Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

                                                           LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 62

Date de la décision : 2013-03-26

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Image Intellectual Property Law Professional Corporation à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1 475 543 pour la marque de commerce MRS. PAUL’S au nom de Pinnacle Foods Group LLC

 

[1]               Le 1er avril 2010, Pinnacle Foods Group LLC (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce MRS. PAUL’S (la Marque) fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque aux États-Unis d’Amérique en liaison avec des aliments congelés, à savoir des poissons et des crustacés. La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans l'édition du Journal des marques de commerce du 1er septembre 2010.

[2]               Le 1er novembre 2010, Image Intellectual Property Law Professional Corporation (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement relative à la Marque. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration contestant les allégations de l'Opposante.

[3]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit de Melissa Prado ainsi que les copies certifiées conformes des dossiers de l’Office de la propriété intellectuelle (OPIC) relatifs à la présente demande et aux numéros d’enregistrement LMC422 878 et LMC216 273.

[4]               La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve et de ne pas contre-interroger Mme Prado.

[5]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient présentes à l'audience.

Motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante en vertu de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c T-13 (la Loi) sont reproduits ci-après :

(i)           En vertu de l’alinéa 38(2)(b) de la [Loi], la marque de commerce MRS. PAUL’S n’est pas enregistrable. Notamment, la marque MRS. PAUL’S est constituée principalement du nom ou du nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes, ce qui est contraire à l’alinéa 12(1)(a) de la Loi, et elle n’a pas été employée au Canada par la Requérante ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant ou avoir acquis un caractère distinctif à une date pertinente.

(ii)         En vertu de l’alinéa 38(2)(b) de la [Loi], la marque de commerce MRS. PAUL’S n’est pas distinctive. Notamment, elle ne distingue pas véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, des marchandises ou services d’autres propriétaires, pas plus qu’elle n’est adaptée à les distinguer ainsi, puisqu’elle n’est pas employée en liaison avec des marchandises ou services au Canada, ni ne l’a été à aucun moment déterminé. La Requérante et/ou son ou ses prédécesseurs en titre ne sont pas parvenus, à deux reprises, à présenter une preuve de l’emploi de la marque de commerce pour répondre à un avis émis en vertu de l’article 45 de la Loi, entraînant la radiation de l’enregistrement de la marque de commerce no LMC216273 le 22 février 1991 et la radiation imminente de l’enregistrement de la marque de commerce no LMC422878, les deux pour la marque MRS. PAUL’S.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l'Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 CPR (3d) 293 (CFPI), à 298].

[8]               Les dates pertinentes pour l’évaluation de chaque motif d’opposition sont les suivantes : concernant le motif d’opposition en vertu de l’alinéa 12(1)(a), la date de dépôt de la demande [Calvin Klein Trademark Trust c. Wertex Hosiery Inc (2004), 41 CPR (4th) 552 (COMC)]; et concernant le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, la date de production de la demande d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Observation préliminaire

[9]               L’Opposante a démontré qu’il s’agit de la troisième demande d’enregistrement relative à la Marque. Elle a fait l’objet de la demande no 375 216 déposée le 14 mai; cette demande a donné lieu à un enregistrement sous le no LMC216 273 le 24 septembre 1976, mais elle a été radiée le 22 février 1991 pour défaut de présentation de preuve d’emploi au Canada, en réponse à un avis émis en vertu de l’article 45. Une deuxième demande d’enregistrement de la Marque a été déposée le 6 mai 1991 (no d’enregistrement 681 451); cette demande a donné lieu à l’enregistrement no LMC422 878 le 4 février 1994, mais l’enregistrement a été radié le 28 février 2011 pour défaut de présentation de preuve d’emploi au Canada, en réponse à un avis émis le 10 mars 2010 en vertu de l’article 45.

[10]           L’Opposante soutient qu’il s’agit d’une utilisation abusive du système que de déposer des demandes d’enregistrement consécutives d’une marque de commerce dont l’enregistrement ne peut être maintenu en raison de l’absence d’emploi. Elle fait valoir que le législateur n’a pu vouloir signifier que quelqu’un pouvait maintenir en vigueur la protection d’une marque de commerce faisant l’objet d’un enregistrement vulnérable registration simplement en déposant une nouvelle demande. L’Opposante considère qu’il s’agit d’une faille dans la Loi et qu’elle devrait être comblée. Évidemment, la Requérante n’est pas de cet avis.

[11]           Que les demandes de remplacement doivent ou non être autorisées n’est pas une question à trancher dans une procédure d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(a)

[12]           Dans la décision Jurak Holdings Ltd c. Matol Biotech Laboratories Ltd (2007), 64 CPR (4th) 195 (COMC), conf. 69 CPR (4th) 321 (CF), le membre Carrière a résumé le critère en vertu de l’alinéa 12(1)(a) comme suit, au paragraphe 16 :

Les deux arrêts-clés sur la question de la non-enregistrabilité d’une marque de commerce constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes  sont Canada (Registraire des marques de commerce) c. Coles Book Stores Ltd., [1974] R.C.S. 438, 4 C.P.R. (2d) 1, Gerhard Horn Investments Ltd. c. le Registraire des marques de commerce (1983), 73 C.P.R. (2d) 23 (C.FPI), et Standard Oil Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce), [1968] 2 Ex.C.R. 523, 55 C.P.R. 49. Comme il est défini dans ces arrêts, le test à appliquer lors de l’interprétation de l’alinéa 12(1)(a) comporte deux volets :

1)         la première condition est d’abord et avant tout de déterminer si la Marque est le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé récemment;

2)         si la réponse à la première question est affirmative, le Registraire doit déterminer si la Marque, à l’esprit du consommateur canadien moyen, sera perçue comme étant « principalement » un nom ou un nom de famille plutôt qu’autre chose.

[13]           Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne la première condition du test, l’Opposante s’appuie sur le fait que Mme Prado a trouvé 9 492 occurrences du nom de famille « Paul » dans les annuaires téléphoniques canadiens. Mme Prado a présenté quatre pages représentatives des résultats de sa recherche, avec 50 résultats par page. Les quatre pages énumèrent les noms, adresses et numéros de téléphone de particuliers, hommes ou femmes, portant le nom de famille « Paul ».

[14]           La Requérante soutient que la preuve ne satisfait pas au fardeau initial de l’Opposante, car la preuve n'indique pas qu'il existe une femme mariée appelée Mrs. Paul. Il me semble, toutefois, que le bon sens dicte d’accepter que s’il existe 9 492 personnes portant le nom de famille Paul, au moins une de ces personnes est i) une femme ayant épousé un Mr. Paul et qui est donc appelée Mrs. Paul, ou ii) un homme marié dont l’épouse serait appelée Mrs. Paul. La Requérante a fait valoir que c’est un manque de logique inacceptable, mais je considère que c’est une déduction directe. À cet égard, je note l’instruction suivante de la Cour fédérale au paragraphe 48 dans Conseil du régime de retraite des enseignantes et enseignants de l’Ontario c. Canada (Procureur général) (2011), 89 CPR (4th) 301, conf. 99 CPR (4th) 213 (CAF) :

Dans Neptune S.A. c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 715 (Neptune S.A.), le juge

Martineau a déclaré que l’auteur de la décision doit non seulement examiner la preuve qui lui est présentée, mais aussi le sens commun dans l’évaluation des faits. Par conséquent, pour apprécier la validité de la marque de commerce proposée, on doit examiner la preuve, mais aussi tenir compte du sens commun.

[15]           La Requérante a noté que la section de l’Examen des marques de commerce de l'OPIC ne s'est pas opposée à la Marque en vertu de l’alinéa 12(1)(a). Toutefois, la section de l’Examen ne dispose pas de la preuve produite par les parties à une procédure d’opposition, et une décision de la section de l’Examen de l’OPIC n’est pas contraignante pour cette Commission [Interdoc Corporation c. Xerox Corporation (25 novembre 1998 COMC (non notifié), demande nº 786 491)].

[16]           À l’appui de son affirmation que MRS. PAUL’S peut faire l’objet d’une objection en vertu de l’alinéa 12(1)(a), l’Opposante relève les commentaires suivants concernant MR. CHRISTIE’S dans Procter & Gamble Inc c. Nabisco Brands Ltd (1988), 22 CPR (3d) 303 (COMC) aux pages 305-306 :

En ce qui concerne le deuxième et le troisième motif d’opposition, l’affidavit de MacKendrick établit que Christie est un nom de famille courant au Canada. De plus, cet affidavit démontre qu’un grand nombre d’hommes portent le nom de famille Christie. Ainsi, la forme possessive Mr. Christie's est un prénom ou un nom de famille. Étant donné le nombre de particuliers portant le nom Christie et l’absence de toute autre signification courante de ce mot, Mr. Christie's serait perçu à l’esprit du Canadien moyen comme étant principalement le prénom ou le nom de famille d’un particulier vivant.

[17]           La Requérante soutient pour sa part que les commentaires ci-dessus sont obiter dicta parce que la marque de commerce en cause dans l’affaire Procter & Gamble était en fait MR. CHRISTIE'S CRISP 'N CHEWY. Que la citation ci-dessus soit ou non obiter dictum, je considère qu’elle exprime une approche valable et utile.

[18]           La Requérante soutient également que l’affaire Procter & Gamble se distingue de l’affaire actuelle, car elle était fondée sur la preuve qu’il existait des hommes portant le nom de famille Christie qui pouvaient être appelés Mr. Christie, alors qu’il n’y a pas de preuve en l’espèce que des femmes portant le nom de famille Paul pourraient être appelées Mrs. Paul, car rien ne prouve qu’elles sont mariées. J’ai déjà exprimé l’avis qu’il faut prouver que l’un des milliers de particuliers portant le nom Paul fait partie d’un couple marié.

[19]           Comme j’ai trouvé que l’Opposante a satisfait à son fardeau initial quant au premier volet du test en vertu de l’alinéa 12(1)(a), j’examine maintenant le deuxième volet du test pour lequel je dois déterminer si, à l'esprit du consommateur canadien moyen, la Marque est perçue comme étant « principalement » un prénom ou un nom de famille plutôt qu’autre chose.

[20]           Les parties sont d’accord sur le fait que Paul est un prénom courant. La Requérante fait valoir que puisque « PAUL » a plus d’une signification, le consommateur canadien moyen ne penserait pas forcément que la Marque est un nom de famille. À l’appui, elle fait référence à Anglo Canadian Housewares LP c. Glaskoch Jr GmbH & Co KG (2006) CarswellNat 5375 (COMC). Cette procédure d’opposition a rejeté un motif d’opposition en vertu de l’alinéa 12(1)(a), car la preuve permettait de conclure que le Canadien moyen ne percevrait pas le mot LEONARDO comme étant principalement un nom de famille ou le nom d’un particulier, mais plutôt un prénom. Toutefois, cette cause se distingue par plusieurs points. Contrairement au cas d’espèce, dans Anglo Canadian Housewares la preuve montrait que la plupart des références à LEONARDO étaient le prénom d’un particulier. Plus important encore, alors que le mot LEONARDO n’était accompagné d’aucun élément pouvant suggérer que le mot était un nom de famille plutôt qu’un prénom, l’ajout du titre MRS. dans la Marque précise bien que PAUL est employé en tant que nom de famille.

[21]           L’Opposante a satisfait à son fardeau initial en vertu de l’alinéa 12(1)(a) et la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime, car je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le consommateur canadien moyen, à la date du 1er avril 2010, aurait réagi à la Marque comme étant autre chose que le prénom ou le nom de famille d’un particulier vivant. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(a) est donc retenu.

Motif d'opposition fondé sur le caractère distinctif

[22]           Dans la mesure où l’argument relatif au caractère distinctif est fondé simplement sur l’absence d'emploi de la Marque, l’argument ne soulève pas un motif d’opposition valable. Même si la Requérante a choisi de ne pas présenter de preuve de l’emploi de la marque au Canada, la Requérante n’est pas obligée d’avoir employé la Marque au Canada étant donné que la demande est fondée seulement sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque aux États-Unis d’Amérique. Si l’on se limite à la formulation contenue dans le paragraphe (ii) des arguments, alors le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est rejeté.

[23]           Cependant, en lisant les faits allégués au paragraphe (i) des arguments dans l’argument de caractère distinctif, l’argumentation devient alors que la Marque n’a pas de caractère distinctif inhérent, car elle est constituée principalement du prénom ou du nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes. Comme l’a souligné l’Opposante, il n’y a pas de preuve de l’emploi et de la promotion par la Requérante de la Marque au Canada, et donc rien ne prouve que la Marque a acquis un caractère distinctif au Canada à la date du 1er novembre 2010. Dans ces circonstances, le sort du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif serait lié au sort du motif d’opposition fondé sur l'alinéa 12(1)(a), avec le résultat que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif serait aussi retenu.

[24]           Je note qu’une issue similaire s’est produite dans Jurak Holdings où le membre Carrière a conclu ce qui suit, concernant un motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, à la page 206 :

Puisque la Marque est constituée principalement du nom d’un particulier qui est décédé durant les trente dernières années, et en l’absence de preuve montrant que la Marque a acquis un caractère distinctif à la date pertinente, je conclus que la Marque ne pouvait pas servir [sic] à distinguer les Marchandises des marchandises et services d’autres propriétaires. Le quatrième motif d’opposition est donc maintenu.

 

Décision

[25]           Exerçant les pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande, conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Dard, trad. a.

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