Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Lavo Inc. à la demande no 1 223 419 produite par WD-40 Company en vue de l’enregistrement de la marque de commerce LAVA PRO.                                                      

 

 

[1] Le 13 juillet 2004, WD-40 Company (la « Requérante ») a déposé une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce LAVA PRO (la « Marque »), fondé sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec le savon pour les mains.

 

[2] La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 30 mars 2005.

 

[3] Le 30 mai 2005, une déclaration d’opposition a été produite conjointement par le Groupe Lavo Inc. et Lavo Inc. à l’encontre de la demande. Depuis la déclaration d’opposition, il y a eu deux fusions qui ont donné lieu à la création de la société Lavo Inc., ci-après l’Opposante.

 

[4] Les motifs d’opposition peuvent être résumés ainsi : la demande de la Requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (« la Loi »); la marque de commerce n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d); la Requérante n’est pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(3)a) et 16(3)c); et la Marque n’est pas distinctive.

 

[5] La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations faites à cet égard.

 

[6] La preuve de l’Opposante est constituée de la déclaration assermentée de Pierre Allard et des pièces PA-1 à PA-4. M. Allard n’a pas été contre-interrogé sur sa déclaration assermentée. La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve.

 

 

[7] La Requérante et l’Opposante ont produit un plaidoyer écrit et ont été bien représentées à l’audience. 

 

[8] Au début de l’audience, la Requérante a demandé l’autorisation de produire une preuve additionnelle, à savoir une copie certifiée de son enregistrement no UCA18486 de la marque de commerce LAVA en liaison avec le savon. Étant donné la nature de la preuve et le consentement de l’autre partie, l’autorisation a été accordée.

 

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[9] Il incombe à la Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de présenter une preuve suffisante permettant de  conclure à la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir la décision John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.P.I.), et l’arrêt Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

[10] Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         article 30 – la date de production de la demande (voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475);

         alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir l’arrêt Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         paragraphe 16(3) – la date de production de la demande d’enregistrement [voir le paragraphe 16(3) de la Loi];

         l’absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir la décision Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.P.I.)].

 

[11] J’analyserai les motifs d’opposition par rapport à la preuve versée au dossier sans tenir compte nécessairement de l’ordre dans lequel ils ont été invoqués dans la déclaration d’opposition.

 

 

Motif fondé sur les alinéas 38(2)c) et 16(3)a)

[12] L’Opposante fait valoir que conformément à l’alinéa 38(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 16(3)a), car lorsqu’elle a produit sa demande le 13 juillet 2004, la marque de commerce créait de la confusion avec les marques de commerce employées ou révélées au Canada par l’Opposante, à savoir LAVO DELICAT, LAVO +, LAVO EXTRA, LAVO (dessin), LAVO II et LAVO en liaison avec différents types d’eau de Javel et de produits d’entretien.

 

[13] Pour que ce motif d’opposition soit pris en considération, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial d’établir que les marques de commerce invoquées étaient en usage à la date de production de la demande (13 juillet 2004) et qu’elles n’ont pas été abandonnées à la date de l’annonce de la demande de la Requérante (30 mars 2005). À cette fin, l’Opposante a produit la déclaration assermentée de Pierre Allard et les pièces PA-1 à PA-4. M. Allard affirme être vice‑président et administrateur de l’Opposante. Il indique en outre qu’il a été auparavant vice‑président et administrateur du Groupe Lavo Inc. (le prédécesseur en titre de l’Opposante) et qu’il avait en tant que tel accès à l’information gouvernementale provenant de ces sociétés.

 

[14] À l’audience, l’avocat de l’Opposante a admis que l’emploi n’avait été établi qu’à l’égard des marques de commerce LAVO et LAVO (dessin) illustrée ci-dessous :

LAVO DESSIN

 

[15] M. Allard déclare au paragraphe 11 de sa déclaration assermentée que c’était en liaison avec l’eau de Javel que la marque LAVO a été employée au Canada la première fois en 1925. La pièce PA-1 annexée à la déclaration assermentée de M. Allard présente des étiquettes et des photographies de conteneurs étiquetés, portant tous la marque LAVO en liaison avec l’eau de Javel concentrée à des fins commerciales ou avec l’hypochlorite de sodium pour un usage commercial, institutionnel et l’entretien des piscines. M. Allard fournit un graphique indiquant les ventes réalisées en volumes de conteneurs; toutefois, il ne fait pas mention du chiffre d’affaires réel pour des raisons de confidentialité. Il affirme que 827 411 volumes de conteneurs ont été vendus en 2003; 861 462 en 2004 et 861 861 en 2005. La preuve à cet égard est relativement vague, car la capacité des conteneurs n’a pas été précisée en unités de mesure (litres).

 

[16] M. Allard a en outre fourni 11 exemples de factures, dont cinq ont été établies avant la date pertinente (13 juillet 2004), révélant la vente de produits portant la marque de commerce LAVO.

 

[17] La Requérante soutient que les étiquettes et les factures ne démontrent pas l’emploi de la marque de commerce LAVO, car elles sont utilisées en combinaison avec le chiffre 6 ou 12. En outre la Requérante prétend que l’Opposante a omis de prouver l’emploi de la marque LAVO (dessin).

 

[18] Les étiquettes et les factures montrent l’emploi de la marque de commerce LAVO en caractères d’imprimerie ou en capitales suivis du chiffre 6 ou 12. Néanmoins les nombres ne sont pas considérés comme des composantes importantes des marques de commerce [Alcan Aluminium Ltd. c. Oakwood Lumber & Millwork Co. (1994), 58 C.P.R. (3d) 552]. Je suis d’avis que le public, à la première impression, percevrait la marque utilisée comme étant la marque de commerce LAVO [Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535].

 

[19] En ce qui concerne le deuxième argument de la Requérante, bien que l’Opposante n’ait pas établi l’emploi de la marque LAVO (dessin) c.-à-d. LAVO DESSIN, je considère que l’emploi établi de la marque LAVO constitue l’emploi de LAVO (dessin), compte tenu surtout des variations mineures entre les marques. [Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984) 2 C.P.R. (3d) 535.] Par conséquent, je suis convaincue que l’Opposante a établi l’emploi, avant la date pertinente, des marques de commerce LAVO et LAVO (dessin) en liaison avec l’eau de Javel concentrée à des fins commerciales ou avec l’hypochlorite de sodium pour un usage industriel, institutionnel et pour l’entretien des piscines.

 

[20] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve en ce qui a trait à ce motif d’opposition, il incombe maintenant à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, entre la Marque et les marques de l’Opposante. L’existence du fardeau de preuve de la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive une fois que tous les éléments de preuve ont été présentés, la décision doit alors être défavorable à la Requérante : voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.P.I).

 

Le test en matière de confusion

[21] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Dans l’application du test de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Les facteurs énumérés ne reçoivent pas nécessairement le même poids [voir les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.)].

 

[22] La Cour suprême du Canada dans Mattel, précité, a examiné la procédure appropriée pour déterminer le point de vue qu’il faut adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée ». Il faut examiner les marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite des marques de l’Opposante, qui pourrait tomber sur la Marque employée en liaison avec les marchandises de la Requérante sur le marché. Si ce consommateur se méprend sur l’origine des marchandises, le critère prévu par la loi est rempli. En d’autres mots, les marques devraient être considérées comme créant de la confusion.

 

[23] La Requérante fait valoir que ce critère devrait être apprécié du point de vue du consommateur canadien bilingue moyen, en citant, à l’appui de sa proposition, la Cour suprême du Canada dans Mattel, précité. D’autre part, l’Opposante soutient que le critère à appliquer est un critère à trois volets, selon lequel la marque doit être appréciée du point de vue du consommateur anglophone moyen, du consommateur francophone moyen et du consommateur bilingue moyen. Elle ajoute que s’il y a confusion au sein de l’un ou l’autre de ces groupes, les marques en cause prêtent à la confusion et elle cite à cet égard la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Pierre Fabre Médicament c. SmithKline Beecham Corp. (2001), 11 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.).

[24] Je suis d’accord avec l’interprétation de l’Opposante. La question spécifique que la Cour d’appel fédérale a eu à trancher en 2001 dans Pierre Fabre Médicament, précité, était « [d]ans quelle mesure doit-on tenir compte de l’opinion du consommateur bilingue moyen […] pour déterminer s’il y a vraisemblance de confusion entre deux marques de commerce au sens de la Loi sur les marques de commerce ». La Cour d’appel fédérale a procédé à une analyse en profondeur de la nature bilingue du critère. À mon avis, c’est ce critère à trois volets qui est applicable. Je considère qu’il constitue une démarche pragmatique par rapport à la réalité du marché canadien et qu’il n’est pas incompatible avec la décision Mattel dans laquelle la Cour suprême du Canada a indiqué que [traduction] « le consommateur mythique est, « dans certains marchés », doté d’un bilinguisme fonctionnel » (non souligné dans l’original). L’extrait suivant de Jolliffe et Gill: Fox on Canadian Law of Trade-Marks and Unfair Competition, Fourth edition, p. 8-17 décrit l’appréciation qui doit être faite :

[traduction] Il est important de comprendre que le critère de la version bilingue ne constitue qu’un troisième volet linguistique à examiner. D’abord et avant tout, la cour doit établir s’il existe une probabilité de confusion pour les consommateurs de langue anglaise ou de langue française [Choice Hotels International Inc. c. Hotels Confortel Inc. (1996), 67 C.P.R. (3d) 340 (C.F.P.I.), confirmé par 2000 CarswellNat 3028, 2000 CarswellNat 3489 (C.A.F.)]; la cour peut également examiner s’il y probabilité de confusion pour le consommateur bilingue moyen. S’il existe une probabilité de confusion au sein de l’un ou l’autre de ces groupes linguistiques, il y a probabilité de confusion. Les décisions dans lesquelles il a été statué que seule l’opinion du consommateur bilingue moyen est pertinente relativement à cette question, comme Vins La Salle Inc. c. Vignobles Chantecler Ltée., (1985), 6 C.P.R. (3d) 533 (C.O.M.C.), ont été décrétées erronées par la Cour d’appel fédérale (SmithKline Beecham Corp. c. Pierre Fabre Médicament (2001), 11 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.). L’approche peut être simplement définie comme suit : apprécier la question de la confusion dans le contexte des francophones unilingues, des anglophones unilingues et des personnes bilingues et ensuite, si les deux marques créent de la confusion pour le membre moyen de l’autre ou l’autre de ces groupes, conclure que les marques de commerce créent de la confusion.


[25] Par conséquent, c’est à la lumière de ces principes généraux que j’apprécierai l’ensemble des circonstances de l’espèce.

 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[26] Du point de vue du consommateur anglophone moyen, j’estime que la marque de l’Opposante serait perçue comme un mot forgé et, par conséquent, comme ayant un caractère distinctif inhérent. Quant à la Marque, elle est composée deux mots, LAVA et PRO. Les deux mots sont définis dans les dictionnaires de langue anglaise. Le mot LAVA, qui signifie [traduction] « roche fondue », n’est pas descriptif des marchandises visées par la demande; il en accentue donc le caractère distinctif inhérent. Le mot PRO signifie « professionnel » et peut communiquer l’idée que le savon pour les mains de la Requérante est destiné à un usage professionnel. Toutefois, la juxtaposition de ces deux mots ne relevant pas du langage ordinaire, elle accentue le caractère distinctif inhérent de la Marque dans son ensemble.

 

[27] Pour le consommateur francophone moyen, les trois lettres initiales, LAV, de la Marque et des marques de l’Opposante semblent avoir été empruntées du verbe français LAVER qui signifie « nettoyer ». Cela peut donner à penser que les marchandises liées aux marques de commerce sont utilisées pour laver ou nettoyer et affaiblit par conséquent leur caractère distinctif inhérent.

 

Le mot PRO a également le sens de « professionnel » en français et cela peut, comme il a été indiqué précédemment, communiquer l’idée que le savon pour les mains de la Requérante est destiné à un usage professionnel. 

 

[28] Le consommateur bilingue moyen pourrait considérer les marques en cause du point de vue anglais et/ou français décrit ci-dessus.

 

[29] Le caractère distinctif d’une marque peut être renforcé dans la mesure où cette dernière est devenue connue. À la date de production de la demande, les marques de l’Opposante n’étaient devenues connues que dans une certaine mesure au Canada en liaison avec l’eau de Javel concentrée à des fins commerciales et en liaison avec l’hypochlorite de sodium pour un usage industriel, institutionnel et pour l’entretien des piscines. Par ailleurs, la demande de la Requérante est fondée sur l’emploi proposé de la marque au Canada, et comme la Requérante a choisi de ne pas produire de preuve d’emploi depuis qu’elle a produit sa demande, je conclus que la Marque n’était pas du tout devenue connue au Canada. 

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[30] La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage milite en faveur de l’Opposante.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[31] En ce qui a trait aux alinéas 6(5)c) et d), l’élément déterminant est l’état déclaratif des marchandises et les marchandises mises en preuve par l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

 

[32] La demande de la Requérante porte sur le savon pour les mains, un produit évidemment utilisé sur la peau. Considérant que la preuve produite par l’Opposante démontre l’emploi de ses marques en liaison avec l’eau de Javel concentrée à des fins commerciales et avec l’hypochlorite de sodium pour un usage industriel, institutionnel et pour l’entretien des piscines, les produits ne doivent précisément pas entrer en contact avec la peau. Ce point est attesté par la partie rédactionnelle des étiquettes produites en tant que pièce PA-1 annexées à la déclaration assermentée de M. Allard, dans laquelle on trouve des expressions telles que [traduction] « Avertissement : Corrosif » ou [traduction] « Attention : Irritant » de même que des mises en garde comme [traduction] « Évitez le contact avec les yeux ». Manifestement, les produits de l’Opposante n’étaient pas destinés à un usage semblable à celui du savon. Par conséquent, j’estime que la nature des marchandises diffère de façon importante. 

 

[33] En ce qui concerne les voies de commercialisation, les marchandises de l’Opposante sont destinées à un usage commercial, institutionnel et industriel et à être vendues dans ces marchés. Elles ne sont pas destinées à un usage domestique. Cela est confirmé par le paragraphe 12 de la déclaration assermentée de M. Allard et corroboré par les étiquettes comprises dans la pièce PA‑1, sur lesquelles figure la mention [traduction] « Non destiné à la vente au détail ».

 

[34] L’Opposante soutient en outre que la marque de commerce LAVO est également utilisée pour les produits de nettoyage domestique vendus dans les magasins de détail, les épiceries et les pharmacies et elle mentionne la pièce PA-3 à l’appui de son allégation. L’Opposante fait valoir également l’emploi de sa marque de commerce tel qu’elle est illustrée sur son site Web. 

 

[35] Les étiquettes jointes, en liasse, comme pièce PA-3 présentent des marques de commerce autres que les marques LAVO, notamment LA PARISIENNE pour les assouplisseurs de tissus et les détergents, HERTEL pour les nettoyeurs tout usage, OLD DUTCH pour la poudre nettoyante, pour n’en nommer que quelques-unes. Ces autres marques figurent bien en vue sur le devant de l’étiquette.

 

[36] L’Opposante prétend que la marque LAVO est également employée sur ces étiquettes à l’intérieur d’un dessin ovale. Toutefois, après avoir examiné la preuve, je ne peux souscrire à cette allégation.

 

[37] En ce qui concerne les marchandises, l’emploi de la marque de commerce est défini aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi. Dans les circonstances particulières en l’espèce, seul le paragraphe est applicable. Il définit l’emploi comme suit :

 

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée. 

 

[38] À l’article 2 de la Loi, la marque de commerce est définie comme suit :

2a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres;

 

 

[39] Dans cette optique, la marque de commerce sera réputée employée si elle est apposée sur les marchandises ou leur emballage pour distinguer, ou de façon à distinguer, ses marchandises de celles des autres.

 

[40] Pour revenir aux étiquettes de la pièce PA-3, le mot LAVO à l’intérieur d’un dessin ovale se trouve toujours sur l’étiquette dorsale en caractère particulièrement petits. Il est soit adjacent au nom de domaine ou au nom commercial Lavo Inc. Il se trouve habituellement à côté de l’adresse et du numéro de téléphone de la société, en dessus d’un code à barres commercial. Bien que je convienne avec l’Opposante qu’il est possible que plusieurs marques de commerce soient employées concurremment, je ne considère pas que l’utilisation de LAVO à l’intérieur d’un dessin ovale soit, en l’espèce, un emploi de la marque de commerce visant à distinguer ses marchandises de celles d’autres sociétés. Il est plus probable qu’il soit considéré comme un emploi de nom commercial, indiquant la propriété. 

 

[41] Dans le cas de la pièce PA-4, je n’ai pas accordé beaucoup de poids aux pages de ce site Web censées montrer l’emploi des marques de commerce de l’Opposante, étant donné que la date de leur parution est ultérieure à la date pertinente. 

 

[42] L’Opposante a, par conséquent, uniquement établi que l’emploi de ses marques de commerce LAVO en liaison avec l’eau de Javel concentrée à des fins commerciales et avec l’hypochlorite de sodium pour un usage industriel, institutionnel et pour l’entretien de piscines.

 

[43] Les voies de commercialisation liées aux marchandises doivent être déterminées en tenant compte des marchandises visées dans la demande de la Requérante et des marchandises mises en preuve par l’Opposante. Bien que la Requérante n’ait pas démontré l’emploi par rapport à la nature de son commerce, je ne crois pas qu’il faille présumer que les voies commerciales empruntées en liaison avec la Marque seraient les mêmes que celles qui le sont en liaison avec les marques de l’Opposante. J’estime que le savon pour les mains peut être vendu dans les épiceries, les pharmacies ou les boutiques spécialisée. D’autre part, la preuve démontre que les marchandises de l’Opposante empruntent des voies très différentes, à savoir les marchés institutionnel et industriel. Par conséquent, je suis d’avis que les voies commerciales sont différentes.

 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[44] Examinées comme un tout, les marques en causes sont prononcées différemment. Les marques diffèrent également dans la présentation; les marques de l’Opposante sont composées d’un seul mot et la Marque, de deux mots. 

 

[45] La seule similarité réside dans les trois premières lettres. À la lumière des idées suggérées et compte tenu de la signification de ces lettres en français, je suis d’avis qu’aucune des parties n’aurait droit à un monopole sur cette idée et que des différences mineures dans les marques serviront à les distinguer :

Il est de jurisprudence constante que les marques de commerce qui contiennent des mots qui évoquent les marchandises ou les services qu’offre leur propriétaire sont considérées comme des marques faibles qui n’ont droit, par conséquent, qu’à une faible protection. En pareil cas, même une légère différence entre les marques suffit pour réduire les risques de confusion. [Man & His Home Ltd. c. Mansoor Electrics Ltd. (1999), 87 C.P.R. (3d) 218 (C.F.P.I.).]

 

 [46] Compte tenu des idées suggérées en anglais, la marque de l’Opposante est un mot forgé sans signification apparente. Quant à la Marque, elle est composée du mot LAVA qui signifie « roche fondue » et du mot PRO communément employé pour signifier « professionnel ». Par conséquent, du point de vue du consommateur anglophone, les marques ne se ressemblent pas du tout quant aux idées qu’elles suggèrent.

 

[47] Les idées que les marques suggèrent au consommateur bilingue moyen pourraient englober les points de vue des francophones et des anglophones ci-dessus.

 

Circonstances de l’espèce

[48] L’Opposante s’est fondée sur une décision antérieure rendue par le Registraire dans Groupe Lavo Inc. c. Proctor & Gamble Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 533, et a fait valoir que ladite décision devait être suivie. Toutefois, les marques de commerce en cause dans l’arrêt Groupe Lavo Inc., précité différaient des marques faisant l’objet de l’opposition en l’espèce, comme l’étaient les marchandises et les voie de commercialisation. En outre, les oppositions doivent être établies selon le bien‑fondé de chaque cas et fondées sur la preuve au dossier. En conséquence, je fais respectueusement la distinction entre la décision de 1990 et celle découlant de la présente espèce.

 

Conclusion sur la probabilité de confusion

[49] Après avoir analysé les facteurs énumérés à l’article 6(5) de la Loi, et pris en considération toutes les circonstance de l’espèce en vue de mettre en balance le droit du propriétaire de la marque de commerce par rapport à l’usage exclusif de sa marque et le droit des autres sociétés sur le marché de se livrer librement à la concurrence, je conclus qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause, tant du point de vue du consommateur anglophone, francophone que bilingue moyen.

 

[50] En conséquence, le motif fondé sur l’alinéa 16(3)a) le motif n’est pas retenu.

 

Motif fondé sur les alinéas 38(2)c) et 16(3)c)

[51] L’Opposante affirme que les noms commerciaux Groupe Lavo Inc., Lavo Inc. et Lavo ayant été employés avant le 13 juillet 2004, la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque car elle crée de la confusion avec les noms commerciaux de l’Opposante.

[52] Pour que ce motif d’opposition soit pris en considération, l’Opposante doit d’abord s’acquitter du fardeau initial preuve qui consiste à établir que ses noms commerciaux ont été employés avant la date de production de la demande de la Requérante (13 juillet 2004) et qu’ils n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce (30 mars 2005).

 

[53] Je conclus que l’Opposante ne s’est acquittée de son fardeau qu’en ce qui a trait aux noms commerciaux, Lavo Inc. et Lavo. Les étiquettes incluses dans la pièce PA-1 et les factures annexées à la pièce PA-2 étayent ces conclusions. En ce qui concerne le nom commercial Groupe Lavo Inc., l’Opposante fait valoir qu’il a été utilisé sur des produits portant d’autres marques de commerce avant les fusions d’août 2006. Bien que les étiquettes aient été produites en preuve pour attester de l’emploi du nom commercial Groupe Lavo Inc. (pièce PA-3) en liaison avec ces autres marques de commerce, la déclaration assermentée de M. Allard ne donne aucune indication quant au choix du moment ou à la ventilation des ventes de ces produits, le cas échéant. L’Opposante n’a donc pas établi l’emploi du nom commercial Groupe Lavo Inc. à la date pertinente. 

 

[54] Bien que l’Opposante ait démontré l’emploi de ses noms commerciaux, Lavo Inc. et Lavo, mes conclusions concernant la confusion à l’égard du motif fondé sur l’alinéa 16(3)a) sont pour la plupart applicables au présent motif d’opposition.

 

[55] Par conséquent, ce motif n’est pas retenu.

 

Motif fondé sur les alinéas 38(2)b) et 12(1)d)

[56] En application de l’alinéa 38(2)b), l’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec six de ses marques déposées. Au cours de l’audience, l’Opposante a admis que deux de ses marques sont présentement radiées et qu’elle se fonde conséquemment sur quatre de ses marques, à savoir :

1)      LAVO LMC 193,057 en liaison avec Eau de javelle concentrée.

2)      LAVO (dessin) LMC 261,040  en liaison avec (1) Eau de javel. (2) Assouplisseur de tissus, une préparation anti-statique, détersif à vaisselle, nettoyeur à vitres, sacs à ordures, sacs à déchets, sacs tout usage, détergent à vaisselle, savon de toilette, détergent liquide, nettoyeur tout usage, détersif pour le lavage, rôtissoire géante, assouplisseur liquide pour tissus, blanchisseur, ustensiles ménagers pour préparer, cuire, servir, approvisionner et congeler les aliments et bavettes de cuisinières.

3)      LAVO II LMC235,253 en liaison avec [traduction] agent de blanchiment pour tissus de tous genres

4)      LAVO DELICAT LMC508,501 en liaison avec Eau de javel sans javel, détergents.

 

[57] J’estime que LAVO (dessin) 261,040 est la marque la plus pertinente pour apprécier le présent motif, particulièrement en ce qui a trait aux marchandises qui se chevauchent, tel le « savon de toilette ».

 

[58] Sauf en ce qui a trait à l’ « eau de javelle », l’Opposante n’a pas démontré l’emploi de la marque en liaison avec les autres marchandises pour lesquelles elle a été déposée. En l’absence d’une preuve étayant l’emploi de la marque, l’enregistrement ne peut établir plus qu’un emploi « de minimis » et ne peut permettre de conclure à un emploi important ou continu de la marque. Il s’ensuit que la marque de l’Opposante n’est pas devenue connue dans une quelconque mesure au Canada en liaison avec les marchandises enregistrées. Bien qu’il puisse y avoir chevauchement entre les marchandises, soit entre « savon pour les mains » de la Requérante et le « savon de toilette » de l’Opposante, je suis d’avis qu’il n’y aurait pas de probabilité de confusion entre les marques en cause. Premièrement, parce que du point de vue du consommateur de langue française, les marques évoquent l’idée des marchandises et n’offriraient, à ce titre, qu’une protection minimale et que des différences mineures serviraient à les distinguer.

 

[59] En ce qui concerne le consommateur de langue anglaise moyen, chacune des marques serait vue comme possédant un caractère distinctif inhérent. L’une étant un mot forgé et l’autre étant composée de deux mots anglais ayant des significations reconnues et qui, lorsqu’ils sont combinés, confèrent un caractère énigmatique à la Marque. 

 

[60] Comme je l’ai déjà précisé, je suis d’avis que le consommateur bilingue moyen percevrait les marques tant des points de vue anglais que français décrits ci-dessous.

 

[61] En me fondant sur mon analyse ci-dessus, je conclus que la confusion entre les marques en cause est improbable.

 

[62] En ce qui concerne la marque de commerce LAVO II pour eau de Javel, l’ajout du chiffre romain II n’enlèverait rien à la première partie LAVO. Comme il a été précédemment mentionné, les chiffres ne sont pas habituellement une composante importante des marques de commerce. Dans le même ordre d’idées, lorsque j’examine la marque de commerce LAVO DELICAT, je conclus que le mot DELICAT, qui a été abonné, est descriptif des marchandises et qu’il ne renforcerait pas la marque. Mes conclusions à l’égard de la marque LAVO s’appliquent également à ces marques.

 

[63] Par conséquent, le présent motif n’est pas retenu.

 

Motif fondé sur l’alinéa 38(2)d) et l’article 2

[64] L’Opposante prétend qu’aux termes de l’alinéa 38(2)d), la Marque n’est pas adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises et activités de l’Opposante, selon le sens de l’article 2, compte tenu de la confusion qu’elle crée avec les marques de commerce et les noms commerciaux de l’Opposante.

 

[65] Pour les motifs précédemment exposés, j’estime qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce et les noms commerciaux de l’Opposante, et il s’ensuit que la Marque est apte à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises de l’Opposante.

 

[66] Le présent motif n’a pas été retenu non plus.

 

Motifs fondés sur les alinéas 38(2)a) et 30(i)

[67] Sous le régime de l’alinéa 38(2)a), l’Opposante soutient que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi, car la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit d’enregistrer la Marque puisqu’elle était au courant des droit de l’Opposante, lesquels sont énoncés dans la déclaration d’opposition. 

 

[68] Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration requise par l’alinéa 30(i), le motif fondé sur l’alinéa 30(i) n’est retenu que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu’il y a preuve de mauvaise foi de sa part [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Comme il ne s’agit pas d’un tel cas, ce motif d’opposition est écarté.

 

Décision

[69] Dans l’exercice du pouvoir qui m’a été délégué par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 27 JUIN 2009.

 

 

 

Lynne Pelletier

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Danielle Benoit

 

 

 

 

 

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