Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION
de Bosch Rexroth Corporation à la demande
no 884,995 produite par Paccar Inc. en vue de
l’enregistrement de la marque de commerce
FLEX AIR Design
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Le 21 juillet 1998, la requérante, Paccar Inc., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce FLEX AIR Design (figurant ci-dessous) en vue de son emploi projeté au Canada en liaison avec des « pièces et composants de camions lourds, nommément systèmes de suspension ». La requérante a revendiqué la priorité en se fondant sur sa demande correspondante aux États-Unis, par conséquent, la date de dépôt effective de la présente demande est le 9 février 1998. La demande a été modifiée de manière à prévoir une renonciation au mot AIR, et elle a été subséquemment annoncée le 17 janvier 2001 aux fins d’opposition.
Le 13 mars 2001, Mannesmann Rexroth Corporation (ci-après Mannesmann) a produit une déclaration d’opposition, dont une copie a été transmise à la requérante le 3 avril 2001. Par la suite, soit le 30 avril 2001, Mannesmann a changé son nom en celui de Bosch Rexroth Corporation (ci-après Bosch).
Selon le premier motif d’opposition, la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, car celle-ci crée de la confusion avec la marque de commerce FLEXAIR de l’opposante enregistrée sous le no 119,729 et employée en liaison avec des « soupapes de commande pneumatique actionnées à la main utilisées dans la machinerie industrielle ». Selon le deuxième motif d’opposition, à la date de dépôt effective de la requérante, la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement créait de la confusion avec la marque de commerce FLEXAIR employée antérieurement au Canada par l’opposante. Selon le troisième motif d’opposition, la marque de commerce de la requérante n’est pas distinctive, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce de l’opposante employée au Canada.
La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. L’opposante a produit en preuve l’affidavit de Joachim Scholz. La requérante a produit en preuve les affidavits de Tonia Pedro et de Jane Buckingham. Les deux parties ont produit un exposé écrit, et une audience, à laquelle les deux parties étaient représentées, a été tenue.
Preuve de l’opposante
Dans son affidavit, M. Scholz indique qu’il est vice-président, Ventes et Commercialisation de l’opposante Bosch. Selon M. Scholz, l’opposante a employé sa marque de commerce FLEXAIR au Canada depuis 1960 en liaison avec des soupapes régulatrices de pression pneumatique. Dans les extraits d’un catalogue joints, comme pièce C, à l’affidavit de M. Scholz, il est indiqué que les soupapes de l’opposante sont « ...surtout utiles pour les commandes des installations de forage pétrolier, machines d’excavation, treuils d’extraction, dragues, machines de production et équipements spéciaux ».
M. Scholz indique que le distributeur de Bosch au Canada est Basic Technologies Inc. Selon M. Scholz, au cours de la période 1994-2001, les ventes de soupape FLEXAIR de l’opposante réalisées au Canada se chiffraient à environ 150 000 $. Au cours de la période 1998-2001, plus de 960 catalogues de produits ont été distribués au Canada.
Preuve de la requérante
Dans son affidavit, Mme Pedro indique qu’elle est technicienne juridique et qu’elle a mené des recherches sur Internet concernant les réseaux de distribution pour l’industrie du transport routier et l’industrie des soupapes. Ses recherches à l’aide des mots « commandes et soupapes actionnées par fluide » lui ont permis de retracer sept entreprises qui semblent mener des activités dans le domaine de l’industrie de l’énergie hydraulique.
Mme Pedro a également produit une définition de l’expression « énergie hydraulique » obtenue sur le site Web de la National Fluid Power Association. Selon la définition, les soupapes, comme celles vendues par l’opposante, seraient utilisées dans des applications industrielles et non dans l’industrie des véhicules à moteur.
Mme Pedro a également mené une recherche dans les annuaires commerciaux afin de trouver des inscriptions au nom des deux parties à la présente opposition. Les inscriptions relevées indiquaient que l’opposante et son distributeur canadien sont des entreprises exerçant des activités dans le domaine de la fabrication et de la vente de soupapes hydrauliques et pneumatiques et de blocs d’alimentation tandis que la requérante fabrique et vend des camions lourds.
L’affidavit Buckingham donne le détail des résultats des recherches menées par Mme Buckingham. À l’aide du logiciel CDNameSearch, elle a fait des recherches dans les fichiers du Bureau des marques de commerce pour retracer des marques de commerce comportant l’élément FLEX et classées dans la classe internationale 07. Elle a repéré plus de 250 enregistrements pertinents, dont 70 étaient des marques de commerce qui commençaient par l’élément FLEX.
Mme Buckingham a également mené des recherches dans le système informatisé pour la recherche de dénominations sociales NUANS. Elle a été en mesure de repérer un certain nombre de dénominations sociales qui comportaient l’élément FLEX. Toutefois, les résultats obtenus ne sont pas très utiles, car, dans la plupart des cas, il est impossible de déterminer le type d’entreprise (le cas échéant) exercée sous lesdites dénominations sociales repérées.
Motifs d’opposition
En ce qui concerne le premier motif d’opposition, l’époque pertinente pour prendre en considération les circonstances concernant la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538 aux pages 541-542 (C.O.M.C.). Il incombe à la requérante d’établir qu’il n’y a aucun risque de confusion entre les marques en litige. De plus, pour appliquer le critère pour déterminer s’il y a confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) de la Loi, les marques en litige sont des mots inventés et ont, par conséquent, un caractère distinctif inhérent. Toutefois, les deux marques suggèrent la nature des marchandises en liaison avec lesquelles elles sont employées et sont donc intrinsèquement faibles. La marque FLEXAIR de l’opposante suggère que ses soupapes de commande sont pneumatiques ou actionnées à l’air et qu’elles ont un mode de fonctionnement souple. La marque FLEX AIR Design de la requérante suggère que ses systèmes de suspension pour camion possèdent des composantes actionnées à l’air qui assurent une tenue de route confortable ou souple.
Il n’y aucun élément de preuve qui démontre l’emploi de la marque de la requérante au Canada. Ainsi je dois conclure qu’elle n’est aucunement devenue connue au pays. La marque de l’opposante a été employée au pays durant un certain nombre d’années, mais seulement dans une mesure très limitée. Je ne peux attribuer à cette marque qu’une faible réputation au sein du commerce spécialisé et spécifique exercé par l’opposante.
La période pendant laquelle les marques ont été employées favorise l’opposante. En ce qui concerne les marchandises et les commerces des parties, ce sont l’état déclaratif des marchandises de la requérante et l’état déclaratif des marchandises figurant dans l’enregistrement de l’opposante qui régissent la situation : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 aux pages 10-11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 à la p. 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 aux pages 390-392 (C.A.F.). Toutefois, ces états doivent être interprétés dans le but de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce voulu par les parties plutôt que tous les commerces possibles qui pourraient être englobés par le libellé. À cet égard, la preuve des commerces réels exercés par les parties est utile : voir la décision dans McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 à la p. 169 (C.A.F.).
Dans la présente affaire, les marchandises des parties diffèrent. Des systèmes de suspension pour camion diffèrent des soupapes de commande pneumatique actionnées à la main utilisées dans les applications, comme des installations de forage pétrolier, machines d’excavation, treuils d’extraction et dragues. De plus, les marchandises des deux parties semblent être des articles passablement dispendieux qui seraient achetés par des acheteurs avertis et renseignés (voir, par exemple, les instructions détaillées de commande pour le produit de l’opposante figurant à la page 19 de la pièce C jointe à l’affidavit de Scholz).
Vraisemblablement, les commerces des parties différeraient également de façon importante. Le fait que des camions puissent être utilisés aux mêmes endroits où des machines d’excavation et des installations de forage pétrolier sont utilisées ne veut pas dire qu’il existe un lien à remarquer entre les marchandises et les commerces des parties. Vu que les exploitations minières et les sites d’excavation sont souvent dans des endroits éloignés, l’opposante a fait valoir que les pièces et les installations de réparation qui sont nécessaires pour l’équipement sont habituellement sur le site et que le point de vente serait donc sur le site. Toutefois, aucune preuve au dossier n’appuie ces prétentions.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)e), les marques en litige sont presque identiques sous tous les aspects.
Comme une des circonstances de l’espèce, la requérante s’est fondée sur les éléments de preuve relatifs au registre contenus dans l’affidavit de Buckingham. Les éléments de preuve relatifs au registre ne sont pertinents que dans la mesure où ils permettent de tirer des conclusions au sujet de l'état du marché : voir la décision relative à l’opposition dans Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 et la décision dans Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il faut également souligner la décision dans Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (F.C.A.), laquelle appuie la proposition voulant que des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées des éléments de preuve relatifs au registre que si l'on réussit à repérer un nombre élevé d'enregistrements pertinents.
En l’espèce, le registre des marques de commerce contient un bon nombre de marques FLEX déposées dans la grande catégorie des marchandises qui englobent la machinerie et les autres choses semblables. Bon nombre de ces marques déposées commencent par le préfixe FLEX. Toutefois, aucun de ces enregistrements par des tiers ne se rapportent à la marque FLEXAIR. Néanmoins, le grand nombre de marques FLEX soulignent la faiblesse inhérente de ces marques et suggèrent que les consommateurs sont habitués à voir ces marques dans le domaine général du commerce se rapportant à la machinerie et les autres choses semblables. Ainsi, les différences entre ces marques ou, comme en l’espèce, les différences entre les marchandises et commerces des parties en liaison avec lesquels lesdites marques sont employées augmentent le risque que les marques liées ne créent pas de confusion.
Pour appliquer le critère relatif à la confusion, j’ai considéré qu'il s'agit d'une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, et surtout vu la faiblesse inhérente des marques en litige, la réputation restreinte liée à la marque de l’opposante et les différences entre les marchandises et les commerces des parties, je conclus que la requérante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait d’établir qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre sa marque et la marque déposée de l’opposante. Par conséquent, le premier motif d’opposition est rejeté.
En ce qui concerne le deuxième motif d’opposition, l’opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en établissant l’emploi de sa marque FLEXAIR avant la date de dépôt réelle de la requérante du 9 février 1998 et le non-abandon de sa marque à la date de l’annonce de la requérante. Ainsi le deuxième motif doit être tranché quant à la question de la confusion entre les marques des parties à la date de dépôt réelle de la requérante. Dans l’ensemble, mes conclusions concernant le premier motif d’opposition s’appliquent également au deuxième motif. Par conséquent, je conclus que les deux marques ne créaient pas de confusion à l’époque pertinente et que le deuxième motif est également rejeté.
En ce qui concerne le troisième motif d’opposition, le fardeau de preuve incombe à la requérante, qui doit établir que sa marque est adaptée pour distinguer ses marchandises de celles vendues par d'autres au Canada ou qu'elle les distingue véritablement : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, l’époque pertinente pour examiner les circonstances concernant cette question est au moment du dépôt de l’opposition (soit le 13 mars 2001) : voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à la p. 424 (C.A.F.).
Le troisième motif porte essentiellement sur la question de confusion entre les deux marques des parties. Dans l’ensemble, mes conclusions concernant le premier motif d’opposition s’appliquent encore également au présent motif. Par conséquent, au moment du dépôt de l’opposition, la marque de la requérante ne créait pas de confusion avec la marque de l’opposante, et le troisième motif est également rejeté.
Compte tenu de ce qui précède, et conformément au pouvoir qui m’a été délégué en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante.
FAIT À GATINEAU, QUÉBEC, CE 21e JOUR DE FÉVRIER 2006.
David J. Martin
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce