Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                               THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 157

                                                                                                   Date de la décision : 2010-09-21

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Serta, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1183011 pour la marque de commerce PILLOW-SOFT au nom de HNI Technologies Inc.

 

 

[1]               Le 30 juin 2003, HNI Technologies Inc. (anciennement HON Technologies Inc.) (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement pour la marque de commerce PILLOW‑SOFT (la Marque) fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins le 30 juin 1998 en liaison avec les marchandises suivantes de l’état déclaratif modifié : « Sièges ergonomiques de bureau, nommément chaises » (les marchandises). La demande est également fondée sur l’emploi et l’enregistrement aux États‑Unis d’Amérique (les États‑Unis) en liaison avec les mêmes marchandises et la Requérante revendique la priorité de la demande no 76/511339 produite le 2 mai 2003 aux États-Unis.

 

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 novembre 2007

 

[3]               Le 13 décembre 2007, Serta, Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition en invoquant que la demande ne satisfaisait pas aux exigences des alinéas 30i), 12(1)d), 16(1)a) et 38(2)d) de la Loi sur la marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), en raison du fait que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce PILLOW SOFT de l’Opposante, enregistrée sous le numéro LMC270990 et employée au Canada par l’Opposante depuis au moins 1982 en liaison avec des matelas et des sommiers.

 

[4]               La Requérante a produit et fait signifier une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

[5]               À l’appui de sa déclaration d’opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Robert Malin, vice‑président, Licences, de l’Opposante, signé le 8 septembre 2008. La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve.

 

[6]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la tenue d’une audience.

 

Le fardeau de la preuve et les dates pertinentes

 

[7]               Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)]. Cela signifie que, s’il n’est pas possible d’arriver à une conclusion dans un sens ou dans l’autre une fois toute la preuve examinée, il faut rendre une décision défavorable à la Requérante [voir John Labatt, précité].

 

[8]               Les dates pertinentes pour l’examen des circonstances à l’égard de chacun des motifs d’opposition dans la présente instance sont les suivantes :

 

  • Motif fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi : la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)]. Tel qu’il a été mentionné précédemment, la Requérante revendique dans la présente demande la date de priorité du 2 mai 2003.
  • Motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].
  • Motifs fondés sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi : la date de premier emploi de la Marque qui est revendiquée dans la demande.
  • Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque : généralement la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

L’analyse

 

[9]               La question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante est en cause dans les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)d), 16(1)a) et 38(2)d). Comme je suis d’avis que l’argument le plus solide de l’Opposante vise le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) et comme, eu égard aux circonstances de la présente affaire, la date pertinente choisie importe peu, je vais apprécier la probabilité de confusion dans le contexte de ce motif. L’appréciation de la question de la confusion dans le contexte de ce motif permettra effectivement de statuer sur les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 16(1)a) et 38(2)d). Je vais terminer l’analyse avec le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i).

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

[10]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée PILLOW SOFT désignée précédemment. L’Opposante a fourni avec l’affidavit de M. Malin une copie créée par ordinateur de l’enregistrement LMC270990 de la marque de commerce canadienne PILLOW SOFT, lequel a été invoqué à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire pour examiner le registre des marques de commerce et confirmer les détails de cet enregistrement. Plus particulièrement, la marque de l’Opposante a été enregistrée le 9 juillet 1982 sur le fondement de l’emploi et de l’enregistrement aux États‑Unis en liaison avec des matelas et des sommiers. Comme l’enregistrement de PILLOW SOFT n’est pas expiré, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition.

 

[11]           La Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante.

 

[12]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[13]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette énumération n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à ces différents facteurs varie selon le contexte [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) (Mattel), et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824 (C.S.C.) (Veuve Clicquot), pour un examen approfondi des principes généraux régissant le test en matière de confusion].

 

a)   le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

 

[14]           Abstraction faite de la présence d’un trait d’union dans la Marque, les marques des parties sont identiques; elles consistent toutes les deux en la combinaison des mots « PILLOW » et « SOFT », qui évoquent la nature ou la qualité des marchandises respectives, plus particulièrement celles de l’Opposante. Par conséquent, je suis d’avis que les marques des parties possèdent dans une certaine mesure un caractère distinctif inhérent, bien que l’on puisse soutenir que ce soit à un moindre degré dans le cas de la marque de l’Opposante étant donné que le mot « pillow » en anglais (« oreiller » en français) est plus étroitement lié aux « matelas » qu’aux « chaises ».

 

[15]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion et l’usage. Il est vrai que la Requérante revendique en l’espèce revendique l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 30 juin 1998, mais elle a choisi de ne présenter aucun élément de preuve pour établir l’emploi de la Marque ou encore le fait qu’elle était devenue connue au Canada. Par contre, l’Opposante a prouvé que sa marque a été employée et qu’elle est devenue connue au moins dans une certaine mesure au Canada, suivant l’analyse de l’affidavit de M. Malin ci‑dessous.

 

[16]           L’Opposante a été fondée aux États‑Unis en 1931. Elle ne fabrique pas de matelas, mais elle octroie des licences pour ses marques de commerce à d’autres fabricants de matelas [affidavit de M. Malin, au paragraphe 4]. Monsieur Malin précise à cet égard que l’Opposante contrôle toujours directement les caractéristiques ou la qualité des marchandises qui sont vendues aux États‑Unis, au Canada et ailleurs dans le monde et qui portent ses marques de commerce. Tout ce qui est vendu en liaison avec les marques de commerce de l’Opposante est accordé sous licence [affidavit de M. Malin, aux paragraphes 4 et 6].

 

[17]           Monsieur Malin indique au paragraphe 7 de son affidavit que l’Opposante (Serta) est actuellement la deuxième marque de matelas la plus importante aux États‑Unis mais elle est la marque de matelas la plus répandue parmi les principaux hôtels et motels du monde entier dont notamment les hôtels de prestige Choice Hotels International, Hilton Hotels, Wyndham Hotels, Marriot Hotels, Westin Hotels, Embassy Suites, Hampton Inn et Holiday Inns.

 

[18]           En ce qui concerne plus particulièrement le matelas PILLOW SOFT, M. Malin explique au paragraphe 4 de son affidavit qu’il a été conçu pour réfuter la théorie qui veut que seul un matelas dur puisse fournir un soutien adéquat pour le dos. L’Opposante a révolutionné la manière dont les matelas sont vendus puisque, durant les années 1970, les clients demandaient des matelas fermes [affidavit de M. Malin, aux paragraphes 10 et 11].

 

[19]           L’Opposante a commencé à vendre des matelas et des sommiers aux États‑Unis en liaison avec la marque de commerce PILLOW SOFT depuis au moins 1976 [affidavit de M. Malin, au paragraphe 10]. Quelques années plus tard, l’Opposante a introduit les matelas et sommiers PILLOW SOFT au Canada. Monsieur Malin précise à cet égard, au paragraphe 11 de son affidavit, qu’il a été informé, ‑ et il y croit sincèrement ‑ qu’en 1976, l’Opposante [traduction] « a fait la promotion, dans le cadre de l’émission populaire du matin, The Today Show, de son matelas PILLOW SOFT qui était ferme mais néanmoins confortable ».

 

[20]           Monsieur Malin n’a pas annexé à son affidavit des spécimens des factures ou des publicités datant de la fin des années 1970. Cependant, il a annexé une étiquette qui porte la marque de commerce PILLOW SOFT, laquelle est fixée aux matelas et est représentative des étiquettes utilisées par les licenciés canadiens de l’Opposante bien avant 1978 [pièce C, affidavit de M. Malin, au paragraphe 11] ainsi que des listes de prix confidentielles, dans lesquelles figurent les matelas PILLOW SOFT, fournies par l’un des licenciés canadiens de l’Opposante pour les années 1997, 1999 et 2002 à 2007 [pièce D, affidavit de M. Malin, au paragraphe 13].

 

[21]           Monsieur Malin fournit en outre le chiffre d’affaires au Canada des matelas PILLOW SOFT de l’Opposante. Selon lui, il serait estimé que, par l’intermédiaire des licenciés de l’Opposante, les ventes au Canada ont dépassé 100 millions de dollars par année, plus de huit pour cent de ces ventes se rapportant précisément aux matelas PILLOW SOFT. Ces chiffres sont représentatifs des ventes réalisées au cours des cinq dernières années et l’Opposante prévoit des ventes similaires ou supérieures à l’avenir [affidavit de M. Malin, au paragraphe 12]. Monsieur Malin fournit également le budget de publicité de l’Opposante au Canada relativement aux matelas PILLOW SOFT, qui dépasse 360 000 $ [affidavit de M. Malin, au paragraphe 16]. Il joint à son affidavit des annonces représentatives publiées dans les journaux qui montrent la marque de commerce PILLOW SOFT et que les licenciés canadiens de l’Opposante ont fait paraître dans les années 2002, 2003, 2004 et 2007 [pièces E-1 à E-4], ainsi que des affiches informatives représentatives portant la marque de commerce PILLOW SOFT qui ont été utilisées dans des établissements de vente au détail au Canada, et placées près des matelas, au cours des dix dernières années [pièce E].

 

[22]           Bien que la preuve d’emploi de la marque de commerce déposée PILLOW SOFT produite par l’Opposante en l’espèce ne démontre pas l’emploi continu de la marque PILLOW SOFT au Canada en liaison avec des matelas et des sommiers depuis les années 1970 ou le début des années 1980, les chiffres d’affaires et de mise en marché fournis pour les années 2000, ainsi que les exposés des faits et les pièces dont il a été question précédemment, étayent la prétention de l’Opposante portant que sa marque PILLOW SOFT est employée depuis longtemps et devenue connue au moins dans une certaine mesure au Canada en liaison avec des matelas et des sommiers.

 

[23]           En conclusion, l’analyse générale de ces deux facteurs favorise l’Opposante.

 

b) La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

[24]           Pour les motifs exposés ci-dessus, ce facteur favorise également l’Opposante.

 

c) Le genre de marchandises, de services ou d’entreprises et d) la nature du commerce

 

[25]           Dans l’examen du genre de marchandises ou de services et de la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante avec l’état déclaratif des marchandises qui figure dans l’enregistrement de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltdc. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Il importe cependant de lire ces états déclaratifs avec l’objectif de déterminer le genre d’entreprise ou de commerce que les parties avaient probablement l’intention d’exploiter plutôt que de répertorier tous les commerces que le texte pourrait englober. La preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp  c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

[26]           La Marque faisant l’objet de la demande se rapporte à des « sièges ergonomiques de bureau, nommément chaises », alors que la marque de commerce PILLOW SOFT de l’Opposante est enregistrée en liaison avec des [traduction] « matelas et sommiers ». Comme l’a souligné l’Opposante, les deux produits sont liés à l’ameublement. Ils misent tous deux sur le confort.

 

[27]           Les matelas et les sommiers de l’Opposante sont vendus par l’intermédiaire de magasins d’ameublement (y compris La Baie, Brick et Sam’s Club), de grands magasins et de magasins spécialisés dans la vente de matelas uniquement. Il est également possible d’acheter des marchandises sur Internet [affidavit de M. Malin, au paragraphe 14]. En l’absence de preuve quant aux endroits où les produits de la Requérante sont vendus, il est légitime de supposer que, dans le même ordre d’idées, des meubles de bureau sont typiquement vendus dans des magasins d’ameublement, dans des grands magasins et dans des magasins se spécialisant dans la vente de meubles de bureau uniquement.

 

[28]           S’il est vrai que l’Opposante reconnaît dans son plaidoyer écrit qu’en règle générale, les matelas et les meubles de bureau ne sont pas vendus côte‑à‑côte, elle prétend néanmoins qu’il est évident que de tels produits pourraient figurer tout près les uns des autres. En ce qui a trait aux grands magasins, les meubles et les articles de literie sont souvent vendus les uns près des autres. Il est également courant pour les magasins d’ameublement d’avoir des « salles d’exposition » qui montrent les configurations possibles d’une pièce. Par exemple, une salle d’exposition montrant une chambre à coucher comporterait normalement le cadre de lit, le matelas, des tables d’appoint, un chiffonnier et, plus particulièrement en ce qui a trait aux chambres d’enfant, un bureau et une chaise confortable.

 

[29]           L’Opposante soutient qu’en plus des salles d’exposition de meubles, des meubles de bureau (par ex., le bureau et la chaise) sont habituellement installés dans les chambres d’hôtel et certains hôtels offrent à leurs clients la possibilité d’acheter les meubles, les matelas, la literie, les serviettes et les accessoires que l’on trouve généralement dans une chambre d’hôtel typique.

 

[30]           S’appuyant sur une déclaration de M. Malin, au paragraphe 14 de son affidavit, selon laquelle elle a participé et continue de participer à de nombreuses foires commerciales canadiennes aux fins de promouvoir sa gamme de produits, y compris les marchandises portant la marque de commerce PILLOW SOFT, l’Opposante fait valoir en outre que ces produits seraient également exposés dans le cadre de foires commerciales auxquelles assistent des concurrents de l’Opposante et d’autres entreprises d’ameublement, et possiblement la Requérante.

 

[31]           L’Opposante, qui s’appuie également sur les déclarations de M. Malin aux paragraphes 9 et 20 de son affidavit portant que l’Opposante a conclu des contrats de licence avec des tiers pour fabriquer et vendre des meubles, dont des meubles de bureau comprenant des chaises vendues sous différentes marques de commerce de l’Opposante, et sur la pièce F qui consiste en des brochures promotionnelles représentatives montrant la marque de commerce de l’Opposante SERTA en liaison avec des chaises, fait valoir qu’en voyant les marchandises de la Requérante, les acheteurs éventuels auraient la fausse impression que les chaises de bureau proviennent de l’Opposante ou de l’un de ses licenciés.

 

[32]           Bien que cette thèse ait une certaine valeur, je ne suis pas disposée à accorder un poids considérable à ce dernier argument de l’Opposante puisque la preuve produite au dossier n’est simplement pas suffisante pour établir l’emploi de l’une ou l’autre des marques de celle-ci en liaison avec des meubles et des chaises de bureau conformément à l’article 4 de la Loi. Cela dit, je suis d’accord toutefois avec l’Opposante pour dire que les voies de commercialisation des parties semblent se chevaucher, facteur qui joue en faveur de l’Opposante.

 

      La conclusion concernant la probabilité de confusion

 

[33]           Comme il a été mentionné, le test en matière de confusion consiste à se demander si une personne qui conserve un souvenir imparfait de la marque de l’Opposante pourrait conclure, d’après sa première impression en voyant la Marque de la Requérante, que les marchandises de l’Opposante et celles de la Requérante proviennent d’une même source ou d’une source connexe.

 

[34]           Selon mon analyse ci-dessus, et en l’absence de preuve quant aux voies de commercialisation de la Requérante, je conclus à l’existence d’une probabilité raisonnable de confusion en ce qui a trait à la source des marchandises des parties, particulièrement eu égard au fait que les marques des parties sont essentiellement similaires, à la mesure dans laquelle la marque de l’Opposante est devenue connue et au possible chevauchement des voies de commercialisation des parties. De plus, les différences entre les marchandises des parties ne sont pas aussi prononcées qu’elles ne le semblent. Comme il a été mentionné, les deux produits sont liés à l’ameublement et misent sur le confort.

 

[35]           J’aimerais ajouter que si je n’avais pas accordé suffisamment d’importance aux différences qui existent entre les marchandises des parties, j’aurais conclu que la prépondérance des probabilités ne favorise aucune d’entre elles. Comme il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion en ce qui a trait à la source des marchandises des parties dans l’esprit du consommateur, j’aurais quand même rendu une décision défavorable à la Requérante.

 

[36]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi est retenu.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

 

[37]           L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas les marchandises de la Requérante des marchandises de l’Opposante vendues en liaison avec la marque de commerce PILLOW SOFT ni n’est-elle adaptée à les distinguer ainsi.

 

[38]           La partie opposante satisfait à son fardeau de preuve relativement à un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif lorsqu’elle établit qu’à la date de production de l’opposition, sa marque de commerce était devenue connue au moins au point d’annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. L’Opposante s’est acquittée de ce fardeau.

 

[39]           Ayant conclu, au vu de la preuve au dossier, que la Marque crée de la confusion avec la marque déposée PILLOW SOFT de l’Opposante et puisque la différence dans les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur mon analyse, je fais droit au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

 

            Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a)

 

[40]           L’Opposante a également allégué qu’eu égard à l’alinéa 16(1)a), la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque parce que, « à la date de production de la demande », la Marque créait de la confusion en raison de sa ressemblance avec la marque de commerce déposée susmentionnée de l’Opposante, qui avait été antérieurement employée au Canada par celle-ci et qui continue de l’être.

 

[41]           La partie opposante satisfait à son fardeau de preuve relativement à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) lorsqu’elle établit qu’à la date de premier emploi revendiquée dans la demande de la Requérante (plutôt que la date de production de la demande en cause comme le fait valoir l’Opposante), sa marque de commerce avait été antérieurement employée au Canada et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date à laquelle la demande de la Requérante a été annoncée [paragraphe 16(5) de la Loi]. L’Opposante s’est acquittée de ce fardeau.

 

[42]           Ayant conclu, au vu de la preuve au dossier, que la Marque crée de la confusion avec la marque déposée PILLOW SOFT de l’Opposante et puisque la différence dans les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur mon analyse, je fais droit au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a).


 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

[43]           L’Opposante fait valoir que la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences énoncées à l’alinéa 30i) de la Loi, en ce sens que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque en liaison avec les marchandises [traduction] « car elle crée de la confusion en raison de sa ressemblance avec la marque de commerce PILLOW SOFT déposée antérieurement et employée au Canada par l’Opposante depuis au moins 1982 en liaison avec des matelas et des sommiers, et par conséquent, elle n’est pas distinctive ».

 

[44]           Ce motif, tel qu’il est allégué, n’est pas un motif d’opposition valable. Le seul fait que la Requérante ait pu connaître l’existence de la marque de commerce déposée PILLOW SOFT de l’Opposante ne l’empêche pas de faire, dans sa demande, la déclaration prévue à l’alinéa 30i) de la Loi. Même si le motif avait été valablement invoqué, lorsqu’un requérant produit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) ne doit être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve démontre que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co., 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Rien ne démontre que la Requérante était de mauvaise foi en l’espèce. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

 

[45]           En guise de conclusion, je remarque que l’Opposante soutient dans son plaidoyer écrit que [traduction] « la Requérante n’a peut-être pas été en mesure de contester ce motif d’opposition parce qu’elle n’a pu produire d’éléments de preuve établissant qu’elle avait elle-même ou par l’entremise d’un licencié employé la [Marque] depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande, ou même après la date de production de sa demande ». L’Opposante s’appuie sur les déclarations de M. Malin qui font état des résultats de ses recherches sur Internet à l’aide du moteur de recherche Google, selon lesquelles il n’a trouvé aucune preuve d’emploi de la Marque par la Requérante. Toute référence aux chaises PILLOW‑SOFT révélée par cette recherche vise plutôt « The Hon Company », qui n’est nulle part identifiée comme étant un licencié de la Requérante. Cet argument aurait pu être valablement invoqué au soutien d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi, s’il avait été allégué dans la déclaration d’opposition. Comme ce n’est pas le cas, il doit être écarté [voir Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Limited (1984), 79 C.P.R. (2d) 12 (C.F. 1re inst.)].

 

[46]           Je souligne au surplus que l’Opposante prétend dans son plaidoyer écrit que les revendications d’emploi et d’enregistrement aux États‑Unis et la revendication de priorité conventionnelle dans la demande en cause devraient être écartées.

 

[47]           Plus précisément, l’Opposante soutient dans son plaidoyer écrit ce qui suit :

 

[Traduction]

Le 5 juin 2007, [la Requérante] a produit une réponse faisant suite à un rapport du Bureau des marques de commerce envoyé le 19 juillet 2004 dans lequel on demandait une copie certifiée de l’enregistrement consécutif à la demande no 76/511339 présentée aux États‑Unis. Dans cette réponse au rapport du Bureau, la Requérante a produit une copie certifiée de l’enregistrement no 3219535 aux États‑Unis. De plus, la Requérante a produit une autre demande révisée [traduction] « aux termes de laquelle le paragraphe 4 a été modifié pour fournir des précisions sur l’enregistrement aux États‑Unis ». L’enregistrement américain n° 3219535 consécutif à la demande n° 78/702,553 a été produit le 29 août 2005. Cet enregistrement n’étaye pas la revendication de la Requérante fondée sur le paragraphe 16(2) ni sa revendication de priorité conventionnelle. Dans ces deux revendications, la Requérante s’était appuyée sur la demande d’enregistrement n° 76/511339 aux États‑Unis. Nous tenons à faire remarquer, après avoir consulté la base de données du Bureau des marques de commerce des États‑Unis (reproduite ci‑dessous), que la demande d’enregistrement n° 76/511339 a été abandonnée le 15 mars 2005.

 

[48]           Je suis d’avis que ces allégations faites par l’Opposante auraient dû être soulevées dans sa déclaration d’opposition, et étayées par des éléments de preuve produits de la manière prescrite. Quoi qu’il en soit, puisque la date choisie ‑ qu’il s’agisse de la date de production du 30 juin 2003 ou de la date de priorité du 2 mai 2003 ‑ ne saurait modifier ma conclusion formulée ci‑dessus en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i), il ne m’est pas nécessaire de statuer sur cette question.

 

Décision

 

[49]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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