Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

                                                                                          Référence : 2012 COMC 80

                                                                                          Date de la décision : 2012-04-25

 

DANS L’AFFAIRE DE CINQ OPPOSITIONS produites par Air Miles International Trading B.V. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,271,320 pour la marque de commerce ASIA MILES, et à l’encontre des demandes d’enregistrement nos 1,271,440; 1,271,441; 1,276,720; et 1,276,725 pour les marques de commerce ASIA MILES & Dessin au nom de Cathay Pacific Airways Limited

DEMANDE D’ENREGISTREMENT N° 1,271,320 pour la marque de commerce ASIA MILES

le dossier

[1]        Le 8 septembre 2005, Cathay Pacific Airways Limited (« Cathay Pacific ») a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce ASIA MILES pour emploi en liaison avec diverses marchandises et services, énumérés ci-après. La liste numérique des marchandises et services correspond aux marchandises et services indiqués dans la demande. Figurent également ci-après les bases d’enregistrement, au nombre de trois, nommément : (i) emploi au Canada, pour la plupart des marchandises; (ii) emploi projeté au Canada, et (iii) emploi et enregistrement de la marque à Hong Kong, Chine (base ajoutée par une modification apportée à la demande le 5 octobre 2005). La demande n’invoque pas le droit à l’emploi exclusif du mot ASIA en dehors de la marque considérée globalement.

marchandises – emploi au Canada

(1) bulletins; dépliants; matériel de promotion, nommément brochures et prospectus, dépliants; photographies et affiches; brochures; cartes de bagages; cartes postales; cartes de membre; livrets; guides; chemises en papier; séparations pour le papier (pour entreposage de formulaires de demande); enveloppes; papier à écrire; formulaires; étiquettes à bagages; imprimés, nommément états mensuels et formulaires de demande, bons-cadeaux (depuis février 1999),

(2) revues (depuis mars 1999),

(3) panneaux publicitaires en papier ou en carton mince, présentoirs de dessus de comptoir; enseignes (depuis janvier 2000),

(4) journaux (depuis avril 2002),

(5) stylos (depuis 2002),

(6) agendas (depuis 2000),

(7) papier à notes; blocs-notes et cartes (depuis 1999),

(9) portefeuilles en papier, sur la base d’un emploi au Canada depuis novembre 2002.

 

marchandises – emploi projeté au Canada

(8) carton mince; catalogues de marchandises; périodiques; revues; manuels; matériaux à emballer et à empaqueter; sacs en papier; sacs de plastique; cartes de souhaits; dépliants.

 

marchandises – emploi et enregistrement à Hong Kong, Chine

(10) carton mince; magazines, magasines de divertissement en vol; publications contenant de l’information ayant trait aux voyages et de nature récréative; catalogues de marchandises; bulletins; périodiques; dépliants; revues, manuels; tableaux d’affichage en papier ou en carton; photographies; affiches; sacs en papier, sacs de plastique; cartes de souhaits, cartes; calendriers; faire-part; cartes à jouer; autocollants; brochures.

 

services – emploi au Canada

(1) services de bureau touristique et d’agence de voyage pour organiser des voyages; services de forfaits-vacances; transport de véhicules de passager par air; services de location d’automobile et de camion; services de club de voyage et de surclassement de voyage; services de réservation pour voyages par aéronef, train, bateau, et de location d’automobile; services fournis par des compagnies aériennes sous forme de programmes de grand voyageur et de primes pour grands voyageurs aériens y compris privilèges pour membres, programmes de fidélisation, clubistes et la fourniture de prestations en rapport avec le transport et les voyages, y compris embarquement prioritaire, enregistrement, sièges et services de réservation, surclassement de billets, millage augmenté pour grands voyageurs aériens; services d’information, de planification, de réservation, de billetterie ayant trait aux voyages et au transport fournis par des communications avec les clients et des moyens électroniques; services d’enregistrement de chambres d’hôtel (depuis février 1999).

 

services – emploi projeté au Canada

(2) fourniture de renseignements touristiques.

 

services – emploi et enregistrement à Hong Kong, Chine

(3) services de transport de passagers par avion; services de bureau touristique et d’agence de voyage pour organisation de voyages; services de forfaits-vacances, nommément réservation de voyages et de chambres d’hôtel; mise à disposition de renseignements touristiques; services de fret aérien; services de messagerie pour cargaisons et marchandises; services de messagerie pour messages et lettres; transport et livraison de marchandises par avion; transport de véhicules de passagers par avion; services d’entreposage de bagages; services de location de véhicules et de nolisement; manutention de bagages; services d’enregistrement pour chambres d’hôtel.

 

[2]        La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 29 novembre 2006 et a fait l’objet d’une opposition de Air Miles International Trading B.V. (dont le siège est à Voorschoten, au Pays-Bas) le 19 mars 2007. Le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 12 avril 2007, comme l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. La requérante a répondu en produisant et signifiant une contre-déclaration niant de manière générale les allégations de la déclaration d’opposition. Dans le corps de la contre-déclaration, la requérante demandait la radiation de certains des arguments de la déclaration d’opposition. Cependant, la lettre explicative de la requérante accompagnant la contre-déclaration ne renfermait aucune demande de décision interlocutoire. Le personnel administratif de la Commission n’a donc pas porté la correspondance de la requérante, ni sa contre-déclaration, à l’attention d’un membre de la Commission. Comme la requérante n’a jamais réitéré sa demande, aucune décision interlocutoire n’a été rendue avant l’audience.

[3]        La preuve de l’opposante se compose des affidavits de Michael Kline, de Jimmy Partington, de Cliff Swaters, de Daniel Park, de Donald Easter et d’Elizabeth Futo. La preuve de la requérante se compose des affidavits de Grace Poon, de Jeffrey E. Coles, d’Eileen Castellano et de Caroline D’Amours. Chacun des auteurs des affidavits de la requérante a été contre-interrogé sur son affidavit. Les transcriptions de leurs contre-interrogatoires et leurs réponses aux engagements font partie intégrante de la preuve versée dans le dossier. La contre-preuve de l’opposante se compose de l’affidavit de Lucy Rooney. Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit, et toutes deux ont été représentées de façon très compétente au cours d’une audience tenue le 28 mars 2012.

 

La déclaration d’opposition

[4]        1.  Le premier motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce, allègue que l’état des marchandises et services de la requérante n’est pas dressé dans les termes ordinaires du commerce.

            2.  Le deuxième motif, fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi, allègue que la requérante n’a pas employé sa marque au Canada depuis les dates revendiquées dans la demande.

            3.  Le troisième motif, fondé sur l’alinéa 30d), allègue que la requérante n’a pas employé sa marque à Hong Kong, Chine, comme elle l’affirme dans la demande.

            4.  Le quatrième motif, fondé sur l’alinéa 30e), allègue que la requérante n’a pas l’intention d’employer sa marque au Canada comme elle l’affirme dans la demande.

            5.  Le cinquième motif, fondé sur l’alinéa 12(1)d), allègue que la marque ASIA MILES visée par la demande n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec l’une ou plusieurs des marques déposées de l’opposante, y compris la marque AIR MILES, et avec diverses autres marques déposées de l’opposante comprenant les éléments verbaux AIR MILES. La marque déposée AIR MILES de l’opposante englobe notamment les services suivants :

services de publicité et de promotion des biens et services de tiers; organisation, exécution et supervision de campagnes de vente et de promotion.

 

            6.  Le sixième motif, fondé sur les alinéas 16(1)a) et 16(1)b), allègue que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque ASIA MILES visée par la demande parce que, aux dates revendiquées de premier emploi de la marque au Canada, elle créait de la confusion avec l’une ou plusieurs des marques de l’opposante, y compris la marque AIR MILES, et avec diverses autres marques de l’opposante comprenant les éléments verbaux AIR MILES, qui avaient été antérieurement employées au Canada, ou pour lesquelles une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada, par l’opposante.

                7.  Le septième motif, fondé sur l’alinéa 16(1)c), allègue que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque ASIA MILES visée par la demande parce que, aux dates revendiquées de premier emploi de la marque au Canada, elle créait de la confusion avec l’un ou plusieurs des noms commerciaux de l’opposante, y compris le nom commercial AIR MILES, et avec divers autres noms commerciaux de l’opposante comprenant les éléments verbaux AIR MILES, qui avaient été antérieurement employés au Canada par l’opposante.

            8.  Le huitième motif, fondé sur les alinéas 16(2)a) et 16(2)b), allègue que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque ASIA MILES visée par la demande parce que, à la date de production de la demande au Canada, elle créait de la confusion avec l’une ou plusieurs des marques de l’opposante, y compris la marque AIR MILES, et avec diverses autres marques de l’opposante comprenant les éléments verbaux AIR MILES, qui avaient été antérieurement employées au Canada, ou pour lesquelles une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada, par l’opposante.

            9.  Le neuvième motif, fondé sur l’alinéa 16(2)c), allègue que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque ASIA MILES visée par la demande parce que, à la date de production de la demande au Canada, elle créait de la confusion avec l’un ou plusieurs des noms commerciaux de l’opposante, y compris le nom commercial AIR MILES, et avec divers autres noms commerciaux de l’opposante comprenant les éléments verbaux AIR MILES, qui avaient été antérieurement employés au Canada par l’opposante.

            10.  Le dixième motif, fondé sur les alinéas 16(3)a) et 16(3)b), allègue que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque ASIA MILES visée par la demande parce que, à la date de production de la demande au Canada, elle créait de la confusion avec l’une ou plusieurs des marques de l’opposante, y compris la marque AIR MILES, et avec diverses autres marques de l’opposante comprenant les éléments verbaux AIR MILES, qui avaient été antérieurement employées au Canada, ou pour lesquelles une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada, par l’opposante.

            11.  Le onzième motif, fondé sur l’alinéa 16(3)c), allègue que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque ASIA MILES visée par la demande parce que, à la date de production de la demande au Canada, elle créait de la confusion avec l’un ou plusieurs des noms commerciaux de l’opposante, y compris le nom commercial AIR MILES, et avec divers autres noms commerciaux de l’opposante comprenant les éléments verbaux AIR MILES, qui avaient été antérieurement employés au Canada par l’opposante.

            12.  Le douzième motif, fondé sur l’article 2, allègue que la marque ASIA MILES visée par la demande n’est pas distinctive et n’est pas adaptée à distinguer les marchandises et services de la requérante de ceux de l’opposante compte tenu des allégations susdites.

            13.  Enfin, l’opposante allègue que la marque ASIA MILES visée par la demande ne peut pas distinguer les marchandises et services de la requérante de ceux de l’opposante parce que la requérante n’a pas l’intention d’employer la marque ASIA MILES et/ou l’a abandonnée.

 

La preuve de l’opposante

Michael Kline

[5]        M. Kline est cadre supérieur chez Loyalty Management Group Canada Inc. (« Loyalty »), l’utilisateur autorisé exclusif au Canada des marques de commerce de l’opposante, que M. Kline appelle collectivement « les marques AIR MILES ». L’opposante exerce un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des marchandises et services en liaison avec lesquels Loyalty emploie les marques AIR MILES au Canada. En outre, avis public est donné, dans les annonces publicitaires, les publications et les publipostages directs, que les marques AIR MILES sont la propriété de l’opposante et sont employées sous licence au Canada par Loyalty.

[6]        Loyalty applique au Canada un programme incitatif de récompenses en liaison avec les marques AIR MILES depuis 1992. En vertu de ce programme, les utilisateurs autorisés (ci-après les « promoteurs du programme ») émettent des milles de récompense AIR MILES pour encourager les clients à acheter les marchandises et services des promoteurs du programme. Les promoteurs du programme versent des redevances à Loyalty en fonction du nombre de milles de récompense AIR MILES qu’ils émettent. Loyalty, en son propre nom et au nom de l’opposante, exerce un contrôle direct et indirect sur les caractéristiques et la qualité des marchandises livrées et des services fournis en liaison avec les marques AIR MILES. Les promoteurs du programme doivent aussi indiquer dans tout matériel publicitaire, promotionnel ou autre affichant l’une quelconque des marques AIR MILES que l’opposante est le titulaire des marques et que les marques AIR MILES sont employées sous licence. Les promoteurs du programme comprennent, entre autres, Westjet, Travel Plus, Holiday Inns Hotels, Alamo Car Rental, IGA, Sobeys, La Société des alcools de l’Ontario, Boston Pizza, Goodyear Canada Inc., Shell, Rona, Primus, Century 21 Immobilier, PharmaPlus et Banque de Montréal. Les marques AIR MILES sont affichées par les promoteurs du programme comme preuve de leur droit d’émettre des milles de récompense AIR MILES.

[7]        Les membres du public s’inscrivent au programme de récompenses AIR MILES comme « adhérents ». La qualité d’adhérent est attestée par une carte AIR MILES portant un numéro de compte qui est propre à l’adhérent. Lorsqu’un adhérent fait un achat admissible, il présente sa carte et bénéficie de milles de récompense qui peuvent être accumulés, puis échangés contre des billets d’avion, des chambres d’hôtel, des voitures de location, des forfaits-vacances, des croisières et une vaste gamme de marchandises.

[8]        En 1994, un milliard de milles de récompense AIR MILES avaient été émis aux adhérents au Canada et, en 1998, un million d’opérations d’échange de milles avaient été traitées au Canada. En 2007, vingt-six milliards de milles de récompense AIR MILES avaient été émis aux adhérents au Canada et vingt-sept millions d’opérations d’échange avaient été traitées au Canada. Depuis le début de 1998, plus de 65 p. 100 des ménages canadiens comptent un adhérent, soit plus de 9 millions d’adhérents individuels. Le lancement du programme de récompenses AIR MILES en 1992 avait été soutenu par une intense campagne publicitaire et il continue d’être annoncé à la télévision, dans la presse écrite, dans la publicité sur le lieu d’achat et par d’autres moyens. Depuis 1998, Loyalty a consacré annuellement plus de 15 millions de dollars à la publicité du programme de récompenses AIR MILES. Les sommes totales consacrées à la publicité ont été sensiblement plus élevées si l’on prend en compte les frais de publicité et de promotion supportés par les promoteurs du programme. Depuis 1998, les recettes tirées de l’application du programme de récompenses AIR MILES au Canada ont dépassé 100 M$ par an. À l’affidavit de M. Kline sont annexées de nombreuses pièces qui illustrent et confirment son témoignage écrit.

[9]        Après examen des pièces annexées à l’affidavit de M. Kline, il m’apparaît que les marques de l’opposante qui sont employées le plus souvent sont la marque verbale AIR MILES et le logo reproduit ci-après, tous deux des marques déposées invoquées par l’opposante dans la déclaration d’opposition :

 

 

[10]      Le témoignage de M. Kline me permet de conclure que les emplois de la marque AIR MILES, évoqués plus haut, profitent à l’opposante en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi sur les marques de commerce. Je ferais aussi observer que l’emploi du logotype ci-dessus vaut également comme emploi de la portion nominale AIR MILES en tant que telle : à cet égard, voir l’arrêt Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull [1985] 1 C.F. 406 (CAF); Nightingale Interloc c. Prodesign Ltd. (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC).

 

Jimmy Partington

[11]      M. Partington est un employé de Loyalty qui, durant la période de 2000 à 2005, était responsable de la publicité-médias pour le programme de récompenses AIR MILES. La preuve qu’il a produite donne le détail de la publicité radiophonique et confirme en général la preuve de M. Kline attestant une publicité importante du programme de récompenses AIR MILES.

 

Elizabeth Futo

[12]      Mme Futo est une employée de Maritz Research, une firme de marketing et de sondages située à Toronto, en Ontario. Maritz a été mandatée par Loyalty en 2005 et 2006 pour mener un sondage sur les niveaux de sensibilisation et d’adhésion du public à divers programmes de récompense et programmes de cartes de crédit sur le marché canadien.

[13]      La première question posée dans le sondage était : « Quel nom vous vient à l’esprit quand vous songez à des programmes qui vous permettent d’obtenir des points ou des milles pour les achats que vous faites, et d’échanger ensuite les points pour des récompenses? »

[14]      Les résultats du sondage sont présentés en tableaux dans les pièces 5 et 6 de l’affidavit de Mme Futo. Les résultats montrent que le programme de récompenses AIR MILES était de loin le plus connu, suivi, dans l’ordre, de HBC Récompenses, SDM Optimum, AC Aeroplan, Pétro-Points, Sears Club et CT Options.

Cliff Swaters

[15]      M. Swaters était un employé de Maritz : Thompson Lightstone (« MTL », située à Toronto, en Ontario) durant la période de juin 2000 à juin 2004. MTL a été mandatée par Loyalty, en décembre 2001, pour mener un sondage semblable au sondage susmentionné mené par Mme Futo. Les résultats du sondage sont présentés en tableaux dans la pièce 2 de l’affidavit de M. Swaters. Ils montrent que le programme de récompenses AIR MILES était de loin le plus connu parmi plusieurs programmes de récompense offerts au Canada en décembre 2001.

 

Daniel Park

[16]      M. Park est directeur de projet chez Consumer Contact, une firme située à Toronto, en Ontario. Consumer Contact mène des sondages auprès des consommateurs et des entreprises, et c’est l’entité qui en fait a exécuté le sondage évoqué plus haut par Cliff Swaters. Le sondage a été mené par Consumer Contact [TRADUCTION] « conformément aux paramètres fixés par Maritz : Thompson Lightstone, à l’aide des questions communiquées à nous-mêmes [Consumer Contact] par Maritz : Thompson Lightstone ». Les paramètres se conformaient aux normes de validation et d’exactitude.

 

Donald Easter

[17]      M. Easter est cadre chez BBM Canada, un cabinet à but non lucratif spécialisé en recherches sur les radiodiffuseurs qui a été fondé en 1944 comme coopérative conjointement par les radiodiffuseurs et les annonceurs canadiens. Sa preuve confirme la vaste écoute, évoquée par M. Partington dans son affidavit, dont bénéficie la publicité radiophonique pour le programme de récompenses AIR MILES.

 

La preuve de la requérante

Grace Poon

            1. Preuve par affidavit

[18]      Mme Poon est directrice du développement des marchés pour la société requérante. La requérante, fondée en 1946, exerçait initialement des activités de transport aérien de passagers à l’intérieur de l’Asie. Aujourd’hui, elle offre des vols à l’échelle mondiale pour passagers et cargaisons. Pour chacune des années 2006 et 2007, la requérante s’est vu décerner des récompenses de l’industrie pour ses services. C’est en 1983 qu’elle a commencé d’offrir des vols vers et depuis le Canada. Son chiffre d’affaires annuel, en dollars canadiens, a augmenté constamment, passant d’environ 27 G$ en 1998 à environ 75 G$ en 2007.

[19]      Les marques ASIA MILES de la requérante, qui sont visées par ces procédures d’opposition, sont reproduites ci-après :

 

 

 

Marque de commerce

 

N° de la demande

Date de production

Base de l’enregistrement

 

     ASIA MILES

 

1,271,320

2005-09-08

emploi projeté au Canada

emploi antérieur au Canada

emploi et enregistrement à l’étranger

1,271,440

2005-09-09

emploi projeté au Canada

emploi antérieur au Canada

emploi et enregistrement à l’étranger

 

1,271,441

2005-09-09

emploi projeté au Canada

emploi antérieur au Canada

emploi et enregistrement à l’étranger

1,276,720

2005-10-21

emploi antérieur au Canada

emploi et enregistrement à l’étranger

1,276,725

2005-10-21

emploi antérieur au Canada

emploi et enregistrement à l’étranger

 

[20]      Mme Poon désigne les marques de la requérante par l’expression générale « les marques de commerce ASIA MILES », et je ferai de même. Le paragraphe 6 de son affidavit, qui fait état de la relation de la requérante avec Cathay Pacific Loyalty Programmes Limited, est reproduit intégralement ci-après :

 

[TRADUCTION] Cathay Pacific Loyalty Programmes Limited (« CPLP »), une filiale en propriété exclusive de Cathay Pacific, a été établie pour gérer les programmes de fidélisation de la clientèle de Cathay Pacific, dont le Programme ASIA MILES. Cathay Pacific concède par licences les marques de commerce ASIA MILES à CPLP pour les marchandises et services visés par les demandes. Cathay Pacific contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises distribuées et des services fournis par CPLP en liaison avec les marques de commerce ASIA MILES. L’un des moyens par lesquels Cathay Pacific exerce ce contrôle est le fait que CPLP relève directement du directeur des ventes et de la commercialisation de Cathay Pacific, lequel surveille l’exploitation de CPLP. Dans le présent affidavit, Cathay Pacific et CPLP seront désignés, collectivement et individuellement, sous l’appellation « Cathay ».

 

[21]      Les membres du programme ASIA MILES de Cathay gagnent des milles qui peuvent être échangés contre des récompenses. Le nombre de membres du programme ASIA MILES est passé de 400 000 en 1999 (dont 6 000 étaient des résidents canadiens) à 3 millions en 2007 (dont 250 000 étaient des résidents canadiens). Les membres peuvent gagner des points auprès de plus de 300 partenaires de la requérante, dans neuf catégories de consommation, dont l’hôtellerie, la restauration et le commerce de détail. Les membres gagnent des points en utilisant leur carte de crédit ou en achetant une grande variété de produits et services. Avant 1999, les membres du programme ASIA MILES pouvaient gagner des milles en voyageant par l’entremise de transporteurs aériens canadiens. Du début de 1999 au milieu de 2008, les résidents canadiens ont gagné plusieurs milliards de milles, dont environ 85 p. 100 ont été gagnés à la faveur de voyages aériens. Au cours de la même période, les résidents canadiens ont échangé plus d’un million de milles contre des récompenses, dont environ 85 p. 100 contre des récompenses de compagnies aériennes (c’est-à-dire billets gratuits ou surclassements : voir la page 49 de la transcription du contre-interrogatoire de Mme Poon).

[22]      Cathay a largement annoncé et promu son programme ASIA MILES dans la publicité imprimée (y compris formulaires de demande, guides des membres et bulletins des membres, publipostages directs et publipostages en ligne), à la radio, à la télévision, sur des sites web et sur les cartes de membres, comme cela est décrit en détail aux paragraphes 14 à 26 de l’affidavit de Mme Poon. Le coût de ces opérations de publicité et de promotion s’était chiffré à « plusieurs millions de dollars ».

 

            2.  Témoignage en contre-interrogatoire

[23]      En contre-interrogatoire, Mme Poon a reconnu ne pas avoir connaissance de l’existence d’un accord de licence écrit entre la requérante et sa filiale CPLP concernant les marques ASIA MILES, et elle n’a pu non plus donné de détail sur le genre de contrôle direct ou indirect qu’exerce la requérante sur les marchandises et services fournis par CPLP, si ce n’est que CPLP relevait du directeur des ventes et de la commercialisation de la requérante, comme il est indiqué au paragraphe 6 de son affidavit.

 

            3.  Observations de l’opposante concernant la preuve de Grace Poon

[24]      Une partie des commentaires de l’opposante sur la preuve de Mme Poon se trouve aux pages 51 et 52 de son plaidoyer écrit, reproduit ci-après :

[TRADUCTION]

[...] il ressort clairement de l’affidavit Poon et des pièces y annexées qu’aucun avis public n’est donné à propos du fait que la requérante serait propriétaire des marques ASIA MILES apparentées, ou à propos du fait que CPLP est un utilisateur autorisé de ces marques. En fait :

          (1)        la Requérante n’est pas identifiée comme le titulaire des marques ASIA MILES apparentées, ni du programme de récompenses ASIA MILES, dans aucune des pièces de l’affidavit Poon;

          (2)        les pièces de l’affidavit Poon disent explicitement que le programme de récompenses ASIA MILES est géré et exploité par Cathay Pacific Loyalty Programmes Ltd., dont le bureau d’affaires se trouve à Hong Kong et dont aucun bureau d’affaires n’est répertorié nulle part au Canada;

          (3)        l’accord d’adhésion devant être signé par les personnes qui souhaitent s’abonner au programme de récompenses ASIA MILES est conclu entre l’abonné et CPLP et non entre l’abonné et la Requérante; il est régi par les lois de Hong Kong, chaque abonné s’engageant à soumettre ses éventuels différends avec CPLP à la compétence non exclusive des tribunaux de Hong Kong;

          (4)        les modalités de l’accord d’adhésion devant être signé par les personnes qui souhaitent s’abonner au programme de récompenses ASIA MILES, accord qui est conclu entre l’abonné et CPLP, ainsi que les autres documents publicitaires et promotionnels annexés comme pièces à l’affidavit Poon, soit ne contiennent aucun renseignement sur la propriété des marques, soit contiennent des avis exclusifs indiquant que les documents sont protégés par droit d’auteur et appartiennent à CPLP;

                                              . . . . .

Il est donc évident que le programme de récompenses ASIA MILES et les marques ASIA MILES apparentées sont en réalité gérés, exploités et possédés par CPLP et non par la Requérante; que, pour le public, c’est CPLP, et non la Requérante, qui est la source d’origine du programme de récompenses ASIA MILES et des marques ASIA MILES apparentées; qu’aucun avis public n’a été donné d’une quelconque relation de licence qui existerait entre la Requérante et CPLP; qu’aucune preuve n’a été produite montrant que la Requérante contrôle effectivement les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services en liaison avec lesquels les marques ASIA MILES apparentées seraient employées par CPLP au Canada; et, en conséquence, que tout prétendu emploi au Canada du programme de récompenses ASIA MILES et des marques ASIA MILES apparentées est un emploi par CPLP, et un emploi qui ne profite pas à la Requérante selon l’article 50 de la Loi.

 

[25]      Naturellement, il n’est pas nécessaire qu’un accord de licence de marque de commerce soit consigné par écrit, car un accord verbal pourra suffire à remplir les conditions du paragraphe 50(1) de la Loi sur les marques de commerce. Néanmoins, les points susmentionnés qui concernent l’utilisation concédée par licence à CPLP et qui sont apparus en contre-interrogatoire auraient pu être clarifiés par la requérante si elle avait sollicité l’autorisation de produire une preuve additionnelle, aux termes de l’article 44 du Règlement sur les marques de commerce. La requérante a choisi de ne pas le faire. Eu égard à l’absence de spécificité de la preuve par affidavit de Mme Poon, à l’incapacité de Mme Poon, en contre-interrogatoire, de s’exprimer sur les termes d’un accord de licence, et aux pièces annexées à l’affidavit de Mme Poon, je suis d’avis qu’il existe des doutes sur l’affirmation de la requérante selon laquelle CPLP emploie les marques ASIA MILES au Canada sous licence aux termes de l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce. Plus exactement, l’opposante s’est acquittée de son obligation de susciter le doute sur le point de savoir si un quelconque emploi des marques ASIA MILES au Canada profite en réalité à la requérante : à cet égard, voir le paragraphe 37 ci-après; voir aussi la décision rendue sur une opposition, Tune Masters c. Mr. P's Mastertune (1986), 10 CPR(3d) 84, page 89, pour le principe d’après lequel le fardeau de preuve qui repose sur l’opposante est relativement léger concernant la question de la non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi. C’est donc à la requérante qu’il appartient d’établir qu’elle a en fait employé au Canada la marque ASIA MILES visée par la demande. À ce propos, je suis d’avis que le poids de la preuve n’appuie pas l’affirmation de la requérante selon laquelle l’emploi de la marque ASIA MILES au Canada profite à la requérante.

 

Refus partiel de la demande

[26]      Au vu de ce qui précède, la demande est refusée, au titre du deuxième motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, pour chacune des marchandises et chacun des services en liaison avec lesquels la requérante revendique l’emploi de sa marque ASIA MILES au Canada. La demande est donc refusée pour les marchandises énumérées en (1) à (7) et (9) et pour les services énumérés en (1).

[27]      S’agissant de la portion de la demande fondée sur un emploi projeté, il est raisonnable de présumer, en l’absence d’une preuve contraire, que, à la date de production de la demande, la requérante avait l’intention d’employer la marque ASIA MILES au Canada de la même manière dont elle a fondé ses revendications d’emploi de la marque au Canada. Plus précisément, l’emploi de la marque aurait été à l’acquit de CPLP plutôt qu’à l’acquit de la requérante. En conséquence, la demande est refusée, au titre du quatrième motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e), pour les marchandises énumérées en (8) et pour les services énumérés en (2). À ce propos, le fardeau qui repose sur l’opposante est relativement léger s’agissant de l’alinéa 30e) : voir par exemple la décision Green Spot Co. c. J.B. Food Industries (1986), 13 CPR(3d) 206, pages 210-211 (COMC).

[28]      La portion restante de la demande est fondée sur l’emploi et l’enregistrement, à Hong Kong, Chine, de la marque visée par la demande, pour les marchandises énumérées en (10) et pour les services énumérés en (3). Cependant, il est évident, après lecture objective de la preuve versée dans le dossier, que les marchandises citées dans la demande accompagnent les services et en sont le complément, il ne s’agit pas de marchandises autonomes. Comme l’indique l’opposante à la page 74 de son plaidoyer écrit, les marques ASIA MILES visées par la demande [TRADUCTION] « ne sont pas “employées” au sens d’une marque de commerce pour la litanie de marchandises […] dans la demande, mais simplement pour annoncer et promouvoir un programme de reconnaissance de la fidélité ». Je reconnais avec l’opposante que les marchandises sont déclarées d’une manière trop générale et ne respectent donc pas l’alinéa 30a) ainsi qu’on peut le lire dans le premier motif d’opposition. Les marchandises énumérées en (10) sont donc refusées. Les marchandises énumérées en (1) à (9) auraient pu être refusées pour la même raison.

[29]      Les motifs pertinents d’opposition en ce qui concerne la portion restante de la demande (c’est-à-dire les services énumérés en (3)) sont ceux qui allèguent la non-enregistrabilité, l’absence d’un droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif, chacun d’eux faisant intervenir la question de la confusion de la marque ASIA MILES visée par la demande avec la marque AIR MILES de l’opposante. Pour savoir s’il y a confusion ou non, il est nécessaire de considérer le reste de la preuve des parties.

 

La preuve de la requérante

Jeffrey E. Coles

[30]      M. Coles est un étudiant en droit au sein du cabinet qui représente la requérante. Entre le 2 avril et le 2 mai 2008, il a trouvé sur Internet des sites web faisant voir plusieurs marques déposées, formées de l’élément MILE, et employées en liaison avec des programmes pour grands voyageurs (sept marques), des programmes de récompenses hôtelières (quatre marques), des activités d’achat (une marque), des services de bienfaisance (une marque) et des services de taxi (deux marques). Entre le 16 et le 21 mai, il a mené une recherche similaire portant sur les noms d’entreprises dont les services concernaient les voyages (neuf entreprises). Entre le 16 et le 28 mai, il a trouvé dix-neuf sites web, portant des noms de domaine formés de l’élément MILE, qui vendent ou annoncent des marchandises ou services se rapportant à des services de voyage et de transport aérien et à des programmes de récompenses ou de fidélisation en existence au Canada, ou des hyperliens vers de tels sites web. Entre le 22 et le 28 mai, il a trouvé onze sites web où des marques de commerce contenant l’élément MILE sont montrées en liaison avec des marchandises ou services se rapportant à des services de voyage et de transport aérien et à des programmes de récompenses ou de fidélisation en existence au Canada.

[31]      M. Cole a aussi trouvé (i) certains emplois de l’expression « air miles » dans un sens générique évoquant des voyages aériens gratuits à la faveur d’un programme de fidélisation des clients, et (ii) des définitions de l’expression « air mile » comme mesure de la distance en milles marins (6 076 pieds).

 

Caroline D’Amours

[32]      Mme D’Amours est une analyste de recherche travaillant pour Thomson Canada Limited. Les 12 et 13 mars 2008, elle a fait une recherche pour savoir si le mot MILE ou MILES était courant dans le contexte des programmes de voyage et de fidélisation/récompenses. La recherche comprend deux parties, une recherche de marques de common law et une recherche de noms de domaine. La recherche de common law a permis de trouver des marques de commerce, des noms commerciaux ou des dénominations sociales comprenant l’élément MILE. Les résultats de sa recherche sont présentés en liasse comme pièces de son affidavit.

 

Eileen Castellano

[33]      Mme Castellano est recherchiste en marques de commerce au sein du cabinet représentant la requérante. Le 11 mars 2008, elle a effectué une recherche assistée par ordinateur dans les dossiers conservés par le Bureau des marques de commerce afin d’y trouver des marques de commerce et marques officielles comprenant l’élément MILE pour emploi en liaison avec des marchandises ou services se rapportant aux voyages, et en liaison avec des programmes de fidélisation ou de récompenses. Étaient exclues de la recherche les marques appartenant à la requérante ou à l’opposante. La recherche de Mme Castellano a révélé 33 marques du genre, présentées en liasse comme pièces de son affidavit. D’après mon examen des pièces en question, les 33 marques comprennent 12 demandes et 21 enregistrements portant les noms de 26 titulaires différents. L’un des enregistrements (n° LMC536, 901) peut être laissé de côté, car l’élément MILE y est à peine perceptible.

 

La preuve manquante

[34]      Je dois dire que la Commission a déménagé ses bureaux peu avant l’audience et que, durant cette période, la preuve de la requérante s’est égarée. La requérante a bien voulu fournir des exemplaires de sa preuve originale en vue de l’audience. Les documents originaux sont encore manquants. Mes décisions dans la présente affaire sont fondées sur la preuve originale que j’ai examinée avant l’audience.

 

La contre-preuve de l’opposante

Lucy Rooney

[35]      Mme Rooney est commis aux marques de commerce au sein du cabinet représentant l’opposante. Le 10 juin 2009, elle a accédé à la base de données en ligne sur les marques de commerce tenue par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (dont fait partie la Commission) pour télécharger des renseignements se rapportant à diverses marques de commerce. La preuve qu’elle a produite montre que six des enregistrements trouvés par Mme Castellano ont été radiés pour défaut d’emploi; deux demandes sont l’objet d’oppositions de la part de la présente opposante et une demande (portant sur la marque SEA MILES) a été refusée par le registraire à la suite d’une procédure d’opposition introduite par la présente opposante.

[36]      En conséquence, les constatations de Mme Castellano peuvent être ramenées à 14 enregistrements et 12 demandes portant les noms de 20 titulaires différents. Les marques restantes sont par exemple DIVIDEND MILES PROGRAM (propriété de U.S. Airways); MILE POSTS (propriété de Pennsylvania Turnpike); MILES WITH A MISSION (propriété de Taximiles Inc.); RENTMILES (propriété de Rent Check Corp.); et MILES & MORE (propriété de Deutsche Lufthansa). Postérieurement à la recherche de Mme Rooney, les demandes se rapportant aux marques RENTMILES et MILES & MORE ont été refusées dans des procédures d’opposition introduites par l’opposante en l’espèce.

 

Fardeau de persuasion et fardeau de présentation

[37]      Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit montrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce comme le prétend l’opposante dans la déclaration d’opposition. La présence d’un fardeau de persuasion supporté par la requérante signifie que, si une conclusion déterminée ne peut être tirée au vu de l’ensemble de la preuve, alors la question devra être tranchée au détriment de la requérante. Cependant, en vertu des règles habituelles de preuve, un fardeau de présentation repose également sur l’opposante, qui doit prouver les faits inhérents aux allégations de sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293, page 298 (C.F. 1re inst.). La présence d’un fardeau de présentation supporté par l’opposante pour une question donnée signifie que, pour que la question soit le moindrement considérée, il doit exister une preuve suffisante qui permette raisonnablement de conclure à l’existence des faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition.

 

Question principale et dates pertinentes

[38]      Comme il est indiqué plus haut, la question principale restante dans la présente opposition est celle de savoir si la marque ASIA MILES visée par la demande, en liaison avec les services indiqués ci-après, crée de la confusion avec la marque AIR MILES de l’opposante.

services (basés sur l’emploi et l’enregistrement à Hong Kong)

services de transport de passagers par avion; services de bureau touristique et d’agence de voyage pour organisation de voyages; services de forfaits-vacances, nommément réservation de voyages et de chambres d’hôtel; mise à disposition de renseignements touristiques; services de fret aérien; services de messagerie pour cargaisons et marchandises; services de messagerie pour messages et lettres; transport et livraison de marchandises par avion; transport de véhicules de passagers par avion; services d’entreposage de bagages; services de location de véhicules et de nolisement; manutention de bagages; services d’enregistrement pour chambres d’hôtel.

 

[39]      Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit montrer qu’il n’y aurait, selon les termes du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, reproduit ci-après, aucune probabilité de confusion de la marque visée par la demande avec la marque de l’opposante :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées […], ou que les services liés à ces marques sont […] exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[40]      Le paragraphe 6(2) ne concerne donc pas la confusion des marques elles-mêmes, mais la confusion des marchandises ou services d’une source avec les marchandises ou services d’une autre source. En l’espèce, la question posée par le paragraphe 6(2) est celle de savoir si les services fournis par la requérante sous la marque ASIA MILES risquent d’être confondus avec les services fournis, commandités ou approuvés par l’opposante.

[41]      Les dates pertinentes à retenir pour savoir s’il y a ou non confusion sont (i) la date de la décision, pour le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité; (ii) la date de production de la demande modifiée, pour le motif d’opposition fondé sur l’absence du droit à l’enregistrement, en l’occurrence le 5 octobre 2005; et (iii) la date de production de la déclaration d’opposition, en l’occurrence le 19 mars 2007, pour le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir la décision American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR(3d) 198, pages 206 ‑ 209 (C.F. 1re inst.).

 

Le test en matière de confusion

[42]      Le test en matière de confusion est un test de première impression et de souvenir imparfait. Les facteurs à considérer lorsqu’on se demande si deux marques sont source de confusion regroupent « toutes les circonstances de l’espèce », y compris celles qui sont explicitement énumérées aux alinéas 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas limitative, et tous les facteurs pertinents doivent être considérés. En outre, les facteurs n’auront pas tous nécessairement le même poids, car le poids à accorder à chacun dépendra des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et Le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (C.F. 1re inst.). Cependant, comme l’écrivait M. le juge Rothstein dans l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., [2011] 2 R.C.S. 387, bien qu’il soit mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

 

Examen des facteurs du paragraphe 6(5)

Caractère distinctif inhérent et caractère distinctif acquis

[43]      La marque AIR MILES de l’opposante possède un degré assez faible de caractère distinctif inhérent car elle se compose de deux mots courants. Le caractère distinctif inhérent de cette marque est amoindri davantage encore par le fait que le mot « miles » est un mot communément employé pour décrire les points accumulés dans divers programmes de fidélisation ou de récompenses. La marque de l’opposante évoque donc dans une certaine mesure un programme de fidélisation ou de récompenses. Pareillement, la marque ASIA MILES visée par la demande possède un degré assez faible de caractère distinctif inhérent car elle suggère un programme de fidélisation ou de récompenses qui se limite à l’Asie. Comme je l’écrivais plus haut, la requérante n’a pas établi qu’un emploi de la marque ASIA MILES au Canada lui profite. Elle ne peut donc revendiquer l’avantage d’un caractère distinctif acquis pour la marque ASIA MILES à une quelconque date pertinente. Compte tenu de la preuve versée dans le dossier, j’en déduis que la marque AIR MILES de l’opposante était au Canada une marque très connue, sinon une marque célèbre, à toutes les dates pertinentes. Le premier facteur du paragraphe 6(5), qui combine le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques des parties, favorise donc fortement l’opposante.

[44]      J’ajouterais que la preuve produite par la requérante ne me persuade pas que l’emploi, par un tiers, de marques de commerce comprenant l’élément MILES, ou l’emploi du mot « miles » pour désigner les « points » dans les programmes de fidélisation ou de récompenses, ou l’emploi générique occasionnel de l’expression « air miles », a notablement réduit le caractère distinctif acquis de la marque AIR MILES de l’opposante.

[45]      L’avocat de la requérante a fait valoir que les sondages produits comme preuve par l’opposante ne sont pas recevables parce que M. Swaters et Mme Futo n’étaient pas directement intervenus dans l’exécution des sondages et que rien n’est dit sur la manière dont ils ont été faits. Les doutes de la requérante ne sont pas sans fondement, mais ces doutes intéressent le poids à accorder à la preuve, plutôt que sa recevabilité. En tout état de cause, même si j’avais conclu que les sondages produits comme preuve par l’opposante étaient irrecevables, j’en aurais quand même induit, compte tenu du reste de la preuve de l’opposante, que la marque AIR MILES de l’opposante était très connue au Canada à toutes les époques pertinentes.

 

Période pendant laquelle les marques ont été en usage

[46]      Le deuxième facteur du paragraphe 6(5), qui concerne la période pendant laquelle les marques ont été en usage, favorise lui aussi l’opposante. À ce propos, l’opposante a commencé d’utiliser sa marque AIR MILES au Canada environ 13 ans avant que la requérante n’ait produit la portion de la demande fondée sur un emploi et un enregistrement de la marque à Hong Kong.

 

Genre de services et d’entreprises des parties, et nature du commerce

[47]      Je suis généralement en accord avec les observations de l’opposante, aux pages 85 et 86 de son plaidoyer écrit, pour qui les parties appliquent [TRADUCTION] « essentiellement le même type de programme de récompenses de la clientèle », et pour qui elles le font essentiellement de la même façon. Comme les services de la requérante (voir le paragraphe 38) sont étroitement alignés sur un programme de récompenses, les troisième et quatrième facteurs du paragraphe 6(5), considérés ensemble, militent en faveur de l’opposante.

 

Degré de ressemblance

[48]      Les deux éléments de la marque de l’opposante, à savoir AIR et MILES, sont presque aussi dominants l’un que l’autre, et il en va de même pour les deux éléments de la marque ASIA MILES visée par la demande. Il y a donc nécessairement un degré assez élevé de ressemblance entre les marques AIR MILES et ASIA MILES, puisqu’elles partagent le même élément MILES, comme suffixe. Ordinairement, la première portion d’une marque est un peu plus importante aux fins de la distinction, cependant, lorsque le premier élément est un mot courant, descriptif ou suggestif, l’importance de ce premier élément diminue : voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 CPR (4th) 109 (COMC). Ainsi, puisque le mot ASIA est descriptif d’une région géographique, son aptitude à distinguer la marque de la requérante de la marque AIR MILES de l’opposante s’en trouve réduite.

[49]      Néanmoins, quand les marques AIR MILES et ASIA MILES sont considérés dans leur globalité, elles présentent davantage de dissemblances que de similitudes, visuellement et par le son, et cela parce que leurs premières portions sont différentes, mais elles présentent peu de dissemblances dans les idées qu’elles suggèrent. À ce propos, la marque AIR MILES évoque des voyages aériens, tandis que la marque ASIA MILES évoque des voyages dans une région donnée. En résumé, les marques en question se ressemblent dans une mesure appréciable, mais présentent néanmoins davantage de dissemblances que de similitudes. Le dernier facteur du paragraphe 6(5) milite donc en faveur de la requérante, mais seulement dans une mesure restreinte.

[50]      Dans une récente procédure d’opposition, Air Miles International Trading B. V. c. Deutsche Lufthansa AG (2010), 89 CPR (4th) 230, une procédure à laquelle était partie la présente opposante, la marque MILES & MORE visée par la demande portait sur des services qui comprenaient « l’administration de programmes de primes d’encouragement visant à promouvoir l’utilisation de compagnies aériennes ». Repoussant la demande, la Commission s’exprimait ainsi, au paragraphe 74 de sa décision :

On considère que le facteur prédominant dans l’appréciation de la question de la confusion est celui du degré de ressemblance entre les marques [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), p. 149, conf. dans 60 C.P.R. (2d) 70]. Dans la présente affaire, les différences entre les marques AIR MILES et MILES & MORE peuvent sembler suffisantes à première vue pour rendre la confusion peu probable. Cependant, je suis d’avis que l’Opposante a établi une réputation presque écrasante en liaison avec sa marque AIR MILES et que, même si le mot « miles » est un mot employé dans le secteur connexe, je crains que la Requérante n’ait pas choisi une marque qui est suffisamment différente de la marque bien connue de l’Opposante et n’ait pas acquis une réputation suffisamment importante en liaison avec sa Marque intrinsèquement faible pour rendre la confusion peu probable.

                                  (Non souligné dans l'original)

 

[51]      Pareillement, dans la présente affaire, (i) l’opposante a établi pour sa marque AIR MILES une réputation presque écrasante, et (ii) la marque ASIA MILES visée par la demande est différente, mais non suffisamment différente, de la marque de l’opposante, et (iii) la requérante n’est pas en mesure de prétendre à une quelconque réputation pour sa marque au Canada. Je partage donc dans la présente affaire le même doute que celui qui a été exprimé par la Commission dans la décision Deutsche Lufthansa, précitée.

 

Conclusion

[52]      Compte tenu que l’opposante a employé sa marque AIR MILES d’une manière très importante et durant une longue période, que la requérante ne peut prétendre pour sa marque à une quelconque réputation au Canada, qu’il y a un chevauchement considérable des services associés aux marques en cause et qu’il y a un degré assez élevé de ressemblance entre les marques en cause (même si elles sont plus dissemblables que semblables), je suis d’avis que, à toutes les époques pertinentes, la requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion de la marque ASIA MILES visée par la demande avec la marque AIR MILES de l’opposante, pour les services énumérés en (3). Par conséquent, l’opposante obtient gain de cause pour le cinquième motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), pour le huitième motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(2)a) et pour le douzième motif d’opposition fondé sur l’article 2.

[53]      Au vu de ce qui précède, la demande d’enregistrement n° 1,271,320 pour la marque ASIA MILES est repoussée dans son intégralité, et il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs restants d’opposition.

 

LA DEMANDE D’ENREGISTREMENT N° 1,271,440 pour la marque ASIA MILES & Dessin

[54]      La demande d’enregistrement de la marque ASIA MILES & Dessin, illustrée au paragraphe 19 ci-dessus, a été produite le 9 septembre 2005, elle a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 18 octobre 2006 et elle a été l’objet d’une opposition le 6 novembre 2006.

[55]      La demande concerne les mêmes marchandises et services, avec les mêmes bases correspondantes d’enregistrement, que la demande d’enregistrement de la marque ASIA MILES, examinée plus haut. Les arguments, les points litigieux et les preuves versées au dossier sont essentiellement les mêmes que dans l’opposition à la marque ASIA MILES, et les dates pertinentes ne sont pas très différentes. Les conclusions qui ont été tirées dans l’opposition à la marque ASIA MILES, et le raisonnement qui a été appliqué dans ladite opposition, valent également pour la demande d’enregistrement n° 1,271,440. Sur ce point, je ne crois pas que le A stylisé de la marque ajoute véritablement au caractère distinctif inhérent de la marque ou la distingue véritablement de la marque AIR MILES de l’opposante.

[56]      En conséquence, comme pour l’opposition à la marque ASIA MILES, ci-dessus, les portions de la demande visant les marchandises indiquées en (1) à (7) et (9) sont refusées au titre des motifs d’opposition fondés sur l’inobservation des alinéas 30a) et 30b) de la Loi sur les marques de commerce, tandis que la portion de la demande portant sur les marchandises indiquées en (8) est refusée au titre des alinéas 30e) et 30a). La portion de la demande visant les services indiqués en (1) est refusée pour non-conformité à l’alinéa 30b); les services indiqués en (2) sont refusés pour non-conformité à l’alinéa 30e); et les services indiqués en (3) sont refusés au titre des motifs d’opposition fondés sur la non-enregistrabilité, l’absence du droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif.

[57]      La demande d’enregistrement n° 1,271,440 pour la marque ASIA MILES & Dessin est donc repoussée dans son intégralité.

 

LA DEMANDE D’ENREGISTREMENT N° 1,271,441 pour la marque ASIA MILES & Dessin

[58]      La demande d’enregistrement pour la marque ASIA MILES & Dessin, illustrée au paragraphe 19 ci-dessus, a été produite le 9 septembre 2005, elle a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 14 mars 2007 et elle a été l’objet d’une opposition le 23 mars 2007. La demande vise les mêmes marchandises et services, avec les mêmes bases correspondantes d’enregistrement, que la demande d’enregistrement de la marque ASIA MILES, considérée plus haut. Les arguments, les points litigieux et les preuves versées au dossier sont essentiellement les mêmes que dans l’opposition à la marque ASIA MILES, et les dates pertinentes ne sont pas très différentes. Mes observations concernant l’opposition à la demande d’enregistrement n° 1,271,440 ci-dessus valent également pour l’opposition à la demande d’enregistrement n° 1,271,441, et le même résultat en découle. Par conséquent, la demande n° 1,271,441 pour la marque ASIA MILES & Dessin est repoussée dans son intégralité.

 

LA DEMANDE D’ENREGISTREMENT N° 1,276,720 pour la marque ASIA MILES & Dessin

[59]      La demande d’enregistrement de la marque ASIA MILES & Dessin, illustrée au paragraphe 19 ci-dessus, a été produite le 21 octobre 2005, elle a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 18 octobre 2006 et elle a été l’objet d’une opposition le 6 novembre 2006. La demande concerne uniquement les services indiqués ci-après, qui sont étroitement reliés aux services énumérés dans la demande n° 1,271,320 pour la marque ASIA MILES, et qui sont essentiellement les mêmes que les services de l’opposante :

Promotion de services de voyage et de transport aérien par l’organisation, l’exploitation, la gestion et la surveillance de mécanismes de fidélisation/d’encouragement et de mécanismes de vente par incitatifs; mise à disposition d’un programme de récompenses de voyage et de fidélisation de la clientèle; organisation, exploitation, gestion et supervision de programmes de fidélisation et d’encouragement de clients; organisation, mise en place et surveillance de systèmes de vente par incitatifs; fourniture de services d’information et de conseil aux membres et aux abonnés de mécanismes de fidélisation et de programmes de primes de voyage, services de conseil aux clients pour ce qui est de l’obtention des renseignements sur les soldes de comptes et des détails concernant les transactions effectuées en rapport avec ces comptes, services de ventes aux enchères en ligne.

 

[60]      Les bases d’enregistrement sont de deux ordres, à savoir l’emploi de la marque au Canada depuis février 1999, et l’emploi et l’enregistrement de la marque à Hong Kong, Chine. Les arguments, les points litigieux et les éléments versés au dossier recouvrent en partie ceux concernant l’opposition à la marque ASIA MILES, et les dates pertinentes ne sont pas très différentes. Les conclusions qui ont été tirées dans l’opposition à la marque ASIA MILES, et le raisonnement qui a été appliqué dans ladite opposition, valent également pour la demande n° 1,276,720. En outre, comme je l’ai déjà dit, le A stylisé de la demande n° 1,276,720 n’ajoute pas vraiment au caractère distinctif inhérent de la marque ni ne distingue véritablement la marque de la marque AIR MILES de l’opposante.

[61]      En conséquence, la portion de la demande fondée sur l’emploi antérieur au Canada est refusée en application de l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, et la portion fondée sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger est refusée parce que, d’après moi, à toutes les époques pertinentes, la marque visée par la demande créait de la confusion avec la marque AIR MILES de l’opposante. La demande n° 1,276,720 pour la marque ASIA MILES & Dessin est donc repoussée.

 

LA DEMANDE D’ENREGISTREMENT N° 1,276,725 pour la marque ASIA MILES & Dessin

[62]      La demande d’enregistrement de la marque ASIA MILES & Dessin, illustrée au paragraphe 19 ci-dessus, a été produite le 21 octobre 2005, elle a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 18 octobre 2006 et elle a été l’objet d’une opposition le 6 novembre 2006. La demande vise les mêmes services, avec les mêmes doubles bases d’enregistrement, que la demande n° 1,276,720, considérée plus haut. Les arguments, les points litigieux et les preuves versés au dossier sont essentiellement les mêmes que dans l’opposition à la marque ASIA MILES, et les dates pertinentes ne sont pas très différentes. Mes observations concernant l’opposition à la demande n° 1,276,720, ci-dessus, valent également pour l’opposition à la demande n° 1,276,725, et le même résultat en découle. Plus exactement, la demande d’enregistrement n° 1,276,725 pour la marque ASIA MILES & Dessin est repoussée.

 

Observations complémentaires de l’opposante

[63]      L’opposante a aussi fait valoir que les mots et dessins-marques ASIA MILES [TRADUCTION] « devraient être considérés dès le départ comme nuls et non avenus » parce que (i) les demandes nos 1,271,441 et 1,271,440 se fondent toutes les deux sur le même enregistrement chinois (n° 2000B07745AA), et (ii) les demandes nos 1,276,725 et 1,276,720 se fondent toutes les deux sur le même enregistrement chinois (n° 300505467). L’opposante soutient que « d’après les termes mêmes du paragraphe 16(2) » de la Loi sur les marques de commerce, reproduit ci-après, une partie ne peut se fonder sur un seul enregistrement à l’étranger pour appuyer deux différentes marques de commerce canadiennes :

Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a dûment déposée dans son pays d’origine, ou pour son pays d’origine, et qu’il a employée en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est déposée dans ce pays et a été employée, à moins que, à la date de la production de la demande, en conformité avec l’article 30, elle n’ait créé de la confusion :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

 

[64]      Selon mon interprétation du paragraphe 16(2), il n’est pas du tout évident qu’une partie soit empêchée de se fonder sur un seul enregistrement étranger pour appuyer deux marques de commerce canadiennes différentes. D’ailleurs, le paragraphe 14(2) autorise des variations mineures dans la marque canadienne par rapport à la marque étrangère :

14(1) Nonobstant l’article 12, une marque de commerce que le requérant ou son prédécesseur en titre a fait dûment déposer dans son pays d’origine, ou pour son pays d’origine, est enregistrable si, au Canada,

                                         . . . . .

(2) Une marque de commerce qui diffère de la marque de commerce déposée dans le pays d’origine seulement par des éléments qui ne changent pas son caractère distinctif ou qui ne touchent pas à son identité dans la forme sous laquelle elle est déposée au pays d’origine, est considérée, pour l’application du paragraphe (1), comme la marque de commerce ainsi déposée.

                             (Non souligné dans l'original)

 

[65]      On pourrait certainement, dans la présente affaire, prétendre que la demande n° 1,271,441 est une variation mineure de la demande n° 1,271,440, et que la demande n° 1,276,725 est une variation mineure de la demande n° 1,276,720 : à ce propos, voir l’arrêt Promafil Canada Ltée c. Munsinger Inc. (1992), 44 CPR (3d) 59, page 71(CAF), qui entérine l’idée selon laquelle « des modifications prudentes [à une marque de commerce] peuvent être apportées sans conséquences fâcheuses ».

[66]      Par ailleurs, au cours du processus initial d’examen de la demande, le registraire aurait considéré le droit de la requérante de fonder la demande d’enregistrement de la marque de commerce canadienne sur son enregistrement à l’étranger : voir le paragraphe 31(1) de la Loi sur les marques de commerce :

 

Un requérant dont le droit à l’enregistrement d’une marque de commerce est fondé sur un enregistrement de cette marque dans un autre pays de l’Union fournit, avant la date de l’annonce de sa demande selon l’article 37, une copie de cet enregistrement, certifiée par le bureau où il a été fait, de même qu’une traduction de cet enregistrement en français ou en anglais, s’il est en une autre langue, et toute autre preuve que le registraire peut requérir afin d’établir pleinement le droit du requérant à l’enregistrement prévu par la présente loi.

                             (Non souligné dans l'original)

Je n’ai pas ici compétence pour revisiter les décisions prises par le registraire aux termes du paragraphe 31(1) car selon moi le registraire n’a pas commis d’erreurs de droit manifestes (ni d’erreurs dans l’interprétation des faits) en faisant procéder à l’annonce des demandes d’enregistrement des mots et dessins-marques ASIA MILES : voir Magill c. Taco Bell Corp. (1991), 31 CPR (3d) 221, page 226 (COMC). Compte tenu de ce qui précède, je refuse de dire que les mots et dessins-marques ASIA MILES sont dès l’abord nuls et non avenus.

 

Dispositif

[67]      Eu égard à ce qui précède, les demandes nos 1,271,320; 1,271,440; 1,271,441; 1,276,720; et 1,276,725 sont repoussées. Les présentes décisions ont été rendues conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

___________________

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

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