Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
RELATIVEMENT AUX OPPOSITIONS deGiant Tiger Stores Limited aux demandes d’enregistrement nos 697 626 et 697 629 concernant des marques de commerce BARGAIN GIANT et BARGAIN GIANT et dessin produites par Hartco Enterprises Inc.
Le 24 janvier 1992, la requérante, Hartco Enterprises Inc., a produit les demandes d’enregistrement des marques de commerce BARGAIN GIANT et BARGAIN GIANT et dessin, dont la représentation apparaît ci‑dessous, fondées sur l’emploi projeté des marques de commerce au Canada en liaison avec des « services de grand magasin de vente au détail ». La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot BARGAIN en dehors de ses marques de commerce.
La marque de commerce BARGAIN GIANT (no de demande 697 626) a été annoncée pour fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 27 janvier 1993, tandis que la marque de commerce BARGAIN GIANT et dessin (no de demande 697 629) a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 10 mars 1993. Les deux demandes ont fait l’objet d’une opposition par Giant Tiger Stores Limited, qui a produit une déclaration d’opposition à la demande no 697 626 le 28 juin 1993, et à la demande no 697 629 le 26 juillet 1993. Une copie de la première déclaration d’opposition a été envoyée à la requérante le 14 septembre 1993, tandis qu’une copie de la seconde déclaration d’opposition a été envoyée à la requérante le 20 août 1993. Cette dernière a produit et signifié une contre‑déclaration pour chaque déclaration d’opposition dans laquelle elle niait les allégations formulées dans les deux déclarations d’opposition.
L’opposante a produit en preuve dans les deux oppositions les affidavits de Michael Godwin et d’Andrew A. Gross, tandis que la requérante a soumis en preuve les affidavits de Michael Hart, Monty Akerman, Bettina Dimpfl et Liliana Polcari. L’opposante a également soumis, en tant que contre‑preuve, un deuxième affidavit d’Andrew A. Gross daté du 16 août 1996. Ce dernier a été contre‑interrogé au sujet de ce deuxième affidavit, la transcription du contre‑interrogatoire ainsi que les réponses aux engagements donnés au cours du contre-interrogatoire formant une partie du dossier de l’opposition. En outre, Michael Hart et Monty Akerman ont été contre‑interrogés sur leurs affidavits, les transcriptions de ces contre‑interrogatoires ainsi que les réponses aux engagements donnés au cours des contre‑interrogatoires formant également une partie du dossier de l’opposition. Les deux parties ont aussi demandé la permission du registraire de produire d’autres éléments de preuve dans la présente affaire, conformément au paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce. La Commission des oppositions a toutefois rejeté ces deux demandes. Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient toutes deux représentées à l’audience.
Dans ses déclarations d’opposition, l’opposante prétend que les marques de commerce BARGAIN GIANT et BARGAIN GIANT et dessin de la requérante ne sont ni enregistrables ni distinctives, et que la requérante n’est pas la personne ayant droit à leur enregistrement, parce que les marques de commerce de cette dernière créent de la confusion avec ses marques de commerce enregistrées GIANT TIGER et TIGRE GEANT (nos d’enregistrement 185 709 et 193 925), marques employées antérieurement au Canada en liaison avec des services de grand magasin de vente au détail. L’opposante soutient en outre que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement des marques de commerce BARGAIN GIANT et BARGAIN GIANT et dessin, parce que les marques de cette dernière créent de la confusion avec son nom commercial GIANT TIGER STORES LIMITED.
Au départ, je ferai observer que la preuve de l’opposante démontre l’emploi antérieur et le non-abandon par celle‑ci de ses marques de commerce GIANT TIGER et TIGRE GEANT, bien que l’opposante ait soumis peu d’éléments de preuve concernant l’emploi de son nom commercial GIANT TIGER STORES LIMITED. Ainsi, même si l’opposante s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait pour ce qui est du motif concernant l’absence de caractère distinctif, ainsi que du fardeau qui lui incombait conformément aux paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi pour ce qui est des motifs concernant l’absence de droit eu égard à ses marques de commerce GIANT TIGER et TIGRE GEANT, elle ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait conformément aux paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi eu égard à son nom commercial. En conséquence, le motif fondé sur l’alinéa 16(3)c) concernant le nom commercial de l’opposante invoqué dans chaque opposition est rejeté. Ainsi, les autres motifs d’opposition de l’opposante dans les deux procédures ont trait à la question de la confusion entre les marques de commerce BARGAIN GIANT et BARGAIN GIANT et dessin de la requérante et les marques de commerce GIANT TIGER et TIGRE GEANT de l’opposante.
Pour déterminer s’il y aurait un risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris, mais sans s’y limiter, celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce. Le registraire doit également tenir compte du fait que le fardeau légal repose sur la requérante de démontrer qu’il n’y aurait aucun risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause aux dates pertinentes. À cet égard, la date pertinente pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et al, 37 C.P.R. (3d) 413 (CAF)], tandis que les dates pertinentes eu égard aux motifs concernant l’absence de droit et l’absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date de dépôt par la requérante [le 24 janvier 1992] et les dates d’opposition [le 28 juin 1993 (no de demande 697 626) et le 26 juillet 1993 (no de demande 697 629)].
En ce qui concerne tout d’abord le caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause [alinéa 6(5)a)], les marques de commerce GIANT TIGER et TIGRE GEANT de l’opposante possèdent un caractère distinctif inhérent en liaison avec ses services de grand magasin de vente au détail. Par contre, les marques de commerce BARGAIN GIANT et BARGAIN GIANT et dessin de la requérante ne possèdent qu’un caractère distinctif inhérent limité, en ce que le mot BARGAIN est descriptif en liaison avec des services de grand magasin de vente au détail de la requérante et que celle‑ci s’est désistée du droit à l’usage exclusif de ce terme en dehors de chacune de ses marques de commerce. À mon avis, on pourrait dire que ce désistement pourrait être considéré comme une admission, de la part de la requérante, que le mot BARGAIN n’est pas enregistrable indépendamment dans le cas de services de grand magasin de vente au détail et que, en conséquence, ce désistement peut constituer une admission que le terme donne soit une description claire de la nature des services de grand magasin de vente au détail, ou sinon que c’est un terme employé fréquemment dans le commerce [voir Andres Wines Ltd. c. Les Vins La Salle Inc., 3 C.P.R. (3d) 272, p. 275]. De plus, les deux marques de la requérante ont une certaine connotation élogieuse, car elles laissent entendre que la requérante est un chef de file dans le service d’aubaines qu’elle offre à ses clients.
En ce qui concerne la preuve au dossier, il est évident que la mesure dans laquelle les marques de commerce en cause sont devenues connues [alinéa 6(5)a)] ainsi que la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage [alinéa 6(5)b)] pèsent toutes deux considérablement en faveur de l’opposante, quelle que soit la date pertinente prise en considération. À cet égard, je suis convaincu que la preuve de l’opposante démontre clairement que celle‑ci a employé sa marque de commerce GIANT TIGER en liaison avec ses services en dehors de ses dessins‑marques représentant un tigre, qu’elle a également employées. En outre, d’après la preuve au dossier, je signalerai également qu’à la date de ma décision, les marques de la requérante ainsi que les marques de l’opposante étaient devenues bien connues – particulièrement dans l’Est du Canada – par rapport aux services respectifs des parties.
Pour ce qui est du genre des services [alinéa.6(5)c)] et la nature des commerces [alinéa 6(5)d)] des parties, ce sont les libellés des services de la requérante ainsi que les services visés par les enregistrements nos 185 709 et 193 925 qui doivent être examinés en vue d’évaluer le risque de confusion évoquée dans les motifs reposant sur l’alinéa 12(1)d) [voir M. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., 19 C.P.R.(3d) 3, pp. 10-11 (CAF); Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon, 12 C.P.R.(3d) 110, p. 112 (CAF); et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna, 58 C.P.R.(3d) 381, pp. 390-392 (CAF)]. Toutefois, ces libellés de services doivent être interprétés de façon à déterminer la nature probable de l’entreprise ou du commerce envisagé par les parties, plutôt que tous les commerces que pourrait englober le libellé de la demande. À cet égard, la preuve démontrant les commerces réels des parties est utile [voir McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd., 68 C.P.R.(3d) 168, p. 169 (CAF)].
En l’espèce, les services de grand magasin de vente au détail de la requérante ont une plus large portée que les services de grand magasin « d’escompte » au détail de l’opposante, et les libellés des services de la requérante n’excluent pas expressément les services de grand magasin « d’escompte » au détail. En conséquence, il existe une possibilité de recoupement entre les services des parties. De plus, lorsqu’il analyse la nature du commerce associé aux services des parties, le registraire doit examiner les canaux de distribution que le consommateur moyen associerait normalement aux services énoncés dans les demandes de la requérante et dans les enregistrements de l’opposante, ces services déterminant les monopoles respectifs revendiqués par les parties à l’égard de leurs marques de commerce respectives. Ainsi, la nature réelle du commerce de la requérante jusqu’à ce jour est d’une utilité limitée lorsqu’il s’agit de déterminer l’étendue du monopole qui doit être accordé à la requérante, advenant que ses marques de commerce soient enregistrées [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., 19 C.P.R. (3d) 3, p. 10-12 (CAF)]. En conséquence, en l’absence d’une restriction dans le libellé des services fourni avec les présentes demandes en ce qui concerne les canaux de distribution associés aux services de la requérante, le registraire ne peut tenir compte, dans son appréciation de la question de confusion, du fait que les magasins des parties peuvent différer quant à leur taille et leur aménagement, du fait que l’on voit sur les sacs de l’opposante le dessin d’un tigre qui les différencie des sacs publicitaires de la requérante, ni du fait que la requérante offre actuellement ses services par l’intermédiaire de points de vente au détail situés dans des marchés géographiques qui diffèrent des marchés des magasins GIANT TIGER et TIGRE GEANT de l’opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc., 2 C.P.R. (3d) 361, p. 372 (SPICF), 12 C.P.R. (3d) 110, p. 112 (CAF)]. En conséquence, j’estime qu’il pourrait y avoir un chevauchement entre les canaux de distribution associés aux services de grand magasin de vente au détail de la requérante et les services de grand magasin d’escompte au détail de l’opposante. En fait, la preuve au dossier révèle que les deux parties exploitent actuellement des points de vente au détail sous les marques de commerce en cause à Cornwall, en Ontario.
En ce qui a trait à l’alinéa 6(5)e) de la Loi sur les marques de commerce, je considère qu’il y a relativement peu de ressemblance dans la présentation ou le son des marques de commerce BARGAIN GIANT et BARGAIN GIANT et dessin de la requérante et la marque de commerce GIANT TIGER de l’opposante, lorsque les marques sont envisagées dans leur ensemble, d’après l’impression immédiate qu’elles donnent et le vague souvenir qu’on peut en avoir. En outre, j’estime qu’il n’y a aucune ressemblance dans la présentation ou le son entre les marques de la requérante et la marque TIGRE GEANT de l’opposante. L’opposante a fait valoir que les idées évoquées par les marques de commerce en cause sont semblables, en ce que les marques de l’opposante en liaison avec des « services de grand magasin d’escompte au détail » évoquent l’idée de services de vente à rabais ou d’aubaines. Bien que les services reliés aux marques de l’opposante puissent avoir une certaine pertinence dans la détermination du caractère distinctif inhérent des marques, je ne crois pas qu’ils limitent les idées évoquées par les marques de commerce elles‑mêmes lorsqu’il s’agit d’apprécier le degré de ressemblance entre les marques, conformément à l’alinéa 6(5)e) de la Loi. J’en conclus donc qu’il n’existe aucune ressemblance entre les marques de commerce des parties dans les idées qu’elles suggèrent, car les marques de l’opposante évoquent l’idée d’un tigre géant, tandis que les marques de la requérante évoquent l’idée d’un chef de file dans les services d’aubaine ou de vente à rabais qu’elle offre à ses clients.
En tant qu’autre circonstance de l’espèce relative à la question de confusion, les affidavits de Bettina Dimpfl et Liliana Polcari indiquent qu’il existe un certain nombre d’entreprises au Canada dont les noms commerciaux incluent le mot GIANT ou GÉANT. Bien que seule l’entreprise LE GÉANT DES AUBAINES PLUS citée dans les deux affidavits soit décrite comme offrant des services de grand magasin, les autres entreprises énumérées sont tout de même pertinentes, parce qu’elles viennent étayer l’argument selon lequel les consommateurs canadiens ont l’habitude de voir des entreprises sur le marché dont le nom comporte l’élément GIANT ou GÉANT, même si les services de ces entreprises diffèrent de ceux qui sont fournis par les parties. De plus, le fait que l’affidavit Godwin indique qu’il n’y a aucun enregistrement de tiers ni demande en suspens dans les dossiers du Bureau des marques de commerce concernant des marques de commerce composées du mot GIANT à l’égard de services de grand magasin de vente au détail n’établit pas en soi que la marque de commerce enregistrée GIANT TIGER de l’opposante devrait bénéficier d’une protection étendue.
En tant qu’autre circonstance de l’espèce relative à la question de confusion, la requérante a fait valoir qu’elle avait obtenu des enregistrements pour les marques de commerce GÉANT DES AUBAINES et GÉANT DES AUBAINES et dessin (nos d’enregistrement 414 844 et 414 845), visant des services de grand magasin de vente au détail. Toutefois, ces enregistrements ne confèrent pas automatiquement à la requérante le droit d’obtenir d’autres enregistrements, aussi étroitement liés fussent‑ils aux enregistrements originaux [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Menagers Coronet Inc., 4 C.P.R. (3d) 108, p. 115]. Aussi, le fait que l’opposante ne se soit pas opposée à l’enregistrement de ces marques de commerce ou qu’elle n’ait pas réclamé la radiation de ces enregistrements a peu d’importance dans la présente opposition. En outre, aux paragraphes 19 et 20 de son affidavit, Mme Dimpfl affirme avoir communiqué avec deux entreprises dénommées LE GÉANT DES AUBAINES et LE GÉANT DES AUBAINES PLUS, faisant affaires au Québec, et qui sont respectivement décrites comme un magasin de vêtements pour la famille et un genre de grand magasin. Aussi, pendant son contre‑interrogatoire, M. Hart a indiqué qu’il ne connaissait pas ces entreprises et qu’elles n’étaient pas associées à la requérante. Bien que l’existence de ces entreprises, parmi d’autres, ait une certaine importance – comme je l’ai indiqué ci‑dessus – en ce qui concerne l’étendue de la protection devant être accordée aux entreprises dont les noms incluent les mots GEANT ou GIANT, leur existence soulève également des questions quant à l’étendue de la protection devant être accordée aux marques de commerce enregistrées GÉANT DES AUBAINES et GÉANT DES AUBAINES et dessin de la requérante.
En tant qu’autre circonstance de l’espèce, l’opposante a affirmé que sa preuve et, en particulier, le paragraphe 14 du second affidavit Gross, démontre qu’il y a eu des cas de confusion réels entre les marques de commerce en cause à Cornwall, en Ontario. Toutefois, cette partie du paragraphe 14 est une preuve par ouï-dire, car les affirmations faites par M. Gross sont fondées sur des informations lui ayant été communiquées par le propriétaire du magasin GIANT TIGER de Cornwall, ainsi que par des employés du magasin. De plus, les affirmations de M. Gross ne peuvent être considérées comme une preuve par ouï‑dire admissible parce qu’elles ne satisfont pas au critère de la nécessité, aucune explication n’ayant été donnée quant à la raison pour laquelle les personnes associées au magasin GIANT TIGER de Cornwall ne pourraient avoir témoigné elles‑mêmes en temps opportun dans les présentes oppositions, au lieu que ces informations soient rapportées dans le second affidavit Gross.
Eu égard à ce qui précède, en particulier, en l’absence d’un degré mesurable de ressemblance entre les marques de commerce en cause lorsque celles‑ci sont envisagées dans leur ensemble, et compte tenu de l’adoption par des tiers de raisons sociales et de noms commerciaux comportant les éléments GIANT ou GÉANT, j’ai conclu que, malgré le fait que l’opposante ait démontré que ses marques avaient acquis une grande notoriété en particulier en Ontario et au Québec, la requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’y aurait aucun risque raisonnable de confusion entre ses marques de commerce BARGAIN GIANT et BARGAIN GIANT et dessin et les marques de commerce GIANT TIGER et TIGRE GEANT de l’opposante, aux dates pertinentes indiquées ci‑dessus. En conséquence, les motifs d’opposition de l’opposante sont rejetés.
Compte tenu de ce qui précède, et conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je rejette les oppositions de l’opposante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi sur les marques de commerce.
FAIT À HULL (QUÉBEC), CE JOUR DE 28e JUIN 1999.
G. W. Partington
Président de la Commission des
oppositions des marques de commerce