Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 237

Date de la décision : 2014-10-31

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Kruger Products L.P. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,530,217 pour la marque de commerce FORMAT AU CHOIX au nom de Cascades Canada ULC

[1]               Kruger Products L.P. (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce FORMAT AU CHOIX (la Marque) qui est l'objet de la demande no 1,530,217 produite par Cascades Canada ULC (la Requérante).

[2]               Produite le 2 juin 2011, la demande est fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 1er juin 2011 en liaison avec des « essuie-tout ».

[3]               L'Opposante allègue que : (i) la demande n'est pas conforme à l'article 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); (ii) la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi; (iii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque; et (iv) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi. Mis à part le motif de la non-conformité, l'opposition est fondée sur la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l'Opposante.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, il y a lieu de repousser la demande d'enregistrement.

Le dossier

[5]               L'Opposante a produit sa déclaration d'opposition le 11 septembre 2012. Le 30 novembre 2012, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste l'ensemble des motifs d'opposition soulevés dans la déclaration d'opposition.

[6]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Wendy Mommersteeg, directrice, Paper Towel Category [catégorie des essuie-tout], chez l'Opposante, l'affidavit de David Morrison, un étudiant en droit employé par l'agent de marques de commerce de l'Opposante, ainsi que l'affidavit de Mary P. Noonan, une recherchiste en marques de commerce employée par l'agent de marques de commerce de l'Opposante. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit la déclaration solennelle de Steven Bento, un stagiaire en droit employé par l'agent de marques de commerce de la Requérante. Ni les déposants ni le déclarant n'ont été contre-interrogés.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit, et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[8]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298].

Analyse des motifs d'opposition

La Marque crée-t-elle de la confusion avec les marques de commerce déposées de l'Opposante?

[9]               Dans sa déclaration d'opposition, l'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi, au motif qu'elle crée de la confusion avec chacune des marques de commerce déposées de l'Opposante énumérées à l'Annexe « A » de la présente décision, et avec l'ensemble de ces marques à titre de famille de marques (les Marques CHOOSE-A-SIZE).

[10]           La date pertinente pour l'examen de cette question est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[11]           Un opposant s'acquitte de son fardeau de preuve initial à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) si l'enregistrement qu'il invoque est en règle. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence de l'enregistrement invoqué par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd. (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[12]           J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que les enregistrements nos LMC523,150, LMC600,913, LMC602,088, LMC684,154 et LMC782,175 de l'Opposante sont en règle.

[13]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve initial, la question est maintenant de savoir si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l'une quelconque des marques de commerce déposées CHOOSE-A-SIZE de l'Opposante.

[14]           Pour les raisons exposées ci-dessous, j’accueille ce motif d’opposition et je tranche cette question en faveur de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[15]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[16]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc. (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[17]           Comparer la Marque avec la marque nominale MESURE-AU-CHOIX (LMC602,088) permettra de disposer efficacement du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d). Autrement dit, s'il appert que la confusion n'est pas probable entre la Marque et MESURE-AU-CHOIX, elle ne serait pas davantage probable avec l'une quelconque des autres Marques CHOOSE-A-SIZE de l'Opposante.

[18]           J'examinerai maintenant les facteurs énoncés à l'article 6(5).

Article 6(5)a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[19]           L'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) implique de tenir compte aussi bien du caractère distinctif inhérent que du caractère distinctif acquis des marques de commerce des parties. J'estime que les marques des parties possèdent un caractère distinctif inhérent de force similaire, car aucune n'est intrinsèquement forte du fait de la nature suggestive de ces mots français d'usage courant dans le contexte des marchandises auxquelles les marques sont associées. En effet, les marques suggèrent toutes deux que le consommateur a la possibilité de choisir une taille particulière d'essuie-tout.

[20]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l'emploi. La Requérante n'a produit aucune preuve de la promotion ou de l'emploi de la Marque jusqu'à maintenant. L'Opposante, en revanche, a présenté une preuve de la promotion et de l'emploi des Marques CHOOSE-A-SIZE au Canada, y compris la marque MESURE-AU-CHOIX, par la voie de l'affidavit Mommersteeg.

[21]           À titre préliminaire, je souligne que je suis d'avis que toute preuve d'emploi de la marque mixte CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Roll Dessin (LMC782,175) de l'Opposante serait également considérée comme une preuve de l'emploi des marques nominales, car le public percevrait la partie anglaise et la partie française de la marque comme deux marques de commerce distinctes en soi [voir Le Registraire des marques de commerces c Compagnie Internationale pour lInformatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) et Promafil Canada Ltee c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[22]           Dans son affidavit, Mme Mommersteeg explique que l'Opposante est le plus grand fabricant et distributeur de papiers-mouchoirs et d'essuie-tout à usage domestique au Canada. Elle est également un des plus important fabricant de produits de papier à un usage institutionnel destinés à la vente en gros. Selon, Mme Mommersteeg, les Marques CHOOSE-A-SIZE, ou des marques [traduction] « très similaires », ont commencé à être employées par l'Opposante ou ses prédécesseurs en titre en liaison avec des produits de papier, y compris des essuie-tout, dès 1997, en conjugaison avec les marques ScotTowels et SpongeTowels.

[23]           À titre d'exemples de preuve d'emploi, Mme Mommersteeg a joint les pièces suivantes :

         Pièces 2 et 4 – photos de produits d'essuie-tout offerts dans divers emballages arborant la marque mixte CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Roll Dessin (LMC782,175), ou de légères variantes de cette marque, qui, selon la déposante, sont représentatifs des produits vendus par l'Opposante au Canada de 2000 à 2013; et

         Pièce 3 – modèles d'emballages pour les produits d'essuie-tout arborant la marque mixte CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Roll Dessin (LMC782,175), ou de légères variantes de cette marque, qui, selon la déposante, sont représentatifs des emballages utilisés par l'Opposante au Canada de 2001 à 2012.

[24]           Dans chaque cas, les marques de commerce SCOTTOWELS (jusqu'en 2005) et/ou SPONGETOWELS (à partir de 2005) figurent également sur les emballages, séparément de la marque mixte, et plus en évidence.

[25]           En ce qui concerne les chiffres de ventes, Mme Mommersteeg affirme que les revenus générés par les ventes de produits d'essuie-tout réalisées en liaison avec les Marques CHOOSE-A-SIZE au Canada pendant la période allant de 1997 à 2013 ont totalisé plus de 654 millions de dollars, ce qui représente plus de 103 millions de paquets vendus.

[26]           Au chapitre de la promotion, Mme Mommersteeg affirme que l'Opposante a dépensé des sommes considérables pour faire connaître les Marques CHOOSE-A-SIZE au Canada par l'intermédiaire de différents médias, dont la télévision, la presse écrite et le Web. À cet égard, la déposante a joint les pièces suivantes :

         Pièces 5 et 6 – copies d'écran et une copie d'une annonce télévisée de 30 secondes en anglais pour les essuie-tout SPONGETOWELS présentés dans un emballage arborant la marque de commerce CHOOSE-A-SIZE. Selon Mme Mommersteeg, cette annonce a été diffusée au Canada en 2010 et 2011, et représente des dépenses d'environ 2,4 millions de dollars en publicité télévisuelle.

         Pièce 7 – spécimens représentatifs d'éléments promotionnels pour les produits d'essuie-tout prenant la forme de coupons, de feuilles de vente, de maquettes de présentoirs en magasin, et d'autres publicités et concours imprimés ou en ligne, qui, selon la déposante, auraient été distribués ou diffusés au Canada entre 2004 et 2012. Parmi ces éléments, on peut voir des images de produits d'essuie-tout offerts dans des emballages arborant la marque mixte CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Roll Dessin (LMC782,175), ou de légères variantes de cette marque, en conjugaison avec les marques de commerce SCOTTOWELS et SPONGETOWELS; et

         Pièces 9 et 10 – copies d'écran extraites du site Web de produit www.spongetowels.ca de l'Opposante représentatives de l'apparence qu'avait le site Web en 2013, et copies d'écran extraites du site archive.org montrant des versions archivées du site Web datant de 2007 à 2010. Parmi ces copies d'écran, on peut voir des images de produits d'essuie-tout offerts dans des emballages arborant la marque mixte CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Roll Dessin (LMC782,175), ou de légères variantes de cette marque, en conjugaison avec les marques de commerce SCOTTOWELS et SPONGETOWELS.

[27]           Je suis convaincue, au vu de l'affidavit Mommersteeg dans son ensemble, que les marques nominales CHOOSE-A-SIZE et MESURE-AU-CHOIX, ainsi que la marque mixte CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Roll Dessin, ont acquis, en conjugaison avec les marques de commerce SCOTTOWELS (jusqu'en 2005) et/ou SPONGETOWELS (à partir de 2005), un certain caractère distinctif en liaison avec des produits d'essuie-tout, comme en témoigne les ventes considérables réalisées par l'Opposante ces 15 dernières années et les nombreuses pièces produites à titre d'exemples d'emploi et de promotion de ces marques de commerce, selon diverses combinaisons, depuis 2000.

[28]           Par conséquent, le facteur énoncé à l'article 6(5)a) favorise l'Opposante.

Article 6(5)b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[29]           L'enregistrement no LMC602,088 de l'Opposante comporte une revendication d'emploi selon laquelle la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX est employée au Canada en liaison avec des essuie-tout depuis au moins février 1996. De plus, comme je l'ai mentionné précédemment, l'Opposante a fourni une preuve de l'emploi de la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX en liaison avec des essuie-tout qui remonte aussi loin qu'à l'an 2000. En comparaison, la demande pour la Marque est fondée sur l'emploi au Canada depuis au moins le 1er juin 2011, et la Requérante n'a produit aucune preuve d'emploi.

[30]           Par conséquent, le facteur énoncé à l'alinéa 6(5)b) favorise l'Opposante.

Articles 6(5)c) et d) le genre de marchandises et d'entreprises, et la nature du commerce

[31]           Les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d), qui concernent le genre de marchandises et d'entreprises et la nature du commerce, favorisent également l'Opposante.

[32]           S'agissant des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, l'appréciation de la probabilité de confusion aux termes de l'article 12(1)d) de la Loi repose sur la comparaison de l'état déclaratif des marchandises qui figure dans la demande pour la Marque avec l'état déclaratif des marchandises qui figure dans l'enregistrement no LMC602,088 de l'Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[33]           Les marchandises des parties sont identiques; les marques de commerce des parties sont toutes deux associées à des essuie-tout.

[34]           Ni l'enregistrement de l'Opposante ni la présente demande d'enregistrement ne comportent de restriction quant aux voies de commercialisation des parties. Selon Mme Mommersteeg, les produits d'essuie-tout de l'Opposante arborant les Marques CHOOSE-A-SIZE sont offerts en vente dans de nombreuses chaînes de détail canadiennes de premier plan qui comptent des magasins dans tout le pays, y compris des détaillants nationaux tels que Loblaws, Walmart, Sobeys et Canadian Tire. Les noms de ces détaillants, ainsi que ceux de nombreux autres, figurent également sur les copies d'écran datant de 2013 extraites du site Web de produit www.spongetowels.ca de l'Opposante qui sont jointes comme pièce 9 à l'affidavit de Mme Mommersteeg.

[35]           En l'absence d'une preuve de la part de la Requérante et étant donné que les marchandises des parties sont identiques, je conclus, aux fins de l'appréciation de la probabilité de confusion, qu'il existe une possibilité que les voies de commercialisation des parties se recoupent.

Article 6(5)e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées quelles suggèrent

[36]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faut considérer les marques dans leur ensemble. Bien qu'il faille éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs, il demeure néanmoins possible de s’attarder à des caractéristiques particulières susceptibles d’avoir une influence déterminante sur la perception que le public a de la marque [voir United Artists Corp c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247, p. 263 (CAF)]. Lorsqu’il s’agit de comparer des marques entre elles, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece au para. 64].

[37]           En ce qui concerne la présentation et le son, les marques de commerce des parties présentent à la fois des similitudes et des différences, mais les idées qu'elles suggèrent sont considérablement similaires. Selon Le Petit Robert, l'une des acceptions du terme « mesure » est « grandeur déterminée par la mesure »; l'une des acceptions du terme « format » est « dimension, taille »; et l'une des acceptions du terme « choix » est « pouvoir, liberté de choisir ».

[38]           La marque de commerce de l'Opposante comprend deux éléments; le premier, « MESURE », fait référence à la taille de l'essuie-tout, tandis que le second, « AU CHOIX », suggère l'idée que le consommateur peut faire un choix. Je suis d'avis que ni l'un ni l'autre de ces éléments n'est particulièrement frappant ou unique, car, lorsqu'on la considère dans son ensemble, l'expression évoque l'idée que le consommateur peut choisir une taille particulière d'essuie-tout. La Marque de la Requérante est construite sur un modèle similaire. Elle est également composée de deux éléments; le premier, « FORMAT », fait référence à la taille de l'essuie-tout, et le second. « AU CHOIX » suggère l'idée que le consommateur peut faire un choix. Là encore, je suis d'avis que ni l'un ni l'autre de ces éléments n'est particulièrement frappant ou unique, car l'expression, prise dans son ensemble, évoque l'idée que le consommateur peut choisir une taille particulière d'essuie-tout.

[39]           Bien que les premiers éléments des marques de commerce des parties soient effectivement différents sur les plans visuel et phonétique, l'idée suggérée demeure la même, car les termes « MESURE » et « FORMAT » sont interchangeables dans le contexte des essuie-tout. En somme, lorsqu'on considère les marques de commerce des parties dans leur ensemble, les différences visuelles et phonétiques qui distinguent les premières parties des marques ne sont pas assez significatives pour compenser le fait que leurs dernières parties sont pratiquement identiques et que les idées générales qu'elles suggèrent se ressemblent de façon significative.

[40]           Par conséquent, le facteur énoncé à l'alinéa 6(5)e) favorise l'Opposante.

Autres circonstances de l'espèce famille de marques

[41]           L'Opposante soutient que le fait qu'elle soit propriétaire d'une famille de Marques CHOOSE-A-SIZE constitue une circonstance favorable à sa cause.

[42]           La partie qui invoque l'existence d'une famille de marques de commerce doit démontrer que les marques qui composent cette famille sont employées sur le marché [voir McDonalds Corp c Yogi Yogurt (1982), 66 CPR (3d) 101 (CF 1re inst.)]. À cet égard, je soulignerai en premier lieu qu'il n'y a aucune preuve de la façon dont la marque de commerce ESCOJE EL TAMAÑO (LMC684,154) a été employée au Canada. Qui plus est, comme l'a fait valoir la Requérante, la marque de commerce CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Dessin (LMC523,150) n'apparaît qu'une seule fois dans l'affidavit Mommersteeg, c'est-à-dire dans l'aperçu des modèles d'emballage de l'Opposante intitulé « Scottowels 2000 » (pièce 2). Par conséquent, on ne sait pas exactement dans quelle mesure la marque de commerce CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Dessin (LMC523,150) a été employée au Canada.

[43]           Quant aux autres marques de commerce, bien que j'accepte la preuve d'emploi de la marque mixte CHOOSE-A-SIZE / MESURE-AU-CHOIX & Roll Dessin (LMC782,175) comme une preuve d'emploi des marques nominales CHOOSE-A-SIZE et MESURE-AU-CHOIX, en l'absence de tout exemple d'emploi des marques nominales en dehors de la marque composite, je ne suis pas disposée à admettre que l'Opposante a établi l'emploi d'une famille de marques sur la seule base de la preuve d'emploi de la marque mixte sur le marché.

Autres circonstances de l'espèce état du registre

[44]           La Requérante a produit la déclaration Bento qui expose les détails de huit enregistrements repérés dans la Base de données sur les marques de commerce de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada et se rapportant à des marques de commerce enregistrées en liaison avec des marchandises identiques ou similaires, à savoir MULTI-SIZE (LMC670,161), PICK-A-SIZE (LMC675,897), SELECT-A-SIZE (LMC612,548), SELECT-A-SIZE / A SU MEDIDA & Dessin (LMC613,309), VARI-A-SIZE (LMC715,278), SPLIT TO SIZE (LMC809,449), TEAR TO SIZE & Dessin (LMC721,504), et CUSTOM SIZE-IT (LMC828,971).

[45]           La preuve de l'état du registre vise à démontrer le caractère commun ou le caractère distinctif d'une marque ou d'une partie d'une marque par rapport à l'ensemble des marques qui figurent au registre. Elle n'est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions quant à l'état du marché, et de telles conclusions ne peuvent être tirées que si un nombre significatif d'enregistrements pertinents est repéré [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[46]           J'ai examiné les détails de ces enregistrements et je souligne que les marques de commerce susmentionnées sont enregistrées au nom de six propriétaires, dont la Requérante, qui détient deux de ces marques. Étant donné le peu d'enregistrements repérés, il m'est impossible de tirer de la preuve de l'état du registre qui a été produite quelque conclusion que ce soit quant à l'état du marché.

Autres circonstances de l'espèce marques secondaires

[47]           La Requérante soutient que la preuve démontre que les Marques CHOOSE-A-SIZE de l'Opposante figurent sur les emballages d'essuie-tout uniquement à titre de marques secondaires, en conjugaison avec les marques SCOTTOWELS et/ou SPONGETOWELS, et qu'il serait, par conséquent, peu probable que le consommateur moyen infère que les essuie-tout des parties sont fabriqués ou vendus par la même entité. La Loi ne fait pas de distinction entre les marques principales et les marques secondaires [voir Groupe Procycle Inc c Chrysler Group LLC (2010) 87 CPR (4th) 123 (CF). Dans tous les cas, l'enregistrement de l'Opposante ne comporte pas de restriction portant que la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX ne peut être employée qu'en liaison avec une marque maison. Par conséquent, j'estime qu'il ne s'agit pas là d'une circonstance significative.

Autres circonstances de l'espèce enregistrements apparentés et absence de confusion réelle

[48]           La Requérante fait également valoir qu'elle est propriétaire de deux marques de commerce, MULTI-SIZE (LMC670,161) et CUSTOM SIZE-IT (LMC828,971), enregistrées en liaison avec des essuie-tout, qui coexistent dans le registre et sur le marché avec les Marques CHOOSE-A-SIZE de l'Opposante, ainsi qu'avec des marques de commerce de tiers, et qu'il n'existe aucune preuve de confusion réelle. La Requérante fait en outre observer que la marque CUSTOM SIZE-IT (LMC828,971) est l'équivalent anglais de la Marque et que l'Opposante ne s'est pas opposée à la demande d'enregistrement pour cette marque malgré qu'elle ait été produite au même moment que la présente demande.

[49]           J'ai déjà traité des observations de la Requérante concernant l'état du registre dans les paragraphes qui précèdent. De plus, je souligne que la Requérante n'a produit preuve de l'emploi de ses marques de commerce déposées sur le marché. Dans tous les cas, il est bien établi que bien que l'article 19 de la Loi confère au propriétaire d'un enregistrement le droit exclusif à l'emploi d'une marque de commerce en liaison avec les marchandises et services visés par l'enregistrement, il ne confère pas automatiquement au propriétaire inscrit le droit d'obtenir l'enregistrement d'autres marques même si celles-ci sont étroitement apparentées à des marques enregistrées antérieurement [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c Produits Ménagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d) 108 (COMC), p. 115]. Par conséquent, j'estime qu'il ne s'agit pas là d'une circonstance significative.

[50]           Quant à l'absence d'une preuve de confusion réelle entre les Marques CHOOSE-A-SIZE de l'Opposante et les marques déposées de la Requérante, qu'il suffise de dire qu'il ne s'agit pas d'un facteur pertinent dans la détermination de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l'Opposante, pas plus que le fait que l'Opposante ne s'est pas opposée à l'autre demande de marque de commerce de la Requérante.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[51]           Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, malgré le faible caractère distinctif inhérent des marques de commerce des deux parties, compte tenu des similitudes entre les marques des parties dans la présentation et dans le son ainsi que de la forte ressemblance des idées qu'elles suggèrent, de la preuve que la marque de commerce de l'Opposante a fait l'objet d'un emploi à grande échelle au Canada, du fait que les marchandises sont identiques et de la possibilité de recoupement entre les voies de commercialisation, je ne suis pas convaincue que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX enregistrée sous le no LMC602,088.

[52]           Étant donné que j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) sur la base de l'enregistrement no LMC602,088, je n'examinerai pas ce motif d'opposition sur la base des autres Marques déposées CHOOSE-A-SIZE invoquées par l'Opposante. En conséquence, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) de la Loi dans la mesure où il repose sur l'enregistrement no LMC602,088.

La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque à la date de premier emploi alléguée?

[53]           Dans sa déclaration d'opposition, l'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque, au motif que cette dernière crée de la confusion avec chacune des marques de commerce déposées CHOOSE-A-SIZE de l'Opposante, et avec l'ensemble de ces marques à titre de famille de marques, lesquelles ont été employées au Canada en liaison avec des « essuie-tout ».

[54]           À titre préliminaire, je souligne qu'une erreur typographique s'est glissée dans la partie de la déclaration d'opposition qui expose le motif d'opposition fondé sur l'article 38(2)c). Plus précisément, l'absence de droit à l'enregistrement est plaidée sur le fondement de l'article 16(1)c), alors qu'il aurait fallu qu'elle soit plaidée sur le fondement de l'article 16(1)a) étant donné que la confusion concerne chacune des cinq marques de commerce de l'Opposante aussi bien individuellement que collectivement à titre de famille de marques. Lorsqu'on considère la déclaration d'opposition dans son ensemble, il est clair que l'Opposante se fonde sur l'emploi des Marques CHOOSE-A-SIZE, et non sur l'emploi de noms commerciaux.

[55]           La date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition est la date alléguée du premier emploi de la Marque, à savoir le 1er juin 2011. Pour les raisons exposées ci-dessous, j’accueille le motif d’opposition et je tranche cette question en faveur de l’Opposante.

[56]           L’Opposante a le fardeau initial de démontrer qu'au moins une des marques de commerce qu'elle invoque au soutien de ce motif d’opposition était déjà en usage au Canada à la date pertinente et n’avait pas été abandonnée à la date d’annonce de la demande d’enregistrement pour la Marque [article 16(5) de la Loi].

[57]           Là encore, j'estime que comparer la Marque avec la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX permettra de disposer efficacement du motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a). Autrement dit, s'il appert que la confusion n'est pas probable entre la Marque et MESURE-AU-CHOIX, elle ne serait pas davantage probable avec l'une quelconque des autres Marques CHOOSE-A-SIZE de l'Opposante.

[58]           Tel qu'il appert de l'examen de l'affidavit Mommersteeg dans mon analyse du motif fondé sur l'article 12(1)d), je suis convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait d'établir l'emploi antérieur et le non-abandon de sa marque de commerce MESURE-AU-CHOIX. En outre, l'examen de chacun des facteurs énoncés à l'article 6(5) en date du 1er juin 2011 plutôt qu'en date d'aujourd'hui n'a pas d'incidence significative sur ma précédente analyse des circonstances de la présente espèce.

[59]           Je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX de l'Opposante dans le contexte d'un emploi en liaison avec des essuie-tout à la date du 1er juin 2011.

[60]           Étant donné que j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) sur la base de la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX de l'Opposante, je n'examinerai pas ce motif d'opposition sur la base des autres Marques déposées CHOOSE-A-SIZE invoquées par l'Opposante. En conséquence, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) de la Loi dans la mesure où il repose sur la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX.

La Marque était-elle distinctive des marchandises de la Requérante à la date de production de la déclaration d'opposition?

[61]           L'Opposante allègue que la Marque ne distingue pas les marchandises de la Requérante des marchandises de l'Opposante, étant donné l'emploi antérieur par l'Opposante de chacune des Marques CHOOSE-A-SIZE à la fois individuellement et collectivement à titre de famille de marques, au sens de l'article 2 de la Loi.

[62]           La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir le 11 septembre 2012 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)]. Pour les raisons exposées ci-dessous, j’accueille le motif d’opposition et je tranche cette question en faveur de l’Opposante.

[63]           Étant donné que je considère que comparer la Marque et la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX permettra de disposer efficacement de ce motif d'opposition, il n'est pas nécessaire que je détermine si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve à l'égard des marques de commerce invoquées dans la déclaration d'opposition.

[64]           Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve d’établir que la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX était devenue suffisamment connue au Canada, à la date du 11 septembre 2012, pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); BojanglesInternational, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd 2006 FC 657 (CanLII), (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. À cet égard, bien que la preuve démontre que la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX est toujours employée en conjugaison avec les marques de commerce SCOTTOWELS et/ou SPONGETOWELS, j'estime que cela ne porte pas à conséquence, car il est clair que l'Opposante emploie MESURE-AU-CHOIX comme une marque de commerce en soi, même s'il s'agit d'un rôle secondaire par rapport aux marques de produit de l'Opposante qui sont davantage mises en valeur.

[65]           L'examen de chacun des facteurs énoncés à l'article 6(5) en date du 11 septembre 2012 n'a pas d'incidence significative sur ma précédente analyse des circonstances de la présente espèce. Pour des raisons similaires à celles exposées précédemment, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa Marque et la marque de commerce MESURE-AU-CHOIX de l'Opposante dans le contexte d'un emploi en liaison avec des essuie-tout à la date du 11 septembre 2012.

[66]           En conséquence, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

Motif d'opposition fondé sur l'article 30i)

[67]           Comme j'ai déjà tranché en faveur de l'Opposante relativement à trois motifs d'opposition, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine le motif d'opposition fondé sur l'article 30i).

Décision

[68]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire


Annexe « A »

 

Marque déposée

de l'Opposante

No d'enregistrement

Marchandises
 [traduction]

CHOOSE-A-SIZE

LMA600,913

Essuie-tout.

MESURE-AU-CHOIX

LMC602,088

Essuie-tout.

CHOOSE-A-SIZE/MESURE-AU-CHOIX & Roll Design

LMC782,175

Essuie-tout.

CHOOSE-A-SIZE/MESURE-AU-CHOIX & DESIGN

LMC523,150

Produits de papier, nommément essuie-tout.

ESCOJE EL TAMAÑO

LMC684,154

Essuie-tout.

 

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