Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Elastogran GmbH à la demande no 1226342 produite par Solplast Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce eLastropene ____________________

 

 

I La procédure

 

Le 9 septembre 2004, Solplast Inc. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce eLastropene (la « Marque ») fondée sur un emploi au Canada depuis au moins en mai 2004 en liaison avec du caoutchouc combiné avec du plastique extrudé pour utilisation dans la fabrication d’élastomères thermoplastiques (les « Marchandises »).

 

Le 24 août 2005, la demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce. Elastogran GmbH (l’« Opposante ») a produit une déclaration d’opposition le 18 janvier 2006, et le registraire l’a transmise à la Requérante le 23 février 2006.

 

Le 21 mars 2006, la Requérante a produit une contre-déclaration niant essentiellement tous les motifs d’opposition plaidés.

 

L’Opposante a produit l’affidavit de Kerry Bowman. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle seule l’Opposante a assisté.

 

II Les motifs d’opposition

 

Les motifs d’opposition sont les suivants :

 

  1. La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi ») en ce que :

a)      La Requérante n’a jamais employé la Marque au Canada;

b)      Subsidiairement ou cumulativement, l’emploi de la Marque, le cas échéant, en totalité ou en partie, n’est pas ininterrompu;

c)      C’est faussement que la Requérante a déclaré être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada compte tenu des faits mentionnés ci-après, notamment le fait que la Requérante avait connaissance des droits auxquels prétend l’Opposante en l’espèce, et le caractère illicite dudit emploi.

 

  1. La Marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi puisqu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes :

 

CELLASTO, enregistrement LMC 441017

ELASTOCELL, enregistrement LMC 512860

ELASTOCOAT, enregistrement LMC 429782

ELASTOFLEX, enregistrement LMC 429329

ELASTOFOAM, enregistrement LMC 433238

ELASTOLIT, enregistrement LMC 429781

ELASTOPAN, enregistrement LMC 430539

ELASTOPOR, enregistrement LMC 430835

(désignées collectivement « les marques de commerce déposées de l’Opposante »)

  1. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, compte tenu des dispositions des alinéas 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, puisque :

À la date revendiquée de premier emploi de la marque, celle-ci créait de la confusion avec les marques de commerce déposées susmentionnées employées antérieurement au Canada ou révélées antérieurement au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre en liaison avec les marchandises visées par les enregistrements respectifs ou en liaison avec des marchandises de la même nature que celles visées par la demande faisant l’objet de l’opposition.

  1. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, compte tenu des dispositions des alinéas 38(2)c) et 16(1)b) de la Loi, puisque :

À la date de premier emploi revendiquée de la Marque, celle-ci créait de la confusion avec les marques de commerce à l’égard desquelles une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre, à savoir :

      ELASTOCLEAR: demande no 1185500;

ELASTOSHORE: demande no 1104231;

      ELASTOSTAB: demande no 1141816.

  1. En vertu de l’alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque de la Requérante n’est pas distinctive des Marchandises, eu égard à l’article 2 de la Loi, puisque :

a.         La Marque ne distingue pas véritablement les Marchandises de la Requérante des marchandises d’autres propriétaires, y compris l’Opposante, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi;

b.        Par suite du transfert de la Marque, il subsistait des droits à l’emploi de la Marque chez deux ou plusieurs entités, et ces entités ont exercé ces droits concurremment, contrairement au paragraphe 48(2) de la Loi;

c.         L’emploi de la Marque échappe au régime de protection régissant l’emploi sous licence d’une marque de commerce au sens de l’article 50 de la Loi.

 

II Principes généraux applicables à tous les motifs d’opposition

 

Il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande respecte les dispositions de la Loi, mais l’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de produire suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit encore prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux p. 329-330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293 et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve à l’appui des motifs d’opposition décrits au paragraphe 1 ci-dessus ni à l’appui des motifs d’opposition décrits aux alinéas 5b) et c). Quant au motif invoqué au paragraphe 5a), il n’est pas suffisamment plaidé et ne respecte donc pas le paragraphe 38(3) de la Loi. Par conséquent, tous ces motifs d’opposition sont rejetés.

 

III Les dates pertinentes

 

La date pertinente au regard de l’analyse des autres motifs d’opposition varie :

 

  L’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la p. 424 (C.A.F.)];

  Le droit à l’enregistrement de la Marque, lorsque la demande est fondée sur l’emploi : la date de premier emploi alléguée dans la demande (mai 2004) [voir le para. 16(1) de la Loi].

 

IV Enregistrabilité de la marque

 

L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec ses marques de commerce énumérées plus haut. L’Opposante n’a pas produit de copies certifiées de ces enregistrements. Cependant, lorsqu’un opposant soulève un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) et n’a pas produit le ou les certificats d’enregistrement qu’il invoque, le registraire peut exercer son pouvoir discrétionnaire et consulter le registre, ce que j’ai fait [voir Quaker Oats Co. of Canada c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. L’Opposante est propriétaire des marques de commerce déposées suivantes :

CELLASTO, enregistrement LMC 441017, est enregistré en liaison avec les marchandises suivantes : matériaux plastiques bruts (sous forme de liquide et de granules); articles en plastique, nommément rondelles à ressort, engrenages, roues, ressorts à lame et à disques, coussinets et gaines, rondelles, freins disques, glissoirs de plaquettes de frein, patins de direction à glissement, courroies de ventilateur, tous les articles susmentionnés étant destinés aux véhicules et aux machines;

ELASTOCELL, enregistrement LMC 512860, est enregistré en liaison avec les marchandises suivantes : matières plastiques brutes (sous forme de granules, poudres, liquides et pâtes); pièces en matières plastiques élastiques pour véhicules agricoles, nommément bagues élastiques, cuvettes à ressorts, cages de roulement, manchons de roulement, demi-coussinets, disques de polissage, enduits à friction pour courroies plates, couches intérieures pour bagues, courroies trapézoïdales, courroies crantées, rondelles élastiques, ressorts, fixations et corps de palier, pare-chocs, plaques de fixation, butoirs de grue, trains roulants; pièces en matières plastiques élastiques pour machines, nommément bagues élastiques, cuvettes à ressorts, cages de roulement, manchons de roulement, demi-coussinets, disques de polissage, enduits à friction pour courroies plates, couches intérieures pour bagues, courroies trapézoïdales, courroies crantées, rondelles élastiques, ressorts, fixations et corps de palier, pare-chocs, plaques de fixation, butoirs de grue, trains roulants; moulages comme bagues d’étanchéité pour roulements et têtes articulées, ressorts-freins et ressorts auxiliaires, amortisseurs de vibrations, d’extrémité et à friction; supports pour tubes, raccords, roulettes, meules; produits semi-finis en plastique (sous forme de feuilles, barres, blocs, tuyaux, cylindres, tubes, bagues, panneaux); matériaux isolants en plastique contre la chaleur, le froid, les chocs et/ou le son (sous forme de panneaux, perles, moulages, copeaux ou particules); matériaux d’étanchéité, cordes d’emballage, joints d’étanchéité.

ELASTOCOAT, enregistrement LMC 429782, est enregistré en liaison avec les marchandises suivantes : produits chimiques utilisés dans l’industrie, nommément, produits chimiques et auxiliaires pour la transformation de plastiques, résines artificielles, résines synthétiques et plastiques, tous non-transformés, sous forme de poudres, liquides ou pâtes;

ELASTOFLEX, enregistrement LMC 429329, est enregistré en liaison avec les marchandises suivantes : plastique non-transformé (sous forme de poudres, liquides ou pâtes);

ELASTOFOAM, enregistrement LMC 433238, est enregistré en liaison avec les marchandises suivantes : mousse de plastique non- transformée sous forme de puces et de granules; feuilles, panneaux, tiges et blocs en mousse de plastique (semi-usinés);

ELASTOLIT, enregistrement LMC 429781, est enregistré en liaison avec les marchandises suivantes : produits chimiques utilisés dans l’industrie, nommément, matériaux bruts pour la production de plastiques; plastiques non-transformés; matériaux isolants contre les bruits de pas sous forme de panneaux ou de moulure pour l’ingénierie structurale et civile, ne contenant pas de siloxanes poly-organiques;

ELASTOPAN, enregistrement LMC 430539, est enregistré en liaison avec les marchandises suivantes : plastiques non-transformés (sous forme de liquides, granules ou pâtes); produits chimiques pour la production de plastiques; plastiques semi-usinés sous forme de feuilles, panneaux, tubes ou tiges; pièces de chaussure en plastique, nommément semelles, talons;

ELASTOPOR, enregistrement LMC 430835, est enregistré en liaison avec les marchandises suivantes : plastiques non-transformés sous forme de poudres, liquides ou pâtes; feuilles, planches, tiges et blocs de plastique (semi-usinés); mousse de plastique pour l’isolation thermique et réfrigérante de murs, toitures et tuyaux.

 

Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement à ce motif d’opposition. Je dois ensuite déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce enregistrée ELASTOPOR de l’Opposante, puisque je considère que c’est cette marque qui étaye le mieux la thèse de l’Opposante. Si l’Opposante n’obtient pas gain de cause en invoquant cette marque, elle n’obtiendrait pas non plus gain de cause en invoquant une de ses autres marques de commerce déposées, quelle qu’elle soit.

 

Le critère à appliquer pour trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, et je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive, et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces facteurs [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)]. Je m’appuie aussi sur l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, où le juge Binnie a commenté en ces termes l’appréciation des critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi pour déterminer la probabilité de confusion entre deux marques de commerce :

 

Pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion.  Ce sont : « a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent ».  Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte.  Voir Gainers Inc. c. Marchildon, [1996] A.C.F. no 297 (QL) (1re inst.).  Comme je l’ai déjà dit, dans le cadre d’une procédure d’opposition, c’est au requérant (en l’occurrence l’intimée) qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucune confusion n’est susceptible de survenir.

[…]

Quel point de vue faut‑il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »?  Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent.  Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co‑Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117.  C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13.  Voir aussi Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693.  Dans Aliments Delisle Ltée c. Anna Beth Holdings Ltd., [1992] C.O.M.C. no 466 (QL), le registraire a dit : 

Pour évaluer la question de la confusion, il faut examiner les marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite de la marque de l’opposante, qui pourrait tomber sur la marque de commerce de la requérante utilisée sur le marché en liaison avec ses marchandises.

 

C’est avec ces principes généraux à l’esprit que j’examinerai les éléments de preuve pertinents et que j’apprécierai chaque facteur pertinent mentionné ci-dessus.

 

La Marque a un caractère distinctif inhérent. Il s’agit d’un mot inventé; tout comme la marque de commerce ELASTOPOR de l’Opposante. Les marques comportent toutes deux le préfixe « elasto », qui peut suggérer « élastomère » dans le contexte des marchandises respectives des parties.

 

Il est possible d’accroître le caractère distinctif d’une marque de commerce par l’usage ou la révélation de la marque au Canada. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve. Par conséquent, il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque.

 

M. Bowman est directeur commercial de BASF Canada Inc (« BASF ») depuis octobre 2004. Il affirme que l’Opposante est une société allemande. L’Opposante et BASF sont toutes deux des filiales à 100 p. cent de leur société mère, BASF AKTIENGESELLSCHAFT (« BASF AG »).

 

L’Opposante exerce principalement ses activités dans le secteur commercial des « plastiques ». Elle est un fournisseur majeur de systèmes de polyuréthane et d’élastomères spéciaux de polyuréthane. M. Bowman allègue que BASF est la représentante commerciale au Canada pour toutes les marchandises portant l’une quelconque des marques de commerce déposées de l’Opposante. Il allègue en outre que l’Opposante contrôle, directement ou indirectement, la qualité et les caractéristiques des marchandises produites et vendues en liaison avec les marques de commerce déposées de l’Opposante.

 

Au paragraphe 15 de son affidavit, M. Bowman affirme que [traduction] « les marchandises associées aux marques de commerce déposées de l’Opposante sont des produits chimiques qui peuvent être offerts sous forme de liquide ou de granules. Ils peuvent aussi résulter de la combinaison de deux (2) produits ou plus dans des machines de transformation spécialement conçues. De telles résines de polyuréthane sont donc parfois vendues dans des seaux, des barils, des fûts, des chariots, des camions-citernes et des wagons. Des étiquettes de produit peuvent être apposées sur les seaux, les fûts et les chariots. Les marques de commerce sont aussi associées aux produits au moment du transfert lorsqu’elles apparaissent sur les factures, les lettres de prix, les contrats, les fiches de données et les fiches signalétiques de sécurité de produit ».

 

La marque de commerce ELASTOPOR est habituellement appliquée à deux (2) systèmes d’uréthane employés pour produire un isolant thermique de polyuréthane. Celui-ci est employé en combinaison avec de l’aluminium ou du papier dans la construction domiciliaire à des fins d’isolation de plans inclinés, de toits plats et de planchers. Les produits arborant la marque ELASTOPOR sont aussi employés pour isoler des réfrigérateurs et des congélateurs, ainsi que de la tuyauterie. Les résines vendues en liaison avec cette marque de commerce sont employées pour la fabrication de portes d’entrée et de portes de garage, de panneaux de réfrigération commerciaux et de panneaux de construction. M. Bowman a produit une étiquette de produit portant la marque de commerce ELASTOPOR. La marque de commerce a été employée au Canada pour la première fois en 1994. M. Bowman a aussi produit un échantillon de facture datée du 27 août 2002 qui mentionne cette marque de commerce. Nous ne connaissons pas le volume des ventes réalisées au Canada de marchandises portant la marque de commerce ELASTOPOR. Cependant, certains éléments de preuve démontrent un emploi de la marque, et j’en conclus donc que la marque de commerce ELASTOPOR était connue au Canada au moins dans une modeste mesure.

 

La période pendant laquelle les marques de commerce en cause ont été en usage favorise également l’Opposante.

 

La Requérante formule des commentaires dans sa contre-déclaration et son plaidoyer écrit pour distinguer les marchandises et les voies commerciales respectives des parties. Cependant, la Requérante n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de cette prétention. Je dois écarter toute conclusion de fait si pareille conclusion est tirée de faits qui ne figurent pas parmi les éléments de preuve au dossier.

 

Ce sont l’état déclaratif des marchandises de la Requérante et l’état déclaratif des marchandises et services contenu dans l’enregistrement de l’Opposante qui sont déterminants : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3, aux p. 10-11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110, à la p. 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, aux p. 390-392 (C.A.F.). Cependant, ces états déclaratifs doivent être lus en vue de déterminer le type d’entreprise ou de commerce que les parties ont envisagé plutôt que tous les commerces possibles que le libellé pourrait englober. À cet égard, une preuve des commerces réels des parties est utile [voir McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168, à la p. 169 (C.A.F.)].

 

M. Bowman explique le lien qui existe entre les Marchandises et les produits de l’Opposante vendues en liaison avec ses marques de commerce déposées. Il affirme que certains des produits vendus par BASF AG sont employés dans l’industrie en remplacement du caoutchouc ou comme substitut de meilleure qualité. S’appuyant sur son expérience, M. Bowman allègue que [traduction] « […] l’on peut logiquement s’attendre à ce que l’Opposante et sa société mère BASF AG […] puissent aussi offrir des produits d’uréthane employés dans la fabrication de marchandises destinées à remplacer le caoutchouc ». Il allègue que certains des produits vendus en liaison avec les marques de commerce déposées de l’Opposante sont aussi des produits chimiques employés dans la fabrication de différents produits caoutchoutiques comme du revêtement à toiture en caoutchouc silicone.

 

M. Bowman affirme que les clients sont susceptibles de choisir les produits de l’Opposante en raison de leur souplesse à long terme, de leur plus grande résistance à la déchirure, de leur plus grande souplesse au plan de la conception et de leur meilleure résistance aux grands écarts de température. Par conséquent, les clients intéressés à acheter les Marchandises de la Requérante pourraient aussi envisager en toute logique d’acheter les produits de l’Opposante ou, à tout le moins, de comparer les deux.

 

M. Bowman allègue également que les plastiques et le caoutchouc appartiennent souvent à la même catégorie de produits; ils sont aussi étudiés dans les mêmes publications ou lors des mêmes conférences internationales. Il arrive que la Requérante et l’Opposante, ou sa société mère BASF AG, soient toutes deux membres de la même association ou participent toutes deux aux mêmes événements. Enfin, lorsqu’il s’agit d’analyser les propriétés physiques des produits en caoutchouc et en polyuréthane, la même méthode d’essai normalisée (les American Standard Test Methods) est employée dans l’industrie. Par conséquent, les Marchandises de la Requérante pourraient être analysées de la même manière que les produits de l’Opposante.

 

Aucun de ces éléments de preuve n’a été contesté. Je dois donc conclure qu’il se peut que les marchandises et les voies commerciales respectives des parties se recoupent. De tels facteurs favorisent l’Opposante.

 

Pour ce qui concerne le degré de ressemblance, le juge Cattanach a affirmé dans Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70 :

 

« À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire. »

 

Les marques en cause se ressemblent phonétiquement et visuellement principalement parce que la première partie de chaque marque est identique. Bien que la première composante d’une marque soit souvent considérée comme plus importante à des fins de distinction, lorsqu’il s’agit d’un mot courant, descriptif ou suggestif, l’importance de la première composante s’en trouve réduite [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)]. En l’espèce, la première composante est le terme « elasto », qui évoque « élastomère ». Cependant, l’Opposante invoque sa propre famille de marques de commerce commençant par le terme « elasto ». Par conséquent, compte tenu de la connexité des marchandises respectives des parties, un consommateur ayant une réminiscence des marques de commerce déposées de l’Opposante associera la Marque à l’Opposante plutôt qu’à la Requérante.

 

L’opposant qui souhaite bénéficier d’une protection plus large en invoquant à son profit une famille de marques de commerce doit démontrer un emploi de ces marques [voir MacDonald’s Corporation c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.)]. Les marques de commerce de l’Opposante sont énumérées plus haut. Le dossier comporte des éléments de preuve démontrant un emploi des marques de commerce suivantes : ELASTOFLEX, au moins depuis décembre 2003, ELASTOCOAT, au moins depuis septembre 2004, ELASTOFOAM, au moins depuis mai 2004, et ELASTOLIT, au moins depuis février 2001. Il n’y a aucune preuve d’emploi des autres marques de commerce citées. Avec la marque de commerce ELASTOPOR, ces marques de commerce constituent une famille d’au moins cinq (5) marques de commerce comportant le préfixe « elasto ». Il n’y a aucun élément de preuve indiquant un emploi de ce préfixe sur le marché par des tiers en liaison avec des marchandises connexes.

 

Tout bien considéré, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est enregistrable. Il y a un certain recoupement des marchandises et des voies commerciales; la Marque ressemble à la marque de commerce ELASTOPOR de l’Opposante en ce que le préfixe des deux marques est le même; et l’Opposante est propriétaire d’une famille de marques de commerce comportant comme préfixe le terme « ELASTO ». Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est accueilli.

 

V Autres motifs d’opposition

 

L’Opposante soutient que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque puisqu’à la date revendiquée de premier emploi de la Marque, celle-ci créait de la confusion avec ses marques de commerce déposées employées antérieurement au Canada en liaison avec des marchandises de la même nature que celles de la Requérante. Comme je l’ai expliqué plus haut, l’Opposante a démontré un emploi antérieur d’au moins cinq de ses marques de commerce déposées, dont ELASTOPOR. Elle s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial. La Requérante doit donc démontrer qu’elle est la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque.

 

Les conclusions tirées relativement à la probabilité de confusion entre la Marque de la Requérante et la marque de commerce déposée ELASTOPOR de l’Opposante, lorsqu’il s’agissait de déterminer si la Marque serait enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, s’appliquent tout autant au chapitre du droit à l’enregistrement. Par conséquent, le troisième motif d’opposition est également accueilli.

 

Quant au quatrième motif d’opposition, il n’est pas nécessaire d’en traiter puisque l’Opposante a déjà obtenu gain de cause au regard de deux motifs d’opposition distincts.

 


VI Conclusion

 

En vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le registraire en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 13 FÉVRIER 2009.

 

 

 

Jean Carrière,

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

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