Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION DE Bose Corporation à la demande n° 1,088,449 produite par Tim Siekawitch en vue de l’enregistrement de la marque de commerce  WAVERADIO.COM_______________________                                                     

 

Le 10 janvier 2001, Tim Siekawitch [le « Requérant »] a produit une demande d’enregistrement pour la marque WAVERADIO.COM [la « Marque »] fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 20 janvier 2000 en liaison avec les services suivants :

matriçage audio, production post-audio pour films, radio et télévision, producteurs de microsillons, artistes solos, groupes, services de courtage de CD.

 

Le requérant se désiste du droit à l’usage exclusif du mot .COM en dehors de la Marque.

 

La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 5 février 2003 aux fins d’opposition. Le 26 mars 2003, Bose Corporation [l’« Opposante »] a déposé une déclaration d’opposition. L’Opposante a invoqué les motifs d’opposition fondés sur les al. 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 [la « Loi »].

 

Le Requérant a déposé et signifié une contre-déclaration.  

 

À l’appui de son opposition, l’Opposante a déposé l’affidavit de Natasha Rambaran, coordonnatrice des ressources humaines/analyste financière pour la filiale canadienne en propriété exclusive de l’Opposante, Bose Limited.

 

À l’appui de sa demande, le Requérant a déposé son affidavit. L’Opposante a obtenu une ordonnance autorisant le contre-interrogatoire de M. Siekawitch, mais elle n’y a pas donné suite. 

 

À titre de contre-preuve, l’Opposante a déposé un autre affidavit de Natasha Rambaran.

 

Je remarque que le Requérant a transmis des documents à la registraire à plusieurs occasions, mais je confirme que le seul document déposé en preuve en l’espèce est son affidavit (lequel comprend six pièces jointes). Les autres documents fournis par le Requérant n’étaient pas conformes aux exigences du Règlement sur les marques de commerce.

 

Je n’ai pas tenu compte de la preuve des parties dans la mesure où elle contient des arguments, du ouï-dire, des opinions ou des renseignements/documents qui ne sont pas pertinents quant aux questions en l’espèce. De plus, je souligne qu’il m’est impossible de me plier aux demandes formulées dans l’affidavit du Requérant qui voudrait que j’accède à Internet ou communique avec certaines personnes. Dans le cadre d’une opposition, la registraire n’examine qu’un nombre limité de questions non régulièrement mises en preuve (telles qu’une définition du dictionnaire ou le statut de l’enregistrement d’une marque de commerce sur laquelle se fonde une prétention).

 

Seule l’Opposante a déposé un plaidoyer écrit et ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé une audience.  

 

Fardeau de la preuve

Il incombe ultimement au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298]. 

 

Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 38(2)b)

L’Opposante a soutenu que la Marque n’est pas enregistrable suivant l’al.12(1)d) de la Loi  étant donné qu’elle crée de la confusion avec les marques préalablement enregistrées par l’Opposante : ACOUSTIC WAVE (LMC311,599) enregistrée le 21 février 1986 en liaison avec des systèmes de haut-parleurs et WAVE (LMC561,135) enregistrée le 1er mai 2002 en liaison avec des appareils radio, radios-réveil, magnétophones, appareils portatifs combinés radio/magnétophone, systèmes stéréo compacts et lecteurs de disques portatifs compacts.

 

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement aux motifs d’opposition fondés sur l’al. 12(1)d) puisque ses enregistrements sont valides. 

 

La date pertinente pour évaluer la probabilité de confusion au sens de l’al. 12(1)d) est la date de la décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

test en matière de confusion

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi énonce que l’emploi d’une marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.  

 

Pour appliquer le test en matière de confusion, la registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont celles indiquées au par. 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance dans la présentation ou le son des marques, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces facteurs n’ont pas nécessairement le même poids. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

 

J’examinerai d’abord la probabilité de confusion entre WAVERADIO.COM et WAVE.

 

al. 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

Chacune des marques a un caractère distinctif inhérent. 

 

Le Requérant affirme qu’il a utilisé sa Marque. Toutefois, la Marque n’apparaît sur aucune des pièces jointes.  

 

Le Requérant n’a pas montré de quelle façon il a fait la promotion de sa Marque. Au contraire, M. Siekawitch a expliqué qu’il ne [traduction] « dépense pas beaucoup pour les panneaux publicitaires et les publicités à la télévision ou dans les revues […] [n]otre meilleure publicité est le bouche à oreille, ou quand les gens écoutent les CD/DVD que nous avons produits pour nos clients ».

 

De plus, le Requérant n’a rien fourni me permettant d’évaluer l’importance de l’utilisation ou de la publicité qu’il a pu faire en liaison avec sa Marque (p. ex. chiffres d’affaires, nombre de CD produits, etc.)

 

Je veux que l’on comprenne bien que je ne doute pas de la déclaration sous serment du Requérant selon laquelle il a utilisé ou annoncé la Marque; toutefois, en l’absence de preuve attestant de l’utilisation ou de la promotion, je ne peux conclure que la Marque a acquis une réputation. À cet égard, je ferais aussi observer que la marque visée par la demande est WAVERADIO.COM, non WAVE RADIO ou www.waveradio.com. Si le Requérant avait déposé des éléments de preuve significatifs appropriés démontrant l’utilisation ou la promotion de WAVE RADIO ou de www.waveradio.com, il aurait alors fallu se demander si cela pouvait constituer l’utilisation ou la promotion de la marque visée par la demande.

 

En revanche, l’Opposante a montré de quelle façon sa marque WAVE a été associée aux radios : la pièce NR-15 de l’affidavit de Mme Rambaran (n° 1) montre la marque WAVE apposée sur l’emballage qui, selon l’auteure de l’affidavit, représente l’emballage des produits vendus au Canada depuis 1993 (« Wave® radio » apparaît sur l’extérieur de la boîte). La pièce NR-16 énumère plusieurs détaillants canadiens qui, comme en témoigne Mme Rambaran, ont vendu les produits de l’Opposante depuis 2005. Aux paragraphes 45 et 46 de l’affidavit de Mme Rambaran (n° 1), on retrouve un compte rendu détaillé de l’argent qui a été dépensé pour la promotion des marques WAVE de l’Opposante, dont une déclaration selon laquelle une somme d’au moins 49 000 $ a été déboursée pour la publicité parue dans le Toronto Sun en 1998 -1999. Toutefois, comme nous ne disposons pas de copies de ces publicités, il m’est impossible de conclure qu’elles auraient permis à la marque WAVE de l’Opposante d’acquérir un caractère distinctif plus grand.

 

Madame Rambaran a fourni des chiffres de ventes annuelles au Canada relatifs aux radios ou radios/CD en liaison avec la marque WAVE de l’Opposante pour les années 1994 à 2006; les chiffres dépassent les 16 millions de dollars. [paragraphe 49, affidavit de Mme Rambaran (n° 1)]

 

Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la marque WAVE de l’Opposante a acquis un caractère distinctif au Canada plus important que la Marque du Requérant.

 

al. 6(5)b) – la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage

Compte tenu de la date de premier emploi indiquée dans son enregistrement, l’Opposante a employé la marque WAVE au Canada depuis au moins le 21 juin 1993 et Mme Rambaran a fourni les chiffres de vente depuis 1994.

 

Compte tenu de la date de premier emploi indiquée dans sa demande, le Requérant a commencé à employer sa marque au Canada le 20 janvier 2000.

 

Par conséquent, la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage au Canada est favorable à l’Opposante.

 

al. 6(5)c) et d) – le genre des marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

Je pense qu’il s’agit des facteurs qui sont, selon le Requérant, les plus importants.

 

Il est vrai que le Requérant a produit une demande d’enregistrement de sa Marque pour des services, alors que l’Opposante a enregistré sa marque pour des marchandises. Cependant, comme l’indique le par. 6(2), il peut y avoir confusion « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ». 

 

En l’espèce, les services et marchandises des parties ne sont pas entièrement différents – ils se rapportent tous à la musique et les deux entreprises cherchent à offrir la meilleure qualité sonore. Le Requérant y arrive en fournissant des services d’enregistrement exceptionnels; l’Opposante, en vendant des appareils sophistiqués pour écouter les enregistrements.

 

Les personnes qui se procurent les services du Requérant sont habituellement des musiciens ou des producteurs de films/vidéos alors que les personnes qui achètent les marchandises de l’Opposante sont simplement des personnes qui écoutent de la musique, possiblement des audiophiles. Toutefois, les différences entre les clients des parties ne signifient pas qu’il n’y a aucune probabilité de confusion. Le Requérant a souligné qu’il ne fabrique pas d’appareils de « lecture » ou tout autre appareil grand public et que l’Opposante ne produit pas d’enregistrements audio. Cependant, ce n’est pas décisif. Le test en matière de confusion consiste à se demander si un particulier ayant un souvenir imparfait de la marque de l’Opposante pourrait conclure en voyant la Marque du Requérant pour la première fois que les marchandises de l’Opposante et les services du Requérant sont issus de la même source ou d’une source connexe. Une telle conclusion semble raisonnablement probable étant donné que les deux entreprises se rapportent à la musique. 

 

Le lien entre les services, marchandises, entreprises ou commerces est aussi confirmé par les points suivants :  

i)                    La certification WAVE RADIO apparaît sur les boîtiers de CD des enregistrements créés à l’aide des services du Requérant (voir pièce 4, affidavit de M. Siekawitch) et ces CD peuvent très bien jouer sur les lecteurs de disques compacts WAVE de l’Opposante.

ii)                  Le Requérant a indiqué qu’il est en train de [traduction] « mettre sur pied la série “The Wave Radio” de haut-parleurs de qualité » [pièce NR-2, affidavit de Mme Rambaran (n° 2)]; peu importe que ces haut-parleurs soient de la même qualité ou aient les mêmes fonctions que ceux vendus par l’Opposante sous la marque ACOUSTIC WAVE ou avec les systèmes stéréo compacts WAVE, les plans d’expansion du Requérant renforcent davantage le lien entre les entreprises des parties. 

iii)                L’affidavit de Mme Rambaran (n° 1) indique que l’Opposante offre aussi une ligne de produits audiographiques professionnels, destinés aux musiciens, mais non en liaison avec ses marques WAVE ou ACOUSTIC WAVE (voir pièce NR-4).

 

al. 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son ou les idées qu’elles suggèrent 

Le facteur le plus important ou celui qui est décisif est le degré de ressemblance entre les marques [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), p. 149, confirmé 60 C.P.R. (2d) 70].  

 

Il y a une ressemblance importante entre les marques des parties. La première partie d’une marque de commerce est l’élément le plus pertinent au regard du caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), p. 188] et la première partie de la Marque du Requérant inclut la marque WAVE de l’Opposante dans son intégralité. De plus, le reste de la Marque du Requérant est formé simplement de mots/termes ordinaires/descriptifs. Il y a autre chose qui n’aide pas le Requérant, c’est le fait que le deuxième mot dans sa Marque, « radio », soit l’une des marchandises principales vendues en liaison avec la marque WAVE de l’Opposante et que le mot « radio » apparaisse immédiatement après WAVE sur l’emballage de l’Opposante.

 

autres circonstances de l’espèce

i) Monsieur Siekawitch soutient qu’il n’y a pas eu de confusion entre les marchandises de l’Opposante et les services du Requérant. Toutefois, il n’est pas nécessaire qu’une opposante fasse la preuve de la confusion pour obtenir gain de cause en vertu de l’al. 12(1)d). De plus, même si les parties semblent avoir coexisté au Canada depuis 2000, j’ai du mal à déterminer à quels endroits le Requérant a offert ses services et s’il y a eu un chevauchement géographique important relativement aux endroits où les marchandises de l’Opposante étaient vendues; si les parties n’ont pas été actives dans la même région du Canada, cela suffirait à expliquer l’absence de preuve de la confusion.

Il est vrai qu’une inférence négative peut être tirée concernant la probabilité de confusion lorsque la preuve démontre une utilisation simultanée extensive des deux marques et qu’il n’existe aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion, mais en l’espèce, il est impossible de tirer une telle inférence à cause de l’absence de la preuve requise de l’ampleur de la coexistence. [Voir Christian Dior S.A. c. Dion Neckwear Ltd. 2002, 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.).]

 

ii) Le fait que l’annonce de la demande du Requérant ait été approuvée par la Section de l’examen de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada n’empêche pas l’Opposante de faire valoir avec succès que la Marque n’est pas enregistrable. Une décision de la Section de l’examen ne lie pas l’Office et n’a aucune valeur de précédent. Le fardeau qui incombe au requérant est bien plus élevé dans le cadre d’une opposition que pendant l’examen et la Section de l’examen ne dispose pas de la preuve déposée par les parties dans une procédure d’opposition. [Voir Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272, p. 277, et Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377, p.386.]

 

iii) Ce qui s’est produit devant les autres tribunaux n’a pas un effet déterminant sur l’issue de la présente procédure.

 

iv) Le fait que les avis de marque de commerce aient été utilisés ou pas n’est pas important.   

 

conclusion concernant la probabilité de confusion

Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que le Requérant n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre sa marque WAVERADIO.COM et la marque déposée WAVE. La partie distinctive de la Marque du Requérant est la marque de l’Opposante. Il n’y a guère d’éléments, si même il y en a, établissant que le Requérant a utilisé ou annoncé WAVERADIO.COM jusqu’à maintenant, alors que l’Opposante a fait la preuve de ventes importantes de ses marchandises WAVE. Même si les services du Requérant sont manifestement différents des marchandises de l’Opposante, il existe un lien entre les deux marques.

 

Le motif fondé sur l’al. 12(1)d) est donc retenu sur le fondement de l’enregistrement de WAVE.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)c)

L’Opposante a soutenu que le Requérant n’est pas la personne admise à enregistrer la marque en vertu de l’al. 16(1)a), car, à la date de premier emploi indiquée dans la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques ACOUSTIC WAVE et WAVE déjà utilisées au Canada par l’Opposante en liaison avec les marchandises pour lesquelles les marques ont été enregistrées.  

 

L’Opposante a démontré que les ventes réalisées au Canada représentent une valeur de plus de 3 millions de dollars pour sa radio ou sa radio/CD WAVE avant la date à laquelle le Requérant prétend avoir employé sa Marque pour la première fois. Dans l’ensemble, il n’y a pas de différences significatives entre un examen de la probabilité de confusion entre WAVERADIO.COM et WAVE fait à cette date et un examen en date d’aujourd’hui. Par conséquent, pour des raisons semblables à celles exposées ci-dessus dans mon analyse du motif fondé sur l’al. 38(2)b), le motif fondé sur l’al. 38(2)c) est également retenu.

 

Autres motifs d’opposition

Comme j’ai déjà repoussé la demande pour deux motifs, je n’examinerai pas les autres. 

 

Conclusion

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par la registraire des marques de commerce en


 application du par. 63(3) de la Loi, je repousse la demande en vertu du par. 38(8) de la Loi.

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 24 NOVEMBRE 2008.

 

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

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