Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION
de Boy Scouts of Canada à la demande
n° 1121302 produite par Leslie Gagné en
vue de l’enregistrement de la marque de
commerce BENNY THE BEAVER
Le 6 novembre 2001, le requérant Leslie Gagné a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BENNY THE BEAVER. La demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes:
vente de marchandises, nommément tee‑shirts, chapeaux et chandails; disques compacts et enregistrements de musique (sans support logiciel) contenant des contes thématiques et de la musique canadiens produits par Benny The Beaver, aux seules fins de vente et de distribution aux enfants et au grand public; livres de contes pour enfants, jeux de table
et les services suivants:
divertissement et éducation, nommément récit de contes, productions théâtrales, représentations musicales et adhésions au club de Benny the Beaver.
La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 9juillet2003.
Le20août2003, l’opposant Boy Scouts of Canada a produit une déclaration d’opposition dont copie a été transmise au requérant le16septembre2003. Comme premier motif d’opposition, l’opposant soutient que la marque de commerce du requérant ne satisfait pas aux exigences de l’article30 de la Loi sur les marques de commerce parce que la marque faisant l’objet de la demande n’est pas une marque de commerce et n’est pas distinctive. Le deuxième motif d’opposition est que la marque visée par la demande n’est pas enregistrable suivant le sous-alinéa9(1)n)(iii) et l’alinéa12(1)e) de la Loi en raison de la marque officielle BEAVERS de l’opposant.
Selon le troisième motif d’opposition, le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement suivant le paragraphe16(3) de la Loi du fait qu’à la date de la production de la demande, la marque visée par la demande créait de la confusion avec les marques de commerce BEAVER et BEAVERS, employées seules ou en combinaison avec un dessin ou d’autres mots que l’opposant a antérieurement employés au Canada en liaison avec divers programmes pour les jeunes et des marchandises connexes telles que des vidéos, cassettes, livres, jeux, uniformes, chandails, tee-shirts, chapeaux, vestes, sacoches, écussons, etc. Le quatrième motif est fondé sur l’allégation selon laquelle la marque de commerce du requérant n’est pas distinctive parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce BEAVER et BEAVERS employées par l’opposant.
Le requérant a produit et signifié une contre-déclaration. À titre de preuve, l’opposant a présenté un affidavit de John Robert Stewart. À titre de preuve, le requérant a présenté un affidavit de Leslie Gagné. Les deux parties ont produit des observations écrites et une audience à laquelle seul était représenté l’opposant a été tenue.
La preuve de l’opposant
Dans son affidavit, M.Stewart se présente comme le commissaire général et directeur général de l’opposant et donne un bref historique de l’organisme. Boy Scouts of Canada offre des programmes et de la formation pour les jeunes garçons. L’organisme existe au Canada depuis 1914, année de sa constitution en personne morale en vertu d’une loi spéciale du Parlement. Depuis lors, Boy Scouts of Canada est actif partout au Canada et exerce ses activités par l’entremise de plusieurs branches, dont celle dénommée Beavers. La branche Beavers a vu le jour en 1971. Elle s’adresse aux plus jeunes membres de l’opposant.
M.Stewart décrit ensuite la structure de l’organisme de l’opposant ainsi que son fonctionnement. Il décrit en particulier comment l’opposant acquiert et vend des marchandises à ses membres. Depuis plusieurs années, l’opposant entretient un réseau de distribution au Canada composé de divers détaillants qui consacrent typiquement une partie de leurs magasins à la vente des marchandises de l’opposant. Lesdites marchandises comprennent: uniformes, badges, emblèmes et équipements de camping dont des lampes électriques. L’opposant exploite aussi ses propres magasins de détail sous le nom commercial Boutique scoute. Tout récemment, le nombre de distributeurs a chuté (passant de 106 en 1976 à 25 en 1991 pour s’établir à 1 en 2004) tandis que le nombre de Boutiques scoutes a augmenté. Selon M.Stewart, on comptait 35 Boutiques scoutes en 2004 au Canada.
Sont jointes à l’affidavit de M.Stewart à titre de pièces des photocopies de divers catalogues que l’opposant a publiés de 1977 à 2002. Un examen desdits catalogues révèle que l’opposant vend diverses marchandises en liaison avec différentes formes de ses marques de commerce BEAVER et BEAVERS, dont des vestes, casquettes, étuis, toques, foulards, tee-shirts, sacs, emblèmes, peluches, pantalons en molleton, insignes, boutons et épinglettes. Bien que M.Stewart n’ait pas produit de chiffre d’affaires relatif à ces marchandises précises, on peut raisonnablement présumer que les ventes sont importantes puisque ces marchandises existent sur le marché depuis plusieurs années. L’opposant a également mis en vente des livres destinés à ses jeunes membres, dont A Book For Eager Beavers et A Book For Growing Beavers. Plus récemment, l’opposant a aussi mis en vente des vidéos en liaison avec les marques de commerce BEAVER et BEAVER JUMPSTART.
La preuve du requérant
Dans son affidavit, M. Gagné se présente comme le requérant et l’unique directeur de The Big Beaver Theme Park Inc. (« BBTP »). Il déclare que BBTP détient et exploite The Big Beaver Outpost dans un parc thématique sur le castor qu’il projette d’ouvrir bientôt. BENNY THE BEAVER est un personnage fictif qui sera employé en liaison avec The Big Beaver Outpost. Dans le cadre de ses projets, M.Gagné envisage de ne vendre des articles que par l’entremise du Big Beaver Outpost.
M.Gagné a également affirmé qu’il publie un magazine intitulé Benny’s Beaver Tales trois fois l’an. Selon M.Gagné, le magazine traite de l’histoire du Canada et s’adresse aux enfants âgés de sept à onze ans.
Les motifs d’opposition
Comme le troisième motif d’opposition, l’opposant invoque un droit antérieur fondé sur les dispositions du paragraphe16(3) de la Loi. À cet égard, l’opposant a produit en preuve l’emploi de ses marques de commerce BEAVER et BEAVERS antérieurement à la date de production de la demande du requérant et le non-abandon de ces marques à la date où la demande du requérant a été annoncée.
Compte tenu de ce qui précède, il me reste à me prononcer sur le troisième motif d’opposition fondé sur la question de la confusion entre la marque du requérant et les marques de l’opposant. Comme l’expose le paragraphe16(3) de la Loi, la date pertinente pour l’appréciation des circonstances relatives à la confusion est la date de production de la demande du requérant. En outre, la charge de la preuve incombe au requérant, qui doit établir l’absence de risque raisonnable de confusion entre les marques en litige. Enfin, dans l’application du critère relatif à la confusion prévu au paragraphe6(2) de la Loi, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles qui sont spécifiquement exposées au paragraphe6(5) de la Loi.
S’agissant de l’alinéa 6(5)a) de la Loi, les marques des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent. La preuve de l’opposant me permet de conclure qu’à la date pertinente, ses marques de commerce BEAVER et BEAVERS avaient acquis une réputation au Canada en liaison avec la branche qu’il exploite pour ses plus jeunes membres. Dans une moindre mesure et nonobstant les lacunes que comporte l’affidavit de M.Stewart, je suis en mesure de conclure que les marques BEAVER de l’opposant étaient devenues connues dans une certaine mesure au Canada en liaison avec des marchandises comme les uniformes, tee-shirts, foulards, toques, badges, épinglettes, livres, vidéos, etc. Je dois conclure, étant donné l’absence d’emploi de la marque du requérant, que celle-ci n’était pas du tout devenue connue au Canada à la production de la présente demande.
La période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise l’opposant. En ce qui concerne les alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, ce sont les états déclaratifs des marchandises et des services du requérant qui sont déterminants et non la zone plus restreinte où l’on projette d’employer la marque selon M. Gagné: voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19C.P.R.(3d) 3, p.10 à 11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12C.P.R.(3d) 110, p.112 (C.A.F.), et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58C.P.R.(3d)381, p.390 à 392 (C.A.F.). Il faut toutefois examiner ces états déclaratifs afin de déterminer le type probable d’opérations ou d’activités commerciales envisagées par les parties plutôt que l’ensemble des activités commerciales que le libellé est susceptible d’englober. À cet égard, une preuve des véritables activités commerciales est utile: voir la décision McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R.(3d) 168, p.169 (C.A.F.).
Les marchandises et les services des parties se chevauchent considérablement. L’état déclaratif des marchandises du requérant comprend les tee-shirts, chapeaux, chandails et livres pour enfants, ce qui est identique à certaines des marchandises que l’opposant vend en liaison avec ses marques BEAVER. De part leur nature, les autres marchandises du requérant sont semblables aux marchandises de l’opposant, notamment les bandes vidéo. Les services sont aussi similaires vu que l’opposant offre également ce qu’on pourrait qualifier de services de divertissement et d’éducation à ses plus jeunes membres, en plus bien sûr d’offrir des adhésions au club.
On peut soutenir qu’il pourrait avoir un chevauchement dans le commerce des parties. Le fait que M.Gagné veuille seulement vendre des articles et offrir des services dans un lieu précis de son parc d’attractions thématique est dépourvu de pertinence étant donné que ses états déclaratifs des marchandises et des services ne comportent pas une telle restriction.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)e) de la Loi, il y a un degré assez élevé de ressemblance à tous égards entre les marques en litige. Les marques de l’opposant comprennent ou comportent le mot BEAVERS ou BEAVER, un élément dominant de la marque projetée du requérant.
En appliquant le critère relatif à la confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. À la lumière de mes conclusions ci-dessus et en particulier de la ressemblance existant entre les marchandises, les services et les marques des parties, je conclus selon la prépondérance des probabilités que le requérant n’a pas établi que sa marque ne créait pas de confusion avec les marques de l’opposant. Comme on l’a mentionné dans la décision en matière d’opposition rendue dans Boy Scouts of Canada c. Moehring (1993), 48 C.P.R.(3d) 557, p. 560, relativement à la marque EAGER BEAVER visée par la demande pour des marchandises similaires, le public aurait tout aussi bien pu penser que les marchandises et services du requérant en l’espèce sont approuvés ou commandités par l’opposant ou font l’objet d’une licence accordée par celui-ci. Par conséquent, le troisième motif d’opposition est accueilli.
En ce qui concerne le quatrième motif d’opposition, la charge ultime de la preuve incombe au requérant qui doit établir que sa marque est adaptée pour distinguer ou distingue véritablement ses marchandises et services de ceux des autres commerçants partout au Canada: voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4C.P.R.(3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, la date pertinente pour l’appréciation des circonstances relatives à cette question est la date de production de l’opposition (en l’espèce le 20août2003): voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R.(2d) 126, p.130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37C.P.R.(3d)412, p.424 (C.A.F.). Enfin, la charge de présentation incombe à l’opposant qui doit prouver les allégations de fait à l’appui de son motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif.
Le quatrième motif d’opposition porte essentiellement sur la question de la confusion entre les marques des parties. Malgré la date pertinente plus tardive, mes conclusions à l’égard de la question de la confusion relatives au motif fondé sur le droit antérieur s’appliquent également au quatrième motif d’opposition. Je conclus par conséquent que le requérant n’a pas établi que sa marque projetée ne créait pas de confusion avec les marques BEAVER de l’opposant au moment de la production de l’opposition. Le quatrième motif d’opposition est aussi accueilli.
Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition.
Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe63(3) de la Loi, je rejette la demande du requérant.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 21 MARS2007.
David J. Martin,
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce.