Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de

Spirits International N.V. à la demande no 1 033 359

produite par SC Prodal 94 SRL en vue de l’enregistrement

de la marque de commerce STALINSKAYA et dessin

 

Le 22 octobre 1999, la requérante, SC Prodal 94 SRL, a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce STALINSKAYA et dessin. La marque est reproduite ci-dessous :

                                                           

 

La demande est fondée sur un emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec des boissons alcoolisées distillées, nommément spiritueux à base de grains, de blé et de seigle, sauf la bière. La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif de toute la matière à lire à l’exception du mot STALINSKAYA. De même, la lettre P superposée aux armoiries en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement.

 

La demande a été publiée aux fins de la procédure d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 28 mars 2001. Le 28 mai 2001, l’opposante, Spirits International N.V., a produit une déclaration d’opposition à la demande. La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration.

 

À titre de preuve soumise en vertu de l’article 41, l’opposante a produit l’affidavit de Stanislaw Brasiler. La requérante a produit les affidavits de Ionna Claudia Marin et Allison Huff à titre de preuve soumise en vertu de l’article 42.

 

Des argumentations écrites ont été produites par les deux parties. Une audience a été tenue, à laquelle les deux parties ont été représentées.

 

Motifs d’opposition

Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

 

1.                  la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), parce qu’elle ne contient pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles la marque sera employée;

 

2.                  la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce qu’à la date de production de cette demande, la requérante savait fort bien qu’elle n’avait pas le droit d'employer, au Canada, la marque visée par la demande en liaison avec les marchandises décrites dans la demande;

 

3.                  la marque visée par la demande n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec une famille de dix marques de commerce appartenant à l’opposante et enregistrées sous les numéros 208 808, 208 809, 283 218, 495 126, 495 127, 538 598, 540 828, 540 830, 544 670 et 479 418, dont chacune est reproduite ci‑dessous :

 

i) 208 808 :

                                               

 

ii) 208 809 :

                                               

                                                           

iii) 283 218 :                                                                           

                                               

 

iv) 495 126 :                MOSKOVSKAYA CRISTALL

 

 

v) 495 127 :

                                                           

 

                                                           

 

vi) 538 598 :

                                               

 

vii) 540 828 :

                                               

                                                           

 

viii) 540 830 :

                                               

 

ix) 544 670 :

                                                           

 

x) 479 418 :                             CRISTALL

 

4.                  la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque parce qu’à la date de production de la demande, la marque créait de la confusion avec la famille de marques de commerce susmentionnée, qui avait été antérieurement employée au Canada par l’opposante, de même qu’avec huit autres membres de la famille, à savoir les marques de commerce reproduites ci-dessous :

 

i) demande no 726 952 :         

                                                                             

 

ii) demande no 867 712 :

                                                             

 

iii) demande no 867 715 :

                                                           

 

iv) demande no 1 064 642 :

                                                           

 

v) demande no 1 064 643 :

                                                           

 

vi) demande no 1 064 644 :                 STOLICHNAYA

 

vii) demande no 1 064 645 :                MOSKOVSKAYA

 

 

5.                  la marque visée par la demande n’est pas distinctive de la requérante parce qu’elle ne distinguera pas car [sic] elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles la requérante envisage de l’utiliser, des marchandises d’autrui, en particulier les marchandises en liaison avec lesquelles l’opposante a antérieurement enregistré, demandé à faire enregistrer et employé sa famille de marques de commerce au Canada.

 

Fardeau de preuve

Bien que ce soit à la requérante qu’il incombe d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi, l'opposante a le fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on puisse raisonnablement conclure à la véracité des faits allégués au soutien de chaque motif d’opposition. [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293 à la p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)]

 

Dates pertinentes

Les dates pertinentes au regard des motifs d’opposition sont les suivantes : art. 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469 à la p. 475]; al. 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]; par. 16(3) – la date de production de la demande; absence de caractère distinctif – la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.) à la p. 324].

 

Preuve de l’opposante

Affidavit de M. Brasiler

M. Brasiler est directeur général de l’opposante depuis le 2 mars 1999. M. Brasiler affirme qu’en raison de ses fonctions habituelles au service de l’opposante, il connaît bien la gamme complète des produits vendus par l’opposante au Canada. En outre, il indique qu’il a accès aux documents commerciaux de sa société. La requérante n’a soulevé aucune objection à l’égard de la preuve présentée par M. Brasiler.

 

M. Brasiler produit des copies certifiées conformes des enregistrements et demandes de marques de commerces invoqués dans la déclaration d’opposition. Il atteste que la principale marque employée par l’opposante au Canada est STOLICHNAYA, et qu’elle emploie aussi MOSKOVSKAYA et STOLI au Canada. Les marchandises sont vendues à des régies provinciales des alcools, qui les vendent ensuite à des consommateurs canadiens.

 

Les ventes canadiennes du produit STOLICHNAYA ont débuté en 1976, et M. Brasiler affirme que les ventes de vodka STOLICHNAYA ont été considérables depuis cette époque. À titre de pièce « B », il produit un tableau indiquant le nombre de caisses de 9 litres vendues dans chaque province en 1996, qui a totalisé 20 000 caisses à l’échelle du pays. M. Brasiler estime que la valeur au détail des ventes du produit STOLICHNAYA au Canada ont dépassé les montants suivants au cours des années indiquées : 1999 – $1,139,00 [sic]; 2000 – 609 000 $; 2001 – 1 503 000 $.

 

Les ventes canadiennes des produits MOSKOVSKAYA et STOLI ont commencé respectivement en 1976 et en 1993.

 

M. Brasiler a produit une série de factures de 1999 à 2001 relatives à certaines des ventes des produits STOLICHNAYA, MOSKOVSKAYA et STOLI par sa société au Canada. Il a aussi produit des échantillons d’étiquettes et des photographies représentant certains des produits de sa société. Toutes les étiquettes sont des étiquettes de « vodka », et elles portent toutes l’inscription [traduction] « distillée et embouteillée en Russie pour Vzao “Sojuzplodoimport”, Moscou ». Les factures désignent Zao Sojuzplodimport comme fournisseur mais semblent avoir été émises par SPI Limited de Gibraltar ou S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited de Chypre. Je ne vois pas le nom de l’opposante sur aucun de ces documents.

 

D’après la copie certifiée conforme de certains des enregistrements de marque de commerce de l’opposante, Vzao Sojuzplodoimport était un nom commercial de l’entité qui a été propriétaire des marques de commerce entre le 16 avril 1996 et le 3 avril 1998. Les documents indiquent que l’opposante en l’espèce a acquis les droits dans les marques de commerce du successeur en titre de cette entité le 26 octobre 1999. L’affidavit de M. Brasiler, qui est daté de mars 2002, ne fournit aucune explication concernant les différents noms qui apparaissent sur les factures et les étiquettes qu’il a produites.

 

Preuve de la requérante

Affidavit de Mme Marin

Mme Marin est directrice des marques de commerce de la requérante depuis le 1er juin 2001. Elle est entrée au service de la requérante vers le mois d’août 1999, dans des fonctions non précisées. Elle affirme : [traduction] « En raison de mon emploi chez [la requérante], j’ai une connaissance personnelle des faits sur lesquels porte mon présent affidavit, sauf là où il est indiqué qu’une déclaration est fondée sur des renseignements ou une opinion ». Mme Marin n’a pas déclaré qu’elle avait examiné les documents commerciaux de la requérante.

 

Dans son argumentation écrite, l’opposante a soutenu que l’affidavit de Mme Marin devrait être écarté parce qu’il comporte du ouï-dire. Je conviens que Mme Marin n’a pas justifié la présentation de preuves qui précèdent sa collaboration avec la requérante. Il n’y a aucune explication quant à savoir pourquoi une personne qui était à l’emploi de la requérante avant 1999 n’aurait pas pu attester d’événements qui ont eu lieu avant l’embauche de Mme Marin. En conséquence, dans mon résumé de la preuve qu’elle a présentée, j’ai omis les éléments qui sont clairement inadmissibles en tant que ouï-dire injustifié.

 

Mme Marin déclare que la requérante fabrique et vend des boissons alcoolisées embouteillées et qu’elle produit et embouteille des boissons alcoolisées STALINSKAYA en Roumanie. [traduction] « STALINSKAYA est une vodka de type authentique produite à partir d’un alcool de grain redistillé à 100 %, assemblé et purifié conformément à une recette russe originale. »

 

Je reproduis ci-dessous les paragraphes 8-11 de l’affidavit de Mme Marin :

 

8. D’après mon expérience, le suffixe « AYA » en russe est la terminaison génitive féminine qui est employée pour s’accorder avec le mot féminin « vodka ».

 

9. D’après mon expérience, les suffixes « AYA » et « SKAYA » en russe ont été employés couramment, y compris au Canada, en liaison avec la vente de vodka et de produits connexes.

 

10. En plus de l’emploi spécifique de « AYA » et de « SKAYA », d’après mon expérience, il est très courant pour des producteurs et des vendeurs de vodka partout dans le monde, y compris ceux au Canada, d’adopter et d’employer, en liaison avec leurs marchandises, des mots russes et des mots à consonance russe ou à consonance étrangère (étrangère par rapport à l’anglais), qu’il s’agisse de vrai mots ou de mots inventés.

 

11. La marque STALINSKAYA a été créée en 1995 et a été employée sur le marché roumain. Lorsqu’elle a créé la marque, SCP a tenu compte de deux aspects qui demeurent vrais à ce jour :

a)    Les consommateurs devaient être mis au courant du fait que le produit employait une recette russe authentique. D’après mon expérience, « AYA » est devenu d’usage courant pour la vodka produite suivant une recette russe. Cette considération a pesé dans la décision de SCP d’employer « AYA » à la fin de STALINSKAYA; et

b)   STALINSKAYA a été créée pour avoir la connotation d’un produit ayant une image [traduction] « aussi forte que l’acier ». Le mot « STAL » a été choisi en raison de son sens en russe : ACIER. SCP a choisi « STALIN » plutôt que « STAL » parce que SCP estimait que la combinaison « STALINSKAYA » sonnait mieux que « STALSKAYA », et en raison du personnage historique bien connu Joseph Staline.

 

[J’ai inclus le paragraphe 11 de l’affidavit de Mme Marin dans mon résumé parce qu’elle a attesté que ces aspects demeurent vrais à ce jour.]

 

Mme Marin a dit qu’à sa connaissance, le mot STOLICHNAYA a la connotation de « LA CAPITALE » ou « DE LA MÉTROPOLE », tandis que le mot « MOSKOV » renvoie à la ville de Moscou. Elle n’est au courant d’aucun cas de confusion entre la marque STALINSKAYA de la requérante et les marques STOLICHNAYA, MOSKOVSKAYA ou STOLI de l’opposante où que ce soit dans le monde. Elle produit une copie d’une décision rendue par le Bureau de la propriété intellectuelle de la République tchèque, qui a tranché en faveur de la requérante en l’espèce lorsque sa marque STALINSKAYA et dessin a fait l’objet dans ce pays d’une opposition produite par l’opposante en l’espèce.

 

Avant de procéder, je mentionnerai que l’opposante a aussi soutenu que Mme Marin n’est pas compétente pour formuler des observations concernant le sens de mots ou de pratiques russes dans l’industrie de la vodka. Mme Marin n’a certainement pas été présentée comme un témoin expert, mais je ne pense pas que cela l’empêche de faire les déclarations auxquelles l’opposante s’est opposée. À titre de directrice des marques de commerce d’un fabriquant de vodka, elle a sans doute une certaine connaissance de l’industrie de la vodka, et l’opposante avait le loisir de la contre-interroger ou de produire des éléments de preuve pour réfuter toute déclaration qu’elle estime inexacte.

 

Affidavit de Mme Huff

Mme Huff est une adjointe juridique à l’emploi du cabinet d’avocats de la requérante. Elle nous informe que la requérante est propriétaire d’un enregistrement de marque de commerce canadien (no 501 347) visant la marque verbale STALINSKAYA en liaison avec de la vodka, et que personne ne s’est opposé à l’enregistrement de cette marque. D’après les dossiers du Bureau des marques de commerce, STALINSKAYA et STALINSKAYA et dessin sont des marques liées.

 

Le ou vers le 19 mars 2002, Mme Huff a effectué des recherches dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes sur le site www.strategis.gc.ca pour y recenser les marques qui incorporent « AYA » ou « SKAYA » en liaison avec de la vodka et des produits connexes de boisson alcoolisée. Elle a relevé cinq marques verbales semblables enregistrées, à savoir POSOLSKAYA, RUSSKAYA, PETROVSKAYA, RYESKAYA et STOLBOVAYA, chacune ayant un propriétaire différent. En outre, Mme Huff a recensé six dessins-marques semblables, qui sont reproduits ci-dessous :

1.

                                                                                     

 

 

2.

                                               

 

3.

                                                                                    

 

4.                                

                                                           

 

5.

                                                           

 

6.                                

                                               

                                         (traduit par SMIRNOVSKAYA VODKA NO. 21)

                       

 

Les trois premiers dessins-marques ci-dessus ont le même propriétaire. Je ne considère pas que le sixième dessin-marque soit pertinent, étant donné qu’il comporte seulement le suffixe « AYA » dans sa traduction.

 

Mme Huff a aussi recherché [traduction] « des marques qui incorporent des mots et dessins russes ou à consonance russe ou d’autres mots et dessins à consonance orientalo-européenne ou étrangère en liaison avec de la vodka et des produits connexes de boisson alcoolisée ». Elle a produit des pages d’enregistrement relatives à plus de 60 marques semblables.

 

En outre, Mme Huff a recherché le mot « Stalin » sur Internet. Elle a aussi produit des copies de deux articles qu’elle a trouvés sur Internet et qui traitent d’un différend relatif au droit de propriété à l’échelle mondiale dans la marque STOLICHNAYA. 

 

Motif fondé sur l’alinéa 30a)

L’opposante soutient que la présente demande ne contient pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles la marque sera employée et que, par conséquent, elle ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi. Je suis d’accord pour les raisons suivantes.

 

L’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande énonce « boissons alcoolisées distillées, nommément spiritueux à base de grains, de blé et de seigle, sauf la bière ». Bien que l’opposante ait soulevé une préoccupation quant à l’opportunité d’exclure la bière d’une catégorie à laquelle elle n’appartient pas, je ne crois pas que cela rende l’état déclaratif inacceptable. Ma préoccupation découle plutôt du fait que la requérante a clairement l’intention d’employer sa marque en liaison avec de la vodka, et pourtant elle a choisi de ne pas mentionner la vodka dans son état déclaratif des marchandises. L’on note que l’enregistrement de sa marque verbale STALINSKAYA mentionne la vodka. Néanmoins, lorsque l’examinateur lui a demandé de définir avec plus de précision ses boissons alcoolisées dans la présente demande, la requérante a répondu comme suit : 

[traduction] « La requérante a songé à limiter la désignation des services à des “boissons alcoolisées, nommément la vodka”. Cependant, le mot “vodka” a acquis, dans le langage courant, un sens distinctif d’une boisson alcoolisée particulière, malgré le fait que le dictionnaire définit la vodka de manière beaucoup plus large comme une “boisson alcoolique incolore distillée à base de seigle, de blé, etc.” La requérante estime que restreindre les marchandises visées par la demande à la vodka serait extrêmement restrictif et exclurait même une boisson alcoolique telle qu’un brandy incolore, qui, en toute justice, est aussi une vodka. »

 

Je ne m’attarderai pas à la prétention de la requérante selon laquelle, suivant une interprétation technique, un brandy incolore pourrait être une vodka. Il me paraît évident qu’au Canada, le brandy n’est pas considéré comme un type de vodka par le vendeur ou l’acheteur typique de ces boissons. Il faut tenir compte de l’exigence selon laquelle les termes énumérés dans l’état déclaratif des marchandises doivent être le terme du commerce qui est à la fois ordinaire et spécifique. Je crois que je peux prendre connaissance d’office du fait que le Canadien moyen qui souhaiterait commander le produit de la requérante le décrirait comme de la vodka, et non comme un « spiritueux à base de grain, de blé et de seigle ». Tout au long de son affidavit, Mme Marin parle de « vodka », et la marque visée par la demande désigne elle-même les marchandises comme de la vodka. Le terme employé dans la demande n’est donc pas le terme ordinaire du commerce. Il n’est pas non plus spécifique, comme le démontre l’interprétation que la requérante elle-même a proposée dans le cadre de la procédure d’examen.

 

Une autre façon d’aborder la question consisterait à dire que les spiritueux à base de grain, de blé et de seigle décrivent une catégorie générale de marchandises, et non une catégorie spécifique. [voir Scotch Whisky Association c. Mark Anthony Group Inc. (1990), 31 C.P.R. (3d) 55 (C.O.M.C.)]

 

Pour les raisons qui précèdent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) est accueilli.

 

Analyse relative au risque de confusion

La majorité des motifs d’opposition sont fondés sur le risque de confusion entre la marque STALINSKAYA et dessin et les membres de la famille de marques alléguée de l’opposante.

 

Je commencerai par traiter de la prétention de l’opposante à une famille de marques. L’opposante a évoqué dans ses actes de procédure [traduction] « la famille de marques STOLICHNAYA, MOSKOVSKAYA et SIBIRSKAYA de l’opposante ». Je ne vois pas très bien quel est l’élément commun de la famille de l’opposante, surtout lorsque l’on considère qu’elle désigne la marque verbale CRISTALL comme faisant partie de cette famille (voir le troisième motif d’opposition). Si l’on devait accorder à l’opposante le bénéfice le plus favorable du doute, l’on conclurait qu’elle prétend posséder une famille de marques finissant en « AYA ». Cependant, pour pouvoir revendiquer une famille, l’on doit prouver l’emploi de chaque membre de la famille. [voir McDonald's Corp. c. Alberto-Culver Co. (1995), 61 C.P.R. (3d) 382 (C.O.M.C.)] En outre, la présomption de l’existence d’une famille est repoussée lorsqu’une preuve démontre que la caractéristique commune de la famille alléguée est enregistrée et employée par d’autres. [voir Thomas J. Lipton Inc. c. Fletcher’s Fine Foods Ltd. (1992), 44 C.P.R. (3d) 279 (C.O.M.C.) aux pp. 286-7]

 

À mon avis, l’affidavit de M. Brasiler établit seulement l’emploi de STOLICHNAYA et de MOSKOVSKAYA, bien que peut-être sur différentes formes d’étiquettes. En outre, au moins certains des emplois établis ne sont pas attribuables à l’opposante, à son prédécesseur en titre ou à une entité dont on aurait démontré que son emploi pouvait être invoqué par l’opposante pour son propre compte en vertu de l’art. 50 de la Loi. De plus, il appert que d’autres ont des marques enregistrées finissant en « AYA » dans le domaine de l’opposante. En conséquence, je n’accepte pas que l’opposante a une famille de marques de commerce.

 

L’argument le plus fort de l’opposante en ce qui concerne le risque de confusion se fonde sur sa marque de commerce STOLICHNAYA, puisque cette marque est à la fois celle qui a été la plus employée au Canada et celle dont on peut dire qu’elle ressemble le plus à la marque de la requérante. Je centrerai donc cette analyse sur le risque de confusion entre la marque de la requérante et STOLICHNAYA.

 

Le critère qui permet de déterminer s'il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Lorsqu’il applique le critère énoncé au par. 6(2) de la Loi pour déterminer s’il y a confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont énumérées au par. 6(5) de la Loi. Les facteurs énoncés expressément au par. 6(5) sont les suivants : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. La valeur à accorder à chaque facteur pertinent peut varier, dépendant des circonstances [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.); Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

La marque STALINSKAYA et dessin et la marque STOLICHNAYA ont toutes deux un caractère distinctif inhérent. Étant donné qu’il n’y a aucune preuve de l’emploi ou de la promotion de la marque de la requérante au Canada, cette marque n’a pas de caractère distinctif acquis ici. Bien que la marque de l’opposante ait été employée, j’ai du mal à conclure qu’elle a acquis un caractère distinctif entre les mains de l’opposante, puisque la preuve démontre un emploi par une autre partie.

 

La marque de l’opposante a été employée pendant longtemps au Canada. Cependant, j’accorde une valeur réduite à ce facteur, étant donné que cet emploi depuis 1999 ne semble pas avoir été le fait du propriétaire de la marque de commerce.

 

Les marques des deux parties sont associées à la vodka. Les marchandises des deux parties appartiennent à la même catégorie générale et seraient vendues au public par l’entremise de réseaux de vente similaires. 

 

Sur les plans visuel et phonétique, le mot dominant dans la marque STALINSKAYA et dessin présente une certaine ressemblance avec STOLICHNAYA, étant donné que les deux mots commencent par « ST », ont la syllabe « LI » au milieu et finissent en « AYA ». Bien que la requérante ait produit des éléments de preuve concernant le sens des éléments constitutifs de ces mots, je n’ai aucune raison de présumer que le consommateur canadien moyen connaîtrait les traductions anglaises de ces mots. Cependant, je crois que je peux prendre connaissance d’office de ce que Joseph Staline est un personnage historique russe bien connu et que certains consommateurs de vodka canadiens peuvent faire un lien entre la première partie de STALINSKAYA et le nom STALIN et l’individu le plus connu à avoir porté ce nom. La première partie de STOLICHNAYA ne semble avoir aucune signification en anglais. Cependant, il est de droit constant que les marques de commerce doivent être appréciées comme un tout et ne doivent pas être décomposées en leurs éléments constitutifs. Globalement, chacun des mots STALINSKAYA et STOLICHNAYA n’évoque rien de plus qu’une marque en langue étrangère, peut-être en russe.

 

Il y a évidemment d’autres éléments constitutifs de la marque STALINSKAYA et dessin de la requérante au-delà du mot STALINSKAYA, mais je ne suis pas convaincue qu’ils serviraient à distinguer la marque de la requérante de celle de l’opposante.

 

Le fait que la requérante possède un enregistrement visant la marque verbale STALINSKAYA ne lui confère pas le droit automatique d’obtenir un autre enregistrement peu importe le degré élevé de ressemblance avec son enregistrement antérieur [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Menagers Coronet Inc. (1984), 4 C.P.R. (3d) 108 (C.O.M.C.) à la p. 115].

 

Une autre circonstance de l’espèce à prendre en considération est la preuve de la requérante concernant l’état du registre. Une preuve concernant l’état du registre est seulement pertinente dans la mesure où l’on peut en tirer des conclusions quant à l’état du marché [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. En outre, une preuve concernant l’état du registre peut seulement permettre de tirer des conclusions quant à l’état du marché lorsqu’un nombre important d’enregistrements pertinents sont recensés. [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]

 

La preuve présentée par Mme Huff m’a convaincue que le public canadien serait habitué à voir des marques de commerce qui intègrent ce qui semble être des mots russes en liaison avec de la vodka. Sans doute de telles marques sont-elles populaires à cause de la réputation attribuée à la vodka russe. Je suis donc prête à admettre que les buveurs de vodka canadiens ne présumeraient pas que deux vodkas proviennent de la même source du seul fait qu’elles sont associées à des marques de commerce qui pourraient sembler être russes. Cependant, les deux marques en l’espèce présentent d’autres ressemblances au-delà de leur seule ethnicité. 

 

Nous disposons de preuves relatives à au moins huit autres sociétés ayant enregistré des marques finissant en « AYA » pour de la vodka ou des marchandises semblables, et cela pourrait bien suffire pour me permettre de conclure que les Canadiens seraient assez avertis pour distinguer différentes marques de vodka finissant en « AYA » en fonction de leurs préfixes différents. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’il y a plus de similitudes entre les marques en cause ici que leur seule terminaison commune.

 

À l’audience, l’opposante a invoqué deux décisions rendues au Royaume-Uni relativement à l’opposition de l’opposante en l’espèce à la demande produite au Royaume-Uni par la requérante en l’espèce en vue de l’enregistrement de la marque qui est en cause ici. Ces décisions sont la décision du registraire statuant sur l’opposition et la décision de la Haute Cour en appel de la décision du registraire : In the matter of Application 2207412 by SC Prodal 94 SRL to Register a trade mark in Class 33 and in the matter of Opposition thereto under No. 50901 by Spirits International N.V., 25 avril 2003; et SC Prodal 94 SRL c. Spirits International NV, [2003] EWHC 2756 (CH) (4 novembre 2003). L’opposante a fourni des copies de ces décisions inédites à la Commission et à la requérante avant l’audience. En d’autres circonstances, je serais peut-être réticente à tenir compte de simples photocopies de décisions étrangères inédites, mais je suis prête à les examiner en l’espèce parce que les parties en cause dans ces décisions sont les mêmes que dans la présente instance et la requérante n’a soulevé aucune objection à l’inclusion de ces décisions inédites dans le recueil de jurisprudence de l’opposante.

 

Les décisions étrangères ne lient pas la Commission, mais il ne s’ensuit pas qu’elles ne puissent pas avoir un caractère persuasif. [voir Neutrogena Corp. c. Guaber SRL (1993), 49 C.P.R. (3d) 282 (C.O.M.C.); Origins Natural Resources c. Warnaco U.S. (2000), 9 C.P.R. (4th) 540 (C.O.M.C.) à la p. 548] En l’espèce, on n’a présenté aucune preuve quant au degré de ressemblance entre le droit anglais des marques de commerce et le droit canadien des marques de commerce. L’opposante me demande de prendre connaissance d’office des ressemblances. Bien que je convienne que tout avocat canadien connaît la relation entre le droit anglais et le droit canadien, l’on ne saurait dire que ceux-ci sont identiques. Par exemple, il ressort clairement de la décision invoquée qu’au Royaume-Uni le risque de confusion [traduction] « doit s’apprécier de manière globale ». En outre, la preuve présentée au Registraire des marques de commerce du Royaume-Uni n’est pas identique à celle présentée dans le cadre de la présente instance. Cependant, l’analyse suivante du Registraire anglais concernant la ressemblance entre les marques en cause est indépendante de la preuve et est passablement pertinente :

 

[traduction]

« 35. Je procéderai maintenant à une comparaison visuelle des marques respectives. L’élément dominant, distinctif de la marque en cause est le mot STALINSKAYA qui, comme le souligne l’opposante, a la même longueur que la marque STOLICHNAYA de l’opposante (onze lettres), et les deux commencent par les lettres ST, ont les mêmes quatrième et cinquième lettres et se terminent par les lettres « AYA ». Les mots diffèrent quant à leurs troisième, sixième, septième et huitième lettres, et les marques diffèrent aussi en ce que (comme je l’ai mentionné au paragraphe 31 de la présente décision) la marque en cause comprend une étiquette comportant des éléments additionnels, principalement des descripteurs de produit et des renseignements relatifs au produit. Comme je l’ai mentionné plus tôt dans la présente décision, la ressemblance de marques doit s’apprécier à la lumière de l’impression d’ensemble. Suivant ce critère, étant donné que le mot STALINSKAYA est l’élément dominant, distinctif de la marque de la requérante et que les lettres différentes sont au milieu des mots respectifs, où leur impact visuel est relativement moins apparent qu’il ne l’est au début et à la fin des mots, et en gardant à l’esprit la possibilité d’un souvenir imparfait, il me semble que les marques respectives prises dans leur ensemble présentent une ressemblance visuelle évidente et il y a un risque considérable de confusion visuelle, malgré que l’élément STALIN du mot STALINSKAYA puisse rappeler à certains clients le dictateur russe décédé.

 

36. En ce qui concerne l’emploi verbal des marques, il me semble que la marque en cause est susceptible d’être évoquée dans l’usage courant par l’élément verbal STALINSKAYA seulement. Bien que les marques aient des débuts similaires et des terminaisons identiques et qu’il existe une ressemblance phonétique, je crois que la cause de l’opposante au chapitre de la ressemblance phonétique est moins forte qu’au chapitre de la ressemblance visuelle.

 

37. Je procéderai maintenant à une comparaison conceptuelle des marques. Au Royaume-Uni, les marques seraient perçues principalement comme des mots inventés. Comme le souligne Mme Heal, la partie dominante de la marque en cause, STALINSKAYA, comporte l’élément STALIN qui pourrait rappeler à certains clients le dictateur décédé. Cependant, il existe une ressemblance conceptuelle en ce que les marques respectives ont toutes deux ou évoquent toutes deux quelque chose de russe ou d’orientalo-européen. Il me semble que des mots inventés ayant en commun une identité russe ou orientalo-européenne ne sont pas susceptibles d’être distinguées de la manière dont seraient distingués deux mots du dictionnaire ayant des apparences similaires mais des sens différents, et le facteur du souvenir imparfait pourrait bien jouer. »

 

Le Registraire anglais a conclu en bout de ligne qu’il y avait un risque de confusion entre STALINSKAYA et dessin et STOLICHNAYA. Sa décision a été confirmée en appel. Ce faisant, M. le juge Laddie a écrit, dans une remarque incidente, [traduction] « À mon avis, s’il s’était agi d’une affaire que j’avais eu à trancher en première instance, je ne suis pas certain que j’aurais dit que la ressemblance phonétique était moins forte que la ressemblance visuelle. À mon avis, elle est aussi forte que la ressemblance visuelle, et par conséquent, si cela se trouve, je serais parvenu à la même conclusion que le fonctionnaire chargé de l’audition, mais j’aurais peut-être appuyé ma conclusion tout autant sur la ressemblance phonétique ». [paragraphe 21]

 

Je crois que l’analyse de la ressemblance entre la marque STALINSKAYA et dessin et la marque STOLICHNAYA exposée par le Registraire anglais et ajustée par M. le juge Laddie s’applique bien en l’espèce. Je ne dis pas que je suis liée par cette analyse, mais simplement que je trouve qu’elle rejoint ma propre analyse au regard de l’alinéa 6(5)e) et la renforce peut-être.

 

En revanche, j’ai trouvé que la décision statuant sur l’opposition en République tchèque n’était d’aucune aide aux fins de l’analyse du risque de confusion, et ce, pour plusieurs raisons. Un examen de la décision indique que, bien que l’opposition dans cette affaire se fondât en partie sur la marque verbale STOLICHNAYA, ce motif a été rejeté parce que l’on a jugé que les droits dans STOLICHNAYA n’avaient pas préséance sur les droits de la requérante. En conséquence, la décision a porté uniquement sur la question de savoir si la marque STALINSKAYA et dessin de la requérante était « interchangeable » avec l’étiquette STOLICHNAYA de l’opposante, et le décideur s’est appuyé dans une large mesure sur les différences entre les différentes caractéristiques graphiques de l’étiquette de chaque partie pour trancher en faveur de la requérante. Il est donc clair que le droit et les faits devant le décideur tchèque n’étaient pas les mêmes que dans la présente instance.

 

Conclusion quant au risque de confusion

Après avoir examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce, je conclus que la requérante ne m’a pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque raisonnable de confusion entre STALINSKAYA et dessin et STOLICHNAYA en date du 28 mai 2001. Malgré la preuve concernant l’adoption quelque peu courante du suffixe « AYA » dans les domaines des parties, le fait demeure que la ressemblance entre les deux marques dépasse cet élément banalisé. Étant donné la nature « étrangère » des mots dominants dans chaque marque, et leur ressemblance globale considérable, combinés à l’absence d’emploi ou de réputation acquise de la marque de la requérante au Canada, je conclus que la marque de la requérante ne sert pas à distinguer ses marchandises des marchandises d’autrui au Canada, en particulier de la vodka vendue en liaison avec la marque STOLICHNAYA. En arrivant à cette conclusion, j’ai tenu compte du fait que l’identité du véritable propriétaire de la marque STOLICHNAYA n’était peut-être pas claire pour le consommateur canadien, mais j’ai conclu que cela n’accroît pas la capacité de la requérante à distinguer sa source de la source des marchandises STOLICHNAYA, peu importe l’identité de cette source.

 

Pour les motifs qui précèdent, le motif d’opposition lié au critère du caractère distinctif est accueilli.

 

Étant donné que j’ai déjà tranché en faveur de l’opposante relativement à deux des motifs d’opposition, je n’aborderai pas les autres motifs.

 

Conclusion

En qualité de délégataire du registraire des marques de commerce conformément au par. 63(3) de la Loi, je refuse la demande no 1 033 359 en vertu du par. 38(8).

 

 

FAIT À TORONTO, ONTARIO, CE 9E JOUR DE NOVEMBRE 2005.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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