Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION de North American Leisure Group Inc. à la demande no 847056 en vue de lenregistrement de la marque SUNQUEST au nom dETS Inc.

 

 

 

Le 5 juin 1997, ETS Inc. a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce SUNQUEST. La demande est fondée sur (1) l’emploi de la marque au Canada depuis au moins novembre 1991 en liaison avec les marchandises suivantes :

 

équipement de bronzage, nommément lits, cabines, verrières et bancs de bronzage à des fins résidentielles seulement,

 

ainsi que sur (2) l’emploi et l’enregistrement de la marque aux États‑Unis en liaison avec les marchandises susmentionnées de même que les marchandises additionnelles suivantes :

 

[traduction] cabines et enceintes de bronzage munies de lampes à rayons ultraviolets à des fins résidentielles seulement.

 

La restriction des marchandises « à des fins résidentielles seulement » a été ajoutée à la demande dans le cadre de la procédure d’opposition : voir la décision que la Commission a rendue le 6 février 2006, permettant à la requérante de modifier la demande.

 


Aux fins de toute opposition éventuelle, la demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 17 juin 1998. La North American Leisure Group a produit une déclaration d’opposition le 24 novembre 1998. Le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 27 novembre 1998. Cette dernière a répondu en produisant et en signifiant une contre-déclaration.

 

Déclaration dopposition

Selon le premier motif d’opposition invoqué, la demande d’enregistrement n’est pas conforme à l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce. Selon le deuxième motif, la marque de commerce SUNQUEST n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées de l’opposante, à savoir :

 

Marque de commerce/numéro d’enregistrement                     Marchandises/services

 

SUNQUEST VACATIONS

No d’enregistrement : 244580

 

Organisation et offre de forfaits de voyages.

 

SUNQUEST; THE QUALITY PACKAGE HOLIDAY PEOPLE

No d’enregistrement : 374202

 

Organisation et offre de services de transport aérien et de forfaits de voyages.

 

VACANCES SUNQUEST

No d’enregistrement : 496612

 

Services d’agence de voyages et de voyages forfaitaires, nommément organisation et offre de forfaits de voyages.

 

SUNQUEST

No d’enregistrement : 414100

 

Services d’agence de voyages et de voyages forfaitaires nommément, organisation et offre de forfaits de voyages

 

SUNQUEST

No d’enregistrement : 429162

 

Services de transport aérien.

 

SUNQUEST

No d’enregistrement : 429291

 

Tapis. Bagagerie et sacs tout-aller et mallettes d’affaires.

 


Le troisième motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi. Selon ce motif, la requérante n’est pas une personne ayant droit à l’enregistrement de la marque parce que, à la date à laquelle elle aurait été employée pour la première fois, la marque créait de la confusion avec les marques de commerce susmentionnées de l’opposante.

 

Enfin, selon le dernier motif d’opposition invoqué, celui fondé sur l’article 2 de la Loi, la marque visée par la demande ne permet pas de distinguer les marchandises de la requérante des services de l’opposante et n’est pas adaptée à les en distinguer compte tenu [traduction] « de la réputation et du prestige qui se rattachent aux marques de commerce et au nom commercial SUNQUEST de l’opposante [...] ».

 

À l’audience, l’opposante a informé la Commission qu’elle abandonnait le premier motif d’opposition.

 

Preuve au dossier


L’opposante a produit en preuve les affidavits de Joel Birnbaum, administrateur juridique de la société opposante; de Kathryn Anne Marshall, technicienne juridique; de Mary P. Noonan, chercheuse en marques de commerce; et de Raquel O. Sananes. L’opposante a par la suite été autorisée à retirer l’affidavit de Mme Sananes et à le remplacer par un second affidavit de Mme Kathryn Anne Marshall : voir la décision de la Commission datée du 19 juin 2000. La requérante, avec le consentement de l’opposante, a à maintes reprises reçu la prorogation du délai pour produire sa preuve. La preuve de la requérante, produite le 13 août 2004, se compose de l’affidavit de William J. Pipp, PDG de l’entreprise requérante. M. Pipp a été contre‑interrogé relativement à son affidavit. La transcription du contre‑interrogatoire de M. Pipp, les pièces qui y étaient jointes et les réponses faisant suite aux engagements pris lors du contre‑interrogatoire ont été versées en preuve au dossier. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit et se sont fait représenter à l’audience.

 

Preuve de lopposante

Le premier affidavit de Mme Marshall fait état des observations de cette dernière faites dans divers salons de bronzage triés de façon aléatoire où elle s’est rendue, dans la région de Toronto. Je retiens de cette preuve par affidavit qu’il n’est pas rare que les murs des salons de bronzage soient tapissés d’affiches de plage évoquant les vacances dans les pays chauds. Toutefois, une bonne partie de l’affidavit est du ouï‑dire, et je n’en ai donc pas tenu compte. Le second affidavit de Mme Marshall remplace l’affidavit de Mme Sananes et vise à en confirmer certains passages. Quoi qu’il en soit, ce second affidavit de Mme Marshall se limite à faire état des propos échangés lors de divers entretiens téléphoniques avec un certain nombre de salons de bronzage au Canada. Pareille preuve constitue du ouï‑dire et ne peut, selon moi, être admise selon le critère de la nécessité et de la fiabilité : voir R. c. Couture, 2007 CSC 28.

 

L’affidavit de Mme Noonan ne vise qu’à produire en preuve la copie des enregistrements des marques de commerce sur lesquels l’opposante s’appuie ainsi que la copie des enregistrements de marques de tiers dont le mot «  SUNQUEST » fait partie. Deux de ces marques (appartenant toutes deux à Sunquest Information Systems, Inc.) ont été trouvées, à savoir : SUNQUEST, demande no 695861, et SUNQUEST INFORMATION SYSTEMS et dessin, demande no 1001954, employées en liaison avec des logiciels utilisés dans le domaine des soins de santé.


Le témoignage par affidavit de M. Birnbaum peut se résumer ainsi : les Canadiens ont commencé à connaître la marque SUNQUEST lorsque Vacances Sunquest Limitée s’est initialement constituée en personne morale, en 1972. Après avoir fusionné à deux reprises avec d’autres entreprises , l’opposante mène depuis les activités de Sunquest. Le public canadien est exposé sans cesse depuis 1972 aux noms commerciaux et aux marques de commerce SUNQUEST et VACANCES SUNQUEST, employés en liaison avec la promotion, la publicité et l’offre de services de voyages.

 


Sunquest est le plus grand voyagiste en gros de l’Ontario. Il offre des vols nolisés vers des destinations vacances aux États‑Unis, au Mexique et dans les Antilles. Le commerce nécessite de vastes campagnes de publicité, notamment des annonces imprimées, des brochures de voyages, des publicités dans les quotidiens ainsi que des annonces à la radio et à la télévision. Les dépenses publicitaires étaient de trois millions de dollars en 1986 et ont augmenté sans cesse depuis pour s’établir à neuf millions de dollars en 1999 (bien que les chiffres exacts pour la période allant de 1994 à 1998 n’étaient pas disponibles). L’opposante se procure au moins 100 000 exemplaires de chacune des brochures qu’elle distribue dans les agences de voyages. Il ressort de la pièce B jointe à l’affidavit de M. Birnbaum que la marque et le nom commercial SUNQUEST de l’opposante sont apposés bien en vue sur la couverture des brochures. Les ventes de forfaits de voyages et de vacances SUNQUEST ont totalisé environ 57 millions de dollars, en 1986, et ont crû constamment pour atteindre 135 millions de dollars dans la période s’échelonnant de 1991 à 1993 (les ventes au Canada, après 1997, se fondent aux ventes nord-américaines). Des milliers d’agences de voyages au Canada et aux États‑Unis offrent des services de voyages SUNQUEST. Par ailleurs, l’opposante a lancé des campagnes de promotion conjointe avec American Express, Enroute, General Motors, les restaurants McDonald et d’autres entreprises. Les inquiétudes que suscite la demande en cause chez l’opposante sont exposées aux paragraphes 12 et 13 de l’affidavit de M. Birnbaum, reproduits intégralement ci‑après :

 

[traduction] 12. Je crois sincèrement, vu la grande visibilité de notre nom commercial et de notre marque de commerce au Canada et leur emploi périodique dans nos promotions visant divers articles et services nayant aucun lien avec les voyages, que, lorsquils sont confrontés à la marque de commerce SUNQUEST dans pratiquement tout autre contexte et en liaison avec tout autre produit, les consommateurs tiennent pour acquis que nous avons commandité, avalisé ou élaboré le produit ou le service en question ou, encore, que nous en sommes propriétaires.

 

13.          À mon avis, il existe entre léquipement de bronzage et les voyages de vacances des liens clairs et directs, dont le plus important est le désir généralisé des consommateurs dêtre bronzés et davoir lair en bonne santé comme sils venaient de faire un voyage de vacances. Par ailleurs, je sais pertinemment que les salons de bronzage et les entreprises déquipement de bronzage recourent en général, dans la publicité ou la promotion de leurs services, à des paysages de plage ou autres scènes de voyage et présentent des destinations de rêve en grande partie de la même façon que nous le faisons avec nos services de voyages. Il est très probable que les consommateurs présument quil y a un lien entre les vacances de voyages SUNQUEST et léquipement de bronzage SUNQUEST.

 

Preuve de la requérante

La preuve par affidavit de M. Pipp peut se résumer ainsi : la requérante fabrique et vend des lits, des cabines et d’autres pièces d’équipement de bronzage. Elle exerce ses activités aux États‑Unis et ailleurs, dans le monde, depuis 1984. Au Canada, les produits de la requérante sont distribués par Uvalux International Inc. Uvalux vend les produits de la requérante à des consommateurs individuels pour usage domestique. Les marchandises de la requérante sont vendues en liaison avec la marque SUNQUEST depuis 1991, au Canada, et depuis 1986, aux États‑Unis. Depuis 1991, la requérante a vendu au Canada environ 2 428 articles d’équipement de bronzage – d’une valeur totale approximative de 4,5 millions de dollars américains – en liaison avec la marque SUNQUEST.


Il ressort clairement de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Pipp que ce dernier ne prenait pas personnellement part aux activités de vente, de promotion et de publicité des produits SUNQUEST de la requérante au Canada. Ces activités commerciales incombaient en fait à Uvalux, distributeur exclusif de la requérante. Il ressort en outre clairement de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Pipp que la requérante vendait au départ de l’équipement de bronzage en liaison avec la marque SUNQUEST tant à des particuliers qu’à des entreprises au Canada. Quoi qu’il en soit, la requérante a commencé graduellement à vendre ses produits sous d’autres marques et, au milieu des années 1990, la marque SUNQUEST n’était désormais plus utilisée que pour l’équipement de bronzage à des fins résidentielles. Depuis 2000, la requérante ne vend par annuellement qu’environ 50 articles de bronzage à des fins résidentielles au Canada.

 

Principale question à trancher


La question déterminante, en l’espèce, est de savoir si la marque SUNQUEST visée par la demande et employée en liaison avec de l’équipement de bronzage à des fins résidentielles crée de la confusion avec la marque de commerce SUNQUEST de l’opposante employée en liaison avec des services de voyages de vacances. Les dates pertinentes pour évaluer le risque de confusion sont : (i) la date de ma décision pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur la non‑enregistrabilité; (ii) la date du premier emploi de la marque visée par la demande, c’est‑à‑dire le 30 novembre 1991, pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’inadmissibilité à l’enregistrement et; (iii) la date de production de la déclaration d’opposition, c’est‑à‑dire le 24 novembre 1998, pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif : pour un survol de la jurisprudence sur les dates pertinentes dans les affaires d’opposition, voir American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R. (3d) 198 (C.F. 1re inst.), p. 206 à 209.

 

Fardeau de la preuve

Il incombe à la requérante d’établir qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, entre la marque SUNQUEST visée par la demande et employée en liaison avec des lits de bronzage à usage résidentiel et la marque de commerce SUNQUEST que l’opposante emploie en liaison avec des services de voyages de vacances. Le fardeau de la preuve incombe à la requérante : cela signifie que, s’il n’est pas possible d’arriver à une conclusion dans un sens ou dans l’autre après que toute la preuve a été présentée, il faut rendre une décision défavorable à la requérante : voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 297 et 298. Déterminer s’il y a risque de confusion est une question de première impression et de vague souvenir. Pour appliquer le critère de la confusion, il faut prendre en compte les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. La liste des facteurs n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à ces derniers n’est pas forcément le même, car il faut tenir compte des circonstances de chaque cas : Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.).


Analyse des facteurs visés par le paragraphe 6(5)


La marque SUNQUEST de l’opposante revêt un caractère distinctif inhérent assez grand du fait qu’il ne s’agit pas d’un mot qui se trouve dans un dictionnaire français ou anglais. Toutefois, le caractère distinctif inhérent de la marque est réduit dans la mesure où bon nombre de Canadiens reconnaîtraient que le mot suggère le genre de services offerts par l’opposante, à savoir des voyages vers des destinations soleil. De même, le caractère distinctif inhérent de la marque visée par la demande est atténué dans la mesure où la marque suggère le résultat obtenu lorsqu’on se trouve dans un endroit chaud et ensoleillé, c’est‑à‑dire un teint basané. Le représentant de la requérante a signalé diverses lacunes dans la preuve de l’opposante, et je conviens que l’affidavit de M. Birnbaum aurait pu être plus précis et plus détaillé. Quoi qu’il en soit, après avoir donné une interprétation juste à l’affidavit de M. Birnbaum dans son ensemble et à défaut de contre‑interrogatoire, je suis disposé à reconnaître que la marque SUNQUEST de l’opposante avait acquis une certaine notoriété au Canada à toutes les dates pertinentes. On ne saurait prétendre que la marque visée par la demande avait acquis une quelconque notoriété à la date pertinente la plus reculée et, sur la foi de la preuve dont je dispose, elle n’avait acquis qu’une réputation minimale aux dates pertinentes qui ont suivi. La durée pendant laquelle les marques visées ont été en usage joue en faveur de l’opposante, car cette dernière a commencé à employer sa marque SUNQUEST environ 19 ans avant la requérante. Quant à la nature des marchandises, des services et du commerce, les parties exercent leurs activités dans des domaines différents et offrent au public des produits différents. Il existe néanmoins des liens, bien que ténus, entre l’industrie du bronzage et l’industrie des voyages de vacances. Par exemple, l’opposante recommande à ses clients potentiels de se faire bronzer avant de partir en vacances (voir le paragraphe 10 de l’affidavit de M. Birnbaum), et les agences de voyages font des campagnes de promotion conjointe avec des salons de bronzage (voir le contre‑interrogatoire de M. Pipp, questions 146, 147 et 206). L’une des circonstances pertinentes de l’espèce, pour ce qui est des liens ténus entre les entreprises des parties, est que tant l’opposante que la requérante annoncent leurs produits notamment par des affiches et des brochures arborant des photographies de gens en maillot de bain sous le ciel des tropiques. L’arrière‑plan se compose habituellement du ciel, d’une plage et de la mer, le tout baigné par la lumière du soleil. Bien sûr, les marques des parties apposées sur les publicités, c’est‑à‑dire le mot SUNQUEST servant de marque, sont identiques. L’impression visuelle générale créée par les arrière-plans similaires et les mots identiques servant de marque est que les publicités imprimées des parties sont étonnamment semblables.

 

Compte tenu de ce qui précède et étant donné que la marque SUNQUEST revêt un caractère distinctif inhérent assez grand, que la marque SUNQUEST de l’opposante avait acquis une réputation notable à toutes les dates pertinentes, qu’il existe des similarités évidentes entre les publicités imprimées des parties et que la requérante n’a pas établi que sa marque SUNQUEST jouissait d’une réputation plus que minimale, je conclus que la requérante n’est pas parvenue à montrer, selon la prépondérance des probabilités et à toutes les dates pertinentes, qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion entre les deux marques en cause.

 

La demande d’enregistrement est donc rejetée.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), CE 29e JOUR DE JUIN 2007.

 

 

Myer Herzig,

Membre


Commission des oppositions aux marques de commerce

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