Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2014 COMC 138

Date de la décision : 2014-06-30

  TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DES DEUX OPPOSITIONS produites par Movenpick-Holding AG à l'encontre des demandes d'enregistrement nos 1,240,090 et 1,240,080 pour les marques de commerce RICHTREE MARKET RESTAURANTS & Tree Dessin et RICHTREE RESTAURANT DU MARCHÉ & Tree Dessin, respectivement, au nom de Richtree Market Restaurants Inc./Richtree Restaurants du Marché Inc.

 

DEMANDE No 1,240,090 - RICHTREE MARKET RESTAURANTS & Tree Dessin 

Le dossier


[1]        Le 14 décembre 2004, Richtree Markets Inc. a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce RICHTREE MARKET RESTAURANTS & Tree Dessin, reproduite ci-dessous, fondée sur l'emploi de la marque depuis au moins le 1er décembre 2004 en liaison avec des [traduction] « services de restaurant, de traiteur et de mets à emporter; services de franchisage et de formation et séminaires ».

 

La demande a, par la suite, été modifiée afin de radier le deuxième ensemble de services se rapportant au franchisage. Par conséquent, les services visés par la demande au dossier se limitent à ce qui suit :

 

[traduction] services de restaurant, de traiteur et de mets à emporter.

 

[2]        La Section de l'examen de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (sous l'égide duquel cette Commission exerce aussi ses activités) a, au départ, soulevé des objections à l'égard de la marque, mais cet historique de la procédure n'est d'aucune pertinence dans la présente procédure d'opposition.

 

[3]        La demande en cause a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 décembre 2005, et Movenpick-Holding s'y est opposée le 12 janvier 2006. Le 31 janvier 2006, le registraire a transmis à la requérante une copie de la déclaration d'opposition, conformément aux dispositions de l'art. 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d'opposition.

 

[4]        Dans une lettre datée du 8 février 2012, la requérante a demandé l'autorisation de modifier sa demande pour revendiquer la date de premier emploi de la marque visée par la demande de « janvier 2005 », plutôt que du 1er décembre 2004. La demande a été retirée le lendemain, le 9 février 2012. Évidemment, la demande aurait de toute manière été rejetée comme elle est contraire à l'art. 32b) du Règlement sur les marques de commerce. J'ajouterais qu'il n'y a rien d'irrégulier à ce qu'un requérant revendique, pour plus de certitude, une date de premier emploi légèrement ultérieure à la date réelle de premier emploi.  

 

[5]        Depuis la date de production de la demande, soit le 14 décembre 2004, il y a eu des changements dans la propriété des demandes en cause, finalement dévolues à la requérante actuelle au dossier, à savoir Richtree Market Restaurants Inc./ Richtree Restaurants du Marché Inc. (« la nouvelle Richtree »). Au cours de cette procédure, l'opposante a changé son nom pour celui de Movenpick-Holding AG; la déclaration d'opposition a été modifiée plusieurs fois; et la contre-déclaration a également été modifiée. 

 

[6]        L'opposante a produit en preuve les affidavits de Michael S. Mulvey; la déclaration solennelle de Robert Staub; et l'affidavit d'Ahmad Abou-Nassif.  L'affidavit d'Afzal Hamid a par la suite été produit en remplacement de la déclaration solennelle de Robert Staub; voir la décision du 28 juillet 2010 de la Commission. L'opposante a demandé et obtenu l'autorisation de produire l'affidavit de Lisa Nicole Rausch à titre de preuve additionnelle conformément à l'art. 44(1) du Règlement sur les marques de commerce; voir la décision du 9 septembre 2010 de la Commission. La preuve de la requérante se compose des affidavits de Matthew Williams; de Ruth Corbin; de Lynda Palmer; de Bernard Schober; et de James Meadway.

 

[7]        MM. Mulvey, Hamid et Williams ont été contre-interrogés relativement au témoignage présenté dans leur affidavit. Les transcriptions de leur contre-interrogatoire, les pièces qui l'accompagnent et les réponses aux engagements pris et aux questions prises en délibéré font partie de la preuve au dossier.

 

[8]        Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue le 12 juin 2014.

 

La déclaration d'opposition

[9]        Comme je l'ai mentionné précédemment, la déclaration d'opposition a été modifiée plusieurs fois; la dernière déclaration d'opposition modifiée est datée du 5 juin 2013. Elle a été produite à un stade avancé de la procédure, c'est-à-dire après que les parties ont présenté leur plaidoyer écrit. En général, tout comme en l'espèce, les déclarations d'opposition invoquent ce qu'on peut décrire, bien que vaguement, comme 1) des « motifs techniques », qui se rapportent à la question de savoir si la demande est conforme aux exigences de l'art. 30 de la Loi sur les marques de commerce quant à son contenu, et 2) des « motifs de fond », qui se rapportent à la question de savoir si la marque visée par la demande crée de la confusion avec les marques de l'opposant. En l'espèce, dans la dernière déclaration d'opposition modifiée, les motifs de fond ont été abandonnés. 

 

Allégations

[10]      L'opposante allègue qu'elle est propriétaire des marques nominales et noms commerciaux déposés MARCHÉ et MARCHÉLINO, de même que des dessins-marques déposés reproduits ci-dessous, employés en liaison avec l'exploitation de restaurants :

RESTAURANT MOVENPICK MARCHÉ & DESIGN RISTORANTE MARCHÉLINO MOVENPICK & DESIGN RESTAURANT MARCHÉLINO & DESIGN

L'opposante désigne collectivement les marques susmentionnées comme ses [traduction] « marques de commerce MARCHÉ », et j'en ferai autant.

 

[11]      Je souligne que les logos susmentionnés ont été radiés du registre des marques de commerce en septembre 2012, en mai 2012 et en octobre 2013 (de gauche à droite, respectivement), en raison du défaut d'emploi. Je souligne également que la marque nominale MARCHÉLINO de l'opposante a été radiée pour la même raison en août 2013. 

 

 Motifs d'opposition

Article 30a) – les services sont-ils énoncés dans les termes ordinaires du commerce?

[12]      Selon le premier motif d'opposition, la demande en cause ne renferme pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des services spécifiques en liaison avec lesquels la marque RICHTREE MARKET RESTAURANTS & Tree Dessin visée par la demande a été employée.

 

Article 30b) - la marque a-t-elle été effectivement employée depuis la date revendiquée dans la demande?

[13]      Selon le deuxième motif, i) la requérante a admis, du fait de sa demande d'autorisation de modifier sa demande du 8 février 2012 (voir le para. 4 ci-dessus), qu'elle n'a pas, en réalité, employé la marque depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande et ii) la marque visée par la demande n'a en fait jamais été employée au Canada.

 

Article 30e) - la demande ne renferme pas une déclaration portant que la requérante a l'intention d'employer la marque visée par la demande

[14]      Selon le troisième motif, la demande en cause aurait en fait dû être fondée sur l'emploi projeté au Canada plutôt que sur l'emploi antérieur au Canada. À mon avis, le troisième motif n'est pas plaidé correctement, parce que i) l'art. 30e) s'applique seulement aux demandes fondées sur un emploi projeté et ii) ce motif est de toute manière superflu parce que, tel qu'il est invoqué, il ne s'agit pas d'un motif d'opposition indépendant, mais est accueilli ou rejeté avec le deuxième volet du deuxième motif (voir le para. 13 ci-dessus). Le troisième motif d'opposition est par conséquent rejeté.

 

Article 30i)  – la requérante était-elle convaincue d'avoir droit d'employer la marque visée par la demande au Canada?

[15]      Le dernier motif d'opposition présente deux volets :

i) violation des obligations contractuelles

            L'opposante allègue qu'il était illégitime et inapproprié que la requérante originale déclare qu'elle avait droit d'employer la marque RICHTREE MARKET RESTAURANTS & Tree Dessin visée par la demande. À cet égard, l'opposante allègue que la requérante originale, en tant qu'ancienne licenciée de l'opposante, était assujettie à des clauses restrictives qui empêchaient la requérante d'employer [traduction] « l'une ou l'autre des marques de commerce MARCHÉ de manière à donner à croire qu'elle a la propriété des Marques. . . ou . . . [de] tenter de les faire enregistrer ou [de] tenter de diminuer la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce MARCHÉ ». L'opposante allègue que la requérante originale ne pouvait pas avoir produit la demande de bonne foi, compte tenu des obligations contractuelles de la requérante originale envers l'opposante.

 

ii) dépréciation de l'achalandage

[16]      L'opposante allègue que la requérante originale ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la marque visée par la demande, parce que cet emploi aurait vraisemblablement pour effet de diminuer la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce MARCHÉ de l'opposante.

 

[17]      J'examinerai les trois motifs d'opposition restants dans l'ordre dans lequel ils sont invoqués. Cependant, j'examinerai d'abord la preuve au dossier, le fardeau de preuve initial qui incombe à l'opposante et le fardeau ultime de la requérante.

 

La preuve de l'opposante

Afzal Hamid

Témoignage par affidavit

[18]      M. Hamid atteste qu'il est un employé de Marché Restaurants Canada Ltd. (« Marché Restaurants »). Marché Restaurants est une licenciée de l'opposante, qui est elle-même une filiale en propriété exclusive du groupe de sociétés Movenpick. M. Hamid a le pouvoir financier et opérationnel sur plus de 50 employés à trois points de vente au détail de Toronto qui sont exploités sous la marque MARCHÉ. 

 

[19]      De 1999 à 2005, M. Hamid était employé par la prédécesseure de la requérante actuelle, c'est-à-dire la requérante originale, qui était à cette époque une licenciée de l'opposante Movenpick.

 

[20]      L'opposante est une chaîne internationale de restaurants et d'hôtels établie en Suisse qui emploie environ 13 600 personnes dans le monde entier. Au Canada, l'opposante exploite des [traduction] « entreprises de services liés à la restauration, à concept alimentaire, y compris la vente de produits alimentaires, de produits de boulangerie, de boissons connexes et de biens de consommation » sous ses marques de commerce MARCHÉ. L'opposante détient des enregistrements pour ses marques de commerce MARCHÉ dans le monde entier (lieux énumérés dans la Pièce A jointe à l'affidavit de M. Hamid).

 

[21]      L'opposante a commencé à exploiter un restaurant au Canada, à Toronto, en 1992. En 2004, dix restaurants MARCHÉ étaient exploités au Canada, notamment à Montréal et à Ottawa. L'investissement total pour [traduction] « élaborer les concepts et les aménagements a dépassé les 6,0 millions de dollars . . . » Les ventes des services de l'opposante au Canada se sont élevées en moyenne à 49,5 millions de dollars par année pour la période de sept ans s'étendant de 1998 à 2004, dont un montant aussi élevé que 64,3 millions de dollars en l'an 2000 et un montant aussi peu élevé que 31,1 millions de dollars en 1998.

 

[22]      M. Hamid témoigne du caractère distinctif acquis des marques de commerce MARCHÉ de l'opposante au paragraphe 17 de son affidavit, reproduit ci-dessous :

[traduction]
D'après l'examen des registres d'entreprise de Movenpick, les marques de commerce et les services MARCHÉ sont reconnus au Canada en lien avec une expérience alimentaire unique et agréable. Les marques et les produits MARCHÉ et les services MARCHÉ connexes sont bien reconnus. Des résultats concrets de la valeur et de la reconnaissance de la marque sur le marché comprennent la désignation du restaurant MARCHÉ de Toronto comme « Best Restaurant » (Meilleur restaurant) pour l'année 2003 par les lecteurs du magazine « Now Magazine » dans le neuvième sondage annuel « Best of Toronto » (Le meilleur de Toronto) de la publication. De plus, le magazine « WHERE » de Toronto a décerné son prix « Best International Restaurant » (Meilleur restaurant international) au restaurant MARCHÉ de Movenpick situé à Toronto.

 

[23]      Les marques de commerce MARCHÉ de l'opposante sont employées dans l'affichage à ses points de vente au détail et sur son site Web.

 

[24]      M. Hamid déclare que la requérante et l'opposante, par l'entremise de leurs prédécesseurs, ont conclu un contrat de franchisage et un contrat de licence (Pièces C et D, respectivement) en décembre 1996. Les modalités pertinentes de chaque contrat sont présentées au para. 22 de l'affidavit de M. Hamid et sont reproduites ci-dessous :

 

[traduction]
a.       Le franchiseur principal/licencié ne doit pas employer les Marques de manière à donner à croire qu'il a la propriété des Marques. Le franchiseur principal/licencié ne doit pas, directement ou indirectement, mettre en doute ou contester la validité ou l'applicabilité des Marques, tenter de les faire enregistrer ou tenter de diminuer la valeur de l'achalandage attaché aux Marques, ni pendant la durée du présent contrat ni en tout temps après la résiliation du contrat.

 

b.       À l'expiration du contrat, le franchiseur principal/licencié doit changer sa dénomination sociale pour une autre dénomination qui ne comprend aucune des Marques et qui n'est semblable à aucune des Marques au point de créer de la confusion.

 

c.       Toutes les conditions auxquelles une partie est assujettie qui, expressément ou par leur nature, subsistent suivant l'expiration ou la résiliation de ces contrats, ou qui doivent être remplies ou respectées par une partie suivant la résiliation ou l'expiration de ces contrats, demeureront en vigueur suivant une telle résiliation ou expiration au profit de l'autre partie.

 

[25]      En septembre 2004, la requérante originale, « l'ancienne Richtree », a sollicité un nouveau contrat de licence en vue d'employer les marques de commerce MARCHÉ; cependant, les négociations ont échoué, et aucun contrat n'a été conclu par les parties. Au cours des négociations, l'ancienne Richtree a écrit ce qui suit à l'opposante, le 2 septembre 2004 (tiré de la Pièce E) :

 

Notre deuxième possibilité, en supposant que nous n'étions pas en mesure de négocier un nouveau contrat de licence, était d'exercer nos activités de façon indépendante de Movenpick – c.-à-d. sans licence pour l'emploi de vos marques de commerce, comme nous l'avons fait dans le passé –, mais de payer néanmoins des frais pour l'emploi du mot « Marché » sous licence dans un nouveau logo propre à Richtree. Nous sommes d'avis que ceci renforce sensiblement vos droits par rapport à tous les autres aux termes de vos enregistrements existants. Si nous nous joignions aux autres qui emploient le mot « Marché » dans l'industrie des services de restaurant et d'alimentation, nous nous distinguerions parce que nous exercerions légitimement nos activités en vertu d'un contrat et nous payerions pour avoir ce droit. Serait-il possible que vous soyez prêt à poursuivre la discussion de cette possibilité avec nous?

(soulignement ajouté)

 

[26]      À mon avis, ce qui semble être une proposition d'affaires raisonnable de l'ancienne Richtree ne porte en rien préjudice à la demande en cause.

 

Témoignage en contre-interrogatoire

[27]      Il ressort clairement de la transcription du contre-interrogatoire de M. Hamid qu'il était mal informé à propos d'une grande partie de son témoignage par affidavit, de même que peu coopératif dans l'ensemble. Je suis généralement en accord avec l'évaluation qu'a faite la requérante du contre-interrogatoire de M. Hamid présentée, en partie, aux paragraphes 109 à 111 du plaidoyer écrit de l'opposante :

 

109.   Au moment où il a souscrit son affidavit, M. Hamid était employé par l'Opposante à titre de contrôleur pour le Canada . . . L'affidavit de M. Hamid a été substitué à celui de M. Staub. . . [qui] . . . n'était pas disponible pour être contre-interrogé . . . 

 

110.   Il est respectueusement soutenu que M. Hamid n'était pas la meilleure source de la preuve présentée dans son affidavit et qu'aucun poids ne devrait être donné à son affidavit.

 

111.   M. Hamid était employé par l'Opposante depuis moins de cinq (5) mois avant de souscrire son affidavit. Il apparaissait clairement au cours du contre-interrogatoire de M. Hamid qu'il n'avait pratiquement aucune connaissance personnelle des déclarations contenues dans son affidavit. L'affidavit était celui de M. Staub et non celui de M. Hamid, et les faits étaient demeurés essentiellement inchangés. M. Hamid n'avait aucune connaissance des faits et ne pouvait pas attester la véracité de bon nombre des déclarations présentées dans son affidavit. De plus, il était souvent vague, ambigu et évasif lorsqu'il répondait aux questions pendant son contre-interrogatoire.

 

[28]      Compte tenu de ce qui précède, je n’ai accordé que peu de poids au témoignage par affidavit de M. Hamid, à l'exception des parties qui reposent clairement sur les registres maintenus par l'opposante dans le cours ordinaire des affaires.

 

[29]      Je suis également en accord avec les observations de l'opposante selon lesquelles i) [traduction] « bon nombre des déclarations présentées dans l'affidavit de M. Hamid ne sont pas pertinentes à cette opposition » et que ii) M. Hamid fait erreur en déclarant qu'un prédécesseur en titre liait la requérante actuelle aux modalités des contrats de franchisage et de licence susmentionnés; voir le témoignage de M. Williams, résumé aux paragraphes 40 à 43 ci-dessous.

 

Michael Mulvey

[30]      M. Mulvey atteste qu'il est professeur adjoint de marketing à l'École de gestion Telfer de l'Université d'Ottawa. En août 2008, à la demande de l'opposante, il a conçu et réalisé une enquête auprès des gens qui fréquentent les restaurants de Toronto et d'Ottawa en vue d'obtenir de l'information sur [traduction] « la notoriété et l'impression qui subsiste de la marque de commerce MARCHÉ au Canada ».

 

[31]      M. Mulvey a mené une enquête en ligne auprès de plus de 6 400 personnes qui fréquentent les restaurants dans la région du Grand Toronto et la région de la capitale nationale. Le rapport complet de l'enquête est joint comme Pièce B à son affidavit. Ses conclusions, énoncées au paragraphe 8 de son affidavit, reprennent ses principales constatations et conclusions présentées à la page 2 de la Pièce B :

 

[traduction]
La marque de commerce MARCHÉ est distinctive, elle a acquis un caractère distinctif et un deuxième sens dans l'esprit du public pertinent. La marque de commerce MARCHÉ est perçue comme l'offre d'une expérience de restauration unique, une expérience que peu de concurrents arrivent à égaler dans l'industrie. Des impressions exactes de la marque de commerce MARCHÉ subsistent dans l'esprit du public consommateur. Ces résultats témoignent de la force de la marque de commerce MARCHÉ et sont particulièrement impressionnants compte tenu du fait que les franchises canadiennes des restaurants MARCHÉ ont été fermées en 2005. Le vaste échantillon de catégories d'utilisateurs et d'utilisateurs de la marque de même que les résultats convergents des deux études viennent appuyer et assurer cette conclusion.

 

[32]      La requérante soutient que les conclusions de M. Mulvey, qui reposent sur son enquête ne sont pas pertinentes, fiables ou valables; voir les paragraphes 48 à 108 du plaidoyer écrit de l'opposante. D'après mon propre examen de la Pièce B, j'estime que les objections de la requérante sont fondées. L'enquête semble comporter des lacunes à plusieurs égards. À ce sujet, la Dre Ruth Corbin offre, dans son affidavit produit à titre d'élément de preuve de la requérante, une analyse critique de l'enquête de M. Mulvey. La Dre Corbin explique la raison pour laquelle i) l'échantillonnage de l'enquête de M. Mulvey était non aléatoire, ii) les questions posées aux répondants étaient ambiguës et iii) les questions posées aux répondants étaient suggestives ou trompeuses, susceptibles dans les deux cas d'augmenter les chances d'une réponse en faveur de l'opposante. 

 

[33]      La Dre Corbin explique aussi, aux paragraphes 45 et 46 de son affidavit, la raison pour laquelle l'enquête de M. Mulvey ne mesurait pas ce qu'elle était censée mesurer :

[traduction]
45.     Le mandat énonçait que l'enquête devait se rapporter aux caractéristiques perçues de la marque MARCHÉ (en elle-même), et M. Mulvey a tiré des conclusions selon lesquelles les gens parlaient de son client. Cependant, les questions de l'enquête visaient en réalité à connaître les réactions des gens au nom complet MOVENPICK MARCHÉ. Il est donc tautologique, inévitable que quiconque se souvenait des restaurants MOVENPICK MARCHÉ aurait quelque chose de précis à dire sur eux. Les réponses données à la question ne sont pas du tout compatibles avec le mandat. Le fait que les réactions au mot MARCHÉ ont été évaluées uniquement en lien avec le nom MOVENPICK laisse planer un manque de partialité pour l'ensemble complet des données et rend impossible de prévoir les perceptions de la marque MARCHÉ en elle-même ou combinée à d'autres mots.

 

46.     Il convient de reconnaître que la Partie 1 de l'enquête a présenté le mot MARCHÉ employé seul, dans un logo, en vue de poser quelques questions fermées. Le logo présenté était en réalité le logo MOVENPICK MARCHÉ, duquel le nom MOVENPICK avait été retiré. Il s'agissait donc d'un logo fictif, et non d'un logo dans lequel MARCHÉ a été vu par le public. Les réponses données aux questions de l'enquête ne peuvent servir à déduire ce que les gens penseraient du mot « marché » employé dans d'autres contextes ou accompagné d'autres mots; les réponses ne sont pas pertinentes au mandat.

 

[34]      La question de savoir si l'enquête de M. Mulvey remplissait le mandat qui lui avait été confié a aussi été abordée au début de son contre-interrogatoire, aux pages 2 et 3, reproduites ci-dessous :

[traduction]
7        Q.        D'accord. Et vous n'avez pas soumis le mot « marché » en lui-même, n'est-ce pas?

 

          R.         Le logo présenté dans la Partie 1 est Restaurant Marché, donc ce serait un examen de « Marché » sans le nom Movenpick. Celui présenté à droite comporterait le nom Movenpick.

 

8        Q.        Certainement, mais il s'agit néanmoins d'un logo, comme vous l'avez appelé, un logo présenté dans la Partie 1 de l'enquête?

 

          R.         Oui, j'ai présenté - - -

 

9        Q.        Parce que le logo Marché & Dessin n'est pas- - -

 

          R.         Oui, j'ai employé le « dessin » parce que c'est la façon dont les gens le rencontrent sur le marché.

 

10      Q.        Très bien. Et donc vous n'avez pas soumis le mot « Marché » en lui-même, n'est-ce pas?

         

          R.         Non, c'est exact.

 

[35]      Compte tenu de ce qui précède, j'ai de la difficulté à reconnaître que M. Mulvey a mené une enquête ayant un fondement statistique qui peut être admise comme preuve pertinente.

 

[36]      En rétrospective, il est évident que l'affidavit de M. Mulvey a été produit à l'appui des motifs de fond alléguant la confusion entre la marque visée par la demande et les marques MARCHÉ de l'opposante. Cependant, lorsque la déclaration d'opposition a été modifiée pour retirer les motifs de fond, la preuve de M. Mulvey est devenue, en tout état de cause, moins pertinente.

 

Ahmad Abou-Nassif

[37]      M. Abou-Nassif atteste qu'il est stagiaire en droit, employé par la firme qui représente l'opposante. Son affidavit a pour but de présenter les pièces suivantes en preuve :

 

La Pièce A est une copie certifiée du dossier de la demande d'enregistrement no 1,240,090 relative à la marque de commerce en cause.

 

La Pièce B consiste en des copies certifiées des enregistrements des marques de commerce de l'opposante mentionnées au paragraphe 10 ci-dessus. Je souligne que les copies certifiées sont datées entre le 5 décembre et le 8 décembre 2008, c'est-à-dire avant que quatre des marques aient été radiées (voir le para. 11 ci-dessus).

 

La Pièce C est un extrait d'imprimés du site Web de l'actuelle requérante daté d'avril 2008.

 

La Pièce D consiste en des copies d'extraits tirés d'un document intitulé « Office de la propriété intellectuelle du Canada – Manuel des marchandises et des services ». Le Manuel offre une orientation aux requérants quant aux marchandises et aux services qui sont acceptables pour l'OPIC. 

 

La Pièce E est un rapport sur le profil de l'entreprise. Elle semble confirmer la preuve de M. Williams, produite au nom de la requérante, concernant la fusion de sociétés mentionnée au paragraphe 43 ci-dessous.

 

Lisa Nicole Rausch

[38]      Mme Rausch atteste qu'elle est une [traduction] « adjointe » employée par la firme qui représente l'opposante. Son affidavit a pour but de présenter une pièce unique en preuve, à savoir une copie d'une lettre de mise en demeure, datée du 27 avril 2010, que l'avocat de la nouvelle Richtree a transmise à l'avocat de l'opposante. La lettre demande à ce que l'opposante cesse d'employer la marque NATURAL BAKERY qui, selon la requérante, crée de la confusion avec sa marque THE NATURAL BAKER. J'estime que la preuve de Mme Rausch n'a aucune valeur probante.

 

La preuve de la requérante

Matthew Williams

[39]      M. Williams atteste qu'il est le président et directeur général de Natural Market Restaurants Corp., la société mère de l'actuelle requérante, la nouvelle Richtree, une filiale en propriété exclusive. Avant le 17 mai 2005, M. Williams a occupé divers postes, dont celui de directeur de l'exploitation, pour le compte de la requérante originale, l'ancienne Richtree.

 

[40]      En 2004, compte tenu de difficultés financières, l'ancienne Richtree est devenue insolvable et a demandé la protection en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Une ordonnance de la Cour datée du 18 octobre 2004 a déclenché le processus d'insolvabilité aux termes de la LACC. PriceWaterhouseCoopers a été nommée à titre de séquestre intérimaire.

 

[41]      Le 17 mai 2005, la Cour a approuvé la vente des actifs de l'ancienne Richtree, de PriceWaterhouseCoopers à la société à numéro 1659382 Ontario Inc. L'approbation et l'ordonnance tenant lieu de cession précisaient que la société 1659382 Ontario Inc. avait obtenu les actifs de l'ancienne Richtree libres de tout droit et de toute réclamation (à quelques exceptions près qui sont non pertinentes à la présente procédure d'opposition).

 

[42]      Conformément à l'ordonnance du 17 mai, PriceWaterhouseCoopers a assigné les demandes d'enregistrement des marques de commerce qui sont en cause dans la présente procédure d'opposition (et d'autres marques) à 1659382 Ontario Inc.

 

[43]      Le 17 mai 2005, Richtree Market Restaurants Inc. et 1659382 Ontario Inc. ont fusionné pour former la société 1660145 Ontario Inc., exploitée sous la raison sociale de Richtree Market Restaurants Inc. (« la nouvelle Richtree »).

 

[44]      M. Williams affirme également que l'ancienne Richtree a exploité un restaurant MARCHÉLINO à Ottawa, mais non un restaurant MARCHÉ à Ottawa (ce qui contredit le témoignage de M. Hamid).

 

[45]      Avant le 15 juin 2004, l'ancienne Richtree a exploité des restaurants MARCHÉ et MARCHÉLINO au Canada aux termes d'un contrat de licence et d'un contrat de franchisage conclu avec l'opposante, Movenpick. Ces contrats ont été résiliés aux termes d'un accord de règlement, daté du 15 juin 2004, conclu entre l'ancienne Richtree et l'opposante.

 

[46]      M. Williams aborde ensuite l'emploi par la nouvelle Richtree des marques visées par les demandes et la publicité reliée aux marques. Cependant, ces détails ne sont pas nécessaires pour trancher l'une ou l'autre des autres questions soulevées dans la déclaration d'opposition.

 

Contre-interrogatoire

[47]      L'opposante soutient, à juste titre, que lors du contre-interrogatoire, M. Williams n'a pas été en mesure de répondre avec précision aux questions se rapportant à la date de premier emploi de la marque visée par la demande :

à la page 38 de la transcription du contre-interrogatoire

[traduction]
150                Q.   Donc du jour au lendemain, lorsque vous êtes passé de l'ancienne Richtree à la nouvelle Richtree, lorsque vous avez pris possession du restaurant, vous avez employé exactement les mêmes marques de commerce, par exemple?

         

          R.   Je pense qu'il y a eu une période de - - il y a eu une période de changement. Les choses ne se sont pas passées  - - les choses ne se sont jamais passées du jour au lendemain. On ne s'est jamais attendu à ce que les choses se passent du jour au lendemain, à mon sens. Nous avons certainement travaillé avant que l'ancienne Richtree cesse d'exister et nous avons continué à travailler après l'émergence de la nouvelle Richtree. Et le processus de modification de la stratégie de marque était -- s'est déroulé pendant une certaine période.

 

[48]      Si j'ai bien compris, la [traduction] « période de changement » qu'a mentionnée M. Williams a débuté avant le 18 octobre 2004, soit la date à laquelle l'ancienne Richtree est devenue insolvable. À cet égard, il semble que l'ancienne Richtree prévoyait exercer ses activités sans employer les marques de l'opposante dès le 2 septembre 2004; voir le paragraphe 25 ci-dessus. La documentation relative à la date de premier emploi de la marque RICHTREE MARKET RESTAURANTS & Tree Dessin visée par la demande, fournie au moyen des réponses données aux questions prises en délibéré, indique que l'ancienne Richtree se préparait à un emploi imminent des marques visées par les demandes en novembre 2004; voir les paragraphes 58 à 63 ci-dessous pour un examen approfondi.

 

Ruth Corbin

[49]      J'ai examiné les aspects de la preuve de la Dre Corbin aux paragraphes 32 et 33 ci-dessus. J'estime qu'il serait inutile d'examiner plus en détail sa preuve.

 

Lynda Palmer

[50]      Mme Palmer atteste qu'elle est recherchiste en marques de commerce. Son affidavit a pour but de présenter en preuve deux recherches effectuées dans le Registre des marques de commerce, l'une pour les marques formées de l'élément MARKET (marché) et l'autre pour les marques formées de l'élément MARCHÉ, employées en liaison avec des restaurants, des épiceries, des supermarchés, des services d'alimentation et des produits alimentaires. Les résultats de ses recherches sont joints comme pièces à son affidavit. En m'appuyant sur mon examen des pièces, je conclus que de telles marques sont couramment adoptées et sont fréquemment employées sur le marché.

 

Bernard Schober

[51]      M. Schober atteste qu'il est un enquêteur privé. Sa preuve confirme que de nombreux restaurants, épiceries et dépanneurs intégrant le terme « Marché » à leur nom sont exploités à Montréal. 

 

James Meadway

[52]      M. Meadway atteste qu'il est enquêteur. Sa preuve confirme que de nombreux restaurants, épiceries et dépanneurs intégrant le terme « Market » (Marché) à leur nom sont exploités en Ontario. 

 

Fardeaux de preuve

[53]      Comme je l'ai mentionné précédemment, avant d'examiner les motifs d'opposition, j'examinerai i) le fardeau de preuve initial imposé à l'opposante au soutien des allégations figurant dans la déclaration d'opposition et ii) le fardeau ultime imposé à la requérante pour établir sa preuve. 

 

 [54]     En ce qui a trait au point i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l'opposante doit s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations formulées dans la déclaration d'opposition; voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293, p. 298 (CF 1re inst.). La présence d'un fardeau de preuve imposé à l'opposante à l'égard d'une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ladite question. Quant au point ii) susmentionné, c'est à la requérante qu'incombe le fardeau de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce invoquées par l'opposante dans la déclaration d'opposition (concernant les allégations pour lesquelles l'opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe à la requérante signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la requérante.

 

Examen des motifs d'opposition restants

[55]      À l'audience, l'avocat de l'opposante a choisi d'aborder uniquement les motifs d'opposition fondés sur l'art. 30b) et le premier volet du motif fondé sur l'art. 30i), tandis que l'avocat de la requérante a abordé tous les motifs fondés sur l'art. 30. Il est généralement admis que la date pertinente pour l'examen de la conformité à l'art. 30 est la date de production de la demande, en l'espèce le 14 décembre 2004; voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 CPR (3d) 469, p. 475 (COMC).

Article 30a) – les services sont-ils énoncés dans les termes ordinaires du commerce?

[56]      Il semble que l'opposante s'opposait aux services [traduction] « de franchisage et de formation et séminaires » inclus dans la demande initiale produite, mais qui ont, par la suite, été retirés. Cependant, l'opposante n'a pas modifié sa déclaration d'opposition pour témoigner des changements apportés à la demande.

 

[57]      Aucune preuve au dossier ne laisse entrevoir que les services visés par la demande, à savoir les [traduction] « services de restaurant, de traiteur et de mets à emporter », ne sont pas énoncés dans les termes ordinaires du commerce. Le premier motif est donc rejeté du fait que l'opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve relativement à l'allégation soulevée.

 

Article 30b) - la marque a-t-elle été effectivement employée depuis la date revendiquée dans la demande?

[58]      Le motif d'opposition fondé sur l'art. 30b) est énoncé au paragraphe 6(b) de la déclaration d'opposition, reproduit ci-dessous :

[traduction]
La Demande n'est pas conforme aux exigences de l'Article 30b), parce que la marque en cause n'avait pas été employée au Canada en liaison avec les services visés par la Demande avant la date de production de la Demande. Par conséquent, la Demande est fondée à tort sur l'emploi au Canada.

 

Par voie d'une demande signifiée et produite le 8 février 2012 de modifier la date de premier emploi de la marque en cause par une nouvelle date de premier emploi qui est postérieure à la date de production de la Demande, la Requérante a admis qu'elle n'a pas employé la marque en cause avant la date de production de la Demande.

 

[59]      L'opposante soutient que la demande en cause, telle qu'elle a, au départ, été produite, revendique la date de premier emploi du 1er décembre 2004, mais que la requérante a par la suite demandé l'autorisation de modifier cette date pour « janvier 2005 ». Après examen du dossier, je souligne que, si la requérante a effectivement présenté une telle demande le 8 février 2012, la requérante a retiré sa demande le lendemain. Aucune preuve au dossier ne laisse croire que la date de premier emploi revendiquée est incorrecte.

 

[60]      Les observations de la requérante relativement à cette question sont présentées, en partie, au paragraphe 139 de son plaidoyer écrit :

[traduction]
Mise à part la lettre de l'Opposante datée du 8 février 2012 [c.-à-d., la lettre de la Requérante demandant l'autorisation de modification, invoquée comme preuve par l'Opposante], l'Opposante n'a produit aucune preuve à l'appui de cette allégation. Contrairement à l'avis de l'Opposante, la lettre du 8 février 2012 ne constituait aucunement un aveu. De plus, la lettre ne renferme aucun fait à propos de l'emploi de la Marque de commerce par la Requérante.

 

Je suis en accord avec les observations susmentionnées de la requérante. Ni la lettre du 8 février ni celle du 9 février (retrait de la demande) ne renferment de faits à propos de l'emploi de la marque en cause par la requérante.

 

[61]      Je reconnais que le fardeau de preuve qui incombe à l'opposante à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'art. 30b) est relativement peu exigeant, parce que l'opposante a moins accès que la requérante à l'information relative à la date de premier emploi de la marque de la requérante. Je suis également conscient que, même si un opposant n'est pas en mesure de présenter une preuve concernant la date de premier emploi, l'opposant n'est pas tenu de s'appuyer uniquement sur une preuve « clairement incompatible » produite par le requérant; voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c. Bacardi & Company Ltd., 2014 CF 323, paragraphes 30 à 38 (CanLII).

 

[62]      À l'audience et dans son plaidoyer écrit, l'avocat de l'opposante a soutenu de manière convaincante qu'il n'y a aucune preuve claire et sans équivoque établissant la date de premier emploi de la marque visée par la demande du 1er décembre 2004, ni dans l'affidavit de M. Williams ou dans son contre-interrogatoire, ni dans les documents produits en réponse aux questions prises en délibéré. Je suis en accord avec cette conclusion de l'opposante : il n'y a aucune preuve claire et sans équivoque établissant la date de premier emploi du 1er décembre 2004. Cependant, il m'apparaît que le témoignage de M. Williams, de même que les divers documents fournis en réponse aux questions prises en délibéré, indiquent qu'il est plus probable que la marque visée par la demande a en réalité été employée le 1er décembre 2004 ou auparavant. À cet égard, je me suis appuyé sur l'approche adoptée dans Corporativo de Marcas GJB, précité, selon laquelle tout élément de preuve pertinent au dossier doit être évalué, compte tenu de :

[traduction]
sa provenance (y compris sa qualité et sa fiabilité), l'absence de preuve qu'il faudrait raisonnablement s'attendre à observer et la question de savoir si l'élément de preuve a été mis à l'épreuve en contre-interrogatoire et si tel est le cas, comment il a réussi cette épreuve.  De nombreux facteurs variés guident l'évaluation des éléments de preuve.

 

[63]      En l'espèce, je n'ai aucune raison de douter de la qualité ou de la fiabilité de la preuve de M. Williams; on s'attend raisonnablement à l'absence de preuve plus précise, compte tenu i) de la transition complexe de l'exploitation de l'ancienne Richtree à l'exploitation de la nouvelle Richtree et ii) du temps qui s'est écoulé entre le 1er décembre 2004 et le 22 novembre 2011, c'est-à-dire entre la date de premier emploi revendiquée de la marque visée par la demande et la date du contre-interrogatoire de M. Williams. 

 

[64]      Le deuxième motif d'opposition est, par conséquent, rejeté.

 

Article 30i)  – la requérante était-elle convaincue d'avoir droit d'employer la marque visée par la demande au Canada?

[65]      L'article 30i) exige que le requérant inclue dans sa demande une déclaration portant qu'il est convaincu d'avoir droit d'employer la marque visée par la demande au Canada.

 

[66]      L'article 30i) n'est pas un « article fourre-tout », mais peut servir à invoquer un motif d'opposition si, par exemple, on allègue une fraude ou la mauvaise foi du requérant ou si des dispositions législatives fédérales précises empêchent l'enregistrement de la marque; voir par exemple Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155 et Société canadienne des postes c. le Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221.

 

i) violation des obligations contractuelles

[67]      L'opposante allègue que, à la date pertinente du 14 décembre 2004, la requérante originale était de mauvaise foi, en raison de ses obligations contractuelles envers l'opposante. Évidemment, la date pertinente du 14 décembre 2004 est antérieure à la date à laquelle la nouvelle Richtree est devenue titulaire de la demande en cause, soit le 17 mai 2005. En conséquence, la question de savoir si la nouvelle Richtree a contracté les obligations de l'ancienne Richtree (j'estime que ce n'est pas le cas) n'est pas pertinente. L'allégation de l'opposante s'appuie sur les dispositions des contrats de franchisage et de licence mentionnés au para. 24 ci-dessus, et en particulier sur le paragraphe 5.13 du contrat de franchise maîtresse (joint comme Pièce C à l'affidavit de M. Hamid), reproduit ci-dessous :

[traduction]
Aucun intérêt permanent à l'égard des Marques - Ni le présent contrat ni l'exploitation des Restaurants ne donnera ou ne sera réputé donner de quelque façon que ce soit au Franchiseur principal ou M. Reichert un intérêt quelconque à l'égard des Marques, à l'exception du droit d'employer les Marques conformément aux modalités du présent contrat, du contrat de licence, du contrat relatif aux produits de consommation et de tout autre contrat de licence conclu par les parties. Ni le Franchiseur principal ni M. Reichert ne doivent employer les Marques de manière à donner à croire qu'il a la propriété des Marques. Le Franchiseur principal ou M. Reichert ne doit pas, directement ou indirectement, mettre en doute ou contester la validité ou l'applicabilité des Marques, tenter de les faire enregistrer (sans le consentement préalable écrit de Movel Holdings) ou tenter de diminuer la valeur de l'achalandage attaché aux Marques, ni pendant la durée du présent contrat ni en tout temps après sa résiliation. L'achalandage rattaché aux Marques profitera exclusivement à Movel Holdings.

 

[68]      À mon avis, l'argument selon lequel l'ancienne Richtree a contrevenu au contrat est sans fondement parce que :

i) rien ne prouve que l'ancienne Richtree a employé les marques de l'opposante. L'ancienne Richtree a employé des marques différentes, c'est-à-dire les marques qui font l'objet de ces procédures. Il n'est par ailleurs pas non plus évident que l'opposante allègue que les marques visées par la demande créent de la confusion avec les marques de l'opposante. Je reconnais que l'ancienne Richtree a employé la même « présentation » que l'opposante pour ses restaurants, mais ce fait ne suffit pas en lui-même à conclure qu'il y a eu violation du paragraphe 5.13; 

ii) l'ancienne Richtree ne conteste pas les droits de propriété de l'opposante à l'égard des marques de l'opposante, pas plus qu'elle ne tente de les faire enregistrer. L'ancienne Richtree tente de faire enregistrer des marques différentes, c'est-à-dire les marques qui font l'objet de ces procédures;
iii) la preuve est insuffisante pour soulever la question de savoir si la requérante a tenté [traduction] « de diminuer la valeur de l'achalandage » attaché aux marques de l'opposante (qui est une question différente de celle de savoir si la requérante a contrevenu à l'art. 22 de la Loi sur les marques de commerce, examinée aux paragraphes 70 à 72 ci-dessous).

 

[69]      Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la requérante s'est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucun fait à l'appui des allégations de l'opposante. Le premier volet du dernier motif est, par conséquent, rejeté.

 

ii) dépréciation de l'achalandage

[70]      Le deuxième volet du dernier motif d'opposition est fondé sur l'art. 22 de la Loi sur les marques de commerce, reproduit ci-dessous :

(1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.

 

 (2) Dans toute action concernant un emploi contraire au paragraphe (1), le tribunal peut refuser d'ordonner le recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, et permettre au défendeur de continuer à vendre toutes marchandises revêtues de cette marque de commerce qui étaient en sa possession ou sous son contrôle lorsque avis lui a été donné que le propriétaire de la marque de commerce déposée se plaignait de cet emploi.

(Je souligne.)

 

[71]      Si cette Commission permet aux opposants d'invoquer l'art. 22 comme motif d'opposition parallèlement à l'art. 30i), on peut se demander si la Commission a la compétence nécessaire pour entendre un tel motif; voir, par exemple, Euromed Restaurant Limited c. Trilogy Properties Corporation, 2012 COMC 19, para. 13 (CanLII). L'opposante a tenu pour acquis qu'elle a invoqué un motif d'opposition valable et a omis de donner des arguments juridiques à l'appui de sa position. Comme il incombe à l'opposante d'étayer le bien-fondé de chaque aspect de sa preuve, en l'absence d'observations de l'opposante concernant la question de la compétence, je ne suis pas en mesure de conclure que l'opposante a invoqué un motif d'opposition valable.

 

[72]      Même si l'opposante avait présenté des arguments convaincants sur la question de la compétence de la Commission, j'aurais néanmoins conclu que l'art. 22 ne s'applique pas en l'espèce. À cet égard, la requérante originale, l'ancienne Richtree, n'employait aucune des marques déposées de l'opposante. L'ancienne Richtree employait des marques différentes, même si l'une d'entre elles intégrait l'élément MARCHÉ. Évidemment, la seule marque déposée que l'opposante aurait pu invoquer est la marque MARCHÉ, comme l'enregistrement des autres marques déposées de l'opposante a été radié avant la date pertinente du 14 décembre 2004.

 

[73]      Compte tenu de ce qui précède, le deuxième volet du dernier motif est rejeté.

 

Conclusion

[74]      Comme chacun des motifs d'opposition a été rejeté, l'opposition est rejetée.

 

DEMANDE No 1,240,080 - RICHTREE RESTAURANT DU MARCHÉ & Tree Dessin 

[75]      La deuxième marque de commerce qui est visée par les demandes, reproduite ci-dessous,

RICHTREE RESTAURANT DU MARCHÉ & DESIGN

est l'équivalent français de la marque de commerce examinée ci-dessus.

 

[76]      Le dossier relié à la deuxième opposition s'apparente à celui de la première opposition, analysée ci-dessus. Plus précisément, les questions, les éléments de preuve, les dates pertinentes et les facteurs pris en compte dans la deuxième opposition sont en tous points analogues à ceux de la première opposition, à une exception près : la deuxième marque de commerce qui est visée par les demandes comporte l'élément MARCHÉ, tandis que dans la première demande, la marque de commerce renferme l'équivalent anglais MARKET.  Cependant, les facteurs qui ont été appliqués dans la première opposition s'appliquent également dans la deuxième opposition, et les mêmes conclusions en découlent. En conséquence, l'opposition produite à l'encontre de la deuxième demande est rejetée.

 

Décision

[77]      Compte tenu de ce qui précède, les oppositions produites à l'encontre des demandes nos 1,240,090 et 1,240,080 sont rejetées.

 

[78]      Les présentes décisions sont rendues dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

___________________

Myer Herzig, membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 


Traduction certifiée conforme
Marie-Pierre Hétu, trad.

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