Contenu de la décision
PROCÉDURES EN VERTU DE L’ARTICLE 45
MARQUES DE COMMERCE : MCI — MANAGEMENT ET CONSEIL EN INFORMATIQUE et MCI et dessin
Nos D’ENREGISTREMENT : TMA 393,703 et TMA 386,593
Le 3 octobre 1996, à la demande de Gowling, Strathy & Henderson, le registraire a fait parvenir des avis prévus à l’article 45 à Michel Teman, lequel était le propriétaire inscrit des enregistrements des marques de commerce en objet. Bien que sous importance dans la presente procédure, le 2 novembre 1998, la société EMC (Benelux) B.V. a été inscrite comme propriétaire.
La marque de commerce MCI — MANAGEMENT ET CONSEIL EN INFORMATIQUE est enregistrée pour fin d’emploi en liaison avec les services suivants : Services informatiques, nommément le détachement du personnel spécialisé dans le domaine informatique.
La marque de commerce MCI et dessin (reproduite ci‑dessous) est enregistrée pour fin d’emploi en liaison avec : Services informatiques, nommément le recrutement et le détachement du personnel spécialisé dans le domaine informatique.
En réponse aux avis du registraire, les affidavits de Michel Teman, Eric Boutié et Claire Sénécal ont été fournis. Chaque partie a déposé un plaidoyer écrit. La tenue d’une audience n’a pas été demandée en l’espèce.
En ce qui concerne la preuve fournie, la partie requérante prétend que la preuve ne démontre pas l’emploi des marques de commerce au Canada en liaison avec les services pendant la période pertinente de trois ans. La partie requérante soutient qu’aucune preuve n’a été fournie qui démontre l’emploi des marques en question dans l’exécution des services. Elle ajoute que l’annonce des marques déposées ne constitue pas un emploi au Canada — au sens du paragraphe 4(2) — si aucun service n’est effectivement exécuté au Canada.
Ayant examiné la preuve, je ne puis convenir avec la partie requérante que l’emploi au Canada au sens du paragraphe 4(2) n’a pas été démontré.
Pour simplifier les choses, j’utiliserai les termes « la marque de commerce » lorsqu’il sera question des marques de commerce.
Dans son affidavit, M. Teman explique que chaque société, à savoir MCI S.A., MCI Inc. et MCI Canada, est titulaire d’une licence qui l’autorise à employer la marque de commerce et que le titulaire contrôle les caractéristiques et la qualité des services offerts par ces sociétés. Il précise que les sociétés sont parfois appelées « le Groupe MCI ».
Aux paragraphes 7 et 8 de son affidavit, il décrit les services offerts par les sociétés :
7. Créé en 1988, le Groupe MCI offre des services informatiques hautement spécialisés à ses clients à travers le monde, plus particulièrement dans les secteurs de l’industrie et de la distribution, des banques et des assurances, des télécommunications, de l’administration et des services et de l’énergie, de la défense, de l’espace et des transports.
8. Plus précisément, nos clients nous confient des missions informatiques, notamment dans le cadre de l’assistance technique, de l’intégration de systèmes, de l’infogérance et du conseil et à ces fins, le Groupe MCI recrute du personnel informatique hautement spécialisé pour fins de détachement auprès de ses clients dans le cadre des missions que lui sont ainsi confiées.
Le paragraphe 9 se lit comme suit :
9. Au 1er janvier 1996, le Groupe MCI employait plus de 250 personnes triées sur le volet, dont des réalisateurs et ingénieurs d’études, des analystes concepteurs, des consultants et experts technique et des chefs de projets et dont la plupart étaient affectées à des missions de détachement auprès des clients du Groupe MCI.
Au paragraphe 11, il affirme que la marque de commerce a été employée au Canada pendant la période de trois ans par le titulaire et par son prédécesseur en titre ainsi que par ses licenciées, et il décrit ensuite la façon dont la marque de commerce a été employée au Canada.
Il explique que pour répondre aux demandes de ses clients, le Groupe MCI doit recruter « du personnel hautement spécialisé en informatique de façon courante ». Il affirme qu’au Canada la marque de commerce est affichée bien en vue pendant le processus de recrutement, qui commence par « la publication d’annonces de recrutement dans de prestigieux quotidiens canadiens dont La Presse et Le Soleil ». La pièce Mt‑5 est constituée d’exemples de ce genre d’annonces fournis par M. Teman.
Il dit qu’en réponse à ces annonces, les candidats font parvenir leur curriculum vitae à une adresse à Montréal, au Canada, où se tiennent également les entrevues. Au paragraphe 15, il affirme que la société MCI S.A. publie aussi des annonces en France, « tant pour des postes en France qu’à l’étranger, y compris au Canada ». Il ajoute qu’une fois embauchés, les nouveaux employés sont détachés chez des clients du Groupe MCI.
Il poursuit en disant que « dans le cadre de leurs missions de détachement auprès des clients du Groupe MCI, les employés doivent remplir des feuilles de temps et des notes de frais kilométriques, le tout afin de permettre l’établissement de leurs payes et comptes de dépenses et de faciliter la facturation de leurs services aux clients du Groupe MCI ». Il fournit une copie d’une « feuille de temps et de notes de frais kilométriques », un spécimen d’une facture, et des spécimens de cartes d’affaires, d’en‑têtes et d’enveloppes qui sont couramment employées par les licenciées dans leurs communications avec leurs clients.
Au paragraphe 18, il précise que le Groupe MCI « a réalisé un chiffre d’affaires consolidé excédant les chiffres suivants au cours des dernières années, dont plus de 90% découle directement des activités de services informatiques soit plus précisément le recrutement et détachement de personnel spécialisé … dont plus de 5% a été réalisé au Canada ».
Les chiffres sont les suivants :
1991 49 000 000 F
1992 65 000 000 F
1993 83 000 000 F
1994 103 000 000 F
1995 130 000 000 F
1996 160 000 000 F
Au paragraphe 19, il indique que le chiffre d’affaires de MCI Inc. (une société canadienne) en ce qui concerne les activités de « recrutement et détachement de personnel hautement spécialisé » a été de 2 207 666,09 $ pour la période comprise entre mars et décembre 1996. Il ajoute que le Groupe MCI a engagé des sommes considérables pour annoncer les services au Canada et à l’étranger ainsi que dans des documents promotionnels.
Dans son affidavit, M. Boutié confirme que, depuis novembre 1994, sa compagnie « a vu à l’élaboration, la structure, la mise en page et la parution d’au moins 25 annonces pour le recrutement de personnel hautement spécialisé dans divers quotidiens prestigieux, dont La Presse et Le Soleil ».
M. Boutié fournit ensuite quatre exemples d’annonces publiées dans la section « Carrières et Professions » de « La Presse », trois d’entre elles étant des annonces placées au nom de MCI Inc. (la compagnie canadienne) et une au nom de Le Groupe MCI, les quatre indiquant l’adresse à Montréal.
Dans son affidavit, Claire Sénécal déclare être la « Responsable administrative » de la société MCI Inc. Elle indique que, dans le cadre de ses fonctions, elle reçoit « les curriculum vitae des candidats pour les postes offerts part MCI Inc. dans le cadre de ses activités de recrutement et de détachement de personnel hautement spécialisé, notamment dans le domaine informatique ». Pendant la période de six (6) mois ayant pris fin le 30 septembre 1996, Mme Sénécal affirme avoir reçu 230 curriculum vitae en réponse aux annonces placées dans plusieurs journaux canadiens par MCI Inc. Elle indique que, des 230 personnes qui ont soumis leur candidature, quatorze (14) ont été embauchées par MCI Inc. pour fin de détachement. Elle précise que, dans le cadre de ses fonctions, « elle voit à la préparation des payes de tous les employés de MCI Inc., y compris les trente‑deux (32) employés hautement spécialisés présentement détachés par MCI, soit le même nombre d’employés qu’en date du 2 octobre 1996, date de l’avis émis par le Registraire ».
La partie requérante soutient qu’aucune preuve n’a été soumise expliquant dans les termes ordinaires du commerce la nature de l’entreprise du titulaire et qu’aucune preuve n’a été soumise démontrant que les services ont été exécutés au Canada. Elle prétend que même s’il est manifeste que certaines annonces ont été publiées au Canada, on se demande toutefois qui sont les « clients » du titulaire et s’ils se trouvent au Canada, la chose étant loin d’être évidente. La partie requérante soutient en outre que la majeure partie de la preuve semble porter sur le recrutement de Canadiens pour des postes à l’extérieur du Canada (essentiellement en France); en conséquence, c’est à ces entreprises non canadiennes que le Groupe MCI semble fournir des services, s’il en fournit réellement.
Je ne puis adhérer à la prétention de la partie requérante. À mon sens, les affidavits fournis renferment suffisamment de faits pour me permettre de conclure que les marques de commerce ont été employées au Canada en liaison avec les services déposés.
La preuve établit que MCI Inc. (de Montréal) a publié des annonces en vue de recruter des employés spécialisés pendant la période pertinente en vue de les détacher dans le secteur de l’informatique (affidavit Sénécal, paragraphe 8). L’affidavit Sénécal indique en outre clairement que MCI Inc. avait en détachement 32 spécialistes à la date de l’avis du registraire.
En outre, l’affidavit Teman indique clairement que 90 p. 100 du « chiffre d’affaires » du Groupe MCI « découle directement de ses activités de services informatiques soit plus précisément le recrutement et le détachement de personnel spécialisé dans le cadre de missions de détachement auprès de ses clients », M. Teman précisant que 5 p. 100 de ce chiffre d’affaires « a été réalisé » au Canada.
En fait, il précise au paragraphe 19 qu’entre les mois de mars et décembre 1996, les revenus bruts de MCI Inc, dont les activités se limitent « au recrutement et au détachement de personnel hautement spécialisé », se sont élevés à 2 207 666,09 $.
D’après la preuve fournie, il est clair que la société licenciée MCI Inc. du titulaire exploite une entreprise au Canada qui recrute au Canada des spécialistes dans le domaine de l’informatique pour fin de détachement et qu’elle a effectivement recruté et détaché de tels spécialistes pour le compte de clients pendant la période pertinente.
À mon avis, on peut faire une analogie entre l’entreprise du titulaire et une « agence de placement temporaire ». Toutes deux recrutent « des employés » pour les détacher chez leurs clients. En l’espèce, la preuve démontre que la marque de commerce est employée au cours de l’exécution des services, étant donné que la marque apparaît dans les annonces de recrutement de spécialistes pour fin de détachement, qui sont les services exécutés au Canada pour le compte des clients.
J’estime que le Groupe MCI exécute les services de recrutement au Canada pour le compte de ses clients, car il passe des annonces de recruitement au Canada pour ses clients, fait passer des entrevues et recrute des candidats au Canada pour les détacher chez des clients. J’estime en outre que le Groupe MCI offre également ses services à des particuliers au Canada, étant donné qu’il offre des possibilités de recrutement et de détachement à des particuliers au Canada. Le fait que les clients du titulaire qui ont besoin de personnel spécialisé se trouvent au Canada ou non n’a aucune importance. Ce qui importe, c’est que le Groupe MCI exploite une entreprise au Canada, qu’il recrute du personnel au Canada pour fin de détachement chez des clients et qu’il offre des possibilités de recrutement ainsi que des services de détachement à des particuliers au Canada.
En conséquence, je conclus que l’emploi de la marque de commerce au Canada a été démontré en liaison avec les services, conformément aux exigences du paragraphe 4(2) et de l’article 45 de la Loi.
La requérante a invoqué un argument en ce qui concerne la marque de commerce déposée sous le no d’enregistrement 386,593, prétendant que la marque de commerce employée est très différente de la marque de commerce déposée. Je conviens que les pièces montrent une marque de commerce qui diffère de la marque de commerce qui a été déposée sous le no 386,593. Cependant, la question qui se pose est celle de savoir si la différence est considérable. En me fondant sur l’affaire Promafil Canada Ltée v. Munsingwear Inc., 44 C.P.R. (3d) 59, ainsi que sur l’affaire Alibi Roadhouse Inc. v. Grandma Lee’s International Holdings Ltd., 76 C.P.R. (3d) 326, et en appliquant le principe no 2 dans l’affaire Nightingale Interloc Ltd. v. Prodesign Ltd., 2 C.P.R. (3d) 535, je conclus qu’il s’agit d’un cas limite. En conséquence, compte tenu de l’esprit de l’article 45, j’ai décidé de maintenir l’enregistrement de la marque de commerce no 386,593, car j’estime que la différence n’est pas considérable au point de faire radier l’enregistrement. A mon avis, la marque de commerce demeure reconnaissable.
En conséquence, compte tenu de la preuve fournie, je conclus que les enregistrements nos TMA 393,703 et TMA 386,593 seront maintenus, conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi sur les marques de commerce.
FAIT À HULL (QUÉBEC), CE 28e JOUR DE Mai, 1999.
D. Savard
Agente d’audience principale
Article 45