Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT DEUX OPPOSITIONS

du Conseil canadien des ingénieurs aux

demandes no 749,990 et no 749,991 produites par Management

Engineers GmbH (anciennement Ingersoll Engineers GmbH)

en vue de lenregistrement des marques

ME MANAGEMENT ENGINEERS et dessin et

ME MANAGEMENT ENGINEERS INTERNATIONAL

CONSULTANTS et dessin

------------------------------------------------------------------------------

 

 

Le 21 mars 1994, la requérante, Management Engineers GmbH (anciennement Ingersoll Engineers GmbH), a produit la demande numéro 749,991 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ME MANAGEMENT ENGINEERS INTERNATIONAL CONSULTANTS et dessin, montrée ci-bas, fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la marque en République fédérale d'Allemagne, en liaison avec les services suivants :

 

 

 

 

 

 

 

services de conseil aux entreprises, à savoir des conseils et des avis aux entreprises, sous forme verbale ou écrite, en matière d’organisation, de gestion, de planification, de finance, de recherche et développement, de production, de publicité, de ventes, de gestion de l’information et du personnel; des services de consultation sur l’élaboration de projets, à savoir des conseils et des avis aux entreprises, sous forme verbale ou écrite, concernant la conceptualisation, la planification et le financement du matériel de production.

 

 


Dans sa demande, la requérante réclame une date de production prioritaire, soit le 29 novembre 1993, suivant l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce, fondée sur la production antérieure de sa marque de commerce correspondante en République fédérale d’Allemagne. La Section de l’examen du Bureau des marques de commerce a soulevé plusieurs objections à la demande en question. Cependant la requérante a écarté la dernière des objections en produisant une demande modifiée datée du 29 avril 1997. La requérante s’est désistée du droit à l'usage exclusif des mots MANAGEMENT, INTERNATIONAL et CONSULTANTS en dehors de la marque prise dans son ensemble. La demande en cause a été annoncée pour fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce, publié le 12 décembre 1997, et le Conseil canadien des ingénieurs s’est opposé à cette demande le 19 janvier 1998. Le 25 février 1998, le registraire a envoyé à la requérante une copie de la déclaration d’opposition. La requérante a répondu en produisant auprès du registraire et en signifiant à l’opposant une contre-déclaration niant de manière générale les motifs d’opposition. Au cours de la présente instance, la requérante a produit une autre demande modifiée, datée du 25 août 1999, dans laquelle elle se désiste du mot ENGINEERS en plus des autres mots faisant l’objet du désistement.

 


La déclaration d’opposition peut se résumer comme suit.  L’opposant plaide d’abord qu’il est le propriétaire de plusieurs marques officielles, dont les marques ENGINEER, PROFESSIONNAL ENGINEER, CONSULTING ENGINEER et ENGINEERING. Comme premier motif d’opposition, il allège que la demande n’est pas conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce parce que la requérante ne peut pas avoir été convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque compte tenu des marques officielles de l’opposant. L’opposant allègue également que (i) la marque faisant l’objet de la demande ne peut pas être employée comme marque de commerce, (ii) l’emploi de la marque par la requérante serait illicite en ce que la requérante n’est pas inscrite comme ingénieur professionnel au Canada, (iii) un emploi illicite de la marque ne constitue pas un emploi de la marque au sens de la Loi.

 

Comme deuxième motif d’opposition, l’opposant allègue que la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi. Il fait valoir à cet égard que la marque, prise dans son ensemble, donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse à l’égard des personnes qui offrent les services indiqués dans la demande en cause. L’opposant fait valoir également que puisque la requérante n’est pas inscrite comme ingénieur professionnel au Canada, elle ne peut pas offrir légalement des services d’ingénierie au Canada.

 

Comme troisième motif d’opposition, l’opposant allègue que la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas distinctive des services de la requérante, suivant l’alinéa 38(2)d) de la Loi, parce que la marque ne permet pas de distinguer ses services des marchandises ou services de toute autre personne qui offre des services similaires au Canada.

 


Comme quatrième motif d’opposition, l’opposant allègue que la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en raison des dispositions de l’alinéa 12(1)e) et du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi. L’opposant allègue à cet égard que la marque ressemble à un tel point à ses marques officielles qu’elle pourrait être confondue avec l’une ou plusieurs de celles-ci.

 

Comme cinquième motif d’opposition, l’opposant allègue que la marque faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en raison des dispositions des alinéas 12(1)e) et 9(1)d). L’opposant allègue à cet égard que le mot ENGINEERS est une marque protégée par l’opposant et par les pouvoirs législatifs des provinces et des territoires du Canada et que l’emploi du mot ENGINEERS indique au public que la requérante est autorisée ou habilitée par le gouvernement, ce qui n’est pas le cas.

 

Comme sixième motif d’opposition, l’opposant allègue que la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en raison des dispositions de l’alinéa 12(1)e) et de l’article 10 de la Loi. L’opposant allègue à cet égard que le mot ENGINEERS est maintenant reconnu comme désignant des services fournis par une classe de personnes particulières, à savoir des ingénieurs inscrits.

 

Comme septième motif d’opposition, fondé sur les dispositions de l’alinéa 12(1)b), l’opposant allègue que la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en ce qu’elle donne une description fausse et trompeuse « des conditions de leur production ou des personnes qui les produisent ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services... »

 


La preuve de l’opposant est constituée des affidavits de Pierre Robichauld, Daniel Levert, et Jill Roberts (2 affidavits). La preuve de la requérante est constituée de copies certifiées de divers enregistrements canadiens de marques de commerce ainsi que des affidavits de Jocelyne Boissonneault et Christopher Graham. Comme contre-preuve, l’opposant a produit les affidavits de Mark J. Tokarik et Wendy Ryan-Bacon. Mmes Boissonneault et Bacon ont été contre-interrogées sur leur affidavit et les transcriptions de ces contre-interrogatoires font partie intégrante de la présente preuve.

 

L’affidavit de M. Robichaud sert à introduire en preuve les certificats d’authenticité pour les marques officielles de l’opposant. L’affidavit de M. Levert sert à introduire en preuve la correspondance des associations provinciales et territoriales membres de l’opposant, indiquant que la requérante n’est pas inscrite pour pratiquer la profession d’ingénieur. On n’a soulevé aucune objection pour ouï-dire concernant le contenu de la correspondance annexée à l’affidavit de M. Levert.  L’affidavit de Mme Robert sert à introduire en preuve des renseignements concernant la réglementation et la pratique de la profession d’ingénieur par les associations provinciales et territoriales membres de l’opposant et divers documents au sujet des termes « ingénierie » ou « organisation de la gestion ». La preuve de Mme Boissonneault se rapporte à la question de savoir si certaines marques de commerce déposées, comprenant la composante ENGINEERS, sont véritablement employées. L’affidavit de M. Graham sert à introduire en preuve la législation provinciale et territoriale régissant la profession d’ingénieur.

 


En ce qui concerne le premier motif d’opposition, la simple publication des marques officielles de l’opposant n’empêche pas la requérante de déclarer qu’elle est convaincue d’avoir le droit d’employer la marque en cause.  De plus, l’article 30 de la Loi ne prévoit pas un motif d’opposition fondé sur l’allégation que la marque demandée ne peut pas être employée comme marque : voir Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co. 21 C.P.R. (4th) 397, p. 404 (COMC). En outre, l’article 30 de la Loi, comme l’alinéa 9(1)d), ne semble pas transposer les prohibitions à l’égard de l’usage des appellations professionnelles contenues dans la législation provinciale et territoriale : voir les commentaires de la Cour dans Lubrication Engineers, Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs, 41 C.P.R.(3d) 243, p. 244 (C.A.F.). Par conséquent, tous les aspects du premier motif d’opposition fondé sur l’article 30 de la Loi sont rejetés.

 

 Les deuxième et septième motifs d’opposition sont fondés sur l’alinéa 12(1)b) et je vais les traiter ensemble. Notre commission a récemment adopté la date de production de la demande comme étant la date pertinente pour l’examen des questions soulevées en raison de l’alinéa 12(1)b) de la Loi. À cet égard, voir la décision Zorti Investments Inc. c. Party City Corporation relativement à la demande numéro 766,534, rendue par cette Commission le 12 janvier 2004 et non encore publiée :      

On a longtemps estimé que la date pertinente pour l'examen des circonstances relatives à cette question était la date à laquelle la demande avait été produite.  Après l'arrêt Lubrication Engineers, Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 C.P.R. (3d) 243 (C.A.F.), on a considéré que la date pertinente était en fait la date de la décision.  Toutefois, compte tenu de la décision récente Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (no de greffe T‑463‑02, 4 septembre 2003) fondée sur l'arrêt Lightning Fastener Co. v. Canadian Goodrich Co. [1932] R.C.S. 189, de la Cour suprême du Canada, il appert que la date pertinente pour l'examen des motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 12(1)b) est, et a toujours été, la date du dépôt de la demande.

 


Dans la décision Fiesta Barbeques, précitée, la Cour a infirmé une décision de notre Commission qui avait conclu que la marque GRILL GEAR donnait une description claire des marchandises  comprises dans la demande. La Commission a pris la date de la décision comme date pertinente pour l’application de l’alinéa 12(1)b).

 

Dans la présente affaire, l’avocat de l’opposant s’oppose à la date de la production comme date pertinente en raison du fait que la preuve qu’il présente est en grande partie postérieure à mars 1994, date de la production de la demande par la requérante. L’avocat de l’opposant soutient que dans la décision Fiesta Barbeques, précitée, la Cour a conclu, au paragraphe [26] que « . . . le registraire a ignoré l'arrêt Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932] 1 D.L.R. 297, [1932] R.C.S. 189 ... selon lequel la date applicable [pour ce qui concerne l’alinéa 12(1)b)] est la date de la production de la demande ».  L’avocat de l’opposant a fait observer que dans Fiesta Barbeques, précitée, la Cour paraît avoir fondé sa conclusion que le registraire avait commis une erreur sur les postulats énoncés aux paragraphes [11] et [12] des motifs de la Cour, à savoir (i) les remarques faites dans l’arrêt Lubrication Engineers, précité, concernant la date pertinente était des remarques incidentes, (ii) les remarques concernant la date pertinente dans un autre arrêt de la Cour d’appel fédérale, soit Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., 37 C.P.R. (3d) 413, étaient aussi des remarques incidentes, et (iii) il n’y avait aucune distinction pertinente entre l’ancienne législation existant en 1931 lorsque l’arrêt Lightning Fastener, précité, a été rendu et la nouvelle législation existant en 1991 lorsque l’arrêt Park Avenue a été rendu.

 


Les observations faites par l’avocat de l’opposant sont les suivantes : (i) les remarques concernant la date pertinente dans Lubrication Engineers et Park Avenue, précités, ne sont pas des remarques incidentes, (ii) les remarques dans Lightning Fastener, précité, concernant la date pertinente sont des remarques incidentes, et de toute manière,  (iii) l’ancienne Loi des marques de commerce et dessins de fabrique, S.R., ch.71, art.1, ne comporte pas de disposition comparable à l’alinéa 12(1)b) de la nouvelle Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. L’avocat de l’opposant a également fait valoir que l’article 18 de la Loi sur les marques de commerce indique que l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide si la marque n’était pas enregistrable à la date d’enregistrement, et non à la date antérieure de la production de la demande.

 

Même si j’estime que les observations de l’avocat de l’opposant sont bien fondées, je ne peux affirmer catégoriquement que la Commission dans la décision Zorti Investments, précitée, avait clairement tort de conclure que la date de la production de la demande est la date pertinente selon l’alinéa 12(1)b). Suivant le principe de la courtoisie, je vais également adopter la date de la production de la demande comme date pertinente.

 


 Les questions soulevées sous le régime de l’alinéa 12(1)b) doivent être examinées du point de vue de l’utilisateur moyen des marchandises. La marque de commerce faisant l’objet de la demande ne doit pas être analysée avec soin et décomposée en ses éléments constitutifs, mais plutôt considérée dans son ensemble et en fonction de la première impression : voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), p. 27-28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.).

 

Diverses questions indépendantes sont soulevées par l’opposant dans le cadre des deuxième et septième motifs, à savoir :

1)         la marque donne-t-elle une description claire (i) des personnes qui offrent les services de la requérante ou (ii) des conditions de la production des services, ou (iii) du lieu d’origine des services, et

2)         la marque donne-t-elle une description fausse et trompeuse (i) des personnes qui offrent les services de la requérante (ii) des conditions de la production des services, ou (iii) du lieu d’origine des services.

 


Puisqu’il n’y a aucune preuve appuyant les allégations 1)(ii) ou (iii), ou 2)(ii) ou (iii), susmentionnées, je ne tiendrai pas compte de celles-ci dans la présente instance. Les questions déterminantes, appuyées par la preuve, consistent à savoir si la marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse des personnes qui offrent les services de la requérante.  À cet égard, l’opposant a démontré qu’un ingénieur en organisation est une personne exerçant la profession d’ingénieur et que l’« organisation de la gestion », aussi appelée « organisation industrielle », est une branche reconnue de l’ingénierie. La preuve de l’opposant démontre également qu’on exige parfois que les ingénieurs en organisation fournissent les services indiqués dans la demande en cause. Je suis donc d’accord avec l’opposant pour dire que l’acheteur potentiel des services de la requérante penserait immédiatement aux faits suivants, en lisant l’expression MANAGEMENT ENGINEERS INTERNATIONAL CONSULTANTS : a) la requérante est une firme de consultation en ingénierie spécialisée en organisation de la gestion, b) la requérante emploie des ingénieurs professionnels spécialisés en organisation de la gestion et en consultation, et c) la requérante offre ses services à l’échelle internationale. Comme je l’ai mentionné précédemment, chacun des mots « management », « engineering », « international » et « consultants » ont fait l’objet d’un désistement dans la demande de marque en cause, suivant l’article 35 de la Loi. Ainsi, la requérante a effectivement admis que les mots dont elle s’est désistée donnent chacun une description claire.

 

À mon avis, l’expression MANAGEMENT ENGINEERS INTERNATIONAL CONSULTANTS donne également une description claire. Cependant, ceci ne répond pas à la question de savoir si la marque prise dans son ensemble, ce qui inclut l’élément graphique ME, donne une description claire. Le juge Dubé a examiné des circonstances analogues dans la décision Lake Ontario Cement Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 31 C.P.R.(2d) 103. Dans cette affaire, la requérante a tenté d’enregistrer la marque, montrée ci-dessous, pour emploi en liaison avec du sable, du gravier, du béton et d’autres matériaux du même genre.

 

 

 

 


La requérante s’est désistée du mot PREMIER. Le registraire a refusé d’enregistrer la marque parce qu’elle donnait soit une description claire (élogieuse), soit une description fausse et trompeuse. En infirmant la décision du registraire, la Cour a dit ce qui suit, à la p. 109 :

La revue des affaires précitées me fait croire quun désistement permettrait lenregistrement dune marque de commerce contenant des choses non enregistrables, pourvu que, exception faite des lettres ou mots non enregistrables, il reste un trait distinctif ou une image rendant la marque dans son ensemble distinctive des autres marques et aussi, pourvu que les lettres ou mots ne soient pas enregistrables parce quelles constituent une description claire ou non distinctive.

Il est facile de se représenter la marque de commerce de lappelante sans le mot « PREMIER » : il reste un grand « P » majuscule à lintérieur dun parallélogramme.  Elle serait certainement enregistrable si le mot « PREMIER » qui laccompagne nétait pas enregistrable...

            (Je souligne.)                    

 

À mon avis, l’élément graphique ME, placé au début de la marque, distingue suffisamment la marque demandée des autres marques. Par conséquent, je conclus que la marque demandée, prise dans son ensemble, ne donne pas une description claire.

 

Différents principes s’appliquent pour déterminer si la marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, comme l’explique le juge Dubé dans la décision Lake Ontario Cement, précitée, p. 109 :

Le registraire prétend, cependant, que le mot « PREMIER » nest pas enregistrable pour deux raisons : il constitue tant une description claire quune description fausse et trompeuse.  À mon avis, un désistement ne doit pas être utilisé à légard dune chose fausse et trompeuse de façon à rendre enregistrable la marque dans son ensemble, quand la chose enregistrable constitue le trait dominant de la marque composite.  Après tout, le désistement napparaît pas sur la marque et la tromperie demeure, visuellement écrasante.


(Je souligne.)

 

Les principes énoncés par le juge Dubé, ci-dessus, ont été appliqués dans de nombreuses décisions rendues par cette Commission et par la Cour dans la décision T. G. Bright c. Institut National Des Appellations, 9 C.P.R.(3d) 239. Dans cette dernière décision, la Cour a rejeté lappel dune décision de la Commission refusant la marque BRIGHTS FRENCH HOUSE en vue de son emploi en liaison avec des vins français ou des vins mélangés avec des vins français.  La Cour a dit ce qui suit aux pages 242 et 243 : 

L’appelante a prétendu également que son désistement à l’égard du mot « French » était très important dans la mesure où il pouvait rendre la marque de commerce enregistrable.  En vertu de l’article 34 [art. 35 actuellement], un requérant peut se désister du droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, de telle partie de la marque qui n’est pas indépendamment enregistrable.  Toutefois, il ne peut se désister ainsi à l’égard d’une marque de commerce qui constitue une description fausse et trompeuse de façon à rendre cette marque enregistrable dans son ensemble, alors que la partie non enregistrable est la caractéristique dominante de la marque de commerce composée : voir Lake Ontario Cement Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1976).

           . . . . .                                 

Le point qui a vraiment soulevé son opposition, et qu’il a maintenu pendant toute la procédure, était le fait que les vins français étaient mélangés avec d’autres vins.  Le problème ne portait que sur la question du frelatage et du message transmis au grand public à qui lon ferait ainsi croire que les vins de lappelante étaient des vins français dorigine. Selon lui, il s’agit là de la caractéristique qui fait de la marque de commerce BRIGHTS FRENCH HOUSE une description fausse et trompeuse des vins à l’égard desquels elle est utilisée au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.  L’avocat a reconnu en toute franchise que si lappelante avait voulu enregistrer la marque de commerce à légard de vins français importés, il naurait eu aucune objection.

(Je souligne)


 

À mon avis, la composante non distinctive de la marque, à savoir MANAGEMENT ENGINEERS INTERNATIONAL CONSULTANTS, domine la marque. Comme je l’ai mentionné précédemment, le message lancé au public est le suivant : la requérante est une firme d’ingénierie, spécialisée en consultation internationale, qui emploie des ingénieurs. La partie distinctive de la marque, à savoir l’élément graphique ME, n’influence pas, à mon avis, le message donné par l’expression non distinctive dominante. L’opposant a soumis des éléments de preuve qui démontrent que la requérante n’est pas inscrite pour pratiquer l’ingénierie au Canada (voir l’affidavit de M. Levert avec les pièces à l’appui et la transcription du contre-interrogatoire de Mme Bacon, p. 6, ligne 15, et p. 7, ligne 12), et la requérante n’a pas contredit la preuve de l’opposant à ce sujet. La requérante affirme plutôt que la preuve de l’opposant a peu de valeur probante parce que rien n’indique que la requérante s’est présentée comme ingénieur professionnel ou comme une association d’ingénieurs. Rien ne démontre également que la requérante offre des services d’ingénierie (voir le paragraphe 21 des observations écrites de la requérante).

 


Indépendamment de la façon dont la requérante se présente au public, à mon avis, la marque ME MANAGEMENT ENGINEERS INTERNATIONAL CONSULTANTS et dessin indique au public que la requérante fournit des services d’ingénierie. Pour reprendre les termes de l’opposant, [traduction] « la marque donnera vraisemblablement l’impression aux consommateurs que la requérante est une firme d’ingénierie et qu’elle emploie des ingénieurs qualifiés ». À mon avis, il importe peu que la requérante soit inscrite ou non, pour pratiquer l’ingénierie au Canada, à l’une des associations de l’opposant ou qu’elle bénéficie d’ententes bilatérales à cet égard. La question est de déterminer si la clientèle potentielle de la requérante s’attendra légitimement à ce que les services de la requérante soient fournis par des ingénieurs qualifiés. Une inscription formelle au Canada comme firme d’ingénierie accréditée établirait à tout le moins la preuve pima facie que les services de la requérante sont fournis par des ingénieurs qualifiés. Dans la présente affaire, l’opposant s’est acquitté de sa charge de présentation, à savoir de soulever la question de savoir si les services de la requérante sont fournis par des ingénieurs qualifiés, et l’opposant ne s’est pas acquitté de sa charge de démontrer que ses services sont fournis par des ingénieurs qualifiés. Par conséquent, je conclus que la marque, prise dans son ensemble, donne une description fausse et trompeuse des personnes qui offrent les services de la requérante. Le motif d’opposition de l’opposant visé en 2)(i) ci-dessus, suivant l’alinéa 12(1)b) de la Loi, est accueilli. Le dossier de l’opposant serait plus solide si la date pertinente de la détermination selon l’alinéa 12(1)b) était la date de ma décision.

 

Comme le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est accueilli, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition. Compte tenu de ce qui précède, la demande numéro 749,991 est rejetée.

 

La demande numéro 749,990 pour la marque ME MANAGMENT ENGINEERS et dessin, montré ci-dessous, a été produite au même moment que la demande numéro 749,991 et touche les mêmes services.


 

 

 

Les actes de procédure, la preuve, les questions et les considérations concernant la demande numéro 749,990 sont identiques à ceux de la demande numéro 749,991. Je crois que le message dominant lancé au public par la marque est que la requérante offre des services d’ingénierie par des ingénieurs qualifiés. Encore là, suivant la preuve prépondérante, les services de la requérante ne sont pas fournis par des ingénieurs qualifiés. Par conséquent, la marque ME MANAGEMENT ENGINEERS et dessin n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description fausse et trompeuse des personnes qui offrent les services de la requérante. Puisque j’ai accueilli le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition.

 

Vu ce qui précède, la demande numéro 749,990 est rejetée.

 

 

FAIT LE 2 FÉVRIER À GATINEAU (QUÉBEC)

 

 

Myer Herzig,

Agent d’audience,

Commission des oppositions des marques de commerce

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.