Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2010 COMC 208

Date de la décision : 2010‑11‑30

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par la succession de Francisco Coll Monge, de droit portoricain, dont l'exécuteur est Francisco David Coll, à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1257128 pour la marque de commerce PEACE COMMUNITY CHURCH OF CANADA au nom de la Peace Community Church of Canada Limited

[1]                     Le 10 mai 2005, la Peace Community Church of Canada Limited (la Requérante) a produit, sous le no 1257128, une demande d'enregistrement pour la marque de commerce PEACE COMMUNITY CHURCH OF CANADA (la Marque), fondée sur son emploi au Canada depuis au moins le 23 avril 1979 en liaison avec les marchandises (1) de l'état déclaratif reproduit ci‑dessous, et depuis janvier 1976 en liaison avec les services de la même liste, ainsi que sur son emploi projeté en liaison avec les marchandises (2) de celle‑ci :

Marchandises : (1) Matériel éducatif, didactique et de formation imprimé, nommément matériel de cours et notes à l'intention des instructeurs, cahiers d'exercices, livres pour étude en groupe, bulletins mensuels et magazines, circulaires de promotion, formulaires d'inscription et de commande, brochures et affiches portant sur différents thèmes, notamment enseignements religieux, leadership, orientation spirituelle, guérison, counselling, prière et méditation.
(2) Disques compacts, bandes sonores et bandes vidéo préenregistrés dans le domaine des enseignements religieux, du leadership, de l'orientation spirituelle, de la guérison, du counselling, de la prière et de la méditation.

Services : Services dans le domaine de l'enseignement religieux, du leadership, de l'orientation spirituelle, du ressourcement, du counselling, de la prière et de la méditation; services de formation, nommément formation dans le domaine de la pratique ecclésiastique; services d'association et de leadership dans le domaine de l'enseignement religieux, de l'orientation spirituelle, du ressourcement, du counselling, de la prière et de la méditation; services de culte; représentations musicales en direct.

[2]                     Le 5 avril 2006, la demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce. La succession de Francisco Coll Monge, de droit portoricain, dont l'exécuteur est Francisco David Coll (l'Opposante), a produit une déclaration d'opposition, le 5 septembre 2006. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration contestant les allégations de l'Opposante.

[3]                     L'Opposante a déposé des affidavits de Victoria Shrieves, Franciso David Coll et Robert Conrad. La Requérante a quant à elle déposé un affidavit de Reta Bunbury. Chacune des parties a présenté un plaidoyer écrit, et il n'a pas été tenu d'audience.

[4]                     Il convient d'abord de signaler que, dans son plaidoyer écrit, la Requérante a fait valoir le manque de clarté de la déclaration d'opposition, et affirmé que l’Opposante n'avançait aucun motif d'opposition valable et ne formulait pas les motifs d'opposition de manière suffisamment détaillée pour qu'elle ait pu y répondre. Je pense comme la Requérante que les motifs d'opposition ne sont pas clairement définis; cependant, plutôt qu'une insuffisance de faits, je reprocherais à la déclaration d'opposition de proposer au soutien de ses allégations un exposé de faits très long, difficile à suivre, et souvent mêlé d'opinions, de remarques personnelles et de conjectures. Tout compte fait, cependant, je conclus que la déclaration d'opposition avance certains motifs d'opposition valables, encore que d'une manière quelque peu difficile à suivre. Le plaidoyer écrit, ajouterai‑je, n'est pas l'étape où il convient d'invoquer pour la première fois l'absence de motifs d'opposition valables, en particulier dans le cas où les deux parties ont déposé des éléments de preuve.

[5]                     La déclaration d'opposition avance sous le régime des alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), un motif qu'elle étaye d'une argumentation résumée comme suit :

[TRADUCTION] La Requérante n'existait pas dans les années 1970, de sorte que la date de premier emploi déclarée est inexacte et trompeuse : la Requérante a en effet été constituée en personne morale en août 2000. L'Opposante, quant à elle, possédait, produisait et distribuait les marchandises et services avant 1970 aux États‑Unis et avant 1978 au Canada. La direction de la Requérante a été un licencié du Dr Franciso Coll et d'Alley Copyrights, Inc., par l'intermédiaire de l'Inner Peace Movement of Canada, jusque vers le 13 mars 2000. L'emploi de la Marque par la Requérante depuis lors n'a pas été autorisé.

[6]                     La déclaration d'opposition fait aussi valoir l'absence de droit à l'enregistrement sous le régime de l'alinéa 16(1)a), invoquant la confusion avec la marque de commerce PEACE COMMUNITY CHURCH, que l'Opposante et d'autres employaient au Canada avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. La déclaration d'opposition avance à cet égard les arguments qui y sont ainsi résumés :

[TRADUCTION]

L'emploi de la Marque par la Requérante créera de la confusion à moins que cette dernière ne collabore avec l'Opposante et les autres licenciés faisant affaire au Canada. Une marque identique, PEACE COMMUNITY CHURCH, a été révélée au Canada en décembre 1978 ou avant par le Dr Francisco Coll ou par des professeurs, conférenciers et pasteurs qu'il avait formés lui-même ou qui avaient été formés sous sa direction et son contrôle. Il est notoire parmi les administrateurs, ainsi que les consommateurs et professeurs actuels ou récents, de la Requérante, que les marchandises et services proviennent du Dr Coll ou de ses sociétés, ou sont des produits pirates ou de contrefaçon pour l'Australie ou d'autres pays. La marque de commerce PEACE COMMUNITY CHURCH est systématiquement employée par des licenciés de l'Opposante pour promouvoir les séminaires Peace Community Churchms aussi bien au Canada qu'aux États‑Unis.

La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement, à moins que, sans délai, elle ne rende des comptes à l'Opposante et à Alley Copyrights Inc, n'en reçoive une licence et ne se conforme à leurs exigences.

[7]                     Bien que ce paragraphe ne fasse pas explicitement mention des marchandises (2), qui se rapportent à l'emploi projeté, une grande partie de l'exposé des faits, assez difficile à suivre, de la déclaration d'opposition traite de l'emploi contesté de la Marque en liaison avec du matériel de programme et de formation, notamment des diapositives, des bandes vidéo, etc. Par conséquent, ne pas tenir compte de la question du droit à l'enregistrement en liaison avec les marchandises (2), qui forment le prolongement logique d'un tel matériel de programme et sont accessoires aux services, pourrait mener à un résultat plutôt incohérent.

[8]                     L'Opposante soutient aussi dans la déclaration d'opposition (voir les résumés ci‑dessus) que la Marque n'est pas distinctive, étant donné que le Dr Coll et d'autres ont employé la marque de commerce PEACE COMMUNITY CHURCH au Canada pendant plus de 30 ans et qu'elle était employée par le prédécesseur de la Requérante, l'Inner Peace Movement of Canada, sous la direction et le contrôle du Dr Coll.

Récapitulation de la preuve de l'Opposante

L'affidavit de Victoria Shrieves

[9]                     Mme Shrieves atteste qu'elle est l'un des administrateurs et la vice-présidente de l'Americana Leadership College (Canada). Depuis 1972, elle participe à de nombreux programmes parrainés par l'Inner Peace Movement et la Peace Community Church au Canada, aux États‑Unis et à Porto Rico.

[10]                 Les déclarations de Mme Shrieves se rapportent à l'histoire de l'Opposante, aux rapports entre les organisations américaines, toutes fondées et dirigées par le Dr Coll Monge, à l'établissement d'une organisation (d'organisations) au Canada, au décès du fondateur, à la rupture entre certaines des organisations américaines et la succession du Dr Coll (l'Opposante), et à la rupture entre l'Opposante et la Requérante.  

[11]                 Une grande partie des déclarations de cet affidavit relatives à l'histoire récente sont ici passées sous silence, étant donné qu'elles ne sont pas pertinentes pour les conclusions que je formulerai, les principaux motifs d'opposition étant fondés sur la situation à la date de premier emploi revendiquée dans la demande, soit le 23 avril 1979 pour ce qui concerne les marchandises (1) et janvier 1976 en ce qui a trait aux services.

[12]                 L'Opposante est la succession du Dr Coll Monge (aussi appelé « Dr Coll »), fondateur d'un mouvement spirituel et d'un ensemble d'organisations y afférentes, qui comprend à la fois des personnes morales à but non lucratif et des sociétés commerciales de droit américain.

[13]                 Les personnes morales à but non lucratif de droit américain qui nous intéressent ici sont l'Inner Peace Movement, fondé en janvier 1964, et la Peace Community Church, fondée en octobre 1965.

[14]                 L'American Leadership College, Inc. (l'ALC Inc.) est une société commerciale que le Dr Coll a fondée en 1967, en partie pour concéder des licences d'exploitation du matériel de programme créé par lui, pour le distribuer et pour en surveiller l'usage. L'ALC offre également, sur divers thèmes ou concepts du mouvement spirituel, un enseignement organisé en divers [TRADUCTION] « départements », dont celui dit [TRADUCTION] « de religion et de philosophie » remplit la fonction de séminaire de la Peace Community Church. L'ALC Inc. était détenu en propriété exclusive par le Dr Coll et appartient maintenant à sa succession.

[15]                  Alley Inc., maintenant remplacée par Alley Copyrights Inc. (Alley), qui appartient à la succession du Dr Coll, était aussi une société commerciale que ce dernier détenait en propriété exclusive; il l'avait fondée pour gérer et administrer les droits d'auteur, marques de commerce et autres marques liés à l'ensemble des outils de formation, livres, brochures, diapositives, etc. (matériel de programme) créés par lui. Les organisations à but non lucratif et leurs associations affiliées utilisent ce matériel de programme dans la prestation de divers cours et ateliers, aussi bien que dans la formation de pasteurs, tout cela dans le cadre du mouvement spirituel fondé par le Dr Coll. Celui‑ci a dirigé directement ou indirectement ces personnes morales (à but non lucratif et à but lucratif) depuis leur fondation jusqu'à sa mort en 1999. Le siège mondial de ces personnes morales et mouvements spirituels était sis à Washington (D.C.).

[16]                 Mme Shrieves déclare que l'Inner Peace Movement of Canada (ci‑après désigné « IPM Canada »), sous la conduite et la direction du Dr Coll, s'est constituée en personne morale à but non lucratif le 8 janvier 1976, pour devenir le groupe d'encadrement de tous les programmes du Dr Coll offerts au Canada, y compris ceux offerts sous la marque « Peace Community Church ». Elle explique que, à cette époque, l'IPM Canada était le seul bureau au Canada, et que l'ensemble du matériel didactique et des aides pédagogiques provenait du bureau central de Washington (D.C.), comme y était décidé l'ensemble des politiques, des directives, de l'orientation et de la dotation en personnel. L'IPM Canada offrait des programmes particuliers sous la dénomination de sa division « Peace Community Church ».

[17]                 Vingt‑quatre ans plus tard, la division Peace Community Church de l'IPM Canada a elle-même été constituée en personne morale à but non lucratif, par lettres patentes délivrées le 30 août 2000 sous le régime de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes. Mme Shrieves a annexé à son affidavit une copie de ces lettres patentes sous la cote K. L'examen de ce document révèle que l'organisation y est dénommée en anglais « Peace Community Church of Canada »; la dénomination sociale ne contient aucun élément juridique tel que « Corporation », « Limited », ou l'abréviation de l'un ou l'autre.  

[18]                 Mme Shrieves déclare que tous les noms, marques et logos, y compris le nom « Peace Community Church », qu'a jamais employés ou continué d'employer la Peace Community Church of Canada (ci‑après désignée « PCC Canada »), sont des marques, déposées ou non, des noms commerciaux, des services ou des droits d'auteur qui ont fait l'objet d'une licence rigoureusement définie de l'ALC et/ou d'Alley, dans le cadre d'une entente verbale avec le Dr Coll. Celui‑ci était le propriétaire unique de l'ALC et d'Alley, et concédait de telles licences verbalement; Mme Shrieves parle à ce propos d'un [TRADUCTION] « accord reposant sur l'honneur ».

[19]                 Mme Shrieves déclare que, pour autant qu'elle sache, la marque de commerce Peace Community Church n'a jamais été transmise, explicitement ou implicitement, et qu'on n'a jamais promis de la transférer, d'en faire don, de la vendre ou de la céder à la PCC Canada ni à aucun de ses dirigeants ou membres. Selon elle, il était notoire dans toutes les organisations du Canada, des États‑Unis et du reste du monde que le Dr Coll contrôlait étroitement l'emploi de cette marque de commerce et des autres. 

[20]                 Elle explique que la Requérante a été un distributeur des œuvres du Dr Coll au Canada de 1976 à 2000, en vertu d'une entente verbale, d'un accord reposant sur l'honneur pour reprendre ses termes, ou d'une licence implicite, à quoi s'ajoutaient des politiques et procédures bien définies et publiées touchant la propriété et l'emploi des marques et du matériel – ou encore dans le cadre de contrats attribués par l'intermédiaire de l'ALC Inc. à des personnes physiques, entrepreneurs ou professeurs indépendants.

[21]                       À l'appui de ces déclarations concernant la participation du Dr Coll à l'initiative PCC Canada et son autorisation verbale d'emploi de la marque PEACE COMMUNITY CHURCH, Mme Shrieves propose un exposé détaillé de sa propre participation au projet de constitution de la PCC Canada en personne morale. Il apparaît, ferai‑je observer, que cette participation a commencé sous la direction du Dr Coll, mais que, après le décès ce dernier, elle s'est poursuivie sur la seule initiative de l'IPM Canada. Selon Mme Shrieves, l'exécution du projet n'a commencé qu'au début de 1997, alors qu'elle travaillait au bureau de Calgary de l'IPM Canada. À titre d'exemples étrangers et de réalisations comparables à ce qu'on envisageait pour le Canada, la déposante a annexé à son affidavit des documents d'autres organisations PCC constituées en personnes morales aux États‑Unis et en Australie, notamment des copies de leurs actes constitutifs et des exemples de formulaires de la Peace Community Church (pièce C). Les règlements administratifs de la Peace Community Church Inc. (ci‑après dénommée « PCC U.S. »), société de droit américain, portent que [TRADUCTION] « le fondateur, le Dr Francisco Coll, est investi d'un pouvoir de veto absolu sur toutes les décisions du personnel de direction, en tout temps et en toutes circonstances ».

[22]                       En mai 1998, Mme Shrieves a commandé une recherche Nuans portant sur la dénomination « Peace Community Church » en vue de la constitution alors envisagée d'une personne morale de droit albertain. La déposante a joint à son affidavit, sous la cote D, une note de service portant sa signature et une copie de la recherche Nuans effectuée en vue de réserver la dénomination « Peace Community Church » en Alberta. Se fondant sur son expérience concernant les lois qui régissent la constitution en personnes morales des organisations à but non lucratif au Canada, la déposante fait observer qu'il n'est pas permis d'inclure le terme « Limited » [Limitée] dans leurs dénominations.  

[23]                       Mme Shrieves déclare qu'elle a rédigé les documents nécessaires pour la constitution en personne morale sous la supervision du Dr Coll, par l'intermédiaire de l'IPM Canada. Elle produit en pièce E une note de service en date du 7 août 1998 de l'IPM Canada à l'IPM Alberta, confirmant la composition de la direction de la Peace Community Church, dont le président devait être Francisco Coll. Elle produit aussi, sous la cote G, les projets d'acte constitutif et de statuts, ainsi qu'une déclaration d'adresse et un état des activités, établis en vue de la constitution en personne morale de la Peace Community Church. Elle explique que ces documents ont été soumis à l'approbation du Dr Coll, approbation qu'elle croit avoir été donnée par lui.

[24]                       Le 27 août 1998, les documents de constitution en personne morale ont été envoyés à la Division des organismes de bienfaisance à Revenu Canada, avec une demande d'enregistrement comme organisme de bienfaisance sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu. La pièce H réunit diverses lettres échangées entre les membres prévus de la direction de la PCC et Revenu Canada; il apparaît que celui‑ci n'a pas accordé le statut d'organisme de bienfaisance. Je note que, à ce moment, les membres de la direction désignés dans la demande étaient Kevin Arens, comme trésorier, et Sandra Hamilton, comme secrétaire. D'autres éléments de la correspondance concernant le refus par Revenu Canada d'accorder le statut d'organisme de bienfaisance révèlent que le Dr Coll était consulté de manière suivie sur cette question. Je constate en outre que certains des documents contenus dans cette pièce le désignent comme président de la PCC Canada. Au moment du décès du Dr Coll en décembre 1999, les efforts se poursuivaient encore en vue d'obtenir le statut d'organisme de bienfaisance.

[25]                       Selon l'affidavit de Mme Shrieves, le président de la PCC U.S. a envoyé à Mme Sandra Hamilton le 14 janvier 2000, après le décès du Dr Coll, une note l'avisant que Mme Susan Scott serait présidente de la PCC Canada, que les documents de constitution en personne morale devaient être modifiés en conséquence et que cette constitution se ferait en droit fédéral plutôt qu'albertain. On trouvait dans le même envoi une lettre du futur secrétaire de la PCC Canada précisant la composition prévue de la direction de cette organisation.

[26]                 Selon l'affidavit de Mme Shrieves, en mai 2000, soit après le décès du Dr Coll (survenu en décembre 1999), l'ALC Inc. a entièrement révoqué la licence qui autorisait l'IPM Canada à utiliser les programmes créés par lui, y compris l'autorisation d'employer la marque Peace Community Church.

[27]                 L'ALC Inc. a institué un nouveau bureau national pour le Canada (IPM Alberta), sis à Calgary, auquel devaient être adressés l'ensemble du matériel des programmes et la totalité des recettes tirées de ceux‑ci. Le 30 juin 2000, l'IPM Alberta est devenu l'ALC Canada et a été constitué en personne morale sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, Franciso David Coll, héritier de la succession du Dr Coll, étant son actionnaire unique.

[28]                 Mme Shrieves produit des éléments tendant à prouver que l'ALC (c'est‑à‑dire la société mère américaine) a autorisé l'ALC Canada, par lettre en date du 29 juin 2000, à employer ses marques de commerce. De même, par lettre en date du 30 septembre 2000, Alley a autorisé l'ALC Canada à utiliser le matériel didactique protégé par le droit d'auteur. Ces éléments indiquent que pourrait avoir alors commencé au Canada une utilisation concurrente des programmes et des cours fondés sur l'enseignement spirituel du Dr Coll.

[29]                 Mme Shrieves déclare que la succession de Franciso Coll, l'ALC et Alley ont envoyé à l'IPM Canada, à ses administrateurs et à ses membres de nombreuses lettres leur demandant de cesser et de s'abstenir d'utiliser le matériel de programme protégé par le droit d'auteur, ainsi que les dénominations et logos, notamment les noms « Peace Community Church » et « PCC » et le logo de la PCC. Elle a joint à son affidavit, sous la cote M, des exemples de ces lettres.

[30]                 Le 26 septembre 2000, l'IPM Canada a déposé devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta une demande introductive d'instance contre l'ALC Canada, où elle déclarait entre autres que l'IPM Canada était le propriétaire légitime de marques de commerce et de noms commerciaux déterminés au Canada, y compris de la Marque. Il apparaît que Mme Shrieves, en sa qualité de membre du conseil d'administration de l'ALC Canada, a assisté au contre-interrogatoire de Mme Susan Scott, présidente et administratrice de l'IPM Canada, sur l'affidavit produit par celle‑ci dans le cadre de cette action en justice. Mme Shrieves a annexé à son affidavit, sous la cote Q, des extraits de la transcription officielle de ce contre-interrogatoire. Elle fait observer que Mme Scott a déclaré dans son contre-interrogatoire que le matériel de cours est numéroté et créé par la société américaine Alley Incorporated et que celle‑ci reçoit des redevances lorsque ce matériel est utilisé. La pièce R de l'affidavit de Mme Shrieves réunit les états financiers de l'IPM Canada datés d'à partir du 30 juin 1999 que Mme Scott a produits, lesquels montrent que l'IPM Canada devait à Alley 85 449,83 $ au titre d'achats de marchandises et 93 362,94 $ en [TRADUCTION] « redevances sur cours ». Mme Shrieves déclare croire que cette dernière somme comprenait des redevances pour l'utilisation de matériel de programme portant la marque de commerce PCC. Je constate cependant que ce fait n'est pas précisé sur le bilan.

Résumé de l'affidavit de Mme Shrieves

[31]                 À en juger par l'exposé des faits que donne Mme Shrieves, l'IPM Canada a commencé ses activités au Canada en 1976 en tant que membre de la famille d'organisations du Dr Coll, et utilisait alors des marques de commerce, des noms commerciaux et du matériel didactique en vertu de l'autorisation verbale de sociétés commerciales (l'ALC et Alley) dont le Dr Coll était l'actionnaire unique. Cette utilisation comprenait l'exécution de programmes et la fourniture de matériel y afférent sous la marque de commerce Peace Community Church. Le fait qu'ait été admise sous serment une dette de redevances au cours d'un contre-interrogatoire auquel Mme Shrieves a assisté étaye l'affirmation de l'Opposante selon laquelle l'emploi au Canada des marques de commerce liées aux programmes de l'IPM Canada, y compris ceux qui relevaient de la division PEACE COMMUNITY CHURCH, dépendait de l'autorisation de l'actionnaire unique d'Alley et de l'ALC, soit le Dr Coll.

L'affidavit de Robert Conrad

[32]                 Le premier affidavit de M. Conrad, fait le 23 juin 2007, porte qu'il participe aux activités de l'Inner Peace Movement, de la Peace Community Church et de l'Americana Leadership College (ALC) depuis 1973. M. Conrad déclare être expert-conseil en gestion et en commercialisation, et s'occuper fréquemment de questions relatives aux marques et au droit d'auteur. Il raconte brièvement sa carrière chez l'Opposante, qui l'a mené au [TRADUCTION] « poste de président de l'Inner Peace Movement (organisation à but non lucratif), qui est maintenant l'Inner Peace Movement Inc. aux États‑Unis ». Il confirme les déclarations de Mme Shrieves selon lesquelles la Peace Community Church, ainsi que les produits et services de marque et protégés par le droit d'auteur qui s'y rapportent, ont été créés par le Dr Coll, qui a aussi fondé l'Americana Leadership College.

[33]                 M. Conrad formule quelques déclarations touchant l'intégrité du Dr Coll, de même que des remarques personnelles désobligeantes concernant les anciens disciples de ce dernier, qui ne peuvent que viser la Requérante. Ces remarques n'ont pas leur place dans une procédure d'opposition et sont dénuées de pertinence pour l'examen de la question qui nous occupe.

[34]                 M. Conrad a joint à son affidavit sous la cote AE‑1 des échantillons de matériel relatif aux programmes Peace Community Church offerts par l'ALC. Il n'est pas précisé à quelles dates ni où ces documents ont été distribués; je les accepte cependant en tant qu'ils étayent l'affirmation générale que l'ALC constituait la source du contenu et du matériel des programmes.

[35]                 La pièce AE‑2 est une brochure de l'ALC datant de 1977, qui annonce de multiples camps d'été et retraites de l'Inner Peace Movement devant se tenir aux États‑Unis et, dans deux cas, au Canada. On y annonce aussi une retraite de neuf jours de la Peace Community Church aux États‑Unis.  

[36]                 La pièce AE‑4 comprend un prospectus relatif à une conférence devant se tenir à Kelowna et Vernon en janvier et février 2002 sous l'égide de l'Inner Peace Movement of Canada. On y trouve aussi un prospectus annonçant un [TRADUCTION] « week-end de la Peace Community Church », prévu pour les 24‑26 mai 2002 à Vernon (C.‑B.), auquel invite l'Inner Peace Movement of Canada. Je constate que nulle part dans ce prospectus n'apparaît la dénomination de la Requérante telle qu'elle figure dans la demande d'enregistrement considérée : « Peace Community Church of Canada Limited ».

[37]                 La pièce AE‑5 est décrite comme étant un « prospectus » non daté, dans lequel sont exposés les buts de la PCC, ainsi que les types et niveaux d'adhésion possibles à cette organisation. Ce document semble se rapporter à la formation et au perfectionnement des professeurs et pasteurs qui adhèrent à la doctrine du Dr Coll et ont suivi les cours préalables à l'ALC (séminaire de la PCC). Je remarque qu'on peut lire dans la section des coordonnées la mention [TRADUCTION] « pour de plus amples renseignements concernant le Canada, prière de s'adresser à l'Inner Peace Movement of Canada », suivie d'une adresse et d'un numéro de téléphone à Ottawa. Une fois encore, je constate que la dénomination de la Requérante, « Inner Peace Movement of Canada Limited », n'apparaît pas telle quelle dans ce prospectus. 

[38]                 L'affidavit de M. Conrad contient aussi des informations au sujet de la rupture entre les organisations américaines et la succession du Dr Coll. Un bon nombre des allégations en question sont chargées d’émotion et désobligeantes, et n'ont donc pas leur place dans la présente procédure, mais la situation semble être pour l'essentiel que l'Inner Peace Movement et la Peace Community Church des États‑Unis sont entrés en litige avec la succession du Dr Coll sur le point de savoir à qui appartiennent les droits de propriété intellectuelle afférents aux marques de commerce, entre autres droits de propriété intellectuelle sur le matériel de programme.  

[39]                 M. Conrad fait observer dans son affidavit que la demande d'enregistrement canadienne de la Marque est établie au nom de la Peace Community Church of Canada Limited, organisation à but non lucratif, mais néanmoins dénommée comme si elle avait été constituée en société commerciale.

Le second affidavit de Robert Conrad

[40]                 Le second affidavit de M. Conrad n'est pour une grande part qu'une suite de commentaires. Il exprime des opinions et des jugements sur les actions d'autres personnes, ainsi que des observations personnelles dénuées de pertinence pour les questions qui nous occupent.

L'affidavit de Francisco David Coll

[41]                 M. Francisco David Coll (D. Coll) déclare que son père, le Dr Franciso Coll, est décédé le 15 décembre 1999 à San Juan (Porto Rico), et qu'il est l'exécuteur et administrateur légal, ainsi que l'héritier unique, de sa succession. Il a joint à son affidavit des documents qui paraissent être des décisions administratives de l'État portoricain confirmant ces faits. L'affidavit est muet sur la situation juridique de son auteur dans d'autres États. Bien que la preuve donne à penser que la succession du Dr Coll ait été contestée par les organisations américaines et/ou portoricaines de l'IPM et de la PCC, je tiens à signaler que la qualité de l'Opposante n'est pas en litige dans la présente procédure. 

[42]                 M. D. Coll explique que son père était un chef de file en matière de développement personnel et spirituel. Pendant ses 50 années et plus de vie active, il a créé, à l'échelle mondiale, plus de dix mouvements spirituels, huit organisations à but non lucratif, au moins 11 sociétés commerciales, 17 marques de commerce déposées (à l'USPTO), plus de 60 marques de commerce de common law, des œuvres faisant l'objet de plus de 700 enregistrements de droit d'auteur, ainsi que de nombreux centres de réunions un peu partout dans le monde, dont un à Pugwash, en Nouvelle‑Écosse.

[43]                 M. Coll déclare en outre que la marque PEACE COMMUNITY CHURCH était employée à l'échelle mondiale, y compris au Canada, avant que la Requérante ne l'emploie le moindrement.

[44]                 M. Coll a joint à son affidavit, sous la cote E‑4, une brochure de camps d'été datant de 1990 qui annonce des programmes offerts par l'ALC. La dénomination IPM / Inner Peace Movement figure aussi sur la page couverture. Cette brochure annonce un programme de camps d'été devant se dérouler dans cinq centres de réunions, y compris un à Pugwash (Nouvelle‑Écosse). On y décrit un certain nombre d'autres programmes ou [TRADUCTION] « camps d'été » offerts à Pugwash, dont un de sept jours intitulé [TRADUCTION] « le camp d'été de la Peace Community Church ». Je note que cette brochure est antérieure à la constitution de la Peace Community Church of Canada en personne morale distincte à but non lucratif.

Récapitulation de la preuve de la Requérante

L'affidavit de Reta Bunbury

[45]                 L'affidavit de Mme Bunbury propose un historique des organisations qu'elle désigne sous le nom d’« Inner Peace Movement of Canada Limited » (IPM Canada) et « Peace Community Church of Canada Limited » (PCC Canada), à compter de leur constitution en personnes morales, qui date respectivement de 1976 et de 2000. Elle explique que l'IPM Canada et la PCC Canada ont toujours fonctionné à partir du même bureau, et qu'elle a rempli, comme elle continue de le faire, la fonction d'administratrice de bureau pour les deux entités. Elle désigne d'abord la Requérante comme étant « Peace Community Church of Canada Limited » et par la suite « PCC Canada ». C'est là dans la preuve la seule mention de la Requérante sous la dénomination qu'elle se donne dans la demande d'enregistrement; il n'est fourni aucune explication quant au rapport entre la Requérante telle qu'elle est dénommée dans la demande et la Peace Community Church of Canada.

[46]                 Mme Bunbury a joint à son affidavit des états des recettes touchées au titre des programmes et du matériel Peace Community Church offerts au Canada, recettes qui ont été déposées au compte bancaire de l'IPM Canada (pièce B). Je remarque que les journaux de recettes de la pièce B sont datés de juillet 1997 à juin 1998, et sont donc antérieurs à la constitution de la PCC Canada en personne morale distincte. La déposante précise que les sommes en question ont été inscrites dans le grand livre comme recettes tirées des programmes et du matériel PCC; elle produit en pièce C des copies des livres en cause. Je constate que les livres de la PCC produits paraissent couvrir les exercices de 1979 à 1982, mais semblent confirmer cette pratique en principe.  

[47]                 La déposante affirme que les programmes Peace Community Church étaient annoncés dans les prospectus de camps d'été de l'IPM Canada, qu'on envoyait au moins deux fois par an aux Canadiens figurant dans la liste de distribution de l'IPM Canada. La pièce D est une brochure de 1993 démontrant la possibilité de s'inscrire à un programme Peace Community Church par l'intermédiaire de l'IPM Canada. Je constate que cette brochure porte la Marque et la dénomination Inner Peace Movement of Canada, conformément à l'affirmation de la déposante selon laquelle l'IPM Canada parrainait les programmes Peace Community Church. Je remarque également que ces prospectus se rapportent à des programmes offerts avant la mort du Dr Coll et la rupture entre les organisations canadiennes et américaines.

[48]                 La déposante déclare que la marque de commerce Peace Community Church a été adoptée et employée pour la première fois en janvier 1976 par l'IPM Canada, en liaison avec des services et programmes ecclésiastiques offerts au Canada, qui revêtaient la forme d'enseignement et d'orientation dans les domaines de la religion, de la spiritualité et de l'animation. La Marque était aussi employée en liaison avec le matériel servant de complément à ces services et programmes. La pièce E est un extrait imprimé de la base de données de Corporations Canada, établissant que l'Inner Peace Movement of Canada a été constitué en personne morale, le 8 janvier 1976, sous le régime de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes. Je constate que, comme dans les lettres patentes produites par l'Opposante (en pièce annexée à l'affidavit de Mme Shrieves), la dénomination anglaise (de même que la française) de la société ne comporte pas d'élément juridique du type « Limited » (Limitée) ou « Ltd. » (Ltée). L'affidavit de la Requérante ne propose aucune explication ni aucun élément de preuve pour réfuter l'allégation de l'Opposante selon laquelle l'emploi de l'élément juridique « Limited » ou « Ltd. » est interdit dans les dénominations de personnes morales à but non lucratif au Canada. Je note en outre que l'Opposante aborde cette question dans ses conclusions écrites, alors que celles de la Requérante sont muettes à ce sujet.

[49]                 Après la constitution de la PCC Canada en personne morale, tous les programmes et tout le matériel Peace Community Church ont été offerts par l'intermédiaire de la PCC Canada, qui gardait le même bureau et la même administratrice de bureau que l'IPM Canada. Mme Bunbury ajoute que l'IPM Canada a transféré à la PCC Canada, après la constitution de celle‑ci en personne morale, son droit sur la Marque, ainsi que le contrôle et l'emploi de cette dernière, au Canada.

[50]                 Une fois entrée en activité, la PCC Canada a créé sa propre papeterie commerciale; la pièce F réunit des enveloppes et du papier à en‑tête portant la Marque, du type employé par elle depuis lors. Depuis sa constitution en personne morale, la PCC Canada n'a cessé d'offrir des programmes et du matériel Peace Community Church au Canada. La pièce G est un document intitulé [TRADUCTION] « Lignes directrices concernant les assemblées de congrégation de la Peace Community Church ». La pièce H est un document intitulé [TRADUCTION] « Perspectives pour les membres de la Peace Community Church ». La pièce I est un formulaire de demande d'adhésion à la Peace Community Church of Canada. La pièce J est une brochure destinée aux congrégations de la Peace Community Church of Canada. Quant aux pièces G à J, elles sont des échantillons de documents actuellement utilisés par la PCC Canada. La Marque PEACE COMMUNITY CHURCH OF CANADA semble être employée non seulement comme marque de commerce, mais parfois aussi pour désigner l'organisation dont proviennent les services. Cependant, aucune pièce n'indique que ces programmes et ce matériel proviennent de la Peace Community Church of Canada Limited.  

[51]                 La déposante propose un rappel des faits qui ont suivi le décès du Dr Coll. Depuis ce décès, écrit-elle, l'Opposante fait valoir des droits sur les marques de commerce contre les organisations américaines, soit l'Inner Peace Movement et la Peace Community Church, Inc. Mme Bunbury déclare que ces tentatives ont échoué, les tribunaux américains ayant décidé que ni le Dr Coll ni l'Opposante ne détiennent de droits à cet égard. L'Opposante invoque quant à elle le fait que cette décision a été partiellement infirmée en appel. À mon avis, un long examen de l'instance américaine ne serait pas pertinent pour la question qui nous occupe dans la présente procédure. Que la Marque soit déclarée appartenir en fin de compte à la succession (l'Opposante), aux sociétés commerciales (l'ALC et Alley) ou aux organisations américaines à but non lucratif (l'IPM, Inc. et la PCC, Inc.), le point principal à décider dans la présente procédure est celui de savoir si la Requérante, telle qu'elle est dénommée dans la demande d'enregistrement considérée, est l'entité qui a employé ladite Marque au Canada en premier lieu et/ou si cet emploi peut être mis sur son compte.

Analyse des motifs d'opposition

L'alinéa 30b) de la Loi

[52]                 Il est clair que la preuve de l'Opposante aussi bien que celle de la Requérante établissent que cette dernière, la Peace Community Church of Canada (avec ou sans l'élément juridique « Limited ») n'existait pas à la date de premier emploi revendiquée dans la demande d'enregistrement; une personne morale à but non lucratif dénommée Peace Community Church of Canada (sans l'élément juridique « Limited ») a bien été constituée, mais seulement le 3 août 2000, soit 24 ans après la plus ancienne des dates de premier emploi revendiquées.

[53]                 De plus, la preuve me convainc que la Marque, aux dates de premier emploi revendiquées, était employée par l'Inner Peace Movement of Canada (avant et après sa constitution en personne morale), antérieurement à la constitution de la Requérante en personne morale à but non lucratif sous le régime de la Loi sur les corporations canadiennes. Il apparaît que cet emploi faisait vraisemblablement l'objet d'une licence accordée par le Dr Coll par l'intermédiaire de ses sociétés commerciales américaines. Comme la Requérante n'a pas invoqué l'emploi de la Marque par un prédécesseur en titre désigné sous le régime de l'alinéa 30b), son emploi par l'IPM Canada ou n'importe quelle autre entité ne peut être considéré comme confirmant la date de premier emploi revendiquée dans la demande. En tout état de cause, il est possible de soutenir, comme on l'a vu plus haut, étant donné la preuve établissant l'existence d'une autorisation verbale, ainsi que la participation du Dr Coll et le contrôle exercé par lui, que l'emploi de la Marque par l'IPM qui a commencé en 1976 et 1979 ne pourrait de toute façon être attribué à la Requérante en application du paragraphe 50(1) de la Loi.

[54]                 Le requérant supporte la charge ultime d'établir, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande remplit les conditions prévues par la Loi. Cependant, l'opposant supporte quant à lui la charge initiale de la preuve, c'est‑à‑dire qu'il lui incombe de produire des éléments admissibles suffisants pour qu'on puisse raisonnablement conclure à l'existence des faits qu'il invoque au soutien de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd. c. The Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), page 298]. L'opposant peut s'appuyer sur la preuve du requérant pour s'acquitter de sa charge relativement à ce motif, mais il lui incombe d'établir que ladite preuve est « manifestement » incompatible avec les allégations de la demande d'enregistrement [Ivey Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562 (C.O.M.C.), pages 565 et 566, confirmée par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)].

[55]                 La preuve me convainc que l'Opposante s'est acquittée de sa charge en ce qui concerne son allégation que la Requérante n'employait pas la Marque aux dates de premier emploi revendiquées, soit le 23 avril 1979 pour les marchandises (1) et janvier 1976 pour les services. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le motif d'opposition fondé sur les alinéas 38(2)a) et 30b) doit être accueilli.

L'absence de droit à l'enregistrement et l'alinéa 16(1)a) de la Loi

[56]                       La ou les dates pertinentes pour une décision à rendre sous le régime des alinéas 38(2)c) et 16(1)a) sont la ou les dates de premier emploi revendiquées [voir le paragraphe 16(1)]. Or, selon le paragraphe 16(1), le requérant doit comme condition préalable établir que lui-même ou son prédécesseur en titre a employé (ou révélé) la marque en question au Canada à la date de premier emploi revendiquée; une fois cette condition remplie, le requérant a droit à l'enregistrement si cette marque ne crée pas de confusion (pour le cas qui nous occupe) avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada [alinéa 16(1)a)].  

[57]                 Manifestement, la Requérante n'employait pas la Marque aux dates de premier emploi revendiquées. Au vu des faits de la présente espèce et de la conclusion formulée plus haut sous le régime de l'alinéa 30b), l'Opposante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait en vertu de cette disposition. Il est évident que l'emploi de la Marque par la Requérante ou par un prédécesseur en titre désigné n'a pas commencé aux dates de premier emploi revendiquées; il est donc inutile d'examiner la question de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante ou une autre marque quelconque.

L'absence de droit à l'enregistrement et l'alinéa 16(3)a) de la Loi

[58]                 La date pertinente pour l’examen fondé sur les alinéas 38(2)c) et 16(3)a) est la date de production de la demande d'enregistrement, qui est en l'occurrence le 10 mai 2005 [voir le paragraphe 16(3)].

[59]                       Il existe des précédents à l'appui du principe que, lorsque l'opposant réussit à repousser la date de premier emploi revendiquée par le requérant (comme c'est le cas dans la présente espèce), la date pertinente pour l'examen du droit à l'enregistrement peut devenir la date de production de la demande sous le régime du paragraphe 16(3) [voir American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co. Inc. (1972), 6 C.P.R. (2d) 278 (C.O.M.C.); et Everything for a Dollar Store (Canada) Inc. c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.)].

[60]                       Même si l'on analyse l'ensemble des marchandises et des services sous le régime de l'alinéa 16(3)a) (conformément au principe énoncé plus haut), la Requérante dénommée dans la demande n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque puisqu'il est évident qu'une ou plusieurs personnes autres que ladite Requérante ainsi dénommée avaient employé en premier lieu la même Marque au Canada en liaison avec des services identiques et des marchandises y afférentes, et l'employaient toujours à la date de production de la demande et à la date de son annonce. Comme on l'a vu plus haut dans la récapitulation de la preuve, aucun des services ni aucun matériel y afférent fournis sous la Marque, tels qu'annoncés dans les prospectus de programmes ou de camp d'été ou les brochures publicitaires, ou décrits par les déposants, ne sont présentés comme provenant de la Requérante dénommée. De même, aucun élément de la correspondance avec Corporations Canada ne mentionne la Requérante : la Peace Community Church of Canada Limited. Il faut donc en conclure que la Requérante dénommée dans la demande n'avait pas droit à l'enregistrement de la Marque à la date de production de ladite demande, au motif que la Marque créait de la confusion, sous le régime du paragraphe 6(5), avec la même Marque déjà employée par d'autres en liaison avec des marchandises et des services identiques.

[61]                       À ce propos, j'ai pris connaissance d'office de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes (1970, ch. C‑32) et du paragraphe 8.1.4 de l'Énoncé d'octroi des dénominations, qui régit l'emploi des éléments juridiques dans les dénominations des personnes morales à but non lucratif. Ce paragraphe porte que les seuls éléments juridiques dont l'emploi est autorisé dans les dénominations de telles personnes morales sont « Incorporated » [Incorporée], « Inc. », « Corporation » et « Corp. ». [Voir Kightley c. Canada (Registraire des marques de commerce (1982), 65 C.P.R. (2d) (C.F. 1re inst.), Marks & Clerk c. Sparkles Photo Ltd. (2005), 41 C.P.R. (4th) 236 (C.F. 1re inst.), et Crush International Ltd. c. Canada Dry Ltd. (1979), 59 C.P.R. (2d) 82 (C.O.M.C.), où la Cour fédérale et la C.O.M.C. ont pris connaissance d'office de règlements provinciaux et fédéraux.] En l'absence de toute explication ou preuve concernant l'existence de la personne morale dénommée dans la demande – la Peace Community Church of Canada Limited –, force m'est de conclure, pour les raisons exposées plus haut, que la Requérante ne peut être la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque sous le régime des alinéas 16(1)a) ou 16(3)a de la Loi. En conséquence, les motifs d'opposition en question sont accueillis.

Les autres motifs d'opposition

[62]                 Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de me prononcer sur les motifs d'opposition restants.

Décision

[63]                       En vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande, relativement aux marchandises aussi bien qu'aux services, en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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