Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 205

Date de la décision : 2010-11-26

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

produite par Holt Renfrew & Co. Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1189449 pour la marque de commerce HOLTZ SPA & Dessin au nom de Holtz Spa Inc.

 

La procédure

[1]               Le 4 septembre 2003, Holtz Spa Inc. (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement numéro 1189449 pour la marque de commerce HOLTZ SPA & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous :

HOLTZ SPA & DESIGN 

[2]               La demande couvre des services de cuve thermale (les Services) et est fondée sur l’emploi de la marque depuis au moins le 23 mai 2001.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 28 juillet 2004 dans le Journal des marques de commerce.

[4]               Le 29 décembre 2004, Holt Renfrew & Co. Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition que le registraire a fait parvenir à la Requérante le 25 janvier 2005. Le 25 février 2005, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle a nié tous les motifs d’opposition énumérés ci-dessous.

[5]               L’Opposante a produit les affidavits de Stuart Fraser, Craig Stewart et Barbara Gallagher ainsi que des copies certifiées des enregistrements suivants à son nom :

LMC258322 HOLT’S

LMC285907 « THE CAFE » AT HOLT’S

LMC482017 CAFE HOLT

LMC221169 HOLT RENFREW

LMC283395 STUDIO CREATION HOLT RENFREW DESIGN STUDIO

LMC322846 HOLT RENFREW CLUB SELECT

LMC366326 HOLT RENFREW LAST CALL

LMC435578 HOLT REFREW & Dessin

LMC459096 CLUB SELECT HOLT RENFREW

LMC460359 ECOLO PAC/ HOLT RENFREW & Dessin

LMC475864 Dessin STUDIO HOLT RENFREW

LMC479314 HOLT RENFREW CANADA

LMC481944 HOLT RENFREW & Dessin (de bouteille)

LMC482813 HOLT RENFREW PETITES

LMC495520 HOLT RENFREW 1422

LMC520572 THE WINDSOR COLLECTION BY HOLT RENFREW

LMC545382 DESSIN HR/HOLT RENFREW

LMC584317 HOLT RENFREW HERITAGE COLLECTION

(les marques de commerce enregistrées de l’Opposante)

[6]               La Requérante a produit les affidavits de Donna Holtom, Chantal Meessen, Gay J. Owens et C. Donald Brown. L’affidavit de Chantal Meessen a été retourné parce que celle-ci ne s’est pas présentée pour son contre-interrogatoire.

[7]               Donna Holtom, Gay J. Owens et C. Donald Brown ont été contre-interrogés et la transcription de leur contre-interrogatoire a été produite. Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient représentées à l’audience.

Les motifs d’opposition

[8]               Les motifs d’opposition invoqués sont les suivants :

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), parce que la Marque n’avait pas été employée au Canada en liaison avec les Services dans la pratique normale du commerce par la Requérante ou un licencié de celle-ci à la date de premier emploi revendiquée.

2.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce que la Requérante ne pouvait déclarer être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services, état donné qu’elle savait que l’Opposante avait antérieurement employé ses marques de commerce et noms commerciaux et qu’elle connaissait l’importante réputation rattachée à ceux-ci.

3.      La Marque n’est pas enregistrable au titre de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrées de l’Opposante.

4.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément à l’alinéa 16(1)a) de la Loi à la date de premier emploi revendiquée, parce que la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce HOLTS, HOLT’S et HOLT RENFREW de l’Opposante ainsi qu’avec les marques de commerce enregistrées de celle-ci qui étaient précédemment employées au Canada.

5.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément à l’alinéa 16(1)b) de la Loi, parce que la Marque créait de la confusion avec la demande d’enregistrement antérieurement produite par l’Opposante sous le numéro 457924(01) pour la marque de commerce HOLT’S, laquelle demande était encore en instance.

6.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément à l’alinéa 16(1)c) de la Loi, parce que la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux HOLT’S, HOLTS et HOLT RENFREW de l’Opposante qui avaient été antérieurement employés au Canada.

7.      La Marque n’est pas distinctive au sens de l’alinéa 38(2)d) de l’article 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas véritablement les Services des marchandises et services de l’Opposante, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi, étant donné qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce et noms commerciaux de l’Opposante mentionnés dans les paragraphes précédents.

Le fardeau de preuve dans une procédure d’opposition à une marque de commerce

[9]               Le fardeau d’établir que sa demande satisfait aux dispositions de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293; et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

Les commentaires préliminaires

[10]           Les parties ne nient pas le fait que la marque de commerce HOLT RENFREW est devenue bien connue au Canada en liaison avec l’exploitation d’un grand magasin de vente au détail de spécialités. Cette conclusion découle de la preuve volumineuse que l’Opposante a produite et la Requérante a admis ce fait au paragraphe 94 de son plaidoyer. En conséquence, sauf exception, il ne sera pas nécessaire de résumer en détail la preuve relative à l’emploi de la marque de commerce HOLT RENFREW. Toutefois, cette conclusion ne signifie pas nécessairement que la Marque employée en liaison avec les Services créerait de la confusion avec l’une ou l’autre des marques de commerce enregistrées de l’Opposante ou encore avec les marques de commerce ou noms commerciaux que celle-ci emploie.

Les dates pertinentes

[11]           La date pertinente relative à l’analyse de chaque motif d’opposition varie selon le motif d’opposition à évaluer :

  le non-respect des exigences de l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande (4 septembre 2003);

  l’enregistrabilité de la Marque au titre de l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, p. 424 (C.A.F.)];

  le droit à l’enregistrement de la Marque, lorsque la demande est fondée sur l’emploi : la date de premier emploi revendiquée dans la demande (23 mai 2001) [voir le paragraphe 16(1) de la Loi];

  le caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition (29 décembre 2004) est généralement considérée comme la date pertinente [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F), et Metro‑Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[12]           L’Opposante soutient que la preuve produite par la Requérante elle-même n’établit pas que celle-ci a employé la Marque avant la date de premier emploi revendiquée dans la demande, soit le 23 mai 2001. Les pièces 1.21 à 1.46 inclusivement de l’affidavit de Mme Holtom se composent en majeure partie d’annonces qui ont été publiées dans le journal Ottawa Citizen entre le 27 avril 1999 et le 1er mai 2001 et dans lesquelles la Marque figure.

[13]           L’Opposante invoque les décisions Gainers Inc. c. Sugarplum Desserts Ltd (1994), 55 C.P.R. (3d) 256, et Goodall Rubber Co. et al c. Goodyear Tire and Rubber Co. (1999), 3 C.P.R. (4th) 393, pour soutenir que la demande devrait être repoussée au motif que la Requérante n’a pas indiqué la bonne date de premier emploi dans sa demande. À mon avis, la situation examinée dans ces décisions peut facilement être distinguée d’avec la présente affaire.

[14]           Dans Gainers, la requérante a invoqué une date de premier emploi qui était antérieure à sa constitution en société et qui, de ce fait, précédait la date à laquelle elle avait effectivement employé la marque pour la première fois. Dans Goodall, la requérante a revendiqué l’emploi de la marque visée par la demande depuis septembre 1981. La preuve a révélé que la requérante avait employé la marque depuis 1950, soit plus de 30 ans avant la date de premier emploi revendiquée. Dans cette affaire, le registraire a conclu que la requérante avait fait une fausse déclaration au sujet de la date de premier emploi et qu’elle avait omis de tenir compte d’une période d’emploi de la marque d’environ 30 ans. Il a donc conclu que la demande n’était pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi.

[15]           Dans la présente affaire, la Requérante a renoncé à invoquer une période d’emploi antérieur de la Marque d’environ 18 mois comparativement à une période de 30 ans dans Goodall. Quoi qu’il en soit, tel qu’il est mentionné dans Gainers et Goodall, la partie requérante peut généralement invoquer par mesure de prudence une date de premier emploi postérieure à la date réelle [voir également Marineland c. Marine Wonderland and Animal Park Ltd. (1974), 16 C.P.R. (2d) 97]. Comme nous le verrons plus loin, la date de premier emploi coïncide avec la date de constitution en société de la Requérante. Aucun emploi de la Marque avant la date de premier emploi revendiquée n’aurait pu constituer un emploi de la Marque par la Requérante. En dernier lieu, la Requérante n’a pas invoqué dans sa demande l’emploi de la Marque par un prédécesseur en titre. Si elle l’avait fait, elle aurait pu invoquer une date de premier emploi antérieure.

[16]           En conséquence, je rejette le premier motif d’opposition.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi

[17]           La Requérante a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi, selon laquelle elle est convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services. Dans son affidavit, Mme Holtom, la présidente et directrice générale de la Requérante, explique en détail comment elle en est arrivée au mot de la Marque. Elle déclare qu’il s’agit d’une forme abrégée de son nom de famille Holtom. C’est le surnom qu’elle utilise depuis les années 1970 et c’est à la suggestion d’un ami qu’elle a employé ce surnom comme partie du nom de son entreprise.

[18]           Le fait que la Requérante connaissait l’existence des marques de commerce de l’Opposante ne signifie pas qu’elle ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les Services. La Requérante pouvait encore déclarer de bonne foi qu’elle avait le droit d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les Services.

[19]           Normalement, ce motif d’opposition sera retenu si des circonstances exceptionnelles sont établies, comme la mauvaise foi de la partie requérante [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. Aucun élément de preuve de cette nature n’ayant été présenté, ce motif d’opposition est également rejeté.

L’enregistrabilité de la Marque au titre de l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[20]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable au titre de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec ses marques de commerce enregistrées qui sont énumérées plus haut. L’Opposante a produit une copie certifiée de chacun de ses enregistrements.

[21]           L’élément le mieux à même de jouer en faveur de l’Opposante est la marque de commerce HOLT’S de celle-ci, dont le certificat d’enregistrement porte le numéro LMC258322. Toutes les autres marques de commerce enregistrées renferment au moins un élément additionnel qui pourrait les distinguer de la Marque.

[22]           J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire en vérifiant le registre. L’enregistrement LMC258322 existe et couvre les marchandises et services suivants :

[traduction]

Vêtements; accessoires de vêtements; vêtements pour enfants; vêtements de plage; produits cosmétiques et produits de toilette; fragrances; produits pour le bain et le corps; produits pour le soin des cheveux; accessoires de maquillage; petits articles de cuir; articles de table et publications imprimées; services de grands magasins de vente au détail de spécialités et services de fourreur; services de commandes postales; services de bar et de restaurant; distribution de renseignements au moyen d’un réseau mondial d’informatique; services en ligne.

En conséquence, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial.

[23]           Je dois décider selon la prépondérance des probabilités si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce HOLT’S de l’Opposante. Le test à appliquer pour trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi et je dois tenir compte de l’ensemble des circonstances suivantes de l’espèce, y compris celles qui sont mentionnées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[24]           Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire d’attribuer la même importance à chacun de ces critères [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

[25]           J’aimerais citer les extraits suivants de l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, 2006 CSC 22, de la Cour suprême du Canada :

25 C’est à l’intimée [la requérante] qu’incombait pendant tout le processus le fardeau de prouver l’absence de probabilité, mais la Commission n’était tenue d’examiner que les sources possibles de confusion qu’elle estimait vraisemblables.

[…]
31 L’intimée n’a pas droit à l’enregistrement de sa marque à moins qu’elle puisse démontrer que l’emploi des deux marques dans la même région n’est pas susceptible de créer de la confusion, c.-à-d. qu’elle n’amènera pas le consommateur à tirer des conclusions erronées. Si, selon la prépondérance des probabilités, la Commission a des doutes, la demande doit être rejetée.
[…]

55 La preuve d’une confusion réelle serait une « circonstance de l’espèce » pertinente, mais elle n’est pas nécessaire (Christian Dior, par. 19), même s’il est démontré que les marques de commerce ont été exploitées dans la même région pendant dix ans : Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1987] A.C.F. no 1123 (QL) (C.A.). Comme nous le verrons plus loin, une conclusion défavorable peut toutefois être tirée de l’absence d’une telle preuve dans le cas où elle pourrait facilement être obtenue si l’allégation de probabilité de confusion était justifiée.

[26]           Dans le jugement Mattel, Inc., précité, et dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, le juge Binnie a également formulé des commentaires sur la façon d’évaluer les critères mentionnés au paragraphe 6(5) de la Loi afin de décider s’il y a probabilité de confusion entre deux marques de commerce.

[27]           Avant d’évaluer chacun des critères pertinents, j’aimerais souligner que je ne considère pas que l’emploi de la marque de commerce HOLT RENFREW constitue un emploi de la marque de commerce HOLT’S [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie. Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523]. Pour trancher la question de la probabilité de confusion entre la Marque et HOLT’S, je me limiterai à cette comparaison.

[28]           La Marque ne possède pas un degré distinctif inhérent très prononcé. La Requérante a dû se désister du droit à l’usage exclusif  des mots « Holtz » et « spa » en dehors de la marque de commerce, le premier mot étant un nom de famille de personnes vivant au Canada et le second, un mot décrivant clairement les Services. En fait, il appert de la preuve que la Requérante a elle‑même produite [voir l’affidavit de M. Brown] que le mot HOLTZ est un nom de famille de personnes vivant au Canada.

[29]           L’Opposante a soulevé quelques questions au sujet du contenu de l’affidavit de M. Brown, lequel renferme les résultats de recherches menées à l’aide de la base de données Canada411 en ligne. Lorsqu’il a signé son affidavit, M. Brown était un stagiaire en droit travaillant pour le cabinet qui était l’agent de la Requérante. L’Opposante soutient qu’une importance minime devrait être accordée à la preuve produite par M. Brown, parce que celui-ci n’a pu se rappeler au cours de son interrogatoire comment il avait obtenu les documents joints à son affidavit. Les différentes recherches ont été menées en avril 2006 et son contre-interrogatoire a eu lieu à la fin de février 2008, soit près de deux ans plus tard. En ce qui a trait aux résultats des recherches menées à l’aide de la base de données Canada411, je n’ai aucune raison de croire que ce site Web n’est pas une source fiable [voir Envirodrive Inc. c. 836442 Alberta Inc., 2005 ABQB 446, et ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd. [2003] C.F. 1056, en ce qui concerne l’admissibilité du contenu de sites Web fiables]. En fait, le registraire consulte lui-même cette base de données Canada411 pour savoir si une marque de commerce se compose du nom ou du patronyme de personnes vivant au Canada.

[30]           Il appert des résultats de la recherche menée par M. Brown qu’environ 200 personnes vivant au Canada portent le nom de famille HOLTZ (pièce 7 jointe à l’affidavit de M. Brown].

[31]           La Marque comporte un élément graphique, mais il n’est pas très distinctif. Les mots de la Marque sont écrits avec deux types de caractères différents et le mot HOLTZ figure dans un rectangle noir au-dessus du mot SPA.

[32]           Le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce HOLT’S de l’Opposante est également peu prononcé. Une autre recherche menée par M. Brown dans la base de données Canada411 révèle que plus de 1 000 personnes ayant Holt pour nom de famille vivent au Canada. Au cours de son contre-interrogatoire, M. Brown a affirmé qu’il recherchait les noms orthographiés HOLTZ ou HOLTS. Les résultats des recherches menées dans la base Canada411 ne comportent aucune mention du nom HOLTS. Je dois présumer que, s’il y avait eu des personnes portant ce nom de famille, le fait aurait été révélé dans les résultats produits.

[33]           Je comprends que la majeure partie de la preuve que l’Opposante a produite au sujet de l’emploi de sa marque de commerce enregistrée concerne la marque de commerce HOLTS. Or, il existe une distinction grammaticale entre HOLT’S et HOLTS, le premier représentant la forme possessive, tandis que le second représente le pluriel. Malgré la différence grammaticale entre HOLT’S et HOLTS, j’estime que l’emploi de HOLTS constitue un emploi de la marque de commerce déposée HOLT’S [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie. Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523, et Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535].

[34]           L’emploi ou la promotion d’une marque de commerce au Canada peut en accentuer le caractère distinctif. Je résume ci-après la preuve que les deux parties ont produite au sujet de l’emploi de leurs marques de commerce respectives.

[35]           Monsieur Fraser est vice-président principal et chef des finances de l’Opposante depuis mai 1999. Il déclare que celle-ci exploite depuis les années 1930 une chaîne nationale de grands magasins de vente de spécialités ayant une renommée internationale dans différents centres urbains du Canada, nommément à Vancouver, Edmonton, Calgary, Winnipeg, Montréal, Ste‑Foy, Ottawa et Toronto. Elle utilise des marques prestigieuses et fait appel à des créateurs‑dessinateurs innovateurs, en plus de vendre des cosmétiques, des produits de beauté et des fragrances de Londres à New York, à Paris et à Rome. Chaque magasin est un grand magasin offrant une gamme complète de services ainsi que des vêtements haut de gamme pour hommes et pour dames, des produits cosmétiques, des produits de toilette et de beauté, des fragrances, des produits de fourrure et des produits généraux axés sur le mode de vie. Tel qu’il est mentionné plus haut, il est admis de part et d’autre que la marque de commerce HOLT RENFREW de l’Opposante est bien connue au Canada en liaison avec l’exploitation d’une chaîne nationale de grands magasins de vente de spécialités. Je mettrai donc l’accent sur la preuve relative à l’emploi des marques de commerce HOLT’S et HOLTS.

[36]           Monsieur Fraser a produit des photographies illustrant la devanture extérieure du magasin de Montréal sur laquelle apparaît une marquise HOLTS, qui est en place depuis plusieurs décennies. Les pièces 74 à 87 inclusivement sont des exemples représentatifs d’annonces publiées dans des journaux canadiens comme le Globe & Mail, l’Ottawa Citizen et le Toronto Star entre 1969 et 1980 en vue de promouvoir les magasins de l’Opposante sous la marque de commerce HOLT’S ainsi que les produits et services vendus dans les magasins en question, comme des vêtements et accessoires pour hommes et pour dames, des produits de maquillage, des services de mini‑manucure, des fragrances, des services de consultation en matière capillaire et des services de cuve thermale Estée Lauder. Je reviendrai plus loin sur la question des services de cuve thermale Estée Lauder.

[37]           De 1990 à 1994, l’Opposante a publié un magazine intitulé HOLT RENFREW POINT OF VIEW qui comportait une section intitulée « What’s hot at Holt’s » (les tendances de l’heure chez Holt’s). Ce magazine visait à fournir aux clients de l’Opposante des renseignements sur les tendances relatives à la mode et à la beauté.

[38]           En 1999, l’Opposante a lancé un magazine intitulé HOLT’S, qui est publié deux fois par année et dans lequel elle annonce les produits et services offerts dans ses magasins. Monsieur Fraser affirme que ce magazine est disponible à l’établissement thermal Estée Lauder situé à l’intérieur du magasin de l’Opposante à Toronto. En 2005, un nouveau nom, soit HOLTS, a été donné à la publication. L’Opposante a injecté des montants variant de 4 à 5,5 millions de dollars de 1999 à 2004 pour produire le magazine HOLT’S et pour en faire la promotion.

[39]           En 1999, l’Opposante avait une autre publication intitulée HOLT’S Beauty, dans laquelle les produits de beauté disponibles dans les magasins de l’Opposante étaient annoncés. En 2000, l’Opposante avait également une autre publication intitulée HOLT’S Holiday Beauty Book.

[40]           En 2000 et 2001, l’Opposante a lancé et inséré dans son magazine HOLT’S des cartes-calendriers dont l’un des deux côtés comportait l’inscription suivante : « What’s happening at Holt’s » (événements à suivre chez Holt’s).

[41]           Depuis l’année 2000, l’Opposante tient un événement beauté annuel annoncé sous la marque de commerce GIRL’S NIGHT IN. Dans les annonces servant à promouvoir cet événement, qui sont publiées dans le magazine HOLT’S [voir, par exemple, la pièce 88B], il est fait mention des magasins de l’Opposante au Canada sous le nom de HOLT’S.

[42]           En 2004, l’Opposante a lancé une campagne pour la saison des Fêtes de 2004 intitulée « HOLT’S for the Holidays » (HOLT’S pour le temps des Fêtes). Un encart spécial a été créé et inséré dans les journaux Globe & Mail, Montreal Gazette et La Presse. Près de 500 000 copies de ces encarts, qui visaient à promouvoir les produits et services de l’Opposante, ont été distribuées. Au cours de la même année, l’Opposante a également fait la promotion des produits et services offerts dans son magasin de Toronto sous le slogan suivant : « IT’S HOT, IT’S HAPPENING, IT’S HOLT’S .» Monsieur Fraser a produit des échantillons de ces annonces publiées dans le Globe & Mail de mars 2004 à janvier 2005.

[43]           Bibliotechnicien pour le cabinet de l’agent de l’Opposante, M. Stewart a mené une recherche dans les principaux journaux et périodiques canadiens afin de repérer les cas où les grands magasins de l’Opposante sont désignés par le mot HOLT’S ou HOLTS. Monsieur Stewart a fait la recherche le 23 septembre 2005 en utilisant Factiva, base de données qui est accessible en ligne. Cette base recèle une foule de sources d’information, y compris des numéros et éditions archivés et actuels de nombreux journaux et périodiques canadiens, comme le Calgary Herald, l’Edmonton Journal, le Globe and Mail, la Montreal Gazette, le National Post, l’Ottawa Citizen, le Vancouver Sun et le Winnipeg Free Press. Monsieur Stewart a joint à son affidavit une liste détaillée des journaux et publications canadiens que cette base de données couvre. J’estime que cette base de données est fiable [voir les décisions Envirodrive Inc. et ITV, précitées].

[44]           Il a produit les résultats de sa recherche montrant les cas où un article comportant un renvoi à HOLT’S a été trouvé. Les résultats sont imprimés sous forme d’extraits et de mots-clés indiquant ou comportant le nom de la publication, le titre et le nombre de mots de l’article pertinent, la date à laquelle celui-ci a été publié et des passages en décrivant l’objet général, ainsi que les parties de l’article où le mot HOLT’S figure. Une recherche semblable a été menée pour le mot HOLTS. Il appert de ces extraits que les mots HOLT’S et HOLTS sont souvent employés dans les articles publiés dans des journaux canadiens pour désigner les grands magasins de vente au détail de l’Opposante.

[45]           Madame Gallagher, stagiaire en droit pour le cabinet de l’agent de l’Opposante, a mené des recherches dans le site Web de l’Opposante afin de repérer les occurrences de « HOLT’S » ou « HOLTS » utilisé pour désigner le grand magasin de l’Opposante et a produit le résultat de ces recherches. Elle a utilisé le site Internet Wayback Machine, soit un site Web d’archivage de sites Web qui permet d’obtenir des copies de pages Web de différents sites Web à différentes dates. Bien qu’elle ait mené la recherche le 30 août 2005, Mme Gallagher a produit des extraits du site Web de l’Opposante remontant à septembre et décembre 2002.

[46]           Je conclus de l’ensemble de cette preuve que la marque de commerce HOLT’S est connue au Canada en liaison avec une chaîne de grands magasins de vente au détail de spécialités offrant, notamment, des vêtements et accessoires de mode, des produits de beauté et des articles pour le soin de la peau.

[47]           La Requérante a également présenté une preuve relative à l’emploi de la Marque au moyen de l’affidavit de Mme Holtom, qui affirme compter plus de 20 ans d’expérience dans le domaine des services de cuve thermale au Canada.

[48]           Elle se décrit comme un chef de file dans le milieu des femmes d’affaires à Ottawa. Elle a produit une copie d’un extrait d’un article qui a été publié dans le journal Ottawa Citizen du 28 mars 1999 et dans lequel il est mentionné qu’elle a remporté le Business Woman’s Achievement Award (prix femme d’affaires) pour l’année 1999.

[49]           Dans son affidavit, Mme Holtom donne une explication utile au sujet de ce que constituent les services de cuve thermale. Elle soutient d’abord qu’elle travaille dans ce domaine depuis plus de 25 ans. Elle affirme qu’en 1984, le mot « spa » (cuve thermale) désignait généralement un bain comportant des jets d’air et d’eau. Au paragraphe 6 de son affidavit, en se servant de la définition élaborée par l’International Spa Association, elle définit les « spas » comme suit : [traduction] « endroits destinés à améliorer le bien-être général au moyen de différents services professionnels visant à régénérer l’esprit et le corps. » Elle ajoute qu’en général, les « spas » offrent [traduction] « des services thérapeutiques comme des massages, de la réflexologie, des bains de vapeur, des enveloppements, de l’acupuncture, de la chiropratique et du reiki, des services d’esthétique comme des faciaux, de l’électrolyse, de l’épilation à la cire, du maquillage, des services de manucure et de pédicure, de la pose d’ongles, des traitements de cellulite et de contrôle du poids, des services de salon de coiffure et la vente connexe de produits de détail ».

[50]           Dans son affidavit, Mme Holtom utilise l’expression définie « My Business » (mon entreprise) pour désigner séparément ou collectivement la Requérante, 782223 Ontario Inc. et Holtz Health and Beauty Centre Inc. J’utilise moi aussi cette expression définie ci-après.

[51]           La réponse à certaines questions a été réservée conformément aux directives de l’avocat de la Requérante; ces questions portaient sur la relation qui existe ou qui aurait pu exister entre la Requérante et d’autres entités juridiques qui offrent ou qui sont susceptibles d’avoir offert des services en liaison avec la Marque, y compris les services mentionnés dans le paragraphe précédent. D’autres questions concernaient le transfert à la Requérante du droit de propriété afférent à la Marque.

[52]           L’Opposante a demandé la production de tout accord de licence ou de transfert du droit de propriété [voir les questions 24, 25, 44, 53 et 56]. Après avoir réservé la réponse à ces questions, la Requérante s’y est opposée, soutenant qu’elles étaient inappropriées. Cependant, aux paragraphes 14, 15 et 16 de son affidavit, Mme Holtom mentionne l’acquisition de droits sur des marques de commerce et de la survaleur s’y rattachant d’une entité à une autre, y compris la Requérante, ainsi que l’existence d’un accord de licence entre celle-ci et deux franchisés.

[53]           Eu égard aux allégations susmentionnées qui figurent dans l’affidavit de Mme Holtom, ces questions étaient pertinentes et je tire une conclusion défavorable du refus d’y répondre. Étant donné que la Requérante n’a été constituée en société que le 23 mai 2001, j’examinerai l’emploi de la Marque par la Requérante uniquement à compter de la date de la constitution en société de celle-ci. Aucun usage de l’expression « My Business » pour désigner les entités ayant employé la Marque avant le 23 mai 2001 ne s’applique à la Requérante. De plus, je ne tiendrai pas compte des éléments de preuve relatifs à l’emploi de la Marque par des tierces parties après cette date. En conséquence, l’emploi de la Marque par la Requérante se limite à la région d’Ottawa, selon la description qui suit.

[54]           D’après les renseignements que Mme Holtom possède, My Business a d’abord fourni des services complets de cuve thermale à Ottawa. Madame Holtom affirme qu’au fil des années, My Business a offert des installations de conditionnement physique et des services de consultation connexes à sa clientèle. Dès 1987, My Business se décrivait parfois sous le nom de Holtz Health Spa. À la fin des années 1990, My Business a commencé à employer le nom commercial Holtz Spa. Compte tenu des commentaires formulés dans les paragraphes précédents, My Business ne pouvait couvrir la Requérante à cette époque.

[55]           Pour les besoins de la présente décision, je dois examiner la preuve relative à l’emploi réel de la Marque. Tel qu’il est mentionné plus haut, même si la demande est fondée sur l’emploi depuis le 23 mai 2001, il existe des éléments de preuve montrant l’emploi de la Marque avant cette date, mais la date de premier emploi revendiquée coïncide avec la date de constitution en société de la Requérante (voir la pièce 1.7]. Étant donné que la Requérante n’invoque pas dans sa demande l’emploi de la Marque par des prédécesseurs en titre et qu’elle a refusé de fournir des documents appuyant ses allégations relatives au transfert de droits et à l’existence d’accords de licence, je limiterai mon analyse de la preuve à l’emploi de la Marque par la Requérante depuis la date de premier emploi revendiquée.

[56]           J’aimerais également souligner qu’une bonne partie des documents que la Requérante a fournis sur un total de plus de 100 pièces qui ont été produites ne concernent pas l’emploi de la Marque, mais plutôt l’entreprise dans le cadre de laquelle la Requérante offre des services de cuve thermale en liaison avec la marque de commerce HOLTZ SPA, la réputation de Mme Holtom comme femme d’affaires dans la région d’Ottawa ou encore l’association de celle-ci avec la Requérante ou d’autres entités auxquelles elle est liée. Je pense, notamment, aux pièces 1.73 et suivantes et aux pièces 1.93 et suivantes.

[57]           Madame Holtom a produit des exemples d’annonces publiées dans le journal Ottawa Citizen vers le 23 mai 2001 afin de promouvoir les Services en liaison avec la Marque. Elle a également produit des extraits de différents annuaires des Pages jaunes et des Pages blanches qui ont été publiés en 2005 et 2006 et dans lesquels les Services sont annoncés en liaison avec la Marque. Je souligne que la Marque est annoncée sous différentes rubriques dans ces annuaires, notamment « estheticians » (esthétique), « beauty » (beauté), « salons » (salons), « massage » et « beauty and spa services » (soins de beauté et services de cuve thermale). Qui plus est, le magasin de l’Opposante situé à Ottawa et l’entreprise de la Requérante figurent sur la même page d’un document joint comme pièce 1.60 à l’affidavit de Mme Holtom.

[58]           Mme Holtom a également produit la page couverture du Spa Canada Magazine ainsi que l’article de fond qui a été publié dans celui-ci au sujet de l’entreprise de la Requérante et dans lequel la Marque figure. Dans ce même article (pièce 1.90 jointe à l’affidavit de Mme Holtom), il est également fait mention d’une relation commerciale entre l’hôtel Hilton Suites de Toronto et les Services de la Requérante offerts en liaison avec la Marque, y compris les soins de la peau, les manucures, les pédicures et les faciaux. Une relation similaire semble exister entre l’hôtel Château Laurier, situé à Ottawa, et la Requérante [voir la pièce 1.84 jointe à l’affidavit de Mme Holtom].

[59]           Madame Holtom fournit les revenus totaux que ses différentes entreprises ont touchés depuis 1985. Je souligne qu’il n’y a aucune ventilation par entité, y compris la Requérante, que ce soit sur une base annuelle ou par marque de commerce employée au cours de cette période. Madame Holtom affirme que la Requérante a injecté en moyenne 75 000 $ par année dans la publicité, mais, encore là, il n’y a aucune ventilation par marque de commerce employée (la Marque, HOLTZ SPA et d’autres marques de commerce HOLTZ SPA & Dessin) par la Requérante au fil des années.

[60]           Madame Owens a travaillé comme recherchiste en marques de commerce pour le cabinet de l’agent de la Requérante au cours des 22 dernières années. Le 6 mars 2006, elle a demandé un rapport de recherche des noms commerciaux et dénominations sociales de la base de données  NUANS d’Industrie Canada, lequel rapport ferait état de toutes les dénominations sociales provinciales et fédérales comportant le mot HOLTZ. Elle a produit les résultats de cette recherche. Je n’accorde pas beaucoup d’importance à ces données, parce que nous n’avons aucune preuve du fait que ces entreprises sont toujours actives et nous ignorons le type d’activité qu’elles pourraient exercer.

[61]           Je conclus de cette preuve que la Marque est connue jusqu’à un certain point à Ottawa.

[62]           Le premier facteur prévu au paragraphe 6(5) favorise nettement l’Opposante.

[63]           La preuve résumée plus haut montre que, même si la Marque est employée depuis mai 2001, la marque de commerce HOLT’S de l’Opposante a été employée au Canada bien avant cette date. Ce facteur favorise également l’Opposante.

[64]           En général, lors de l’examen de la nature des services et du commerce des parties, l’élément déterminant est l’état déclaratif des marchandises et des services figurant dans la demande et dans l’enregistrement [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. La preuve de l’activité commerciale réelle des parties pourrait être utile pour examiner l’état déclaratif des services de manière à déterminer la nature probable du commerce envisage par les parties plutôt que la totalité des activités commerciales que pourrait englober le libellé [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.)].

[65]           L’enregistrement de l’Opposante couvre les produits cosmétiques et produits de toilette; les fragrances; les produits pour le bain et le corps; les produits pour le soin des cheveux; les accessoires de maquillage ainsi que les services de grands magasins de vente au détail de spécialités. Il appert de la preuve de l’Opposante que, en plus de ces derniers services, les services suivants sont offerts aux consommateurs en liaison avec la marque de commerce HOLT’S ou HOLTS : des services de beauté personnalisés liés à la peau, des services de maquillage et des services de consultation en matière capillaire [voir la pièce 37 de l’affidavit de M. Fraser, annonce intitulée « Holt’s for the Holidays » (les fêtes chez Holt’s)].

[66]           L’Opposante a soutenu que des services de cuve thermale sont offerts à l’intérieur de ses établissements, de sorte qu’un lien existe entre ces services et elle-même. Elle fait donc valoir qu’il y a manifestement un chevauchement entre les Services et les services de cuve thermale offerts dans ses magasins de vente au détail.

[67]           La preuve produite par l’Opposante sur ce point montre clairement que les services de cuve thermale sont offerts par une tierce partie, en l’occurrence, Estée Lauder, et que s’il est fait mention de Holt Renfrew dans l’annonce relative à ces services, cette mention sert à indiquer l’emplacement où les services en question sont offerts par cette tierce partie. Je me reporte aux pièces 39 à 41 inclusivement qui sont jointes à l’affidavit de M. Fraser. Je ne suis donc pas disposé à conclure à l’existence d’une preuve de l’emploi des marques de commerce HOLT RENFREW ou HOLT’S en liaison avec des services de cuve thermale.

[68]           Madame Holtom a fait valoir que les services de cuve thermale comprennent des services d’esthétique comme les faciaux, l’électrolyse, l’épilation à la cire, le maquillage, le manucure et le pédicure, la pose et la décoration d’ongles, les traitements de cellulite et de contrôle du poids, les services de salon de coiffure et la vente connexe de produits de détail. En conséquence, même lorsque les services Estée Lauder ne sont pas pris en compte, un chevauchement existe en ce qui a trait au genre de services des parties et à la nature du commerce de chacune d’elles.

[69]           Je souligne qu’en 2004, l’Opposante a fait équipe avec la chaîne d’hôtels et de centres de villégiature Fairmont afin d’offrir à ses clients un forfait de magasinage appelé « Retail Therapy » (thérapie chez les détaillants). Les clients qui achetaient ce forfait obtenaient gratuitement une copie du magazine de HOLT’S ainsi que l’accès aux services de magasinage personnel de l’Opposante. Il semble qu’il y ait chevauchement quant au commerce des parties, étant donné que toutes les deux font équipe avec des hôtels pour promouvoir ou vendre leurs services.

[70]           Le facteur décrit aux alinéas 6(5)c) et d) de la Loi favorise l’Opposante.

[71]           Le degré de ressemblance entre deux marques de commerce est l’un des critères les plus importants à prendre en compte au moment d’évaluer la probabilité de confusion entre elles [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145]. Il est nécessaire d’examiner les marques dans leur intégralité sans les disséquer en leurs éléments constitutifs. Comme l’a souligné le juge Denault, de la Cour fédérale, dans Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, le premier élément de la marque de commerce est celui qui sert le plus à établir son caractère distinctif.

[72]           La Requérante a utilisé la quasi-totalité de la marque de commerce HOLT’S de l’Opposante. Phonétiquement, le premier mot de la Marque, qui en est l’élément le plus distinctif, est presque identique à la marque de commerce HOLT’S de l’Opposante. Le deuxième mot de la Marque décrit le genre des Services. En ce qui a trait à l’élément graphique, il n’est pas distinctif au point de créer un lien avec la Requérante dans l’esprit des consommateurs. Dans l’ensemble, le facteur prévu à l’alinéa 6(5)e) de la Loi favorise également l’Opposante.

[73]           L’existence de cas réels de confusion constitue une autre circonstance à examiner. Au cours du contre-interrogatoire de Mme Holtom, plusieurs objections ont été soulevées à l’égard de questions concernant la connaissance personnelle que celle-ci avait de cas de confusion où les clients de la Requérante auraient interrogé celle-ci sur l’existence possible d’un lien entre les Services de ladite Requérante et l’Opposante. L’avocat de la Requérante a demandé à Mme Holtom de ne répondre à aucune question portant sur cet aspect. Je reproduis ci-dessous deux questions qui ont fait l’objet d’une objection ainsi que les motifs de l’objection qui, à mon avis, résument la problématique :

[traduction]

Q. 150                 Êtes-vous personnellement au courant de cas où des membres du public vous auraient fait savoir qu’ils croyaient à l’existence d’un lien entre votre entreprise, H‑O‑L‑T-Z, et Holt’s, H-O-L-T-S, Holt Renfrew?

OBJECTION      Maître, je crois que votre question ne se rapporte pas aux renseignements que Mme Holtom a fournis dans son affidavit. Rien ne vous empêche de présenter les arguments que vous voulez et vous pouvez sans doute inclure les éléments de preuve de votre choix dans votre preuve par affidavit. Or en ce moment, je le répète, vous commencez à vous éloigner des renseignements qu’elle a fournis dans son affidavit et nous nous opposons à cette question.

[…]

Q.153                  Êtes-vous au courant de cas où des personnes auraient mentionné qu’elles croyaient que votre entreprise était exploitée par Holt Renfrew ou associée à celle-ci?

[…]

OBJECTION      Là encore, ce n’est pas une question permise. Vous posez des questions sur des associations et des commandites possibles, et ainsi de suite. Le témoin n’est pas en mesure de répondre à des questions portant sur ces aspects non plus, ni n’est disposé à le faire.

[74]           D’après ce que j’ai compris, la Requérante s’est opposée à ce type de question principalement pour deux raisons :

(1)               l’affidavit de Mme Holtom ne renferme aucune allégation concernant des cas de confusion qui auraient pu avoir été portés à son attention, ou concernant l’absence de confusion;

(2)               en utilisant le mot « association » (lien), l’Opposante tente de poser une question d’ordre juridique au témoin. Le représentant de la Requérante a vivement insisté sur ce dernier point au cours de l’audience.

[75]           En ce qui a trait au premier point que la Requérante a soulevé, je cite la décision rendue dans Coca-Cola Ltd. c. Cie Française de Commerce International Cofci S.A. (1991) 35 C.P.R. (3d) 406, où le registraire a formulé les remarques suivantes :

[traduction]

13        Le représentant de la requérante a soutenu que la question de la date de premier emploi revendiquée par la requérante n’était plus pertinente, puisque l’opposante n’avait pas présenté elle-même le moindre élément de preuve concernant le motif du non-respect de l’alinéa 30b) de la Loi. Je ne suis pas d’accord. L’affidavit de M. Grivory portait sur l’emploi de la marque de la requérante et l’opposante avait le droit d’interroger M. Grivory sur cette question afin d’obtenir des renseignements au sujet du premier motif d’opposition. L’opposante peut se fonder non seulement sur sa propre preuve, mais également sur les admissions obtenues des déposants de la requérante au soutien de ses motifs. Il en est ainsi notamment en ce qui concerne un motif fondé sur le non-respect de l’alinéa 30b) de la Loi, au sujet duquel la requérante et ses agents ont plus facilement accès aux faits pertinents quant à la date de premier emploi.

 

14        La requérante a également soutenu que l’opposante ne pouvait poser de questions dépassant la portée de celles qui étaient visées par l’affidavit de M. Grivory : voir la décision rendue dans Weight Watchers International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd. (No. 2) (1972), 6 C.P.R. (2d) 169 (C.F. 1re inst.), aux pages 171 et 172. La requérante a fait valoir que l’affidavit de M. Grivory portait uniquement sur le genre de marchandises et sur la nature du commerce de son entreprise, de sorte qu’aucune question concernant la date de premier emploi revendiquée par la requérante ou le mode d’emploi de la marque par celle-ci ou encore l’étendue de cet emploi ne pouvait être posée. Là encore, je ne suis pas d’accord. L’affidavit de M. Grivory portait sur l’emploi de la marque de la requérante et, une fois que cette question avait été abordée, il était loisible à l’opposante de poser à M. Grivory des questions pertinentes sur tout aspect de cet emploi.

 

15        Si mon interprétation de l’affidavit de M. Grivory est erronée, je suis d’avis que les questions de l’opposante étaient appropriées malgré tout, étant donné que la portée des questions pouvant être posées en contre-interrogatoire dans des procédures d’opposition est plus étendue que celle qui a été décrite dans la décision Weight Watchers susmentionnée. Bien que la portée du contre-interrogatoire ne soit sans doute pas aussi large que celle qui est permise lors de l’interrogatoire préalable dans une action civile, le contre-interrogatoire peut couvrir des questions autres que la question précise à l’égard de laquelle l’affidavit en cause a été présentée. En effet, une opposition n’est pas une simple procédure entre parties, mais nécessite également un examen de l’intérêt public. Ainsi, il est dans l’intérêt public de permettre d’interroger le dirigeant d’une partie requérante au sujet de l’exactitude de la date de premier emploi revendiquée afin d’assurer la légitimité du fondement sur lequel repose la demande d’enregistrement de la partie requérante. La portée élargie du contre-interrogatoire mené dans les procédures de l’opposition découle également (du moins dans le cas d’un motif fondé sur le non-respect de l’alinéa 30b) de la Loi) du fait que les renseignements se rapportant à ce motif sont, pour la plupart, connus de la partie requérante. En conséquence, s’il est jugé que l’affidavit de M. Grivory se limite à la question du genre de marchandises et de la nature du commerce de la requérante, j’estime que l’opposante avait néanmoins le droit de mener un contre-interrogatoire élargi de manière à couvrir la question connexe de la date à laquelle la requérante a employé sa marque pour la première fois. (Non souligné dans l’original.)

 

[76]           Il est évident que, dans la présente opposition, la question de la confusion entre les marques des parties respectives est pertinente. Au moins six motifs d’opposition sont fondés sur l’allégation selon laquelle la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce susmentionnées de l’Opposante.

[77]           L’Opposante aurait pu être informée de l’existence de cas réels de confusion si elle avait reçu des demandes de renseignements de ses clients au sujet de la relation pouvant exister entre elle et la Requérante relativement aux services offerts en liaison avec la Marque. En revanche, les clients de la Requérante pourraient également poser des questions sur ce même aspect. Ces questions n’auraient pas été portées à la connaissance de l’Opposante, mais sont certainement pertinentes pour prouver ses prétentions. Ce n’est qu’en posant ce genre de questions que l’Opposante peut en apprendre davantage sur ces cas.

[78]           S’agissant du deuxième argument que la Requérante a invoqué au soutien de ses objections, le mot « association » (lien) n’est pas un terme juridique défini dans la Loi, comme le sont, par exemple, les termes « marque de commerce » et « distinctive ». Le mot « associated » (lié) figure dans certains articles de la Loi, mais cela ne signifie pas qu’il s’agit automatiquement d’un terme juridique qui ferait d’une question contenant le mot « association » une question d’ordre juridique inopportune. Le mot « association » est un mot anglais de tous les jours défini comme suit dans le Canadian Oxford Dictionary : [traduction] « évocation en pensée d’un mot en réponse à un autre, notamment de manière à révéler le contenu et la nature du subconscient d’une personne ».

[79]           Étant donné la pertinence des questions 150, 151, 153, 154 et 156 posées au cours du contre‑interrogatoire de Mme Holtom qui a eu lieu le 26 février 2008, je rejette les objections que la Requérante a formulées à leur égard. Je tire donc une conclusion défavorable du refus de celle-ci de répondre à ces questions, soit qu’il pourrait y avoir eu des cas de confusion.

[80]           Je conclus de cette analyse du critère pertinent que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque lorsqu’elle est employée en liaison avec les Services et la marque de commerce enregistrée HOLT’S de l’Opposante. Il y a une similitude entre les marques de commerce respectives des parties sur le plan de la présentation et du son. Un certain chevauchement existe en ce qui a trait aux services fournis et à leurs voies de commercialisation. Enfin, je tire une conclusion défavorable du refus de la Requérante de répondre aux questions de savoir si les consommateurs de celle-ci auraient pensé qu’un lien existait entre l’Opposante et les Services fournis par la Requérante, selon la description qui précède.

[81]           En conséquence, j’accueille le troisième motif d’opposition.

Le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement selon l’alinéa 16(1)a) de la Loi

[82]           L’Opposante doit démontrer qu’elle avait précédemment employé ses marques de commerce et qu’elle ne les avait pas abandonnées à la date de l’annonce de la demande (28 juillet 2004) [voir le paragraphe 16(5) de la Loi]. Eu égard à la preuve décrite aux paragraphes 35 à 41, je conclus que l’Opposante a employé ses marques de commerce HOLT’S et HOLTS avant la date pertinente; de plus, la preuve décrite en détail au paragraphe 42 qui précède établit que l’Opposante n’avait pas abandonné cet emploi à la date de l’annonce de la demande visée par la présente décision. En conséquence, il appartient à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucun probabilité de confusion entre la Marque et l’une ou l’autre des marques de commerce HOLT’S et HOLTS de l’Opposante le 23 mai 2001.

[83]           Le fait que les dates pertinentes soient différentes relativement à ce motif d’opposition et le troisième motif d’opposition n’a aucune incidence sur mon analyse des critères pertinents permettant de déterminer si une probabilité de confusion existe entre les marques en litige. En fait, je devrais exclure de mon examen tout élément de preuve relatif à l’emploi de la Marque par la Requérante après la date pertinente. En conséquence, j’accueille le quatrième motif d’opposition.


Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[84]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante devait démontrer que ses marques de commerce HOLT’S et HOLTS étaient devenues suffisamment connues à la date pertinente pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la p. 58]. Je limite l’analyse de ce motif d’opposition à ces deux marques de commerce de l’Opposante, lesquelles représentent les marques les plus aptes à étayer la thèse de l’Opposante. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau, il appartient à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était adaptée à distinguer ou distinguait effectivement les Services des services et marchandises de l’Opposante dans l’ensemble du Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[85]           La preuve de l’Opposante relativement au troisième motif d’opposition me porte à conclure que ses marques de commerce HOLT’S et HOLTS -ci étaient suffisamment connues au Canada à la date pertinente.

[86]           Ce troisième motif d’opposition se résume essentiellement à la question de la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties à la date de production de la déclaration d’opposition. La différence entre les dates pertinentes en ce qui a trait au motif fondé sur l’enregistrabilité de la marque de commerce n’est pas un facteur déterminant en l’espèce, car la majeure partie de la preuve produite concerne l’emploi des marques de commerce HOLT’S et HOLTS de l’Opposante avant la date de production de la déclaration d’opposition.

[87]           Dans ces circonstances, je suis d’avis que la Marque de la Requérante ne distinguait pas ses Services ni n’était adaptée à les distinguer, parce qu’elle créait de la confusion avec les marques de commerce HOLT’S et HOLTS de l’Opposante à la date pertinente. En conséquence, le dernier motif d’opposition est également accueilli.

Les autres motifs d’opposition

[88]           L’Opposante ayant eu gain de cause à l’égard de trois motifs d’opposition différents, il n’est pas nécessaire que j’examine les cinquième et sixième motifs d’opposition mentionnés plus haut.

Décision

[89]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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