Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 COMC 79

Date de la décision: 2011-05-31

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Red Bull GmbH à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,287,307 pour la marque de commerce Red NRJ au nom de 9087-1047 Québec Inc.

[1]               Le 24 janvier 2006, 9087-1047 Québec Inc. (la Requérante) a produit une demande pour l'enregistrement de la marque de commerce Red NRJ (la Marque) en liaison avec les marchandises suivantes : « boisson énergisante, rafraîchissante contenant des extraits de guarana, de ginseng, de gingko biloba, d’échinacée et de vitamine C ». La demande est fondée sur l’usage de la Marque au Canada depuis le 9 janvier 2006. La Requérante s’est désisté du droit à l’usage exclusif du mot « red » en dehors de la Marque.

[2]               La demande a été annoncée pour fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 avril 2007.

[3]               Le 25 septembre 2007, Red Bull GmbH (l’Opposante) a produit une déclaration d'opposition. Les motifs d’opposition soulevés en vertu de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi ») sont à l’effet que: (i) la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi parce qu’elle prête à confusion avec la marque de commerce RED BULL (enregistrements nos LMC550,062 et LMC649,668) de l’Opposante; (ii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)(a) de la Loi parce qu’elle prête à confusion avec la marque de commerce RED BULL antérieurement employée par l’Opposante au Canada en liaison avec des boissons énergisantes; (iii) la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)(b) de la Loi parce qu’elle est clairement descriptive de la nature ou de la qualité des marchandises; et (iv) la Marque n’est pas distinctive en ce qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises de l’Opposante.

[4]               La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs invoqués dans la déclaration d’opposition.

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit de Tim O’Hara, daté du 26 mai 2008, accompagné de ses Pièces 1 à 10, de même qu’un affidavit de Victor J. Boucher, daté du 29 mai 2008, accompagné de ses Pièces VJB-1 et VJB-2. MM. O’Hara et Boucher n’ont pas été contre-interrogés.

[6]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de Frédéric Simard, daté du 16 décembre 2008, accompagné de ses Pièces FS-1 à FS-13. M. Simard n’a pas été contre-interrogé.

[7]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit et a participé à une audience.

Fardeau de preuve

[8]               Il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il échoit à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.); et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company (2005), 41 C.P.R. (4th) 223 (C.F.)].

[9]               Avant d’analyser les motifs d’opposition, je vais procéder à une révision relativement sommaire de la preuve au dossier.

Preuve de l’Opposante

Affidavit de Tim O’Hara

[10]           M. O’Hara est Vice-président, Finances et Administration de Red Bull Canada Inc., une filiale à part entière de l’Opposante.

[11]           M. O’Hara discute de l’histoire de la marque RED BULL et de la commercialisation mondiale de la boisson énergisante qui y est associée 2 à § 7]. Selon ses déclarations, la boisson RED BULL a connue un très grand succès auprès des jeunes, des athlètes et des groupes sportifs dès son lancement en Autriche, en 1987 2 et § 3]. M. O’Hara précise que l’Opposante commercialise la boisson RED BULL par l’entremise de distributeurs situés dans chaque pays, ces distributeurs étant soit des partenaires, soit des filiales à part entière de l’Opposante 5].

[12]           La boisson RED BULL est vendue au Canada depuis le 27 juillet 2004 [Pièce 1]. M. O’Hara déclare que de 2004 à 2007, l’Opposante a vendu « over 129.5 million units in Canada, with the unit sales numbers rising from 4.4 million sold in 2004, to 56.6 million units in 2007 » 6]. Au début de 2008, le prix de vente au détail d’une cannette (250 ml) de boisson RED BULL était 2,49 $ - 2,69 $ au Canada 7].

[13]           Selon les déclarations de M. O’Hara, l’Opposante a enregistré la marque RED BULL de même que son habillage commercial (« trade dress ») dans plus de 203 juridictions [§ 8].

[14]           Une partie importante de l’affidavit de M. O’Hara est consacrée aux activités publicitaires et promotionnelles entourant la commercialisation de la boisson RED BULL à l’échelle mondiale, incluant au Canada [§ 9 à § 27, Pièces 2 à 6; § 31 et § 32, Pièces 9 et 10]. Ces activités se font par l’entremise des médias électroniques (télévision, radio, cinéma), d’activités marketing de toutes sortes, de parrainage (« sponsorship ») d’athlètes, d’événement sportifs, d’évènements culturels et d’une myriade d’autres activités de même que par l’entremise de sites web de l’Opposante.

[15]           En ce qui concerne le Canada, M. O’Hara déclare que l’Opposante a dépensé plus de 19 millions de dollars entre 2004 et 2007 pour la promotion de la boisson RED BULL par l’entremise de médias électroniques, débutant par 1,587 millions de dollars en 2004 pour excéder 9,2 millions de dollars en 2007 [§ 9]. M. O’Hara identifie les noms de 17 athlètes canadiens qui ont été parrainés par l’Opposante de même que les noms de nombreux évènements sportifs, culturels et autres tenus au Canada et parrainés ou soutenus par l’Opposante au cours des années, débutant en 2004 [§ 24 à § 27]. Il fournit également les adresses de cinq sites web canadiens de l’Opposante [§ 31].

[16]           M. O’Hara discute de la distribution pondérée et de la part de marché (« weighted distribution and market share ») de la boisson RED BULL [§ 28]. Je reproduis ci-dessous un tableau retrouvé dans l’affidavit et reflétant des données qui semblent émaner de « AC Nielsen Global Services » [Pièce 7] :

Country

Year

Weighted Distribution

Market Shares

(Value)

Canada

2005

98.0%

52.7%

Canada

2006

99.0%

50.3%

 

[17]           M. O’Hara fait également état de résultats d’études menées par différents instituts de pointe relativement à la reconnaissance spontanée et assistée (« awareness studies (spontaneous and aided) ») de la marque RED BULL [§ 29, Pièce 8]. Je reproduis ci-dessous un tableau retrouvé dans l’affidavit relativement aux résultats des études pour le Canada :

Country

Year

Aided Awareness

Spontaneous Awareness

Canada

2004

78.0%

35.0%

Canada

2005

85.0%

48.0%

Canada

2006

97.0%

57.0%

Canada

2007

98.0%

82.0%

 

[18]           Bien qu’un témoignage fondé sur des données recueillies par une tierce partie constitue une preuve par ouï-dire inadmissible, considérant l’affidavit de M. O’Hara dans son ensemble, j’admets aisément que RED BULL se qualifie comme une marque de commerce bien connue au Canada.

Affidavit de Victor J. Boucher

[19]           M. Boucher, professeur agrégé en linguistique et sciences phonétiques à l’Université de Montréal, est présenté comme témoin expert. Il détient notamment un Ph. D en linguistique, phonétique. Son curriculum vitae est joint à l’affidavit [Pièce 1].

[20]           M. Boucher témoigne de la façon dont les Canadiens de langue française sont susceptibles de prononcer les lettres NRJ dans la Marque pour une boisson énergisante. Il conclut son témoignage en exprimant l’opinion qu’en prononçant ces lettres en succession, « …the reading would in all likelihood evoke the word ‘énergie’… » [§ 6].

[21]           Je n’éprouve aucune difficulté à reconnaître que M. Boucher est compétent pour formuler une opinion d’expert. De plus, après avoir examiné les faits ou postulats à partir desquels il justifie son opinion, afin d’évaluer aussi bien la validité de l’opinion que le processus par lequel elle a été formée [voir William H. Rorer (Canada) Ltd. c. Johnson & Johnson (1980), 48 C.P.R. (2d) 58 (C.F. 1re inst.)], j’estime que l’opinion de M. Boucher est admissible en preuve.

Preuve de la Requérante

[22]           M. Simard, Président de la Requérante depuis sa constitution le 31 janvier 2000, déclare que la Requérante est une entreprise œuvrant dans le domaine de la distribution de produits alimentaires [§ 1 et § 4].

[23]           M. Simard déclare que la Marque est employée au Canada par la Requérante en liaison avec les marchandises identifiées dans la demande depuis au moins aussitôt que le 9 janvier 2006. Il ajoute que « cette boisson énergisante, de couleur jaune, est commercialisée dans un habillage distinctif » [§ 5, Pièce FS-1].

[24]           Selon les déclarations de M. Simard, les boissons énergisantes associées à la Marque « sont fabriquées par les Breuvages Kiri en vertu d’un contrat de licence » par lequel la Requérante « contrôle les caractéristiques et la qualité des marchandises vendues sous la Marque » [§ 6]. Les boissons fabriquées sous licence par les Breuvages Kiri sont distribuées au Canada par Philippe Simard & Fils Ltée, une compagnie dont M. Simard est un des administrateurs [§ 7 et § 8].

[25]           Depuis 2006, les ventes de boissons associées à la Marque se chiffrent à environ 290 000 $ [§ 9]. M. Simard joint à son affidavit un échantillonnage de factures pour les années 2006 à 2008 [Pièce FS-2] de même qu’un échantillonnage d’étiquettes [Pièce FS-3]. Je note que l’avis reproduit ci-dessous se retrouve sur les deux étiquettes jointes sous la Pièce FS-3:

Marque déposée / Trade Mark

Fabriqué avec l’autorisation de / Produced under the authority of :

Breuvages Red Champagne inc. Québec G8L 1P5

[26]           Il n’y a aucune information dans l’affidavit de M. Simard quant à la relation entre Breuvages Red Champagne inc. et la Requérante ou Breuvages Kiri que M. Simard identifie spécifiquement comme étant le licencié de la Requérante. Force est de constater qu’il n’y a aucun élément de preuve visant à démontrer que la Requérante contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des boisson énergisantes « fabriquées avec l’autorisation » de Breuvages Red Champagne inc., tel que requis par l’article 50(1) de la Loi.

[27]           Toujours selon les déclarations de M. Simard, les dépenses encourues par la Requérante depuis 2006 pour la publicité et la promotion des boissons associées à la Marque sont évaluées à au moins 29 000 $ [§ 11]. La Requérante « fait régulièrement » la promotion et la publicité des boissons associées à la Marque « dans diverses publications imprimées (telles que journaux, affiches, etc.) et via la radio » [§ 12]. À titre illustratif, M. Simard produit des exemples d’annonces dans des journaux et une affiche [Pièce FS-4], une bande sonore d’une annonce radio [Pièce FS-5] de même que des photos d’une voiture et d’un t-shirt employés lors de promotions [Pièce FS-6]. Je note que la Pièce FS-6 n’est pas limitée aux photos mentionnées par M. Simard; on y retrouve deux étiquettes autocollantes de même qu’une photo de ce qui semble être un présentoir frigorifique.

[28]           Une part importante de l’affidavit de M. Simard porte sur la commercialisation et la promotion, dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean, de liqueurs douces associées aux marques de commerce Red CHAMPAGNE et Red POMME VERTE de la Requérante et dont la compagnie Philippe Simard & Fils Ltée est également le distributeur [§ 17 à § 26, Pièces FS-7 à FS-12]. Parmi les pièces pertinentes, on retrouve les détails de l’enregistrement no LMC315,860 pour la marque de commerce RED CHAMPAGNE (originalement détenu par un prédécesseur en titre de la Requérante et cédé à celle-ci en octobre 2000), de même qu’un échantillonnage d’étiquettes illustrant l’emploi de la marque Red CHAMPAGNE depuis 2000 et de la marque Red POMME VERTE depuis au moins aussitôt que le mois d’août 2007. Encore une fois, je note que les étiquettes portent la mention suivante :

Fabriqué avec l’autorisation de / Produced under the authority of :

Breuvages Red Champagne inc. Québec G8L 1P5

 

[29]           Au paragraphe 27 de son affidavit, M. Simard déclare que la Marque fait « partie intégrante de la famille de produits ‘Red’ » mentionnés dans son affidavit. En raison de ses années d’expérience, il affirme pourvoir dire que le domaine des breuvages est un « domaine hautement saturé où le consommateur est régulièrement confronté à des marques de commerce empruntant des sonorités ou des éléments communs, tel que ‘red’, mais appartenant à des sources différentes ». Il ajoute: « Compte tenu de ce contexte particulier, je suis d’avis qu’un consommateur confronté à la marque Red NRJ en liaison avec des boissons énergisantes, ne serait pas porté à croire qu’il s’agit de produits associés à l’Opposante. » Je n’accorde aucune signification à ces déclarations. Outre le fait qu’elles sont intéressées, les déclarations de M. Simard constituent des conclusions de droit qui doivent être déterminées par le registraire sur la base de la preuve versée au dossier.

[30]           M. Simard conclut son affidavit en produisant « des photos illustrant des boissons énergisantes comportant le terme ‘red’, soit les boissons RED DRAIN et RED FIRE, lesquelles se retrouvent actuellement sur le marché » [§ 28, Pièce FS-13].

Analyse des motifs d’opposition

[31]           Je vais procéder à l’analyse des motifs d’opposition, mais pas nécessairement dans l’ordre dans lequel ils ont été plaidés.

Enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi

[32]           La date pertinente pour l’appréciation de la probabilité de confusion conformément aux dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F)].

[33]           Après avoir exercé la discrétion du registraire, je confirme que l’Opposante détient les enregistrements nos LMC550,062 et LMC649,668 pour la marque RED BULL en liaison avec « non-alcoholic beverages, namely sports drinks and energy drinks » (nLMC550,062) et « (1) non-alcoholic cocktails; (2) non-alcoholic drinks, namely energy and sports drinks » (no LMC649,668). Puisque l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de confusion entre la Marque et la marque de commerce RED BULL de l’Opposante.

[34]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[35]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.) pour une analyse approfondie des principes généraux applicables au test en matière de confusion].

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[36]           En ce qui concerne le caractère distinctif inhérent des marques en cause, je note d’une part que les mots « red » et « bull » sont des mots courants de la langue anglaise. D’autre part, la preuve démontre que les lettres « nrj » associées à des boissons énergisantes ont une connotation suggestive pour un Canadien de langue française. Lors de l’audience, l’Opposante a soumis que malgré l’absence de preuve à cet effet il est raisonnable de conclure que pour un Canadien de langue anglaise les lettres « nrj » associées à des boissons énergisantes évoquent également dans une certaine mesure le mot « energy ». Je suis d’accord avec l’Opposante. Quoiqu’il en soit, ainsi que l’a précisé la Cour dans Smithkline Beecham Corporation c. Pierre Fabre Médicament (2001), 11 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.), dès lors qu’il y a risque de confusion dans l’une ou l’autre des deux langues officielles du pays, une marque de commerce ne peut être enregistrée.

[37]           En définitive, je suis d’avis que les marques de commerce en cause possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent, même si l’on peut soutenir que celui de la Marque est plus faible compte tenu de son caractère suggestif.

[38]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion et l’emploi. Bien que la preuve de la Requérante démontre que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada, la preuve de l’Opposante démontre que la marque RED BULL est devenue bien connue à travers le Canada. J’ajouterais que la Pièce FS-3 à l’affidavit de M. Simard tend à établir que la Marque a pu devenir connue au Canada comme une marque de commerce de Breuvages Red Champagne inc. plutôt que de la Requérante.

[39]           Je conclus sans difficulté que, dans leur ensemble, les circonstances afférentes à l’article 6(5)(a) de la Loi favorisent l’Opposante de façon significative.

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[40]           La demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi de la Marque depuis le 9 janvier 2006. Cependant, la preuve tend à démontrer que l’emploi de la Marque ne bénéficie pas à la Requérante, d’où la difficulté d’attribuer une date de premier emploi de la Marque par la Requérante. Quoiqu’il en soit, puisque la preuve démontre l’emploi de la marque RED BULL depuis juillet 2004, la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage favorise l’Opposante.


c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

[41]           Il n’a pas de différence entre les marchandises décrites dans la demande et les marchandises « energy drinks » mentionnées dans les enregistrements de l’Opposante. En ce qui concerne la nature du commerce, il faut reconnaître que ni M. O’Hara, ni M. Simard ne discute explicitement des créneaux de commerce des parties. Par contre, les marchandises étant identiques, il est logique de conclure qu’elles sont destinées aux mêmes consommateurs et donc susceptibles de circuler dans les mêmes créneaux de commerce. De plus, tel que soumis par l’Opposante, nous sommes en présence de produits de consommation courante. Il est bien établi en droit qu’un consommateur portera moins attention à l’achat d’un produit de consommation courante qu’à l’achat d’un produit coûteux, tel une voiture ou un réfrigérateur [voir General Motors Corp. c. Bellows (1949), 10 C.P.R. 101 (C.S.C)].

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[42]           Compte tenu des déclarations de MM. O’Hara et Simard quant à l’habillage commercial des marchandises de chaque partie, je rappelle que je dois comparer la marque telle que présentée dans la demande, soit Red NRJ, avec la marque telle qu’enregistrée, soit RED BULL. En conséquence, l’habillage commercial des produits n’est pas pertinent dans l’évaluation du degré de ressemblance entre les marques en cause.

[43]           J’estime que les marques de commerce en cause lorsque considérées dans leur ensemble présentent un degré de ressemblance assez élevé. En plus d’être chacune formée de deux éléments, le premier élément de chaque marque est identique. Il est généralement reconnu que le premier élément d'une marque de commerce est plus important que ce qui suit pour établir une distinction [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst)]. De plus, je souscris à l’opinion de l’Opposante à l’effet que les lettres « nrj » ne sont pas susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception de la Marque par un consommateur moyen compte tenu de la connotation suggestive qui s’y rattache. Finalement, chaque marque suggère l’idée que la personne qui consommera la boisson énergisante va « être d’attaque ».

Circonstances additionnelles

[44]           Les représentations de l’Opposante m’amènent à commenter la preuve de la Requérante relative aux marques Red CHAMPAGNE et Red POMME VERTE et à « la présence sur le marché » des boissons RED DRAIN et RED FIRE à titre de circonstances additionnelles.

[45]           Je note d’entrée de jeu que je n’accorde aucune signification au fait que la Requérante détient l’enregistrement no LMC315,860 pour la marque de commerce RED CHAMPAGNE. La propriété de cet enregistrement ne confère pas automatiquement à la Requérante le droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque [voir American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 571 (C.O.M.C.); Ralston Purina Canada Inc. c. H.J. Heinz Co. of Canada (2000), 6 C.P.R. (4th) 394 (C.O.M.C.)].

[46]           De plus, les spécimens d’usage des marques de commerce Red CHAMPAGNE et Red POMME VERTE démontrent l’emploi par la compagnie Breuvages Red Champagne inc. Je rappelle l’absence de preuve établissant que la Requérante contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises « fabriquées avec l’autorisation » de Breuvages Red Champagne inc. Puisque la preuve ne démontre pas que l’emploi des marques Red CHAMPAGNE et Red POMME VERTE bénéficie à la Requérante, je ne suis pas disposée à conclure que la Requérante détient une famille de marques composées du terme « red ». J’ajouterais que s’il était conclu que la Requérante a prouvé l’existence d’une famille de marques composées du terme « red », il devrait être conclu qu’il ne s’agit pas d’une famille de marques associées à des boissons énergisantes.

[47]           Finalement, je souscris complètement à l’opinion de l’Opposante à l’effet que la simple déclaration de M. Simard relativement aux boissons RED DRAIN et RED FIRE ne suffit pas à elle seule à établir que des marques de commerce comportant le mot « red » sont couramment employées sur le marché canadien en liaison avec des boissons énergisantes. Outre le fait que la déclaration de M. Simard ne constitue pas en soi une preuve concluante de l’emploi continu des marques de commerce RED DRAIN et RED FIRE pour une période et un territoire donnés, je ne suis pas prête à inférer que les marques RED DRAIN et RED FIRE sont la propriété d’entités distinctes.

Conclusion – probabilité de confusion

[48]           Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai tenu compte du fait que ce test tient à la première impression et au souvenir imparfait. Après avoir examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque RED BULL de l’Opposante.

[49]           Eu égard à ce qui précède, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi.

[50]           Je tiens à ajouter que même si la preuve démontrait que l’emploi de la Marque par Breuvages Red Champagne inc. a bénéficié à la Requérante aux termes de l’article 50(1) de la Loi, je rendrais encore là une décision défavorable à la Requérante. En effet, considérant la mesure dans laquelle la marque RED BULL est devenue connue au Canada, le genre des marchandises, la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques, je conclurais que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce RED BULL l’Opposante.

Droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)(a) de la Loi

[51]           La date pertinente pour l’appréciation de la probabilité de confusion sous ce motif d’opposition est la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement [article 16(1) de la Loi]. L’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de prouver qu’elle employait la marque RED BULL en liaison avec une boisson énergisante antérieurement à la date pertinente, et qu’elle n’en avait pas abandonné l’emploi à la date de l’annonce de la demande [article 16(5) de la Loi].

[52]           La différence entre la date pertinente pour ce motif d’opposition et la date pertinente pour le motif fondé sur l’article 12(1)(d) n’a pas vraiment d’incidence sur mon analyse précédente des circonstances de l’espèce. En conséquence, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer il n’y avait pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque RED BULL de l’Opposante en date du 9 janvier 2006.

[53]           Eu égard à ce qui précède, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)(a) de la Loi.

Enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)(b) et absence de caractère distinctif

[54]           Puisque j’ai accepté deux motifs d’opposition, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur les motifs d’opposition restants.

Décision

[55]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

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