Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

TRADUCTION

                                                                    Citation: 2013 COMC 75

Date de la décision : 2013-04-26

 

 

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Good Earth Corporation contre la demande d'enregistrement no LMC484678 pour la marque de commerce GOOD EARTH CAFES LTD. au nom de Good Earth Cafes Ltd.

 

[1]               Le registraire des marques de commerce a envoyé, le 22 mars 2010, un avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C 1985, ch. T-13 (la Loi) à Good Earth Cafes Ltd. (l'Inscrivante). L'avis enjoignait l'Inscrivante à prouver que sa marque de commerce, GOOD EARTH CAFÉS LTD. (demande d'enregistrement no TMA484678), a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services enregistrés à un moment quelconque au cours des trois dernières années.

[2]               La définition du terme « emploi » est énoncée à l'article 4 de la Loi. En l'espèce, l'Inscrivante a reconnu le défaut d'emploi de la marque de commerce liée à toutes les marchandises enregistrées et aux services « exploitation de librairies ». De plus, l'Inscrivante n'a fait valoir aucune circonstance spéciale justifiant le défaut d'emploi. Par conséquent, la seule définition pertinente du terme « emploi » dans la présente affaire a trait aux services enregistrés restants. Plus précisément, c'est le paragraphe 4(2) de la Loi qui s'applique : 

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[3]               Les services enregistrés restants sont décrits comme suit : restauration et services alimentaires (les Services).

[4]               En réponse à l'avis du registraire, l'Inscrivante a produit un affidavit de M. Michael Going. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient présentes à l'audience.

[5]               Le seul argument de la partie requérante est celui voulant que l'Inscrivante n'a déposé aucune preuve de l'emploi de GOOD EARTH CAFÉS LTD. en tant que marque de commerce au cours de la période pertinente. La partie requérante soutient plutôt que la preuve montre que l'Inscrivante utilisait GOOD EARTH CAFÉS LTD. uniquement comme dénomination sociale; en d'autres termes, GOOD EARTH CAFÉS LTD. était employé seulement comme un identificateur de l'Inscrivante.

[6]               La partie requérante soutient, en outre, qu'il est nécessaire de réfuter la présomption selon laquelle la dénomination sociale est un nom commercial plutôt qu'une marque de commerce et que, en l'espèce, cette présomption n'a pas été réfutée [citant Road Runner Trailer Manufacturing Ltd c. Road Runner Trailer Co (1984), 1 C.P.R. (3d) 443 (C.F. 1re inst.)]. Selon la partie requérante, le problème réside dans le fait que « Ltd. » indiquera invariablement une dénomination sociale et que, en l'espèce, la preuve montre qu'il s'agit de la dénomination sociale utilisée par l'Inscrivante.

[7]               Comme autre motif au soutien de sa requête voulant que l'emploi d'un nom commercial ne peut constituer en soi un emploi en tant que marque de commerce, la partie requérante cite les causes de Bereskin & Parr c. 1082205 Ontario Ltd (2001), 19 C.P.R. (4th) 103 (C.O.M.C.) (pour la marque de commerce R.E.M.), Sunny Fresh Foods Inc c. Sunfresh Ltd (2003), 30 C.P.R. (4th) 118 (C.M.O.C.) (pour la marque de commerce SUNFRESH) et Registrar of Trade Marks c. Datel Communications Ltd. (1991), 35 C.P.R. (3d) 443 (C.O.M.C.) (pour la marque de commerce DATEL COMMUNICATIONS LTD.).

[8]               Par conséquent, la partie requérante soutient que l'enregistrement doit être radié au motif que l'Inscrivante n'a pas démontré l'emploi de GOOD EARTH CAFÉS LTD. en tant que marque de commerce, mais uniquement comme dénomination sociale ou nom commercial.

[9]               La preuve produite en réponse à l'avis prévu à l'article 45 comporte les éléments suivants :

Pièce A : imprimés extraits du site Web du registraire montrant une liste et des photos de divers cafés-bars, ainsi qu'une photo du siège social de l'Inscrivante. Aucun des cafés-bars ne semble afficher la marque de commerce enregistrée sur sa signalisation; on y trouve plutôt l'affichage des mots GOOD EARTH Coffeehouse and Bakery, accompagnés, dans certains cas, d'une illustration (tasse de café fumant) et des mots « A world of good ». Toutefois, les mots GOOD EARTH CAFÉS LTD. sont affichés sur l'extérieur de l'immeuble du siège social. Bien que la preuve montre que le siège social de l'Inscrivante abrite également une cantine/boulangerie-pâtisserie, le site Web de l'Inscrivante indique clairement que la cantine n'est pas ouverte au grand public.

Pièces B-H : saisies de pages Web, brochures, menus, factures, emballages de produits et une carte de commentaires des clients. Les pages Web incluent une photo du siège social de l'Inscrivante (comme à la pièce A) où l'on peut voir les mots GOOD EARTH CAFÉS LTD. affichés sur l'extérieur de l'immeuble. Les éléments restants montrent GOOD EARTH CAFÉS LTD., mais avec une mention d'adresse placée directement dessous. Il existe une exception où les mots GOOD EARTH CAFÉS LTD. ne sont pas accompagnés de la mention de l'adresse de l'Inscrivante : un formulaire de commande de plats à emporter ou à livrer; cependant, les mots sont inscrits en petits caractères dans le coin gauche inférieur de la deuxième page du formulaire. Dans les cas où les mots GOOD EARTH CAFÉS LTD. se trouvent directement au-dessus de l'adresse, ils sont inscrits dans le haut des factures, dans le bas des factures (après la mention « Payer à »), sur le plat verso des brochures et des menus et, en lien avec les coordonnées de l'Inscrivante, sur son site Web et sur des cartes de commentaires des clients. Les mots GOOD EARTH CAFÉS LTD. apparaissent toujours dans les mêmes taille et police de caractères que ceux des coordonnées de la société. De plus, dans tous les cas, le même logo (GOOD EARTH Coffeehouse and Bakery, avec illustration) qui est montré sur la signalisation du café-bar figure bien en vue sur les brochures, les menus, les factures, etc.

[10]           En ce qui concerne les commentaires de la partie requérante portant sur l'emploi de « Ltd. », l'Inscrivante soutient que rien dans la Loi ne laisse entendre que la mention « Ltd. » ne peut être incluse dans une marque de commerce. En outre, l'Inscrivante soutient que le simple fait qu'une marque de commerce comporte la mention « Ltd. » ne signifie d'aucune façon qu'il ne s'agit pas d'une marque de commerce. 

[11]           Il est vrai qu'il n'y a aucune interdiction d'enregistrer une dénomination sociale ou un nom commercial comme marque de commerce, et qu'un nom commercial, tout dépendant des circonstances de son emploi, peut être employé concurremment en tant que marque de commerce. Or, en l'espèce, la question n'est pas de savoir s'il est possible d'enregistrer un nom commercial en tant que marque de commerce, mais plutôt si l'Inscrivante a démontré qu'elle a employé la marque de commerce d'une manière telle qu'elle est identifiable en tant que marque de commerce et n'est pas employée uniquement comme dénomination sociale ou identificateur d'une entreprise. Pour trancher cette question, le contexte de l'emploi a été pris en considération, y compris, entre autres, des facteurs tels que la question de savoir si la marque de commerce se distingue de la dénomination sociale ou du nom commercial et d'autres renseignements identifiant l'entreprise dans une mesure telle que le public percevrait un tel emploi comme étant une marque de commerce et non seulement comme l'identification d'une personne morale [voir par exemple Road Runner, précité; Bereskin & Parr c. Kleen-Flo Tumbler Industries Limited (2010), CarswellNat 3505 (C.O.M.C.); Norton Rose OR SENCRL, srl c. Illico Communication Inc (2013), CarswellNat 816 (C.O.M.C.); Laboratoire Théramex c. E-Z-EM Canada Inc (2003), CarswellNat 6264 (C.O.M.C.); Stikeman Elliot LLP c. Haydock (2008), CarswellNat 1168 (C.O.M.C.) et Bereskin & Parr c. Red Carpet Food Systems Inc (2007), 64 C.P.R. (4th) 234 (C.O.M.C.)].

[12]           En l'espèce - à l'exception de l'emploi démontré au siège social de l'Inscrivante (qui sera examiné ci-après) et dans le bas de la deuxième page du formulaire de commande de plats à emporter et à livrer - les mots GOODEARTH CAFÉS LTD. figurent toujours en lien avec une adresse, les coordonnées de l'entreprise ou dans le contexte d'un avis de droit d'auteur. Toutefois, dans tous les cas, les mots GOOD EARTH CAFÉS LTD. ne sont pas présentés d'une manière qui les distinguent d'autres renseignements sur l'entreprise ou encore d'une manière qui les ferait percevoir comme étant autre chose que l'identification d'une personne morale; par conséquent, j'estime qu'ils sont utilisés uniquement en tant que dénomination sociale ou nom commercial. En effet, dans le contexte de l'avis de droit d'auteur, la mention de Good Earth Cafes Ltd. désigne seulement la personne morale qui détient le droit d'auteur. 

[13]           L'Inscrivante allègue que les exemples d'emploi présentés en preuve ne sont pas tous les mêmes; il y a certains cas où une adresse accompagne la marque de commerce et d'autres où une telle mention est absente. Par exemple, l'Inscrivante soutient que la signalisation sur l'immeuble de son siège social affiche bien en vue la marque de commerce sans adresse.   

[14]           Bien que cela soit vrai, je note que la boulangerie-pâtisserie sise au siège social de l'Inscrivante n'est pas ouverte au grand public. En outre, la preuve est ambiguë en ce qui concerne la question de savoir si la « cantine » est ouverte au public ou si plutôt elle ne fournit des services qu'aux seuls employés de l'Inscrivante; c'est une ambiguïté que je dois interpréter comme étant défavorable à l'Inscrivante [Aerosol Fillers Inc c. Plough (Canada) Ltd (1980), 45 C.P.R. (2d) aux pages 194 à 198; confirmée par 53 C.P.R. (3d) 62 (C.A.F.)]. Par conséquent, puisqu'il n'y a aucune indication que l'offre de ces services était destinée au public, il ne s'agit pas d'un emploi au sens du paragraphe 4(2) de la Loi [voir Ralston Purina Co c. Effem Foods Ltd (1997), 81 C.P.R. (3d) 528 (C.O.M.C.)]. 

[15]           Même si je devais conclure que la cantine est ouverte au public ou que l'offre de ces services aux employés de l'Inscrivante constitue un service aux membres du public, il n'en apparaît pas moins qu'il s'agit de l'emploi d'un nom commercial et non d'une marque de commerce. Tel est bien le cas, compte tenu du contexte dans lequel GOOD EARTH CAFÉS LTD. est utilisé - c'est-à-dire sur l'extérieur de l'immeuble abritant les bureaux administratifs de l'Inscrivante. De plus, la preuve n'établit pas clairement quelle serait la proximité de GOOD EARTH CAFÉS LTD. par rapport à la cantine de manière à pouvoir établir un lien entre la marque de commerce et les services. Compte tenu de ces facteurs, je conviens avec la partie requérante que GOOD EARTH CAFÉS LTD. serait perçu comme étant employé en tant qu'identificateur de l'entreprise. Ainsi, GOOD EARTH CAFÉS LTD. serait perçu comme étant simplement le nom de l'entreprise qui poursuit ses activités administratives à l'intérieur de cet immeuble. 

[16]           En ce qui concerne les causes R.E.M. et SUNFRESH citées par la partie requérante, l'Inscrivante s'en démarque dans le sens où les marques de commerce dans ces causes ne comportaient qu'une partie de la dénomination sociale ou du  nom commercial. L'Inscrivante a également fait valoir que, dans la présente affaire, GOOD EARTH CAFÉS LTD. n'était pas employé dans le contexte d'un répertoire d'entreprises comme cela était le cas dans la cause DATEL COMMUNICATIONS citée par la partie requérante. Toutefois, bien que les faits dans chaque cause soient différents, les décisions dans chaque affaire portaient sur la question de savoir si le consommateur percevrait, comme tenu du contexte de son emploi, la marque de commerce comme étant bel et bien une marque de commerce.     

[17]           Par conséquent, comme j'estime que l'Inscrivante n'a pas réfuté la présomption selon laquelle l'emploi de la dénomination sociale est un nom commercial plutôt qu'une marque de commerce, je ne peux conclure que l'Inscrivante a démontré l'emploi de la marque de commerce en liaison avec les Services au sens des articles 4 et 45 de la Loi [voir Road Runner, précité]. 

Décision

[18]           À la lumière de ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués au titre du paragraphe 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement no LMC484678 sera radié.

 

 

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Kathryn Barnett

Agente d'audience

Commission d’opposition des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Pierre Henrichon

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