Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 28

Date de la décision : 2011-02-14

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Barbara’s Bakery, Inc. aux demandes d’enregistrement nos 1161791 et 1164397 pour la marque de commerce NATURE’S CHOICE CO. au nom de Sparkles Photo Limited

[1]               Le 10 décembre 2002, Sparkles Photo Limited (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce NATURE’S CHOICE CO. La demande est fondée sur l’emploi de la marque au Canada par la Requérante ou par son prédécesseur en titre, A & G Corporation, depuis aussi tôt qu’avril 1997. Actuellement, l’état déclaratif des marchandises est le suivant : « noix, fruits séchés et friandises ». La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot CHOICE en dehors de la marque de commerce dans son ensemble. La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 11 février 2004.

[2]               Le 10 janvier 2003, la Requérante a produit une autre demande d’enregistrement pour la marque de commerce NATURE’S CHOICE CO. Cette demande est fondée sur l’emploi de la marque au Canada par la Requérante ou par son prédécesseur en titre, A & G Corporation, depuis aussi tôt que 1997 (ce qui est considéré comme étant le 31 décembre 1997). L’état déclaratif des marchandises de cette marque, tel qu’il a été modifié, indique : « croustilles de pommes de terre et croustilles de bananes ». À l’égard de cette demande également, la Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot CHOICE en dehors de la marque de commerce dans son ensemble. Cette demande a aussi été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 11 février 2004.

[3]               Je désignerai collectivement les deux marques visées par les demandes de la Requérante comme étant « la Marque », s’il y a lieu.

[4]               Le 13 avril 2004, Barbara’s Bakery Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre des deux demandes mentionnées ci‑dessus. Les motifs d’opposition sont les suivants : la Requérante n’a pas employé les marques depuis les dates de premier emploi alléguées, contrairement aux dispositions de l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi); les demandes de la Requérante ne sont pas conformes aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi; les marques donnent une description fausse et trompeuse et tombent par conséquent sous le coup de l’alinéa 12(1)b); les marques ne sont pas enregistrables, eu égard à l’alinéa 12(1)d); la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement des marques, eu égard à l’alinéa 16(1)a); les marques, enfin, ne sont pas distinctives. Chacun des trois derniers motifs d’opposition est fondé sur la confusion avec l’emploi et l’enregistrement par l’Opposante de ses marques de commerce NATURE’S CHOICE et NATURE’S CHOICE et Dessin, enregistrées sous les numéros LMC501692 et LMC535743.

[5]               La Requérante a produit et signifié, à l’égard de chaque opposition, une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.  

[6]               La preuve de l’Opposante dans chaque opposition consiste en des copies certifiées conformes des enregistrements nos LMC501692 et LMC535743 correspondant à ses marques de commerce NATURE’S CHOICE et NATURE’S CHOICE et Dessin, et comprend également les affidavits de Shannon Young et de Lorraine Hood. La preuve de la Requérante, à l’égard de chaque opposition, comprend une copie certifiée conforme de l’enregistrement no LMC417314 de sa marque de commerce NATURE’S CHOICE et Dessin ainsi que l’affidavit de Elesh Ruparel. Monsieur Ruparel a été contre‑interrogé sur son affidavit; la transcription du contre‑interrogatoire et les réponses aux engagements font donc partie du dossier. La Requérante a aussi demandé et obtenu l’autorisation de produire l’affidavit souscrit par Linda Thibeault. À titre de preuve en réponse, l’Opposante a soumis un deuxième affidavit de Shannon Young.

[7]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été demandée, et seule la Requérante y a pris part. 

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[8]               Le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

[9]               Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

         alinéa 38(2)a) / article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

         alinéas 38(2)b) / 12(1)b) – la date de production de la demande [voir Shell Canada Limited c. P.T. Sari Incofood Corporation (2005), 41 C.P.R. (4th) 250 (C.F. 1re inst.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)];

         alinéas 38(2)b) / 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         alinéa 38(2)c) / paragraphe 16(1) – la date de premier emploi par la Requérante [voir le paragraphe 16(1)];

         alinéa 38(2)d) / absence de caractère distinctif – la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

L’historique de la Marque

[10]           En début d’audience, la Requérante a présenté un bref sommaire de l’historique très particulier de la Marque, reproduit en partie ci‑dessous.  

[11]           La Requérante est propriétaire de l’enregistrement no LMC417314 pour la marque NATURE’S CHOICE et Dessin (la Marque déposée de la Requérante), illustrée ci‑dessous; l’enregistrement est en date du 24 septembre 1993.

                                       NATURE'S CHOICE & DESIGN

[12]           Bien que cette marque ait fait l’objet de la procédure prévue à l’article 45 [voir Marks & Clerk c. Rustom (2004), 37 C.P.R. (4th) 567], l’agent d’audience et la Cour [voir Marks & Clerk c. Sparkles Photo Ltd. (2005), 41 C.P.R. (4th) 236] ont conclu que la preuve présentée dans cette affaire était suffisante pour maintenir l’enregistrement à l’égard des noix, des fruits séchés et des friandises. La décision de la Cour fédérale a été annexée comme pièce E à l’affidavit de M. Ruparel. La principale question dans les deux décisions était de savoir si l’emploi démontré constituait un emploi de la marque conforme à l’enregistrement, et si l’écart entre la marque de commerce et la forme enregistrée de celle‑ci était permissible, ainsi qu’il est analysé dans la décision Saccone & Speed Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 67 C.P.R. (2d) 119.  

[13]           L’explication donnée pour justifier que le propriétaire, en l’occurrence, avait dévié de la forme exacte de la marque de commerce telle qu’elle était enregistrée, était double. Monsieur Rustom, qui avait produit un affidavit en réponse à l’avis donné en vertu de l’article 45 – lequel avis est annexé comme pièce à l’affidavit de M. Ruparel ‑, y expliquait qu’un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture lui avait demandé de supprimer de l’emballage la feuille d’érable à onze pointes, car cette utilisation était apparemment interdite par les lois fédérales parce qu’elle indiquait que le produit emballé était un produit canadien, alors que la plupart des noix sont importées au Canada. De plus, on avait demandé au propriétaire d’ajouter le mot « co. » à la suite des mots « Nature’s Choice », car on considérait que ces mots donnaient la fausse impression que les produits étaient d’origine entièrement naturelle alors que certaines des marchandises, en réalité, contenaient des quantités non négligeables de produits alimentaires qui n’étaient pas d’origine naturelle.  

[14]           La Cour a conclu comme suit, à la page 249 :

[traduction]

J’estime que l’agent d’audience principal a rendu une décision raisonnable qu’il n’y a pas lieu de modifier. Les principales conclusions de fait sont raisonnables. Les changements ont été rendus nécessaires par suite de l’intervention d’un ministère fédéral. Il aurait été déraisonnable, sur le plan commercial, de modifier toute la gamme de produits pour des produits canadiens, ou de modifier toute la gamme de produits pour qu’elle comprenne exclusivement des produits naturels, ce afin de préserver les droits afférents à la marque de commerce. Il eût aussi été déraisonnable d’utiliser deux (ou plusieurs) variations de la marque, selon le produit empaqueté. Une révision discrète de la marque était la seule solution avisée.

 

[15]           La présente demande a été produite pour rendre compte des changements apportés à la Marque déposée de la Requérante à la demande du ministère de l’Agriculture. Aux fins de la présente décision, je considérerai que tout emploi de la Marque déposée de la Requérante constitue un emploi de la Marque. 

Les questions préjudicielles

Admissibilité de l’affidavit de M. Rustom

[16]           Monsieur Ruparel déclare dans son affidavit qu’au moment où sa société, Nature’s Choice Ltd., a acheté les actifs et l’entreprise de la société connue sous le nom de A & G Corporation, cette dernière était en cause dans un litige concernant la Marque déposée de la Requérante. En réponse à un avis transmis par le registraire en vertu de l’article 45 de la Loi, M. Anan Rustom a souscrit un affidavit qui, a‑t‑on jugé, établissait l’emploi de cette marque [voir la décision Marks & Clerk c. Rustom, précitée]. Une copie de l’affidavit de M. Rustom et de certaines pièces qui y sont annexées, est jointe comme pièce C à l’affidavit de M. Ruparel.

[17]           Je reconnais que le registraire accepte des copies certifiées conformes ou des photocopies d’affidavits produits dans d’autres procédures d’opposition lorsque les circonstances le justifient [voir Beachcombers Restaurant Ltd. c. Vita-Park Citrus Products Co. (1976), 26 C.P.R. (2d) 282 (C.O.M.C.)]. En l’espèce, l’agent de la Requérante a fait valoir que bien que cette preuve constitue du ouï‑dire, elle devrait être admise parce qu’elle est à la fois nécessaire et fiable. À cet égard, l’agent de la Requérante a indiqué que celle‑ci ignorait où se trouvait M. Rustom à l’époque où elle a produit sa preuve. Il a soutenu en outre qu’à titre d’ancien propriétaire de la Marque, M. Rustom était mieux placé que la Requérante pour expliquer la propriété et l’usage antérieurs de la Marque déposée de la Requérante avant son acquisition par la Requérante le 30 août 2001. L’agent de la Requérante a également souligné que cette preuve est digne de foi, puisqu’il s’agit de l’affidavit même qui a été utilisé dans la procédure en vertu de l’article 45 engagée contre la Marque déposée de la Requérante. 

[18]           Étant donné que l’Opposante n’a pas contesté l’admissibilité de cette preuve, et compte tenu des observations de la Requérante, je suis disposée à accorder un certain poids à ces éléments de preuve.

Document de cession

[19]           L’Opposante avance que la preuve de la Requérante est ambiguë quant à l’identité de la personne qui a acquis les droits dans la Marque du prédécesseur en titre, A & G Corporation. La pièce A de l’affidavit de M. Ruparel consiste en une cession, de A & G Corporation à Nature’s Choice Ltd., à compter du 30 août 2001, des droits afférents à la Marque déposée de la Requérante, enregistrée le 24 septembre 1993. La convention de vente (qui a été fournie à titre d’engagement dans le contre‑interrogatoire de M. Ruparel) prévoit la cession des droits dans les [traduction] « marques de commerce et dessin NATURE’S CHOICE enregistrés au Canada sous le numéro LMC691824 [sic] le 24 septembre 1993 », de A & G Corporation à Sparkles Photo Limited, à compter du 30 août 2001. L’Opposante soutient que la cession de droits dans la même marque déposée effectuée par A & G Corporation à deux entités différentes à la même date, soulève de sérieuses questions quant à la propriété de la Marque déposée de la Requérante, qu’elle soit en la possession de Sparkles Photo Limited ou de Nature’s Choice Ltd.

[20]           À l’audience, l’agent de la Requérante a expliqué que le document de cession joint à l’affidavit de M. Ruparel comme pièce A y a été joint par erreur et que le véritable acte de cession est le document qui a été fourni en réponse aux engagements. L’agent de la Requérante a attiré l’attention sur la lettre adressée par M. Ruparel à son conseiller juridique, Me Hofabauer, lettre qui avait également été jointe à titre de réponse à un engagement. Dans cette lettre, M. Ruparel autorise la cession de la Marque déposée de la Requérante au nom de Sparkles Photo Limited, et précise que cette demande s’inscrit dans l’accord de transfert d’actifs entre A & G Corporation et Nature’s Choice Ltd. Enfin, l’agent de la Requérante relève que tant dans son affidavit que durant son contre‑interrogatoire, M. Ruparel a expliqué que Nature’s Choice Ltd. emploie la Marque en vertu d’une licence accordée par Sparkles Photo Limited, cette dernière exerçant un contrôle sur les caractéristiques ou la qualité des marchandises vendues. Il convient aussi de signaler que M. Ruparel est président, directeur et unique actionnaire à la fois de Sparkles Photo Limited et de Nature’s Choice Ltd.

[21]           Habituellement, lorsqu’un affidavit est ambigu, le doute est résolu contre la partie qui l’a produit [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183]. En l’espèce, toutefois, je suis prête à inférer de l’ensemble de la preuve que le document de cession approprié est celui qui identifie Sparkles Photo Limited comme cessionnaire des marques de A & G Corporation, pour les motifs suivants.  

[22]           Monsieur Ruparel est président, directeur et unique actionnaire tant de Sparkles Photo Limited que de Nature’s Choice Ltd. L’examen de son affidavit, de son témoignage en contre‑interrogatoire et de ses réponses aux engagements montre clairement que son intention était que Nature’s Choice Ltd. emploie la Marque aux termes d’une licence accordée par Sparkles Photo Limited à compter de la date de la cession.

[23]           Dans son affidavit, M. Ruparel déclare, au paragraphe 5 : 

[traduction] Depuis le 30 août 2001, Sparkles Photo Limited est propriétaire de la marque de commerce déposée NATURE’S CHOICE et Dessin et de la survaleur de l’entreprise exploitée au Canada en liaison avec les marchandises avec lesquelles la marque de commerce a été employée. Une copie de l’acte constatant la cession de l’enregistrement consentie par A & G Corporation à Sparkles Photo est jointe aux présentes comme pièce A. (Non souligné dans l’original.)

[24]           L’extrait suivant du contre‑interrogatoire de M. Ruparel, auquel je remarque que M. Ruparel s’est présenté sans avocat, fournit aussi certains renseignements quant à l’ambiguïté créée par les documents produits :

[traduction]

Q. 66   Quelle société est propriétaire des marques et les transfère à quelqu’un d’autre?

R.        A & G Corporation est la société qui a transféré cette marque.

Q. 67   Merci. Si je comprends bien, cette cession comprend l’enregistrement canadien d’une marque de commerce portant le numéro 417314, est‑ce exact?

R.        Oui.

Q. 69   À quelle société les droits sont‑ils cédés?

R.        À Nature’s Choice Ltd., qui est active à l’heure actuelle.

Q. 70   Comment Sparkles Photo peut-elle être la propriétaire si les marques ont été cédées à Nature’s Choice Ltd.?

R.        Comme il est mentionné ici, puisque les deux sociétés m’appartiennent, nous avons décidé de préparer des cessions des marques de commerce à Sparkles Photo, et il n’y a pas d’actionnaires différents. Je suis seul propriétaire de cette société.

Q. 71   Sparkles a cédé la marque de commerce à Nature’s Choice?

R.        Oui.

Q. 72   Pourquoi cette transaction n’est‑elle pas consignée au registre des marques de commerce canadiennes?

R.        Il s’agit d’une seule et même société. Plutôt que de faire une double transaction le même jour…

Q. 73   Nature’s Choice Ltd. n’a pas de statut juridique?

R.        Nature’s Choice, actuellement, imprime et emploie cette marque de commerce depuis le moment où elle a obtenu de Sparkles Photo Limited la cession lui permettant d’employer la marque de commerce.

Q. 74   S’agit‑il d’une cession ou d’une licence?

R.        C’est une licence.

Q. 75   Donc, les droits dans la marque de commerce n’ont pas été transférés à Nature’s Choice Ltd. C’est juste une licence?

R.        Juste une licence.

Q. 76   Pourtant, l’acte de cession indique que la cession est de A & G Corporation à Nature’s Choice Ltd.

R.        Il faudrait que je consulte les papiers, mais je crois que c’est bien le cas. La cession a été faite à Nature’s Choice Ltd. ou à Sparkles. Nous avons discuté des façons de gérer ces choses. Comme les deux constituent une même entreprise, je dois tenir compte de sa solidité financière et de ce qui a été fait.

Q. 81   Mais il semble bien que les mêmes marques de commerce aient été cédées à deux entités distinctes, d’une part à Nature’s Choice et d’autre part à Sparkles, qui est la propriétaire inscrite.

R.        Nous communiquerons de nouveau avec vous sur ce point. Je crois que c’est Sparkles. Je me demande si le formulaire signé attend encore là. Il aurait pu être placé par erreur dans le dossier des éléments de preuve.

Q. 85   Vous mentionnez au paragraphe 6, et vous avez indiqué il y a quelques minutes, que Nature’s Choice Ltd. emploie la marque « Nature’s Choice Co. » en vertu d’une licence octroyée par Sparkles. Y a‑t‑il un contrat de licence écrit?

R.        Oui, il y en a un.

 

[25]           Le libellé du paragraphe 5 de l’affidavit de M. Ruparel tend à confirmer l’explication de l’agent de la Requérante, à savoir qu’il a involontairement joint le mauvais document à son affidavit. Monsieur Ruparel a plus tard corrigé cette erreur en transmettant l’acte de cession approprié à titre de réponse à un engagement. En outre, dans la lettre de M. Ruparel à son avocat, qui a aussi été transmise comme réponse à un engagement, M. Ruparel confirme qu’il avait bien l’intention de céder la Marque à Sparkles Photo Limited. Enfin, tant le contenu de l’affidavit de M. Ruparel que son témoignage en contre‑interrogatoire et ses réponses aux engagements donnés montrent que son intention était que Nature’s Choice Limited, à titre d’acquéreur des actifs de A & G Corporation, continue d’exploiter l’entreprise [traduction] « de la même façon qu’A & G l’avait exploitée » (voir l’affidavit de M. Ruparel, au paragraphe 14) et emploie la Marque aux termes d’une licence accordée par Sparkles Photo Limited, la propriétaire de la Marque.  

[26]           La preuve soumise et les observations de l’agent de la Requérante m’ont convaincue que le document de cession qui a été annexé comme réponse à un engagement constitue la véritable cession. J’ajouterai que toute autre conclusion occasionnerait un préjudice important à la Requérante.

Les motifs d’opposition

Le motif fondé sur l’alinéa 30b)

[27]           Le fardeau qui incombe à chaque partie relativement à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) a été expliqué comme suit dans la décision Ivy Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562 (C.O.M.C.), aux pages 565 et 566, confirmée par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.) :

[traduction]

Bien qu’il incombe à la requérante d’établir que sa demande est conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerces, l’opposante a le fardeau initial de prouver les faits qu’elle invoque pour appuyer le motif fondé sur l’article 30 (voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.), aux pages 329-330, et John Labatt Ltée c. Les Compagnies Molson Ltée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re  inst.)). Toutefois, le fardeau de preuve de l’opposante concernant la question de l’inobservation de l’alinéa 30b) de la Loi par la requérante n’est pas très lourd (voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.) à la page 89). De plus, l’opposante peut se servir de l’affidavit de la requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve concernant ce motif. Dans ce cas, cependant, l’opposante doit établir que la preuve de la requérante est « nettement » incompatible avec les déclarations énoncées dans sa demande.

[28]           De plus, l’alinéa 30b) exige qu’il y ait un emploi continu de la marque de commerce visée par la demande, dans la pratique normale du commerce, depuis la date alléguée [voir Brasserie Labatt Ltée c. Benson & Hedges (Canada) Ltée (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), à la page 262].

[29]           L’Opposante allègue que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) pour les raisons suivantes :

1. la Requérante n’avait pas commencé à employer la marque NATURE’S CHOICE CO. au Canada en liaison avec des noix, des fruits séchés et des friandises à la date de premier emploi alléguée (avril 1997);

2. l’emploi de la marque de commerce NATURE’S CHOICE CO. au Canada, depuis avril 1997, n’a pas été continu;

3. ce n’est ni la Requérante, Sparkles Photo Limited, ni son prédécesseur en titre, A & G Corporation, qui ont employé la marque de commerce, mais plutôt des entités connues sous le nom de Nature’s Choice (A & G Corporation) ou A & G Corporation Nature’s Choice.

[30]           Au soutien de son premier argument, l’Opposante avance qu’aucun des produits pour collation énumérés dans la liste de produits vendus par la société de M. Ruparel ne peut être désigné comme des « fruits séchés ». L’Opposante soutient à cet égard que même si les mélanges de produits de la Requérante peuvent inclure des fruits séchés, ces produits ne sont pas en soi des fruits séchés et ils ne peuvent donc fonder l’allégation d’emploi de la Marque en liaison avec ces marchandises.

[31]           Avec égards, je ne partage pas l’avis de l’Opposante. Premièrement, je ne connais aucune exigence prescrivant que les marchandises de la Requérante soient constituées exclusivement de fruits séchés pour pouvoir être désignées sous ce nom. De plus, les pièces GG et TT de l’affidavit de M. Ruparel montrent des emballages de Florida Mix et de Youth Mix, deux produits qui comprennent différents types de fruits séchés comme des raisins secs et de l’ananas. Étant donné que les mélanges sont constitués à tout le moins en partie de fruits séchés, j’estime que cette preuve suffit à établir l’emploi de la Marque en liaison avec des fruits séchés.    

[32]           Pour étayer ses deuxième et troisième arguments, l’Opposante invoque l’ambiguïté de la preuve quant à l’identité de la personne qui a acquis du prédécesseur en titre, A & G Corporation, les droits dans la Marque déposée de la Requérante. Comme je l’ai expliqué, je suis convaincue, à la lecture de l’ensemble de la preuve, que la Requérante a établi que la véritable cession est celle faite par A & G Corporation à Sparkles Photo Limited. 

[33]           Bien que l’ambiguïté sur le droit de propriété de la Marque ait été clarifiée, l’Opposante affirme qu’il y a une autre ambiguïté concernant la licence d’emploi de la marque qui existerait entre Sparkles Photo Limited et Nature’s Choice Ltd. À cet égard, M. Ruparel s’était engagé à fournir une copie du contrat écrit constatant cette licence, mais il n’a fourni aucun document de la sorte en réponse à cet engagement précis. L’Opposante estime qu’il convient de tirer une inférence défavorable de ce défaut de donner suite à l’engagement. 

[34]           Je signale cependant qu’au paragraphe 6 de son affidavit, M. Ruparel déclare que Nature’s Choice Ltd. utilise la Marque en vertu d’une licence accordée par Sparkles Photo Limited et précise que cette licence n’a pas été donnée par écrit (ce qui sous‑entend qu’il s’agit plutôt d’une licence verbale). Il explique aussi, dans son affidavit que son rôle auprès des deux sociétés, Nature’s Choice Ltd. et Sparkles Photo Limited, lui permet d’affirmer que cette dernière exerce un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des marchandises vendues en liaison avec la Marque. Enfin, à l’audience, l’agent de la Requérante a expliqué que la relation entre Sparkles Photo Limited et Nature’s Choice Ltd. est informelle, de sorte qu’il n’y aurait pas eu d’accord écrit.    

[35]           Comme M. Ruparel a expliqué que Nature’s Choice Ltd. utilise la Marque en vertu d’une licence octroyée par Sparkles Photo Limited et que cette dernière exerce un contrôle sur les caractéristiques ou la qualité des marchandises vendues, et étant donné également que M. Ruparel est président, directeur et unique actionnaire des deux sociétés, je suis disposée à conclure que l’usage établi est réputé être celui de la Requérante conformément à l’article 50 de la Loi [voir TGI Friday’s of Minnesota, Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1999), 241 N.R. 362 (C.A.F.), et Petro-Canada c. 2946661 Canada Inc. (1998), 83 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.)].

[36]           L’Opposante soulève un dernier argument au regard de ce motif d’opposition : elle affirme que ce n’est pas la Requérante ni son prédécesseur en titre, A & G Corporation, qui a employé la Marque, mais plutôt des entités connues sous le nom de Nature’s Choice (A & G Corporation) ou A & G Corporation Nature’s Choice. Sur ce point, M. Ruparel a annexé à son affidavit, comme pièce C, des factures de 1999 adressées par North American Impex Incorporated (qui, explique M. Ruparel, était et demeure le grossiste de la Requérante et de son prédécesseur en titre) à Nature’s Choice (A & G Corporation). Monsieur Rustom avait annexé comme pièce D de son affidavit des factures datant aussi de 1999, adressées par A & G Corporation, division Nature’s Choice, à Burger King. 

[37]           Dans son affidavit, M. Rustom explique que lui‑même et Gary Moshonas ont exploité, dans le sud de l’Ontario, une entreprise sous forme de société de personnes appelée Nature’s Choice Company, à compter de l’automne 1990 jusqu’à ce que la société de personnes devienne une société constituée en personne morale sous le nom de A & G Corporation, le 11 avril 1997. Depuis sa constitution en avril 1997, A & G Corporation fait affaire sous le nom commercial de Nature’s Choice Co. Le 16 janvier 2001, la Marque déposée de la Requérante a été transférée de l’ancienne société de personnes à la personne morale, rétroactivement au 12 avril 1997. 

[38]           Selon le permis principal d’entreprise joint à l’affidavit de M. Rustom, la raison sociale du titulaire de la licence est A & G Corporation et son nom commercial est Nature’s Choice Co. Je remarque par ailleurs que l’adresse indiquée pour A & G Corporation sur le permis principal d’entreprise est la même que celle à laquelle étaient adressées les factures établies à Nature’s Choice (A & G Corporation), jointes comme pièce C à l’affidavit de M. Rustom. Quant aux factures constituant la pièce D de l’affidavit de M. Rustom, il est raisonnable à mon avis de supposer que la mention de la division Nature’s Choice avait pour but de distinguer l’entreprise exploitée sous le nom de Nature’s Choice de toute autre activité qu’aurait pu poursuivre A & G Corporation.

[39]           Pour résumer, la Marque déposée de la Requérante a été employée par la société de personnes Nature’s Choice Company jusqu’à ce que, le 11 avril 1997, la société de personnes devienne A & G Corporation, faisant affaire sous le nom de Nature’s Choice Co. Le 12 avril 1997, la Marque déposée de la Requérante a été cédée par Nature’s Choice Company à A & G Corporation. La Marque déposée de la Requérante a ensuite été cédée par A & G Corporation à Sparkles Photo Limited le 30 août 2001. À cette même date, soit le 30 août 2001, Nature’s Choice Ltd. a acheté les actifs de A & G Corporation en vertu d’une convention de vente. Depuis, Nature’s Choice Ltd. exploite la société et emploie la Marque en vertu d’une licence accordée par Sparkles Photo Limited. De ce fait, la preuve me permet de conclure que la Requérante a démontré qu’elle‑même ou son prédécesseur en titre, A & G Corporation, ont fait un emploi continu de la Marque depuis aussi tôt qu’avril 1997.  

[40]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) est rejeté.

Le motif fondé sur l’alinéa 30i)

[41]           L’Opposante avance que la Marque n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, parce qu’à la date alléguée de premier emploi de la Marque et à la date de production de la demande, la Requérante savait qu’elle n’avait pas le droit d’employer la Marque en liaison avec les marchandises visées par la demande.

[42]           L’alinéa 30i) de la Loi exige l’inclusion, dans la demande, d’une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises. La Requérante s’est conformée quant à la forme aux dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi en incluant la déclaration prescrite dans chacune de ses deux demandes. La question qui se pose est donc de savoir si, sur le fond, la Requérante a respecté cette disposition; autrement dit, les déclarations étaient‑elle véridiques au moment de la production des demandes?

[43]           Dans le passé, des oppositions fondées sur l’inobservation de l’alinéa 30i) de la Loi ont été retenues dans des cas où l’opposant avait établi, prima facie, que l’emploi que projetait faire le requérant de sa marque pouvait contrevenir à une loi fédérale. Comme l’a déclaré la Commission dans la décision relative à une opposition rendue dans Interactiv Design Pty Ltd. c. Grafton-Fraser Inc. (1998), 87 C.P.R. (3d) 537 (C.O.M.C.) :

[traduction]

[...] en matière d'opposition fondée sur l'alinéa 30i), la Commission des oppositions des marques de commerce a jugé nécessaire dans le passé de déterminer si l'opposant avait apporté la preuve prima facie d'une contravention à une autre loi fédérale, plutôt que de décider qu’il y avait eu effectivement une contravention. Elle a jugé, par exemple, que l'existence d'une violation de droit d'auteur avait été prouvée prima facie dans l'affaire E. Remy Martin & Co. S.A. c. Magnet Trading Corp. (HK) Ltd. (1988), 23 C.P.R. (3d) 242 (C.O.M.C.), dont il est question dans le plaidoyer écrit de la requérante, et elle a de même conclu à l'existence prima facie de contraventions à la Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. 1985, ch. C‑10, dans diverses oppositions produites par cette société (voir notamment Canada Post Corp. c. Metromail Corp., 19 novembre 1997 (C.O.M.C.) [maintenant publiée à 84 C.P.R. (3d) 511]). La Commission a aussi accueilli une opposition fondée sur l'alinéa 30i), dans la décision Institut National des Appellations d'Origine c. Brick Brewing Co. (1995), 66 C.P.R. (3d) 351 (C.O.M.C.), concluant à l'existence prima facie d'une contravention à la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F‑27.

[44]           En l’espèce, soutient l’Opposante, la Requérante savait qu’elle n’avait pas le droit d’employer la Marque en liaison avec les marchandises visées par la demande, parce que ces marchandises ne sont pas [traduction] « naturelles », et par conséquent, la Requérante n’a pas le droit de donner faussement aux consommateurs l’impression que ses produits sont naturels. Invoquant l’affidavit de M. Rustom, l’Opposante fait valoir que M. Peter Travers du ministère de l’Agriculture avait communiqué avec le prédécesseur en titre de la Requérante pour lui demander’ajouter l’élément « co. » après les mots « nature’s choice ». La raison de cette demande est que l’on jugeait que l’emploi du terme « nature’s choice » tendait à donner la fausse impression que les produits contenus dans l’emballage étaient entièrement naturels, alors que certaines des marchandises contenaient des quantités non négligeables de produits alimentaires qui ne sont pas d’origine naturelle, comme de la gélatine, du chocolat, etc. L’Opposante affirme en outre que la Requérante était tout à fait consciente qu’elle ne devait pas employer le terme NATURE’S CHOICE à titre de marque de commerce en liaison avec ses produits. En sollicitant l’enregistrement de la marque de commerce NATURE’S CHOICE CO. et en présentant cette marque de commerce comme elle le fait dans sa preuve, la Requérante, estime l’Opposante, contrevient à l’alinéa 30i) de la Loi.

[45]           Bien que Mme Young ait annexé à son affidavit des extraits du Guide d’étiquetage et de publicité sur les aliments de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, diverses décisions qui auraient été rendues par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, des copies de la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation, du Règlement sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation et de la Loi sur les aliments et drogues, ni Mme Young ni l’agent de l’Opposante n’ont fait d’observations sur la pertinence possible de ces documents. Partant, l’Opposante n’a pas établi quelles dispositions législatives, s’il en est, régissent l’emploi des mots NATURE ou NATURAL sur les étiquettes de produits alimentaires. Qui plus est, si je comprends bien la preuve, l’ajout du mot « co. » après les mots « nature’s choice » aurait rendu la Marque conforme à la demande du ministère de l’Agriculture et par conséquent, peut‑on penser, conforme à toute loi ou disposition qu’elle avait enfreinte jusque là. Comme je ne suis pas convaincue que l’Opposante a satisfait au fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard de ce motif d’opposition, celui‑ci est rejeté.  

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[46]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) porte sur l’existence d’une probabilité de confusion entre la Marque et chacune des marques de l’Opposante.

[47]           J’évaluerai le risque de confusion entre la Marque et les mots NATURE’S CHOICE servant de marque à l’Opposante, enregistrés sous le numéro LMC501692, car l’argumentation la plus solide de l’Opposante porte sur cet enregistrement. Il convient de souligner que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d), puisque l’enregistrement no LMC501692 est en règle.

Le test en matière de confusion

[48]           Le test applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour l’application du test régissant la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, de services ou d'entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids équivalent à chacun des facteurs énumérés ci‑dessus.

[49]           Dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, la Cour suprême du Canada a décrit le processus à suivre pour évaluer toutes les circonstances qu’il faut examiner pour décider si deux marques de commerce créent de la confusion. Gardant à l’esprit les grands principes exposés par la Cour, je procéderai maintenant à l’analyse de toutes les circonstances de l’espèce.

alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[50]           Aucune des marques des parties n’est intrinsèquement forte. Par conséquent, le caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause ne favorise aucune des deux parties.

[51]           Toutefois, une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue grâce à la promotion ou à l’emploi qui en est fait. Le témoignage de la déposante de l’Opposante, Mme Hood, permet d’établir les éléments suivants :

         depuis 1989, l’Opposante vend au Canada des barres pour collation à base de céréales en liaison avec sa marque;

         l’Opposante vend ses barres à base de céréales à plusieurs distributeurs canadiens qui les vendent à leur tour à des magasins d’alimentation partout au Canada;

         la marque de l’Opposante figure bien en vue sur tous les emballages et tous les matériaux d’emballage individuel des produits;

         les ventes annuelles des produits NATURE CHOICE de l’Opposante au Canada ont atteint entre 100 500 $ et 319 000 $ du milieu de l’année 2000 à 2004;  

[52]           En revanche, l’affidavit de M. Ruparel, le déposant de la Requérante, établit ce qui suit :

         le prédécesseur en titre de la Requérante a commencé à employer la Marque déposée de la Requérante à l’automne de 1990;

         la Requérante emploie la Marque depuis qu’elle en a fait l’acquisition le 30 août 2001;

         les principaux clients de la Requérante sont des dépanneurs du Grand Toronto, d’Hamilton, Oakville, Burlington et de la région de Niagara, et comprennent des commerces d’alimentation franchisés tels que Burger King, des boutiques cadeaux dans les aéroports, des franchises de kiosques à journaux et des franchises d’International News; à la date de l’affidavit de M. Ruparel, la Requérante comptait plus de 400 clients qui achetaient régulièrement ses collations;

         les ventes annuelles de produits vendus en liaison avec la Marque depuis août 2001 jusqu’à décembre 2005 se sont chiffrées entre 103 454 $ et 374 022 $.

[53]           Compte tenu des éléments qui précèdent, je conclus que les marques respectives des deux parties sont devenues connues dans une mesure comparable au Canada. De ce fait, ce facteur ne favorise ni l’une ni l’autre partie.

alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[54]           Bien que la demande relative à la Marque soit fondée sur l’emploi depuis aussi tôt que 1997, la Requérante n’a établi l’emploi de celle‑ci que depuis 2001. Semblablement, l’Opposante soutient qu’elle emploie sa marque depuis 1989, mais elle n’a démontré l’emploi de celle‑ci que depuis le milieu de 2000. Par conséquent, je considère que ce facteur favorise très légèrement l’Opposante.

alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, de services ou d'entreprises; la nature du commerce

[55]           L’examen des marchandises, services ou commerces des parties, en ce qui touche la question de la confusion au titre de l’alinéa 12(1)d), se fait en fonction de l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande d’enregistrement ou dans l’enregistrement de la marque de commerce [voir les arrêts Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)]. Il faut lire les états déclaratifs des marchandises ou des services dans le but de déterminer le genre d’entreprise ou de commerce que les parties ont vraisemblablement eu l’intention d’établir plutôt que de répertorier tous les commerces susceptibles d’être englobés dans le libellé. À cet égard, la preuve de la nature véritable des commerces qu’exploitent les parties est utile [voir McDonald's Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.)].

[56]           Je conviens avec l’Opposante que les marchandises des parties sont apparentées dans la mesure où elles comprennent dans les deux cas des produits alimentaires associés aux collations. À cet égard, les marchandises visées par l’enregistrement de l’Opposante sont des barres à base de céréales, et les marchandises visées par la demandes sont des noix, des fruits séchés et des friandises (pour ce qui est de la demande no 1161791) et des croustilles de pommes de terre et croustilles de bananes (pour ce qui est de la demande no 1164397).

[57]           Quant aux voies de commercialisation des parties, l’Opposante vend ses barres à base de céréales à des distributeurs canadiens qui vendent à des [traduction] « magasins d’alimentation » partout au Canada. Madame Hood, toutefois, ne fournit aucun détail sur les magasins d’alimentation où les marchandises de l’Opposante sont vendues.  

[58]           La Requérante, par contre, achète en vrac des aliments pour collations, puis elle les emballe à nouveau dans des sacs individuels de format collation qui arborent la Marque. Ces sacs de format collation sont ensuite distribués par la Requérante à ses clients. De nombreux clients présentent les sacs pour collation sur des présentoirs qui leur sont fournis par Nature’s Choice Ltd.; des photographies de ces présentoirs sont jointes à l’affidavit de M. Ruparel comme pièce F.    

[59]           Monsieur Ruparel explique que la clientèle de Nature Choice Ltd. est surtout constituée de magasins populaires et de dépanneurs dans le sud de l’Ontario. Ses clients se trouvent plus précisément dans le Grand Toronto, à Hamilton, Oakville, Burlington et dans la région de Niagara. Ils comptent des commerces d’alimentation franchisés comme les restaurants Burger King et des boutiques cadeaux situées dans les aéroports, dans le sud de l’Ontario. La plus grande partie des clients de la Requérante est composée de kiosques à journaux, notamment des franchises de kiosques à journaux Gateway et des franchises d’International News. 

[60]           La Marque aurait été employée, dans sa forme initiale ou dans sa forme actuelle, depuis 1990. Toutefois, la demande de la Requérante n’est pas limitée aux voies de commercialisation qu’elle a empruntées jusqu’à présent, et les [traduction] « magasins d’alimentation » dans lesquels les marchandises de l’Opposante sont vendues pourraient facilement comprendre certains des endroits où les marchandises de la Requérante sont vendues. Il est donc probable que les voies de commercialisation des parties se recoupent déjà ou pourraient éventuellement se recouper.

alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[61]           Les marques se ressemblent dans une large mesure à tous les points de vue, puisqu’elles partagent les deux mêmes éléments, à savoir les mots NATURE’S et CHOICE.   

Autres circonstances

preuve relative à l’état du registre

[62]           Comme circonstance pertinente, la Requérante a produit des éléments de preuve quant à l’état du registre par l’intermédiaire de l’affidavit de Mme Thibeault. Une preuve de l’état du registre sert à faire ressortir le caractère commun ou le caractère distinctif d’une marque ou d’une partie d’une marque par rapport à l’ensemble du registre. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions concernant l’état du marché [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. La preuve de l’état du registre permet de tirer des conclusions sur l’état du marché uniquement lorsqu’un nombre important d’enregistrements pertinents ont été relevés [voir Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]. 

[63]           Madame Thibeault a repéré de nombreux enregistrements de marques de commerce qui incluent les mots NATURE, NATURAL ou CHOICE en liaison avec des produits pour collations et des produits alimentaires. Au moins 66 enregistrements comportant le mot NATURE ou NATURAL incluent des marchandises qui recoupent celles de la Requérante et de l’Opposante. Par ailleurs, 66 enregistrements additionnels comportant le mot CHOICE incluent des marchandises qui recoupent celles de la Requérante et de l’Opposante.

[64]           Même en faisant abstraction des six marques à l’égard desquelles l’Opposante a formulé des objections dans le second affidavit de Mme Young, je serais d’avis que le nombre de marques déposées qui ont été relevées par Mme Thibeault est suffisamment élevé pour conclure qu’il est courant sur le marché d’adopter des marques de commerce incluant NATURE ou NATURAL et des marques incluant CHOICE, exactement dans le même domaine que celui dans lequel s’inscrit la marque de l’Opposante. Par conséquent, il y a lieu de penser que les consommateurs sont parfaitement capables de distinguer une telle marque d’une autre. Compte tenu de cette preuve, il serait inapproprié d’accorder un degré élevé de protection à la marque de commerce de l’Opposante, car celle‑ci est une marque faible.

absence de toute preuve de confusion

[65]           Une autre circonstance pertinente est l’absence de cas de confusion entre les marques malgré une coexistence alléguée d’au moins dix ans de la marque NATURE’S CHOICE de l’Opposante et de la marque NATURE’S CHOICE CO. de la Requérante, dans sa forme initiale ou dans sa forme actuelle. Naturellement, il n’est pas nécessaire que l’Opposante prouve la confusion pour que je puisse conclure à l’existence d’une probabilité de confusion; par contre, l’absence de confusion malgré le recoupement des marchandises peut donner lieu à une inférence défavorable à l’égard de la thèse de l’Opposante [voir Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.); Mercedes‑Benz A.G. c. Autostock Inc. (1996), 69 C.P.R. (3d) 518 (C.O.M.C.)]. En conséquence, compte tenu du fait que les deux parties exercent leurs activités concurremment dans le sud de l’Ontario depuis aussi longtemps, j’accorderai une importance appréciable à ce facteur particulier dans ma décision concernant la probabilité de confusion.  

Conclusion relative à l’absence de confusion

[66]           Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus à l’absence de probabilité raisonnable de confusion entre les marques. Je conclus ainsi principalement parce que les marques en cause ne possèdent qu’un faible caractère distinctif inhérent et qu’elles ont coexisté paisiblement plusieurs années sans aucun incident de confusion. Qui plus est, la Requérante a établi que les marques de commerce comportant les mots NATURE, NATURAL ou CHOICE sont très courantes dans l’industrie alimentaire et le domaine des collations. La marque de l’Opposante est donc une marque faible, et de légères différences devraient suffire à éviter le risque de confusion [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R.. (3d) 349 (C.A.F.)]. En l’espèce, bien que les deux marques soient semblables du fait qu’elles incluent toutes deux les composants NATURE’S et CHOICE, j’estime que l’ajout de l’élément « CO. » dans la Marque suffit à distinguer les marques, en raison de leur faible caractère distinctif inhérent. Ce motif d’opposition est en conséquence rejeté.

Le motif fondé sur le paragraphe 16(1)

[67]           En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1), l’Opposante a le fardeau initial d’établir que ses marques de commerce étaient employées antérieurement à la date de premier emploi dont se réclame la Requérante et qu’elles n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce de la demande de la Requérante [article 16]. Madame Hood a certes attesté que l’Opposante utilise ses marques NATURE’S CHOICE en liaison avec ses marchandises depuis 1989, mais elle n’a présenté aucune preuve de vente de l’une quelconque des marchandises enregistrées avant l’année 2000. L’Opposante étant tenue de démontrer un emploi conforme à celui prévu à l’article 4 de la Loi, et non seulement de déclarer qu’il y a eu un tel emploi, ce motif est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial.

Le motif fondé sur l’alinéa 38(2)d)

[68]           Pour satisfaire à son fardeau de preuve relativement à ce motif, l’Opposante doit établir qu’à la date de production de l’opposition (13 avril 2004), les marques de l’Opposante étaient devenues suffisamment connues pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la page 58 (C.F. 1re inst.); Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.); Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.)]. La preuve soumise par Mme Hood répond au fardeau de preuve initial de l’Opposante. Néanmoins, pour des motifs semblables à ceux exposés ci‑dessus relativement à l’opposition fondée sur l’alinéa 12(1)d), je suis d’avis que la Requérante a satisfait au fardeau qui lui incombe, de sorte que l’opposition fondée sur l’alinéa 38(2)d) est également rejetée.

Le motif fondé sur l’alinéa 12(1)b)

[69]           L’Opposante a plaidé en ces termes le motif d’opposition soulevé au titre de l’alinéa 12(1)b) :

[traduction] […] la marque de commerce NATURE’S CHOICE CO. donne une description fausse et trompeuse lorsqu’elle est employée en liaison avec les marchandises suivantes : noix, fruits séchés et friandises. Un associé de la société remplacée par la société de la Requérante, M. Anan Rustom, a été informé par M. Peter Travers du ministère de l’Agriculture que NATURE’S CHOICE CO. tendait à donner la fausse impression que les produits vendus sous cette marque étaient entièrement naturels. Dans un affidavit produit dans le cadre d’une action en annulation concernant l’enregistrement de la marque de commerce canadienne NATURE’S CHOICE & Dessin, no LMC417314, M. Rustom a confirmé que les produits vendus sous cette marque contenaient des produits qui ne sont pas d’origine naturelle.

[70]           Il convient de statuer sur cette question en adoptant le point de vue de la personne qui utilise régulièrement les marchandises ou les services. De plus, il ne faut pas analyser minutieusement la marque de commerce en cause et la décomposer en ses différents éléments constitutifs; on doit plutôt l’examiner dans son ensemble, sous l’angle de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.)]. Le mot « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique des marchandises et le mot « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29 (C. de l’É.), à la page 34].

[71]           S’il incombe à la Requérante de démontrer que la Marque est enregistrable, l’Opposante doit d’abord présenter une preuve suffisante pour étayer sa prétention selon laquelle la marque donne une description fausse et trompeuse [voir John Labatt Ltée c. Les Compagnies Molson Ltée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

[72]           L’Opposante soutient qu’en se fiant à sa première impression, le consommateur moyen serait induit en erreur quant à la nature des noix, fruits séchés et friandises offerts par la Requérante et supposerait à tort que ces marchandises sont constituées d’aliments naturels.

[73]           Dans la décision Lotte Confectionery Co. c. Tong Yang Confectionery Corp. (2001), 13 C.P.R. (4th) 182, Madame Bradbury, membre de la Commission, a examiné si le mot CHOCOPIE donnait une description fausse et trompeuse des marchandises de la requérante autres que des tartes :

[…] Toutefois, le mot CHOCOPIE ne donne pas une description claire des autres marchandises car celles‑ci ne sont pas des tartes (pies). La question est donc maintenant de savoir si la marque donne une description fausse et trompeuse des marchandises de la requérante, outre les tartes. Dans Gaines Pet Foods Corp. c. Tri-V Pet Foods Ltd. (1996), 73 C.P.R. (3d) 566, aux p. 570 et 571, le président de la Commission des oppositions des marques de commerce devait décider si la marque PRIME CUTS donnait une description claire ou donnait une description fausse et trompeuse des marchandises « aliments pour chiens et pour chats ». Voici ce qu’il a dit :

[traduction] En l’espèce, et même si un consommateur devait conclure que les mots PRIME CUTS désignent des pièces de viande de première qualité, je ne pense pas que l’acheteur moyen supposerait, en conséquence, que les aliments en conserve pour animaux contiennent un tel produit. En fait, et comme l’a indiqué Patricia Dixon dans son affidavit, les aliments en conserve pour animaux coûtent beaucoup moins cher que la viande de qualité destinée à la consommation humaine, de sorte que l’acheteur moyen ne croirait pas qu’il achète de la viande de grande qualité quand il se procure des aliments en conserve pour chiens ou pour chats de marque PRIME CUTS. Par conséquent, à mes yeux, la marque de commerce ne donne pas une description claire des marchandises de la requérante. En outre, je ne crois pas que l’acheteur moyen de ces marchandises pourrait être amené à penser à tort, à la vue de la marque PRIME CUTS, que celles‑ci contiennent de la viande de première qualité. La marque de commerce PRIME CUTS ne donne donc pas une description fausse et trompeuse des aliments pour chiens ou pour chats. L’acheteur moyen des marchandises de la requérante reconnaîtrait plutôt que l’emploi de la marque PRIME CUTS à l’égard d’aliments pour animaux est un choix fantaisiste qui laisse entendre tout au plus que les marchandises de la requérante sont des aliments pour animaux de grande qualité. Je conclus donc que la requérante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement au deuxième motif, que j’ai rejeté.

 

Dans la décision toujours inédite qu’il a rendue le 12 janvier 2001 dans l’affaire 1055779 Ontario Inc. c. Aliments Carrière Inc. [maintenant répertoriée sous 11 C.P.R. (4th) 404], le commissaire Myer Herzig a examiné la question de savoir si la marque MARKET FRESH donnait une description fausse et trompeuse de fruits et de légumes congelés. Il a dit ce qui suit, à la page 5 de sa décision [aux pages 409 et 410 du C.P.R.] :

 

La marque MARKET FRESH, lorsqu’elle est employée en liaison avec les marchandises de la requérante, est un oxymoron car des produits congelés ne peuvent être frais. Le consommateur moyen ne serait nullement trompé, mais considérerait la marque comme un genre de réclame louangeuse conçue en vue d’attirer l’attention. Tout au plus, la marque MARKET FRESH visée par la demande, lorsqu’elle est employée en liaison avec les marchandises de la requérante, suggère simplement que ces produits auront un goût relativement frais. Évidemment, une marque peut être suggestive sans pour autant donner une description claire ou donner une description fausse et trompeuse.  

 

Je conclus qu’en l’espèce la marque de la requérante ne donne pas une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des chocolats, de la crème glacée, des gaufrettes, des caramels, des bonbons, des pains, des gâteaux, de la gomme à mâcher, des petits gâteaux secs, des poudings et des pâtisseries, pour la simple raison qu’un consommateur ou un marchand moyen de ces marchandises ne serait pas amené à penser à tort qu’il s’agit de « tartes au chocolat » simplement parce qu’elles portent la marque de commerce CHOCOPIE Dessin. Cette personne pourrait tout au plus conclure que la marque de commerce indique que les marchandises en question ont un goût qui rappelle celui de la tarte au chocolat. Elle pourrait aussi penser simplement que la marque de commerce est un mot fantaisiste n’ayant aucune signification particulière étant donné que le mot CHOCOPIE n’existe pas en anglais ni en français, et la combinaison des mots CHOCO et PIE pourrait ne pas être évidente lorsque la marque est employée en liaison avec des marchandises autres que des tartes.

 

[74]           Bien que la preuve, dans le cas qui nous occupe, établisse que les marchandises de la Requérante ne sont pas entièrement constituées d’aliments naturels, je conclus que la Marque ne donne pas une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des noix, fruits séchés, friandises, croustilles de pommes de terre et croustilles de bananes, principalement parce que le consommateur moyen ou le commerçant moyen de ces marchandises ne sera pas induit à penser erronément que les marchandises sont entièrement constituées de produits alimentaires naturels du seul fait qu’elles portent la marque de commerce NATURE’S CHOICE CO. Tout au plus est-il susceptible de conclure que la marque de commerce fait référence à une société qui porte le nom de Nature’s Choice. De plus, l’inclusion de l’élément « CO. » empêche à mon avis la Marque de donner dans son ensemble une description fausse et trompeuse. 

[75]           En conséquence, j’estime que la marque NATURE’S CHOICE CO., lorsqu’on la considère dans son ensemble et sous l’angle de la première impression, ne donne pas une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises de la Requérante en laissant croire que ces marchandises sont d’une qualité telle qu’elles sont exclusivement constituées de produits alimentaires naturels. Aussi ce motif d’opposition est‑il rejeté.  

 

Décision

[76]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’Opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

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