Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 95

Date de la décision : 2015-05-28

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45, engagée à la demande d'Osler, Hoskin & Harcourt LLP, visant l'enregistrement no LMC647,874 de la marque de commerce SMOOTHIES Dessin au nom de SGS Sports Inc.

[1]               La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l'égard de l'enregistrement no LMC647,874 de la marque de commerce SMOOTHIES Dessin, reproduite ci-dessous (la Marque), inscrite au nom de SGS Sports Inc.

SMOOTHIES Design

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des [Traduction] « maillots de bain, cache-maillot et shorts ».

[3]               Le 19 septembre 2013, à la demande d'Osler, Hoskin & Harcourt LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 à SGS Sports Inc. (l'Inscrivante). L'avis exigeait que l'Inscrivante fournisse une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque entre le 19 septembre 2010 et le 19 septembre 2013 en liaison avec chacun des produits visés par l'enregistrement. Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, l'Inscrivante devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               L'article 4 de la Loi énonce la définition d'emploi. En l'espèce, les paragraphes suivants s'appliquent :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des produits ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces produits sont exportés du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces produits.

[5]               Il est bien établi que l'article 45 de la Loi a pour objet et portée d'offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». Les critères pour établir l'emploi sont peu exigeants et il n'est pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve. Il n'en faut pas moins, cependant, présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)]. En outre, de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[6]               En réponse à l'avis du registraire, l'Inscrivante a produit l'affidavit de Steven Gellis, président de l'Inscrivante, daté du 24 octobre 2013. Les parties ont toutes deux produit des observations écrites et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

[7]               Les observations de la Partie requérante sont axées sur les prétentions suivantes :

         La Marque n'a pas été employée par l'Inscrivante, comme l'Inscrivante n'est qu'une distributrice des produits;

         Il n'y a aucune preuve établissant la manière dont la Marque était liée aux produits lors du transfert de la propriété.

[8]               Pour les raisons exposées ci-après, je conclus qu'il y a lieu de maintenir l'enregistrement. Cependant, avant d'exposer les motifs de ma décision, je présenterai un bref résumé de la preuve.

La preuve

[9]               Dans son affidavit, M. Gellis explique que, pendant de nombreuses années, et notamment au cours de la période pertinente, l'Inscrivante a vendu des maillots de bain, des shorts et des cache-maillot SMOOTHIES au Canada et à l'étranger. Il désigne collectivement les produits visés par l'enregistrement les produits SMOOTHIES. Il affirme que, en particulier, au cours de la période pertinente, l'Inscrivante a vendu de façon ininterrompue ses produits SMOOTHIES au Canada et a exporté ses produits SMOOTHIES du Canada, le tout dans la pratique normale du commerce.

[10]           M. Gellis affirme que, d'octobre 2010 à septembre 2013, les ventes totales des produits SMOOTHIES de l'Inscrivante se sont élevées à des millions de dollars. Il indique que, lorsque les produits SMOOTHIES sont vendus au Canada ou sont exportés du Canada, l'Inscrivante appose un bordereau de marchandises sur l'emballage des produits SMOOTHIES, conformément auquel une facture sera émise. Il affirme que, dans chaque cas, le bordereau de marchandises et la facture arborent clairement la Marque liée aux produits SMOOTHIES.

[11]           M. Gellis explique que les produits SMOOTHIES sont présentés dans des catalogues, notamment les catalogues canadiens des maillots de bain Body Glove de l'Inscrivante. À cet égard, il explique également que l'Inscrivante est une licenciée de Body Glove International LLC (BGI). Des copies des catalogues Body Glove de l'Inscrivante pour les années 2011, 2012 et 2013, respectivement, sont jointes comme Pièces A, B et C. M. Gellis mentionne des pages précises de ces catalogues qui, atteste-t-il, montrent les produits SMOOTHIES de l'Inscrivante qui étaient offerts au cours de ces années, dont plusieurs maillots de bain, des shorts (désignés comme étant des [Traduction] « culottes » shorts), une camisole en maille, des jupes cache-maillot (désignées comme étant des jupes « Lambada », « Angel » et « Blossom »), une robe cache-maillot (désignée comme étant une robe « Niki ») et un haut cache-maillot (désigné comme étant un haut « Isla »). Il affirme que les noms de modèle et/ou les noms de style des produits SMOOTHIES de l'Inscrivante, tels que mentionnés ci-dessus, sont les mêmes que ceux des produits vendus par l'Inscrivante au Canada et que ceux des produits exportés par l'Inscrivante du Canada.

[12]           La Marque figure sur toutes les pages de catalogue qui présentent les produits susmentionnés. Les pages de catalogue présentent ce qui semble être des cases à cocher pour commander diverses quantités des produits selon la taille, la couleur et le nom de modèle/style. De plus, un avis public est donné dans les catalogues selon lequel [Traduction] « Body Glove et le Dessin de main sont des marques de commerce déposées de Body Glove International » et que l'Inscrivante est la licenciée de BGI pour l'Amérique du Nord. Enfin, la dernière page de chaque catalogue présenté en pièce identifie l'Inscrivante comme étant l'une des quelques [Traduction] « représentantes des maillots de bain » Body Glove au Canada; cependant, l'Inscrivante semble être la principale représentante des maillots de bain, en raison de l'importance qui lui est donnée dans la page, en plus du fait que le numéro du service général à la clientèle est identique au numéro sans frais présenté pour l'Inscrivante.

[13]           En ce qui concerne les ventes faites au Canada des produits SMOOTHIES au cours de la période pertinente, M. Gellis joint des factures de même que les bordereaux de marchandises connexes (Pièces D, F, G, I, K et L), ainsi que des factures supplémentaires sans les bordereaux de marchandises connexes (Pièces E, H, J et M).

[14]           Quant aux ventes à l'exportation, M. Gellis indique que l'Inscrivante a exporté des produits SMOOTHIES du Canada en vue de leur vente à des clients internationaux pendant de nombreuses années, et notamment au cours de la période pertinente. Il signale que, comme pour les ventes faites au Canada, dans chaque vente à l'exportation, le bordereau de marchandises est apposé sur l'emballage qui contient les produits SMOOTHIES.

[15]           Comme preuve des ventes à l'exportation, M. Gellis joint une fois de plus des factures de même que les bordereaux de marchandises connexes (Pièces N-Q).

[16]           M. Gellis affirme à maintes reprises dans son affidavit que les bordereaux de marchandises connexes sont apposés sur les emballages qui contiennent les produits SMOOTHIES, tant dans le cas des ventes faites au Canada que dans celui des ventes à l'exportation.

[17]           Je souligne que la Marque telle qu'elle figure sur les bordereaux de marchandises et les factures (tant pour les produits vendus au Canada que pour les produits exportés du Canada) est présentée sous forme textuelle simple et est accompagnée d'autres descripteurs de produit, dont les noms de modèle et/ou les noms de style présentés dans les catalogues.

Observations, analyse et motifs de la décision

L'emploi de la Marque a-t-il été établi par l'Inscrivante?

[18]           La Partie requérante soutient que la preuve est insuffisante du fait qu'elle n'établit pas ni ne démontre de manière convaincante l'« emploi » de la Marque au Canada par l'Inscrivante ainsi que l'exige la Loi, ni tout « emploi » qui peut lui être attribué. Plus précisément, la Partie requérante soutient que les faits sont davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle la Marque est une marque de commerce de BGI (ou d'un autre tiers) et que l'Inscrivante : 1) est une licenciée de BGI ou 2) s'est simplement procuré les marchandises arborant la Marque auprès de BGI et elle les revend au Canada et à l'étranger.

[19]           À l'appui des observations susmentionnées, la Partie requérante souligne la déclaration de M. Gellis présentée dans son affidavit voulant que l'Inscrivante soit une licenciée de BGI, et elle affirme que rien dans l'affidavit ne vient contredire le fait que l'Inscrivante emploie la Marque en vertu d'une licence accordée par BGI et que les extraits de catalogue (Pièces A-C) présentent clairement les catalogues de BGI, mentionnent le site Web de BGI et identifient l'Inscrivante comme étant l'une des quelques [Traduction] « représentantes des maillots de bain » au Canada.

[20]           De plus, la Partie requérante soutient-elle, M. Gellis n'affirme nulle part dans son affidavit que l'Inscrivante confectionne ou fabrique l'un ou l'autre des produits SMOOTHIES arborant la Marque, pas plus qu'il n'affirme que les produits SMOOTHIES ont été fabriqués ou produits sous licence par un tiers pour le compte de l'Inscrivante; l'affidavit n'indique rien à cet égard quant à la pratique normale du commerce de l'Inscrivante. En résumé, la Partie requérante fait-elle valoir, les faits sont donc davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle l'Inscrivante est une licenciée de BGI et que l'Inscrivante agit simplement à titre de distributrice des maillots de bain provenant de BGI ou d'une source autre que l'Inscrivante.

[21]           L'Inscrivante soutient que, à la lecture de l'affidavit de M. Gellis dans son ensemble et en contexte, il apparaît clairement que la Marque appartient à l'Inscrivante et non à BGI. Par exemple, au paragraphe 5 de son affidavit, M. Gellis affirme que l'Inscrivante [Traduction] « vend ses produits SMOOTHIES au Canada et exporte ses produits SMOOTHIES du Canada » [l'Inscrivante souligne].

[22]           L'Inscrivante fait valoir que la propriété de la Marque est également étayée tout au long de l'affidavit par la mention constante des produits visés par l'enregistrement comme étant les produits SMOOTHIES de l'Inscrivante. De plus, l'Inscrivante soutient-elle, les factures et les bordereaux de marchandises ne font aucune mention de BGI, mais arborent plutôt la Marque dans le corps du document et mentionnent exclusivement l'Inscrivante au haut du bordereau de marchandises ou de la facture. Ainsi, l'Inscrivante fait-elle valoir, les consommateurs recevant les bordereaux de marchandises et les factures identifieraient facilement l'Inscrivante comme étant la source du produit. En outre, s'il est mentionné explicitement dans les catalogues que l'Inscrivante est une licenciée de BGI pour l'Amérique du Nord en rapport avec les marques de commerce déposées BODY GLOVE et le Dessin de main, aucun avis public semblable n'est donné en ce qui concerne la Marque.

[23]           Essentiellement, l'Inscrivante soutient-elle, la Partie requérante cherche à étendre la présente procédure à des questions autres que celles qui sont réellement visées par l'article 45 de la Loi [citant à l'appui Meredith & Finlayson c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 40 CPR (3d) 409, p. 412 (CAF)]. En l'espèce, l'Inscrivante fait-elle valoir, l'enregistrement identifie SGS Sports Inc. comme étant la propriétaire et l'avis prévu à l'article 45 a été donné à SGS Sports Inc. De plus, l'Inscrivante soutient-elle, elle a droit d'employer simultanément sa propre marque de commerce de même que les marques de tiers sous licence.

[24]           En effet, la procédure prévue à l'article 45 n'est pas censée prévoir un moyen supplémentaire de contester une marque de commerce autre que la procédure litigieuse courante [United Grain Growers c Lang Michener (2001), 12 CPR (4th) 89 (CAF)]. Comme l'a souligné la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Ridout & Maybee LLP c Omega SA (2005), 43 CPR (4th) 18 (CAF), la validité de l'enregistrement n'est pas en litige dans une procédure prévue à l'article 45. Il est préférable de traiter des questions de propriété en produisant une demande auprès de la Cour fédérale en vertu de l'article 57 de la Loi.

[25]           En réponse, la Partie requérante soutient qu'elle ne met pas en cause la validité de l'enregistrement ni la question de savoir si l'Inscrivante aurait au départ dû obtenir l'enregistrement, mais elle soulève plutôt la question de savoir si l'Inscrivante emploie la Marque, une question qui est visée par l'article 45 de la Loi. À cet égard, la Partie requérante soutient qu'il est bien établi que l'emploi de la marque d'un fabricant ne profite pas au distributeur [citant à l'appui Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst)].

[26]           Je souligne cependant qu'il ne s'agit pas d'une situation dans laquelle l'enregistrement lui-même est inscrit au registre au nom de BGI ou d'un autre fabricant de produits; l'enregistrement appartient à SGS Sports Inc. Il ne s'agit pas non plus d'une situation dans laquelle un tiers (et non la propriétaire inscrite) emploie la Marque, de sorte qu'une licence serait requise et la question qui se poserait alors serait celle de savoir si cet emploi bénéficierait à l'Inscrivante. En réalité, si je devais accueillir les observations de la Partie requérante à cet égard, je conviens avec l'Inscrivante que je me prononcerais effectivement sur la validité de l'enregistrement en lien avec la propriété de la Marque, malgré tous les efforts de la Partie requérante pour masquer la question derrière une autre question. Les questions de propriété relèvent de la compétence exclusive de la Cour fédérale, et je souligne que l'affaire Manhattan Industries, précitée, concernait une telle demande présentée à la Cour fédérale, contestant la validité d'un enregistrement de marque de commerce en vertu de l'article 57 de la Loi.

[27]           En l'espèce, l'enregistrement est inscrit au nom de l'Inscrivante, et la preuve démontre qu'elle annonce et vend les produits en question. Par conséquent, la question qu'il reste à trancher est celle de savoir si l'Inscrivante a établi l'emploi de la Marque au titre de l'article 4(1) ou 4(3) de la Loi.

La preuve établit-elle que la Marque a été employée sur les produits?

[28]           Comme je l'ai déjà indiqué, en plus des observations susmentionnées, la Partie requérante soutient que, en tout état de cause, il n'existe aucune preuve démontrant la manière dont la Marque était liée aux produits SMOOTHIES au moment du transfert.

[29]           En premier lieu, la Partie requérante souligne l'absence d'étiquettes et d'étiquettes volantes dans la preuve, et elle soutient qu'elle s'attendrait à ce que l'agent d'audience sache que des maillots de bain seraient accompagnés d'étiquettes et devraient être accompagnés de telles étiquettes pour être conformes aux exigences des lois fédérales sur l'étiquetage. La Partie requérante fait valoir qu'il aurait été facile pour l'Inscrivante de produire de tels éléments de preuve et que leur absence devrait être défavorable à l'Inscrivante. À cet égard, la Partie requérante soutient que la conclusion qui devrait être tirée est que l'absence de tels éléments de preuve donne à croire que les étiquettes et les étiquettes volantes désigneraient vraisemblablement une autre entité comme étant la fabricante et l'usagère de la Marque.

[30]           L'Inscrivante fait valoir que la Partie requérante tente de produire des éléments de preuve selon lesquels les maillots de bain porteraient normalement une étiquette et que, comme une telle preuve est inadmissible, les commentaires hypothétiques de la Partie requérante doivent être écartés. Je suis d'accord avec l'Inscrivante et, en tout état de cause, étant donné la nature sommaire de la procédure prévue à l'article 45, je ne suis pas disposée à prendre connaissance d'office des lois fédérales sur l'étiquetage, comme la Partie requérante l'a suggéré pour me permettre de tirer de telles conclusions défavorables. De plus, l'Inscrivante soutient que la preuve démontre qu'elle vend les produits en vrac aux détaillants, ce qui est différent de la façon dont un produit est emballé et présenté dans un contexte de vente au détail (c.-à-d. avec des étiquettes volantes). Ainsi, même si je devais reconnaître que de tels produits portent habituellement une étiquette, l'absence de telles étiquettes semble raisonnable compte tenu des voies de commercialisation de l'Inscrivante dans le cours normal de ses activités.

[31]           En ce qui concerne ce que l'Inscrivante a produit en preuve, la Partie requérante fait valoir que les bordereaux de marchandises, les factures et les catalogues n'établissent pas l'emploi de la Marque déposée en liaison avec les produits. La Partie requérante soutient que la preuve ne fournit pas d'avis de liaison avec la Marque au moment du transfert et/ou n'établit pas l'emploi de la Marque telle qu'elle est enregistrée.

[32]           La Partie requérante fait valoir que la présentation de la Marque dans les catalogues ne constitue pas un emploi en liaison avec les produits au titre de l'article 4(1) de la Loi, comme les catalogues annoncent simplement les produits et ne fournissent pas l'avis de liaison requis des produits avec la Marque [citant à l'appui Michaels & Associates c WL Smith & Associates Ltd (2006), 51 CPR (4th) 303 (COMC)].

[33]           S'il est vrai que la présentation d'une marque de commerce dans un catalogue ne constitue pas en soi un emploi en liaison avec des produits [voir Clairol International Corp c Thomas Supply & Equipment Co Ltd (1968), 55 CPR 176 (C. de l'Éch.)], cette présentation peut constituer un emploi dans certaines circonstances. Par exemple, il a été reconnu qu'un avis de liaison entre une marque de commerce et des produits a été donné lorsque des clients ont passé des commandes par l'entremise d'un catalogue qui présentait une marque de commerce à proximité des produits. On a considéré que cet avis de liaison demeurait en vigueur une fois que les produits avaient été livrés et les factures reçues [voir Plastibec Inc c Newell Window Furnishings, Inc, 2011 COMC 106].

[34]           En l'espèce, je suis disposée à conclure que les catalogues sont employés par les consommateurs lorsqu'ils commandent les produits. À cet égard, les pages de catalogue comprennent des cases à cocher qui permettent de choisir divers produits en fonction de la taille, de la couleur, etc. De plus, les catalogues comprennent des formulaires de commande qui doivent être signés par l'acheteur. La Marque telle qu'elle est enregistrée figure dans les catalogues à proximité des produits. Si les produits précis sont également désignés par des sous-marques ou des noms de modèle (par exemple [Traduction] « culottes » shorts), compte tenu du positionnement de la Marque à proximité des produits dans les pages de catalogue, les consommateurs percevraient la Marque comme identifiant une gamme de produits qui sont également désignés par une sous-marque et/ou un nom de modèle. Je souligne que rien dans la Loi n'empêche un propriétaire inscrit d'employer simultanément plus d'une marque de commerce en liaison avec les mêmes produits [voir AW Allen Ltd c Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst) et Conseil canadien des ingénieurs c Ardex Inc (2001), 13 CPR (4th) 554 (COMC)].

[35]           De plus, étant donné que les bordereaux de marchandises sont apposés sur l'emballage qui contient les produits, l'avis de liaison avec la Marque demeurerait en vigueur une fois que les produits ont été reçus. En conséquence, j'estime que l'emploi établi dans les catalogues est conforme aux exigences de l'article 4(1) de la Loi [voir aussi, par exemple, Bélanger c Accuride Corporation, 2004 CanLII 70919].

[36]           En plus de ses observations à propos des catalogues, la Partie requérante soutient que les bordereaux de marchandises ne constituent pas un emploi de la Marque en liaison avec les produits, comme aucun bordereau de marchandises n'arbore la Marque sous la forme stylisée ou figurative telle qu'elle est enregistrée.

[37]           L'Inscrivante fait valoir que, bien que le mot SMOOTHIES (doux) figure en lettres moulées sur les bordereaux de marchandises, un tel emploi constitue tout de même un emploi de la Marque. À cet égard, l'Inscrivante s'appuie sur le principe que des variantes judicieuses sont permises du moment que les éléments dominants d'une marque de commerce sont maintenus et que les différences ne trompent pas l'acheteur non averti [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), p. 71]. En l'espèce, l'Inscrivante soutient-elle, le mot SMOOTHIES (doux) est l'élément distinctif et dominant de la Marque déposée; le seul élément graphique de la Marque telle qu'elle est enregistrée est la police de caractères fantaisiste, et il a été établi que la présence d'une police de caractères ne fait qu'ajouter au côté esthétique de la marque, alors que la partie nominale demeure l'élément dominant de la marque [citant à l'appui Best Canadian Motor Inns Ltd c Best Western International Inc (2004), 30 CPR (4th) 481 (CF); Conseil canadien des ingénieurs c Groupegenie Inc (2009), 78 CPR (4th) 126, p. 136-137 (COMC); et Fraser Milner Casgrain LLP c JPI Ltd, 2014 COMC 4, para. 23].

[38]           L'Inscrivante soutient également que la preuve d'emploi en l'espèce est encore mieux fondée que dans l'affaire Alibi Roadhouse Inc c Grandma Lee’s International Holdings Ltd (1997), 76 CPR (3d) 327, p. 337-338 (CF 1re inst), dans laquelle on a conclu que le mot ALIBI employé seul constituait un emploi de la marque ALIBI BAR & GRILL & Dessin, comme l'élément distinctif et dominant de la marque était le mot ALIBI. L'Inscrivante fait valoir que la situation en l'espèce est plus claire, puisque la Marque déposée ne présente pas d'élément graphique notable, mise à part la police de caractères.

[39]           En résumé, l'Inscrivante soutient que l'élément dominant de la Marque, soit le mot SMOOTHIES (doux), est maintenu et que sa présentation en lettres moulées ne porte pas atteinte à l'identité de la Marque, comme elle demeurerait reconnaissable pour le consommateur moyen [Promafil, précité].

[40]           En effet, je conviens que l'élément dominant de la Marque est le mot SMOOTHIES. J'estime que la Marque telle qu'elle figure sur les bordereaux de marchandises constitue un emploi de la Marque telle qu'elle est enregistrée. Je suis d'avis que l'absence de la police de caractères fantaisiste employée dans la Marque déposée constitue une différence mineure, de sorte qu'un acheteur non averti ne serait pas confondu ou trompé.

[41]           Enfin, l'Inscrivante fait valoir que la présentation des noms de modèle comme [Traduction] « culotte short » ou des mots descriptifs comme « bikini » à la suite du mot SMOOTHIES sur les bordereaux de marchandises n'altère en rien l'emploi de la marque SMOOTHIES. Encore une fois, je conviens et j'admets que les consommateurs percevraient ces éléments additionnels comme étant de nature clairement descriptive ou comme étant des marques de commerce distinctes [tel qu'établi dans Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); 88766 Canada Inc c National Cheese Co (2002) 24 CPR (4th) 410 (COMC)].

[42]           Comme les bordereaux de marchandises ont accompagné les produits, je reconnais qu'un avis de liaison de la Marque avec les produits a alors été donné aux consommateurs à la réception des produits. En conséquence, compte tenu de ce qui précède, j'accepte les bordereaux de marchandises comme preuve d'emploi de la Marque aux termes de l'article 4(1) de la Loi.

[43]           Si les factures constituent une preuve de la vente des produits au Canada au cours de la période pertinente, je conviens avec la Partie requérante que les factures ne constituent pas une preuve d'emploi de la Marque en liaison avec les produits. À cet égard, il n'existe aucune preuve que les factures ont accompagné les produits lorsque ceux-ci ont été expédiés aux consommateurs [voir Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 8 CPR (4th) 471 (CF 1re inst.)]. Cependant, comme j'ai déjà conclu qu'un avis de liaison avec la Marque a été donné aux consommateurs, tant lorsqu'ils ont commandé les produits au moyen des catalogues que par l'entremise des bordereaux de marchandises à la réception des produits, les factures sont inutiles à cet égard.

[44]           Comme j'ai déjà conclu que la preuve est suffisante pour démontrer l'emploi de la Marque conformément aux articles 4(1) et 45 de la Loi, il n'est pas nécessaire que je détermine si l'emploi de la Marque a été établi par l'entremise des exportations (article 4(3) de la Loi).

Décision

[45]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement no LMC647,847 sera maintenu, conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

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Kathryn Barnett

Agente d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

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