Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION PAR
La Société Canadian Tire Limitée à la demande d’enregistrement no 731,364 de la marque de commerce
AUTO PARTS PLUS déposée par Uni-Select Inc.
Le 18 juin 1993, la requérante, Uni-Select Inc., a déposé une demande d’enregistrement de la marque AUTO PARTS PLUS, fondée sur l’emploi de la marque au Canada (par la requérante et ses prédécesseurs en titre) depuis au moins avril 1988, en liaison avec les marchandises suivantes :
Batteries d'automobile, filtres pour automobiles, pistolets‑graisseurs, chargeurs de batterie, sommiers roulants, bornes de batterie, peinture pour carosserie, amortisseurs d'automobile, pièces de freins d'automobile, bougies d'allumage, pièces pour systèmes d'échappement d'automobile, bavettes garde‑boue, démarreurs et courroies pour ventilateurs automobile
et les services suivants :
Exploitation d'entreprises de vente au détail et en gros de pièces d'automobiles.
La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots AUTO et PARTS en dehors de la marque de commerce. La demande a été annoncée pour fin d’opposition dans le numéro du 27 avril 1994 du Journal des marques de commerce, et a fait l’objet d’une opposition par La Société Canadian Tire Limitée le 10 juin 1994. Une copie de la déclaration d’opposition a été envoyée à la requérante le 19 août 1994. Cette dernière a par la suite déposé et signifié une contre‑déclaration.
D’après le premier motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce visée par la demande. D’après le deuxième motif d’opposition, la demande va à l’encontre de l’alinéa 30b) car la marque n’a pas été employée au Canada depuis avril 1988, comme il est prétendu dans la demande. D’après le troisième motif d’opposition reposant sur l’alinéa 12(1)b), la marque AUTO PARTS PLUS n’est pas enregistrable parce que la marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises et des services de la requérante.
Je ferai tout d’abord observer que, conformément à l’alinéa 38(3)a) de la Loi, l’opposante est tenue d’exposer ses motifs d’opposition de façon suffisamment détaillée pour que la requérante puisse y répondre. Dans l’affaire qui nous occupe, l’opposante n’a fait valoir aucune allégation de fait à l’appui du premier et du quatrième motif d’opposition, ces motifs allant donc à l’encontre de l’alinéa 38(3)a). Toutefois, à la lecture de la déclaration d’opposition, je suis disposé à conclure que le premier et le quatrième motif d’opposition sont fondés sur les allégations de fait formulées en ce qui concerne le troisième motif, à savoir que la marque AUTO PARTS PLUS donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises et services de la requérante.
Ainsi, la déclaration d’opposition permet de dégager deux questions qu’il faut trancher : en premier lieu, la requérante a-t-elle employé sa marque de commerce AUTO PARTS PLUS depuis avril 1988, comme elle le prétend dans la demande? et, en deuxième lieu, la marque AUTO PARTS PLUS donne‑t‑elle une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises et services de la requérante?
La preuve de l’opposante est constituée de l’affidavit de Risa Schwartz, étudiant en droit au cabinet représentant l’opposante, et de l’affidavit de Robert Paquin, enquêteur privé. La preuve de la requérante est constituée des affidavits de Jean Guénette, vice‑président exécutif, Finances et Administration, de la société requérante, et de Régent Gaudreau, recherchiste au cabinet représentant la requérante.
Pour ce qui est de la première question à trancher, c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer qu’elle s’est conformée aux dispositions de l’alinéa 30b) de la Loi : voir Joseph Seagram & Sons v. Seagram Real Estate (1984), 3 C.P.R.(3d) 325, pp. 329-330 (COMC), John Labatt Ltd. v. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R.(3d) 293 (SPICF). L’opposante a toutefois une charge de présentation relativement à ses allégations de fait. Cette charge est relativement légère en ce qui concerne la question de la non‑conformité à l’alinéa 30b) de la Loi : voir Tune Masters v. Mr. P's Mastertune (1986), 10 C.P.R.(3d) 84 à 89 (COMC). En outre, l’alinéa 30b) prévoit qu’il doit y avoir eu un emploi continu de la marque dans le cours normal du commerce depuis la date revendiquée : voir Labatt Brewing Company Limited v. Benson & Hedges (Canada) Limited and Molson Breweries, a Partnership (1996), 67 C.P.R.(3d) 258 à 262 (SPICF). Enfin, l’opposante peut s’acquitter de la charge de présentation qui lui incombe en faisant mention de la preuve de la requérante : voir Labatt Brewing Company Limited v. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R.(3d) 216 à 230 (SPICF).
L’affidavit Schwartz, déposé pour le compte de l’opposante, sert à présenter en preuve des pages tirées de divers répertoires téléphoniques et commerciaux datant de 1986 à 1995. Bien que soient répertoriées dans les pages en question des entreprises offrant des pièces d’automobile et des services connexes, la marque AUTO PARTS PLUS n’apparaît dans aucune des publications retenues par l’opposante. La preuve de M. Paquin, également déposée pour le compte de l’opposante, inclut des photographies de l’extérieur des bureaux de la requérante qui se trouvent à Boucherville, au Québec. Cette preuve démontre que la requérante fait connaître son entreprise sous l’appellation Unit-Select plutôt que AUTO PARTS PLUS. C’est sur cette preuve que l’opposante fonde son allégation selon laquelle la requérante n’a pas employé sa marque depuis avril 1988, comme elle l’affirme dans sa demande. Cependant, comme l’a fait valoir la requérante lors de l’audience, la preuve de l’opposante ne porte que sur l’emploi de la marque utilisée en liaison avec des services, et non en liaison avec des marchandises : à cet égard, voir l’article 4 de la Loi.
La preuve de M. Guénette, déposée pour le compte de la requérante, peut être résumée comme suit : la requérante est un vendeur en gros et au détail de pièces d’automobiles et a son siège social à Boucherville, au Québec. La requérante et ses prédécesseurs en titre ont mis au point une gamme de produits et de services vendus sous la marque AUTO PARTS PLUS depuis au moins avril 1988. La requérante a autorisé diverses personnes au Canada à vendre ses pièces d’automobiles et ses services sous la marque AUTO PARTS PLUS, et la requérante exerce un contrôle direct ou indirect sur la nature et la qualité des marchandises et des services vendus sous licence. Font partie de la pièce JG-1 de l’affidavit de M. Guénettte des photographies de divers locaux commerciaux où l’on peut voir très nettement sur des enseignes extérieures la marque AUTO PARTS PLUS (sous forme de marque composite). En 1994, les ventes de pièces et de services réalisées par la requérante sous sa marque se sont élevées à plus de 100 millions de dollars; le budget qu’a consacré la requérante à la promotion et à la publicité pour cette année a dépassé 400 000 $. Au mois d’octobre 1995, la requérante faisait affaire avec 292 licenciés. La preuve de M. Guénette n’a pas été contestée par contre‑interrogatoire, et aucune preuve déposée pour le compte de l’opposante n’est venue contredire la preuve de M. Guénette.
La requérante a aussi démontré qu’elle est propriétaire de quatre enregistrements de marques de commerce constituées en tout en partie des éléments AUTO, PARTS et PLUS, ainsi que de l’enregistrement de l’équivalent français de sa marque, à savoir AUTO PIECES PLUS. Cependant, ce fait ne confère pas automatiquement à la requérante le droit d’obtenir d’autres enregistrements, quelque étroite liaison qu’il puisse exister entre les marques de commerce : voir Groupe Lavo Inc. v. Proctor & Gamble Inc., 32 C.P.R. (3d) 533 à 538 (COMC).
L’opposante, à la page 6 de son plaidoyer écrit, prétend que l’emploi des marques composites actuellement utilisées par la requérante et ses licenciés ne constitue pas en soi une preuve d’emploi de la marque :
Je regrette de devoir dire que je ne suis pas d’accord avec l’opposante. À mon avis, l’emploi des marques composites évoqué ci‑dessus constitue en soi un emploi de la marque AUTO PARTS PLUS, du moins en liaison avec des services : voir Nightingale Interloc v. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R.(3d) 535 à 538 (COMC) sous le titre Principle 1. Bien qu’il y ait un certain bien‑fondé dans la prétention de l’opposante selon laquelle la preuve de la requérante concernant l’emploi de sa marque AUTO PARTS PLUS aurait dû être plus détaillée et informative, je suis néanmoins convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve satisfait à la charge ultime qu’avait la requérante de démontrer que sa marque a été employée en liaison avec des services, comme elle le prétendait dans sa demande. De plus, je conviens avec la requérante que l’opposante ne s’est pas acquittée de la charge de présentation qui lui incombait de démontrer l’allégation selon laquelle la marque n’a pas été employée en liaison avec des marchandises. En conséquence, le deuxième motif d’opposition est rejeté.
La dernière question qu’il reste à trancher est la question de savoir si la marque AUTO PARTS PLUS donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises et des services de la requérante. Cette question doit être appréciée d’après l’impression immédiate créée par la marque et du point de vue de la personne qui se sert tous les jours des marchandises et services considérant la marque dans son ensemble, et non pas sur une analyse approfondie de la marque en ses parties constituantes : voir Wool Bureau of Canada Ltd. v. Registrar of Trade-marks (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 à 27-28 (SPICF); Les Promotions Atlantiques Inc. v. Registrar of Trade‑marks (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 à 188 (SPICF). La date à retenir pour apprécier un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est la date de ma décision : voir Lubrication Engineers, Inc. c. le Conseil canadien des ingénieurs (1992) 41 C.P.R.(3d) 234 (CAF).
La requérante a la charge ultime de démontrer que sa marque ne donne pas de description claire ni de description fausse et trompeuse. Habituellement, l’opposante doit s’acquitter d’un fardeau de présentation, c’est‑à‑dire présenter une preuve suffisante qui, si elle était accueillie, appuierait son allégation selon laquelle la marque visée par la demande va à l’encontre des dispositions de l’alinéa 12(1)b). Cependant, l’opposante n’est pas nécessairement tenue de soumettre de preuve lorsque son argument juridique peut reposer entièrement sur le sens habituel de mots. Le fait que la requérante ait à s’acquitter d’un fardeau ultime signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive après que tous les éléments de preuve ont été soumis et après que les plaidoyers ont été entendus, la question doit alors être tranchée en faveur de l’opposante : voir Joseph E. Seagram & Sons v. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R.(3d) 325 à 329-330 (COMC); John Labatt Ltd. v. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R.(3d) 293 à 297-300 (SIPCF).
Pour étayer sa position selon laquelle la marque visée par la demande donne une description claire, l’opposante se fonde sur l’affidavit de Risa Schwartz dans lequel figurent (1) des définitions tirées du dictionnaire des mots « auto », « pièce », et « plus » et (2) des listes tirées de divers annuaires téléphoniques et commerciaux démontrant que l’expression AUTO PARTS est un élément commun de dénominations sociales adoptées par des fabricants, des distributeurs et des vendeurs de pièces d’automobile. L’opposante se fonde également sur plusieurs décisions, la plus pertinente étant à mon avis Beaver Lumber Co. v. Alpa Lumber Inc. (1991), 40 C.P.R. (3d) 551 (COMC). Dans cette affaire, M. Martin, membre de la Commission, a conclu que la marque LUMBER PLUS donnait une description claire des services d’exploitation d’un magasin de vente au détail de bois et de matériaux de construction. M. Martin a adopté le raisonnement suivant :
The Freedman affidavit introduces into evidence dictionary definitions for the word "plus." The most pertinent definition in the context of the applicant's mark is "with the addition of" or, more simply, "and." Another possibly relevant definition is "having a certain quality to an unusual degree" or, more simply, "enhanced."
In her affidavit, Ms. Freedman states that she visited a number of lumber and building supply stores in Toronto. The materials appended to her affidavit illustrate the range of products available at such stores. Such products comprised primarily lumber and related building supplies.
Given that the applicant's services are the operation of a retail outlet selling lumber and building supplies and given that consumers are familiar with that type of retail outlet, I consider that it is likely that consumers viewing the trade-mark LUMBER PLUS in connection with such an outlet would react to it as meaning "lumber and...." In other words, the trade-mark LUMBER PLUS used with a lumber and building supply store is an elliptical expression which signifies to the customer that the store carries lumber plus building supplies.
. . . . .
The applicant submitted that if PLUS is taken to mean "and", then it is unclear as to what specific services are covered in addition to lumber-related services. If the applicant's statement of services only covered the operation of a retail lumber store, then the applicant's submission might have been persuasive. However, as noted above, the applicant's services cover "the operation of a retail lumber and building supply store" (emphasis added) and the evidence establishes that consumers are familiar with that type of outlet. Thus, in the context of the applicant's particular services, the word PLUS in the trade-mark LUMBER PLUS does point to specific additional services, namely, a retail store that sells building supplies in addition to lumber.
The applicant relied on the opposition decision in Nabisco Brands Ltd. v. Perfection Foods Ltd. (1986), 12 C.P.R.(3d) 456 (F.C.T.D.); affg. (1985), 7 C.P.R.(3d) 468 (T.M.O.B.) wherein the Chairman of the Trade Marks Opposition Board found that the trade-mark MILK PLUS was not clearly descriptive of `inter alia' "flavoured milk beverages." However, no detailed reasons were given for that finding and it would appear that no evidence directed to that particular issue was filed. Furthermore, it must also be kept in mind that each case rests on its own facts. In this regard, it would appear that the word PLUS in the context of the trade-mark MILK PLUS is used in a somewhat laudatory fashion to suggest an enhanced or improved version of a "flavoured milk beverage" rather than a beverage containing milk plus other ingredients. In other words, the word PLUS in MILK PLUS does not clearly point to anything. This is in contrast to the word PLUS in the present case where the trade-mark LUMBER PLUS in association with the applied for services points to a retail store that sells lumber plus building supplies. Or, put more simply, MILK PLUS does not appear to be elliptical; LUMBER PLUS does.
(Soulignement ajouté)
En l’espèce, il n’y a qu’une maigre preuve concernant l’exploitation des points de vente au détail qui offrent les marchandises et les services de la requérante. Toutefois, de nombreuses photographies de la partie extérieure des commerces des licenciés de la requérante composent la pièce JG‑1 de l’affidavit de M. Guénette. Après examen de ces photographies, je suis prêt à conclure que la requérante, par l’intermédiaire de ses licenciés, propose la vente d’un genre de produit seulement, soit des pièces d’automobile. En conséquence, l’affaire qui nous occupe s’apparente davantage à l’affaire Nabisco Brands, évoquée ci‑dessus, qu’à l’affaire Beaver Lumber, évoquée ci‑dessus. À mon avis, le mot PLUS utilisé en relations avec la marque AUTO PARTS PLUS visée par la demande serait perçu dans un sens élogieux, c’est-à-dire que la marque, dans son ensemble, évoque une version améliorée ou supérieure de « pièces d’automobile » et du service de vente connexe. Évidemment, une marque peut être évocatrice sans donner une description claire. Je suis donc d’avis que la marque visée par la demande ne donne pas
de description claire des marchandises et services de la requérante, ni maintenant ni à aucune date pertinente.
Compte tenu de ce qui précède, l’opposition formulée par l’opposante est rejetée.
FAIT À HULL (QUÉBEC), CE JOUR 6ième DE FÉVRIER 1998.
Myer Herzig
Membre
Commission d’opposition des marques de commerce