Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 121

Date de la décision : 2013-07-10 TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Reliable Collision Centres Inc. visant l’enregistrement n° LMC678,472 de la marque de commerce THE RELIABLE CHOICE au nom de Utility Trailer Manufacturing Company.

[1]               Le 2 mars 2011, à la demande de Reliable Collision Centres Inc. (la Partie requérante), le Registraire des marques de commerce a signifié un avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C.1985, ch. T-13 (la Loi) à Utility Trailer Manufacturing Company (l'Inscrivante), propriétaire inscrit de l’enregistrement nº TMA678,472 de la marque de commerce THE RELIABLE CHOICE (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée en vue de son emploi en liaison avec les services suivants : « conception, construction, réparation, entretien et vente de carrosseries de remorques agricoles ».

[3]               L’avis en vertu de l’article 45 enjoignait le propriétaire inscrit de prouver qu’il a employé la Marque au Canada, en liaison avec les services enregistrés, pendant la période allant du 2 mars 2008 au 2 mars 2011.

[4]               La définition du terme « emploi » en liaison avec des services est énoncée à l’article 4(2) de la Loi :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne suffisent pas dans le cadre de procédures en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le critère pour établir l’emploi dans ce type de procédure ne soit pas exigeant [Woods Canada Ltd c. Lang Michener et al (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1ère inst.)], et qu’il ne soit pas nécessaire de fournir une surabondance de preuves [Union Electric Supply Co c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1ère inst.)], des faits suffisants doivent être présentés pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée, pendant la période pertinente, en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services spécifiés dans l'enregistrement.

[6]               En ce qui a trait aux services, lorsque le propriétaire de la marque de commerce offre et est en mesure d’exécuter les services au Canada, l’emploi de la marque de commerce dans l’annonce de ces services satisfait aux exigences de la Loi [Wenward (Canada) Ltd c. Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. Autrement dit, alors que l’annonce au Canada n’est pas suffisante, à elle seule, pour démontrer l’emploi, les exigences seront respectées si les services peuvent être exécutés au Canada.

[7]               En réponse à l’avis, l’Inscrivante a produit l’affidavit de Harold C. Bennett, Président de l’Inscrivante, souscrit le 30 septembre 2011. Les deux parties ont déposé des représentations écrites; aucune audience n’a été tenue.

[8]               Dans son affidavit, M. Bennett affirme que l’Inscrivante a exécuté les services au Canada pendant la période pertinente par l’intermédiaire de [TRADUCTION] « concessionnaires/distributeurs » canadiens. Il désigne ainsi onze entreprises et fournit leurs adresses complètes au Canada. Il atteste que les services étaient exécutés en liaison avec la Marque par l’intermédiaire de ces entreprises canadiennes. M. Bennett fournit également des chiffres d’affaires correspondant à la prestation de ces services. Il atteste que [TRADUCTION] « les ventes en liaison avec les Services portant la marque de commerce THE RELIABLE CHOICE s’élevaient à « plus de 1000 $ [USD] » pour chaque année de la période pertinente; cependant, il n’indique pas clairement si ces ventes ont eu lieu au Canada. De plus, on ne sait pas très bien s’il fait simplement référence à la vente de carrosseries de remorques agricoles, ou à l’un des autres services enregistrés, nommément : la conception, la construction, la réparation, l’entretien et la vente de carrosseries de remorques agricoles. Je note que M. Bennett ne présente aucune preuve documentaire à l’appui de sa déclaration, comme des factures qui apporteraient ces précisions.

[9]               Comme seule pièce à son affidavit, M. Bennett joint une copie d’une page Web du site Web exploité par Ocean Trailer, l’un des « concessionnaires/distributeurs » de l’Inscrivante. Il affirme que l’imprimé montre l’emploi de la Marque en liaison avec le stock de carrosseries de remorques agricoles commercialisé par Ocean Trailer pendant la période pertinente. La page Web présente deux images de carrosseries de remorques agricoles avec des garde-boue sur lesquels figure la marque de commerce « Utility » de l’Inscrivante. Je note que la Marque n’est pas visible sur les remorques représentées. Toutefois, la Marque apparaît sur la page Web, directement au-dessus des deux images et à côté du logo « Utility » de l’Inscrivante. Entre les deux images, il semble que la page Web contient des liens à une « brochure » et à une « fiche technique » qu’il est possible de télécharger. Je dirais que la page Web n’indique pas clairement que les clients peuvent acheter des carrosseries de remorques agricoles. De même, les autres services enregistrés ne sont pas mentionnés clairement en liaison avec la Marque. Au sommet de la page Web, figure un lien à des [TRADUCTION] « Pièces et Services »; toutefois, le lien apparaît au-dessus du propre logo de Ocean Trailer et ne semble pas être associé à la Marque qui apparaît dans le corps de la page.

[10]           Dans ses représentations écrites, la Partie requérante soutient que la page Web ne correspond pas à la période pertinente puisqu’elle a été imprimée le 30 septembre 2011 et que, on ne peut donc en déduire que la page Web ait été accessible aux consommateurs au Canada pendant la période pertinente. Je ferai toutefois remarquer que M. Bennett atteste que la page Web [TRADUCTION] « montre et a montré pendant la période pertinente », la Marque en liaison avec le stock de carrosseries de remorques agricoles que commercialisait Ocean Trailer. À mon avis, cela est suffisant pour permettre de conclure que l’imprimé de la page Web est représentatif de la page Web, telle qu’elle apparaissait pendant la période pertinente.

[11]           Ainsi, même si les déclarations de M. Bennett concernant les ventes sont ambiguës, j’estime que la preuve est suffisante pour démontrer que les carrosseries de remorques agricoles de l’Inscrivante ont été annoncées en liaison avec la Marque. Même si la page Web ne fait pas explicitement référence à la vente des carrosseries de remorques agricoles annoncées, on peut raisonnablement conclure que la page Web a été créée et tenue à jour par Ocean Trailer à cette fin, et M. Bennett affirme, au paragraphe 7 de son affidavit, que la page Web présente le stock mis en vente et vendu par Ocean Trailer.

[12]           Cependant, la Partie requérante fait également valoir que la preuve présentée par l’Inscrivante doit démontrer l’emploi par l’entité à laquelle la licence d’emploi a été octroyée, comme le stipule l’article 50 de la Loi. Elle soutient que rien ne prouve qu’un avis public a été donné que l’emploi de la Marque est octroyé sous licence au « concessionnaire/distributeur » et que, par conséquent, il est impossible de présumer que l’emploi de la Marque par le « concessionnaire/distributeur » est un emploi sous licence octroyée par l’Inscrivante. De plus, elle fait remarquer que M. Bennett ne fournit pas la déclaration de contrôle exigée qui indiquerait qu’une telle relation existe.

[13]           D’un autre côté, l’Inscrivante soutient que l’emploi de la marque par ses « concessionnaires/distributeurs » répond à la définition d’emploi aux termes de la Loi. Elle plaide que la relation entre l’Inscrivante et Ocean Trailer n’est pas une relation entre donneur de licence et porteur de licence, mais plutôt une relation de distribution. À l’appui de son affirmation, l’Inscrivante cite la cause Aurora Ltd c. Acuity Brands, Inc (2009), 78 CPR (4th) 139 (COMC), dans laquelle il a été conclu qu’un fabricant de marchandises n’est pas tenu de fournir la preuve du contrôle direct ou indirect sur ses distributeurs.

[14]           Je souligne que la cause citée par l’Inscrivante concernait des droits de distribution de marchandises, tandis que dans la présente affaire, il s’agit de services seulement. Néanmoins, dans certaines circonstances, la question des droits de distribution dans le contexte des services a été décrite dans la jurisprudence. Par exemple, dans Venice Simplon-Orient-Express Inc c. Société Nationale des Chemins de Fer Français SNCF (2000), 9 CPR (4th) 443 (CAF)], la Cour d’appel a déclaré que [TRADUCTION] « tout usage de la marque de commerce dans la chaîne de distribution est suffisant pour démontrer l’emploi » [au paragraphe 12]. Cette affaire concernait des services de voyage, plutôt que des marchandises, mais la Cour d’appel a confirmé que le registraire disposait de la preuve attestant que le propriétaire inscrit avait effectué des ventes à des agents de voyage. Même s’il ne s’agissait pas d’une vente au consommateur final, elle constituait une présentation et un emploi de la Marque par le propriétaire inscrit dans l’exécution des services mentionnés dans l’enregistrement, et la preuve était donc suffisante pour maintenir l’enregistrement. La Cour d’appel a également déterminé que [TRADUCTION] « les factures fournies par l’inscrivant indiquent clairement que l’entreprise envoyant les factures était [le propriétaire inscrit] » [au paragraphe 13].

[15]           Dans la présente affaire, il n’y a pas de preuve de présentation de la Marque en liaison avec les Services par l’Inscrivante, de quelque manière ou dans quelque contexte que ce soit, en particulier dans ses relations avec Ocean Trailer, par le biais de ventes ou autrement. Rien ne prouve non plus que les services de vente étaient fournis par l’Inscrivante ou en son nom. Si la présentation de la Marque sur la page Web jointe à titre de pièce était un emploi autorisé, aucune preuve ne m’a été présentée à cet égard et, étant donné la nature ambiguë de la preuve, je ne peux conclure qu’une relation de distribution existait entre l’Inscrivante et Ocean Trailer en ce qui concerne les services mentionnés dans l’enregistrement.

[16]           Dans ses observations, l’Inscrivante semble confondre la définition du terme « emploi » appliqué à des marchandises et la définition du terme « emploi » appliqué à des services. En l’espèce, la Marque est enregistrée, entre autres, en liaison avec les services de « vente de carrosseries de remorques agricoles », et non en liaison avec des marchandises. Ainsi, l’Inscrivante ne peut établir l’emploi de la Marque en liaison avec les services mentionnés dans l’enregistrement sur la seule base des principes relatifs à l’article 4(1) de la Loi. En conséquence, la façon dont l’Inscrivante a évoqué le concept de distribution ne caractérise pas précisément la relation entre l’Inscrivante et ses tiers « concessionnaires/distributeurs », en particulier, Ocean Trailer.

[17]           En fait, le raisonnement dans Aurora ne se prête pas aux circonstances de la présente affaire. Alors qu’un fabricant, du fait de sa position, contrôle la qualité et la nature de ses marchandises, ce qui permet de considérer l’emploi d’une marque de commerce dans toute la chaîne de distribution comme un emploi qui bénéficie au fabricant de ces marchandises, on ne peut déduire la même chose des services. Dans une « distribution » de services, les services ne proviennent pas de l’inscrivant de la même façon que des marchandises proviennent d’un fabricant, puisque les services sont fournis par un tiers. Ainsi, même si je considérais que la présentation de la Marque sur le site Web constitue un emploi en liaison avec la vente de carrosseries de remorques agricoles, la page Web est exploitée par Ocean Trailer. Dans ce contexte, il faut que l’Inscrivante établisse qu’elle contrôle la nature ou la qualité des services de vente fournis par Ocean Trailer, de manière à prouver que l’usage de la Marque était un emploi octroyé sous licence et dont l’Inscrivante tirait profit. Toutefois, aucune preuve ne m’a été présentée à cet égard.

Décision

[18]           Pour les motifs exposés ci-dessus, je ne suis pas convaincu que l’Inscrivante a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec « la conception, la construction, la réparation, l’entretien et la vente de carrosseries de remorques agricoles » au sens des articles 4 et 45 de la Loi, et je ne dispose d’aucune preuve démontrant que des circonstances spéciales justifient le défaut d’emploi.

[19]           Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Dard, trad. a.

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