de manière à ce que la phrase demeure reconnaissable en tant que marque de commerce malgré l’emploi descriptif de la phrase et malgré son emploi en tant qu’élément de marque composée.  À cet égard, je suis conscient que la taille et le style du lettrage de la phrase « world’s only sports and entertainment hote » dans la marque composée ne sont pas les mêmes que ceux des éléments CANADIAN PACIFIC et SKYDOME HOTEL. Néanmoins, après avoir examiné tous les facteurs concernés, j’arrive à la conclusion que la prépondérance des probabilités favorise la position voulant que le public ne percevrait pas l’emploi de la phrase « world’s only sports and entertainment hotel » en soi comme l’emploi de la marque de commerce.  Par conséquent, j’accueille le motif d’opposition soulevé à l’alinéa 3(a)(iv) de la déclaration d’opposition concernant l’emploi de la marque visée par la demande en tant que « slogan générique ».

 

            Dans les circonstances, il ne m’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition qui restent.  J’ajouterais, cependant, que même si j’avais conclu que la phrase visée par la demande était employée par la requérante en tant que marque de commerce, l’opposante aurait probablement eu gain de cause en raison des motifs d’opposition selon lesquels il est allégué que la requérante n’a pas le droit d’enregistrer la marque visée par la demande et que la marque visée par la demande n’est pas distinctive des marchandises et services de la requérante.  À cet égard, l’affidavit de M. Carroll, produit au nom de l’opposante, établit qu’à toutes les périodes pertinentes la marque et le nom commercial SPORTS & ENTERTAINMENT INC. de l’opposante étaient bien établie.  L’opposante emploie sa marque et son nom commercial dans le domaine des services de publication aux fins de diverses organisations sportives professionnelles, notamment la ligue majeure de baseball, la ligue nationale de hockey, la ligue canadienne de football et l’association nationale du basketball.  Selon la prépondérance des probabilités, j’aurais probablement conclu que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait d’établir que la marque visée par la demande ne créait pas de la confusion avec la marque et le nom commercial de l’opposante.

 

            Compte tenu de ce qui précède, la demande visée aux présentes est rejetée.

 

 

FAIT À GATINEAU, QUÉBEC, CE 10e JOUR D’OCTOBRE 2002.

 

 

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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