Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION DE La Société Canadian Tire Limitée à la demande numéro 1,025,166 produite par The Sherwin‑Williams Company en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ARMORSEAL

 

 

Le 9 août 1999, la requérante, The Sherwin-Williams Company, a produit une demande d’enregistrement visant la marque de commerce ARMORSEAL (la marque en cause), fondée sur l’emploi de cette marque au Canada depuis le 7 mai 1999 au moins.

 

La demande a été annoncée pour fin d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 2 octobre 2002. À cette date, l’état des marchandises était ainsi libellé : « Revêtements transparents et pigmentés utilisés sous forme de peintures d’intérieur et d’extérieur, de teintures à bois et de vernis. »

 

Le 3 mars 2003, la Société Canadian Tire Limitée a produit une declaration d’opposition. La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration, dans laquelle elle a nié les allégations de l’opposante.

 

Conformément à la règle 41 du Règlement sur les marques de commerce (1996), l’opposante a déposé les affidavits de Chris Thompson, son directeur de la publicité, et de Tylene Susan Levey, une stagiaire en droit.

 

La requérante n’a produit aucun élément de preuve et n’a contre‑interrogé aucun des auteurs des affidavits déposés par l’opposante.

 

Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et chacune d’elles était présente à l’audience.

 

La charge de la preuve

C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), mais l’opposante a la charge initiale de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

Le premier motif d’opposition est reproduit ci‑dessous :

La demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) de la Loi, car la requérante n’a pas, ainsi qu’elle le prétend, employé sa marque au Canada en liaison avec des revêtements transparents et pigmentés utilisés sous forme de peintures d’intérieur et d’extérieur, de teintures à bois et de vernis depuis le 7 mai 1999.

 

La charge de preuve qui pèse sur l’opposante, relativement à la non‑conformité à l’alinéa 30b), est plus légère [Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), p. 89; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., précité]. De plus, cette disposition exige que la marque visée par la demande d’enregistrement ait été employée sans interruption dans la pratique normale du commerce de la date revendiquée jusqu’à la date pertinente, soit la date du dépôt de la demande [Labatt Brewing Co. c. Benson & Hedges (Canada) Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), p. 262; Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475].

 

Les deux parties ont présenté une argumentation orale très étoffée relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b), centrée sur les décisions Parmalat Food Inc. c. Sun World International Inc. (2006), 50 C.P.R. (4th) 283 (C.O.M.C.), John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., précitée, et Tubecon Inc. c. Tubeco Inc. (1986), 10 C.P.R. (3d) 386 (C.O.M.C.).

 

Dans Parmalat, le commissaire Herzig a indiqué que la décision de la requérante de ne pas soumettre de preuve n’était pas suffisante, en soit, pour faire jouer l’alinéa 30b). Toutefois, il a conclu que l’opposante s’était acquittée de sa charge de preuve initiale lorsque, pendant le contre‑interrogatoire des auteurs des affidavits de l’opposante, ceux‑ci ont répondu par la négative à la question de savoir s’ils avaient déjà vu les marchandises portant la marque de commerce de la requérante. M. Herzig a estimé que les témoins de l’opposante connaissaient bien le marché en cause et que la requérante avait eu toute la latitude voulue pour dissiper tout doute concernant l’emploi de sa marque.

 

Dans John Labatt, la preuve présentée au juge McNair comportait l’affidavit du représentant d’une filiale de l’opposante, lequel avait déclaré qu’il entrait dans ses attributions d’être au courant du marché pertinent ainsi que des produits des concurrents. Il avait affirmé qu’à sa connaissance la requérante ne vendait pas et n’avait pas vendu de marchandises portant sa marque de commerce au Canada. Toutefois, la requérante affirmait qu’elle employait sa marque depuis 1962, et la preuve n’indiquait pas si les connaissances que l’auteur de l’affidavit avait du marché remontaient plus loin que la date à laquelle il avait pris ses fonctions, laquelle était de beaucoup postérieure à 1962. Il avait affirmé qu’il travaillait dans cette industrie depuis 1968 et qu’il avait une connaissance générale des marques présentes dans le marché. La Cour a jugé que l’affidavit ne décrivait pas assez précisément les compétences et les états de service de son auteur avant son emploi actuel et que les paragraphes de son affidavit se rapportant à sa connaissance générale du marché depuis 1968 étaient « tellement vagues et qu'ils manqu[ai]ent tellement de précision qu'ils n'[avaient] virtuellement aucune importance ».

 

Dans Tubecon, le président de la Commission, M. Partington, a conclu que l’opposante ne s’était pas acquittée de sa charge de preuve, notamment parce que l’expérience des auteurs des affidavits étant essentiellement limitée au Québec et ne concernant que les conduites en béton, leur déclaration qu’ils n’avaient pas vu les produits de la requérante n’étaient pas suffisantes car ni le marché hors du Québec ni les conduites faites d’un autre matériau que le béton ne leur étaient familiers (les marchandises de la requérante étant simplement présentées comme de la tuyauterie).

 

En l’espèce, l’opposante s’appuie sur des éléments de preuve qu’elle a elle-même présentés pour s’acquitter de sa charge initiale. Les passages pertinents de l’affidavit de M. Thompson (souscrit le 14 mai 2004) sont reproduits ci‑dessous :

[Traduction] 1                        J’occupe actuellement le poste de directeur de la publicité de la Société Canadian Tire Limitée (Canadian Tire) depuis environ quatre mois. De mars 2000 à décembre 2002, j’ai été chef de catégorie - peinture, rénovation et quincaillerie - de l’entreprise, une fonction que j’ai remplie pendant deux ans et demi environ. J’ai occupé d’autres postes chez Canadian Tire pendant à peu près six ans. J’ai donc une connaissance personnelle des faits relatés ci‑dessous ou j’en ai été mis au courant par des membres de mon personnel après examen des registres de l’entreprise et je crois qu’ils sont exacts.

14.   En ma qualité de chef de catégorie - peinture, rénovation et quincaillerie - j’ai surveillé de près l’évolution du marché. Si la requérante avait vendu des produits de peinture en liaison avec la marque de commerce ARMORSEAL, je suis certain que j’en aurais eu connaissance, en particulier parce que la requérante comptait parmi les fournisseurs de Canadian Tire. Je n’ai appris l’emploi de la marque de commerce ARMORSEAL par la requérante que lorsque j’ai pris connaissance de l’annonce publiée dans le Journal des marques de commerce relativement à cette marque.

17.   Compte tenu de mon expérience de l’achat et de la vente de peintures et de produits pour la maison, je ne crois pas que la requérante a utilisé la marque de commerce ARMORSEAL en liaison avec les marchandises ainsi qu’elle l’allègue.

 

 

Je constate également qu’au paragraphe 4 de son affidavit, M. Thompson déclare que tant au mois de mai 1999 qu’au mois de mars 2003, il y avait des marchands associés Canadian Tire dans toutes les provinces canadiennes.

 

À mon avis, l’opposante n’a pas soumis une preuve suffisante pour s’acquitter de sa légère charge de preuve. M. Thompson déclare qu’il a surveillé de près le marché pertinent entre mars 2000 et décembre 2002. Cette affirmation soulève certainement des doutes sur l’emploi de la marque de la requérante entre ces dates, mais la question qu’il faut se poser, s’agissant de l’application de l’alinéa 30b), c’est si la requérante a employé sa marque entre le 7 mai 1999 et le 9 août 1999. Qu’elle l’ait ou non employée après le 9 août 1999 est sans pertinence. Certes, M. Thompson a déclaré qu’il travaillait pour l’opposante depuis 1998 environ mais, comme il n’a rien dit des fonctions qu’il exerçait avant le mois de mars 2000, je ne puis en conclure qu’il connaissait suffisamment le marché en cause avant cette date pour que le fait qu’il ignorât l’existence de la marque de commerce de la requérante soit significatif.

 

Puisque l’opposante ne s’est pas acquittée de la charge de preuve initiale qui pesait sur elle, la requérante n’avait pas à soumettre d’éléments de preuve pour contester ce motif fondé sur l’alinéa 30b), lequel est écarté.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

Le deuxième motif d’opposition peut être résumé ainsi :

Compte tenu de l’alinéa 12(1)d), la marque de commerce ARMORSEAL n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec quatre marques déposées, propriété de l’opposante, à savoir les marques ARMOR COAT portant les numéros LMC498,136, LMC467,329 et LMC532,868 et la marque ARMOR COAT et dessin portant le numéro LMC538,413 [collectivement appelées ci‑après les marques de l’opposante].

 

La date pertinente pour l’examen du risque de confusion visé par ce motif d’opposition est la date actuelle [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

L’opposante a satisfait à sa charge de preuve initiale en déposant des copies certifiées conformes des enregistrements sur lesquels elle s’appuie.

 

Le critère applicable en matière de confusion

Le critère qu'il convient d'appliquer en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, il y a confusion entre deux marques de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour déterminer s'il y a confusion suivant le critère énoncé au paragraphe 6(2), le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, et notamment de celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

 

Dans Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Association et al. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.), p. 58-59, le juge Malone a résumé les principes applicables à l’évaluation du risque de confusion :

 

L'examen de certains arrêts-clés fournit également des principes directeurs pratiques. Par exemple, la Cour doit se mettre à la place d'une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n'en a qu'un vague souvenir; la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure. S'agissant du degré de ressemblance dans la présentation, le son ou l'idée dont il est question à l'alinéa 6(5)e), les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout. De la même façon, puisque c'est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, il n'est pas correct, pour l'application du critère de la confusion, de placer les marques l'une en regard de l'autre et de comparer ou observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. En outre, les marques de commerce ne doivent pas être considérées séparément des marchandises ou services avec lesquels elles sont associées, mais en liaison avec ces marchandises ou services. Quand il s'agit de marques célèbres ou notoirement connues, il peut être plus difficile d'établir qu'il n'y a pas de probabilité de confusion, particulièrement quand le genre des marchandises est similaire. En dernier lieu, les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. Chaque cas de confusion peut justifier qu'on accorde plus d'importance à l'un de ces critères.

 

Aux paragraphes 56 à 58 du récent arrêt de la Cour suprême du Canada Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), le juge Binnie a donné des précisions sur la notion de consommateur appliquée dans le critère relatif à la confusion :

Quel point de vue faut‑il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »?  Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent.  Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co‑Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117.  C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13.  …

 

De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention.  Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678.  Dans le cas de l’achat de marchandises ou de services ordinaires de consommation courante, ce consommateur mythique, quoique d’intelligence moyenne, est généralement en retard sur son horaire et a plus d’argent à dépenser que de temps à perdre à se soucier des détails.  Dans certains marchés, il conviendra de présumer le bilinguisme fonctionnel de cette personne : Four Seasons Hotels Ltd. c. Four Seasons Television Network Inc., (1992), 43 C.P.R. (3d) 139 (C.O.M.C.).  Pour ces consommateurs mythiques, l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux accélère et facilite les décisions d’achat.  Le droit reconnaît que, lorsque la nouvelle marque de commerce accroche leur regard, ils n’ont qu’un souvenir général et assez vague de la marque antérieure, aussi célèbre soit‑elle ou, ainsi qu’il est dit dans Coca‑Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi‑Cola Co. of Canada Ltd., [1942] 2 D.L.R. 657 (C.P.), ils s’en souviennent comme le ferait [traduction] « une personne dont la mémoire n’est ni bonne ni mauvaise, avec ses imperfections habituelles » (p. 661).  La norme applicable n’est pas celle des personnes [traduction] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » : Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709 (Ch. D.), p. 717.  Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

 

Je commencerai par évaluer le risque de confusion entre la marque de la requérante et la marque déposée ARMOR COAT portant le numéro d’enregistrement LMC498,136. L’enregistrement vise les marchandises suivantes : peinture émail, peinture émulsion/alkyde pour plancher, vernis d’intérieur polyvalent/vernis d’utilisation marine, peinture pour maçonnerie, peinture à l’aluminium, apprêt de scellement, fini uréthane d’intérieur et d’extérieur, hydrofugation à la silicone, produit-laque, peinture anti-rouille, peintures spéciales, produit de préservation et de scellement du bois pénétrant transparent et produit de préservation liquide vert pour le bois, la corde et le tissu, vernis gomme laque, peinture de mélamine, imperméabilisateur/bouche‑fentes/apprêt contre les taches d’huile pour entrées de garage et huile de lin.

 

Alinéa 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

Aucune des marques n’est intrinsèquement forte car elles suggèrent toutes deux que le produit auxquelles elles sont liées protège l’article sur lequel il est appliqué.

 

Il n’a pas été établi que la marque de la requérante est devenue connue. En revanche, la preuve de l’opposante démontre que sa marque jouit d’une notoriété substantielle. Cette conclusion repose, notamment, sur les éléments de preuve suivants :

  • Les marchandises de l’opposante portant la marque de commerce ARMOR COAT ont été annoncées dans des millions de catalogues distribués chaque année aux Canadiens depuis l’année 1990 au moins [paragraphe 7 de l’affidavit Thompson].

         Le chiffre des ventes des marchandises ARMOR COAT réalisées au Canada depuis le 1er janvier 1990 excède 145 millions de dollars [paragraphe 11 de l’affidavit Thompson].

 

Alinéa 6(5)b) - la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

La requérante déclare, dans sa demande, qu’elle emploie sa marque depuis 1999, alors que M. Thomson a affirmé que la marque ARMOR COAT de l’opposante est employée depuis 1937 au moins. La copie certifiée conforme de l’enregistrement numéro 498,136 indique également 1937 comme date de premier emploi de cette marque.

 

Alinéas 6(5)c) et d) - le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

Les marchandises des parties se recoupent. L’état des marchandises de chacune d’elles comporte de la peinture et du vernis.

 

L’opposante vend ses produits à ses marchands associés qui les vendent au public. Il y avait plus de 450 marchands associés lorsque l’affidavit de M. Thompson a été déposé, et ils sont répartis dans tout le Canada. Il ressort de la publicité faite par l’opposante qu’elle vend des produits divers, dont un vaste éventail de produits pour la peinture [paragraphes 3 et 4, pièces C et D de l’affidavit Thompson].

 

Le seul renseignement dont nous disposons concernant l’entreprise de la requérante est qu’elle fournit des produits à l’opposante [paragraphe 14, affidavit Thompson].

 

L’opposante a souligné que la demande d’enregistrement de la requérante ne comporte aucune restriction concernant les voies de commercialisation et qu’en conséquence, il faut reconnaître qu’elles pourraient recouper celles de l’opposante.

 

La requérante a soutenu que les produits des parties s’appliquant sur des surfaces coûteuses, comme des terrasses en bois, les clients feraient attention lors de leur achat. Toutefois, ainsi que l’a signalé l’opposante, il n’a pas été établi que les consommateurs de produits de peinture apportent plus de soin à l’achat de ces marchandises. Quoi qu’il en soit, je ne puis accepter l’argument de la requérante car, de toute évidence, la peinture peut être appliquée tout autant sur des objets coûteux que sur des objets bon marché. Je ne vois rien qui puisse faire conclure que les acheteurs des marchandises en cause seraient plus avertis que le consommateur moyen.

 

Alinéa 6(5)(e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

« Même s'il est vrai que les marques ne doivent pas être scindées lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des questions de confusion, il a été jugé que la première partie d'une marque de commerce est celle qui est la plus pertinente lorsqu'il s'agit de se prononcer sur son caractère distinctif » [K-Tel International Ltd. c. Interwood Marketing Ltd. (1997), 77 C.P.R. (3d) 523 (C.F. 1re inst.), p. 527].

 

J’estime que, globalement, les marques ARMORSEAL et ARMOR COAT se ressemblent passablement, en particulier lorsqu’elles sont toutes deux employées en liaison avec de la peinture. Elles débutent l’une et l’autre par le mot ARMOR suivi de quatre lettres, elles comportent toutes deux trois syllabes dont les deux premières sont ARMOR et elles suggèrent que la peinture qui y est associées assurera une protection solide à l’article peint. 

 

La requérante a fait valoir qu’il existe, entre les mots COAT et SEAL, des différences importantes qui permettent de distinguer les marques. Si je comprends bien, son argument repose en partie sur l’idée que « coat » suggère une possibilité d’enlèvement alors que « seal » connote la permanence. Je ne suis pas d’avis que cela établisse une différence significative entre les marques. En effet, il ressort des définitions suivantes de l’Oxford Canadian Dictionary, 2e éd., qu’il existe des liens étroits entre « coat » et « seal » dans le contexte des produits de peinture :

Coat – [traduction] revêtement (peinture, etc.), appliqué sur une surface; appliquer (de la peinture, etc.), pour couvrir;

Seal – [traduction] appliquer une substance épaisse non poreuse (bois vierge, mur, etc.) pour imperméabiliser, en part. pour faciliter l’application d’une couche de finition;

Paint – [traduction] substance, en part. sous forme liquide, dont on enduit une surface pour la colorer.

 

Je constate également que, malgré cet argument, la requérante a décrit ses marchandises comme des « revêtements » (coat) et qu’en plus, la description des marchandises de l’opposante fait état d’« apprêt de scellement » (seal).

 

Les autres circonstances

Je constate également qu’aucun élément de preuve n’indique qu’un tiers emploie une marque comportant le préfixe ARMOR.

 

Conclusion relative au risque de confusion

Je suis d’avis que la première impression d’une personne ayant un souvenir imparfait des produits ARMOR COAT qui verrait les revêtements ARMORSEAL pourrait raisonnablement être que ceux‑ci sont distribués ou que leur distribution est autorisée par l’entité qui annonce et vend les premiers produits. Bien que la marque de l’opposante ne soit pas intrinsèquement forte, il a été démontré qu’elle jouit d’une notoriété appréciable au Canada, sans compter que les marchandises des parties sont très proches, pour ne pas dire identiques. Dans la mesure où les marchandises de la requérante peuvent servir à sceller (seal) et que celles de l’opposante peuvent constituer des revêtements (coats), un consommateur pourrait raisonnablement conclure que les scellants ARMORSEAL et les revêtements ARMOR COAT ont la même provenance.

 

Il incombait à la requérante de me convaincre qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion, et elle ne l’a pas fait. J’accepte donc le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

Il est généralement établi que la date pertinente pour l’examen du caractère distinctif est la date de la production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) (C.F. 1re inst.)]. Bien que la requérante ait la charge ultime de prouver que sa marque distingue véritablement ses services des autres services offerts dans l’ensemble du Canada ou est adaptée à les distinguer [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], l’opposante doit, elle, s’acquitter d’une charge de présentation initiale relativement aux allégations de fait étayant le motif d’absence de caractère distinctif. Pour s’acquitter de cette charge, toutefois, l’opposante n’a pas à prouver que sa marque de commerce est bien connue au Canada ou qu’elle y a révélée uniquement par les moyens énoncés à l’article 5 de la Loi [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), p. 55]. 

 

La preuve de l’opposante établit bien que la marque de commerce ARMOR COAT était passablement connue au Canada le 3 mars 2003. Elle a donc fait la preuve qui lui incombait.

 

Pour des raisons s’apparentant à celles que j’ai évoquées à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), je conclus qu’il existait un risque de confusion entre la marque ARMORSEAL de la requérante et la marque ARMOR COAT de l’opposante le 3 mars 2003. La date servant à l’examen de la question de la confusion est sans incidence en l’espèce.

 

En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est reçu.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a)

Puisque j’ai déjà refusé la demande d’enregistrement pour deux motifs, je n’examinerai pas le dernier motif d’opposition.

 

Décision

En vertu de la délégation de pouvoirs faite par le registraire des marques de commerce sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 23 NOVEMBRE 2006

 

 

Jill W. Bradbury                                 

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

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