Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Citation : 2014 COMC 21

Date de la décision : 2014-02-03

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Kellogg Company à l’encontre de la demande d’enregistrement n1,477,253 pour la marque de commerce KIMBERLEY’S OWN & DESSIN au nom de Catering by Kimberley Inc.

[1]               Le 16 avril 2010, Catering by Kimberley Inc. (la Requérante) a déposé une demande d'enregistrement pour la marque KIMBERLEY’S OWN & DESSIN (la Marque), libellée comme suit :

KIMBERLEY'S OWN & DESIGN

[2]               La demande pour l'enregistrement de la Marque est fondée sur l'emploi en liaison avec [traduction] céréales, barres à base de céréales, grignotines à base de céréales, gâteaux et pains depuis septembre 2009 et sur l'emploi proposé en liaison avec des [traduction] grignotines à base de noix, grignotines à base de graines, barres-collations à base de noix et barres-collations à base de graines. La Marque est enregistrée en vue de son emploi en liaison avec des services de traiteur depuis le 1er septembre 2009.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du 13 octobre 2010 du Journal des marques de commerce.

[4]               Kellogg Company (l'Opposante) s'est opposée à cette demande en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) aux motifs que : (i) la demande ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 30(b) de la Loi; (ii) la Requérante n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(1)a) et 16(3)a) de la Loi, compte tenu de l'emploi antérieur des marques de commerce par la Requérante comme l'atteste l'annexe A ci-jointe; (iii) la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, compte tenu des marques de commerce déposées de l'Opposante comme le montre l'annexe A ci-jointe; et (iv) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi. 

[5]               À l'appui de ses motifs d'opposition, l'Opposante a déposé l'affidavit de Wendy Woods, la directrice des activités de mise en marché de Kellogg Canada Inc., une filiale à part entière et titulaire d'une licence de l'Opposante, assermentée le 25 novembre 2011.

[6]               En appui à sa demande, la Requérante a déposé l'affidavit de Kimperley Lugsdin, la propriétaire de Catering By Kimberley Inc. et de Kimberley’s Own, une filiale de Catering By Kimberley Inc., assermentée le 28 mai 2012. 

[7]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient présentes à l'audience.

Fardeau

[8]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela dit, il appartient initialement à l’Opposante de produire des preuves admissibles permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits qu’elle allègue à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 CPR (3e) 293, à la page 298].

Question préliminaire

[9]               Dans ses représentations écrites, l'Opposante a noté que l'orthographe du nom de la Requérante diffère dans la demande et dans la preuve. Dans la demande telle que déposée, le nom de la Requérante est indiqué comme étant Catering by Kimberly Inc. (avec un seul « e » dans « Kimberly »). Or, dans la preuve telle que déposée, le nom de la Requérante est indiqué comme étant Catering by Kimberley Inc. (avec un second « e » dans « Kimberley »). Peu après l'audience, la Requérante a pris les mesures nécessaires pour corriger l'erreur typographique de manière que le nom « Catering by Kimberley Inc » corrigé est maintenant celui qui apparaît dans les documents.

Analyse

Paragraphe 30(2)

[10]           L'opposante allègue que, contrairement aux dispositions du paragraphe 30(b) de la Loi, la Requérante n'a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et les services indiqués dans la demande depuis le 1er septembre 2009, la date de premier emploi alléguée.

[11]           Quant à ce motif, le fardeau de la preuve initialement exigé de l'Opposante est moins strict puisque les faits concernant le premier emploi par une requérante relèvent particulièrement des connaissances de celle-ci [voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC), page 89].

[12]           Pour s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe, l'Opposante peut se fonder non seulement sur sa propre preuve, mais aussi sur celle de la Requérante [voir Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership, (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.), p. 230]. Bien que l'Opposante puisse s'appuyer sur la preuve soumise par la Requérante afin de s'acquitter de son fardeau de preuve, il lui incombe de démontrer que les éléments de preuve de la Requérante sont « nettement incompatibles » avec les allégations soulevées dans sa demande [voir Ivy Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 CPR (4th) 562, aux p. 565-566 (COMC), confirmée par 11 CPR (4th) 489 (CF 1re inst.)]. 

[13]           En l'espèce, l'Opposante n'a produit aucune preuve à l'appui du motif d'opposition aux termes du paragraphe 30(b). Par conséquent, l'Opposante ne peut se fonder que sur les éléments de preuve de la Requérante pour s'acquitter de son fardeau. Je procéderai donc ci-dessous à l'analyse détaillée de la preuve de la Requérante.

[14]           La preuve de la Requérante consiste en l'affidavit de Mme Kimberley Lugsdin, la propriétaire à la fois de la Requérante et d'une entreprise portant le nom de Kimberley’s Own, identifiée, à la page de son affidavit, comme étant une filiale de la Requérante.

[15]           Au paragraphe 2 de son affidavit, Mme Lugsdin affirme que [TRADUCTION] « Les éléments de preuve présentés aux annexes A(i) et A(ii) sont des exemples du logo de Kellogg ».  L'annexe A(i) consiste en une photocopie de l'emballage de « barres croquantes aux fruits » qui montre clairement les marques de commerce KELLOGGS et SPECIAL K. L'annexe A(i) consiste en une photocopie de l'emballage de « barres aux céréales » qui aussi montre clairement les marques de commerce KELLOGGS et SPECIAL K. 

[16]           Au paragraphe 3 de son affidavit, Mme Lugsdin affirme que [TRADUCTION] « Les éléments de preuve présentés à l'annexe B sont des exemples de l'emploi de la lettre k par mes deux entreprises ». L'annexe « B » consiste en deux cartes professionnelles et une étiquette. 

[17]           La première carte professionnelle montre une marque de commerce autre que la Marque. On trouve, près de la carte, une note manuscrite indiquant qu'elle est utilisée depuis 2009. Du fait qu'il n'y a aucune information précisant quand en 2009 la carte a été employée, je dois conclure que son emploi aurait été en date du 31 décembre 2009. 

[18]           La seconde carte professionnelle, sur laquelle la Marque est présente, est accompagnée d'une note manuscrite indiquant qu'elle est employée depuis 2010. 

[19]           L'étiquette, sur laquelle la Marque est également présente, est accompagnée d'une note manuscrite indiquant qu'elle est employée depuis 2010. 

[20]           Au paragraphe 7, Mme Lugsdin affirme que les ventes de la Requérante étaient de moins de 24 000 $ au cours de l'année civile 2011. 

[21]           Il n'est pas nécessaire que j'analyse les autres éléments de l'affidavit de Mme Lugsdin puisqu'ils ne sont pas pertinents en regard de ce motif d'opposition ni de tout autre motif d'opposition soulevé en l'espèce.

[22]           Comme l'Opposante l'a souligné dans ses observations écrites, la Requérante n'a pas, dans son contre-mémoire, contesté les allégations invoquant le motif d'opposition en vertu du paragraphe 30(b); de plus, tous les éléments de preuve d'emploi déposés par Mme Lugsdin sont postérieurs à la date de premier emploi alléguée dans la demande, soit le 1er septembre 2009. 

[23]           Lors de l'audience, l'Opposante a soutenu que les dates inscrites à la main à côté des cartes professionnelles et de l'étiquette présentées à l'annexe « B » doivent être considérées comme étant des déclarations non équivoques concernant ce qui a été employé et le moment de cet emploi. L'Opposante a soutenu que Mme Lugsdin a clairement établi dans son affidavit les dates de premier emploi des marques et que ces dates n'étayent pas les revendications faites dans la demande. L'Opposante est d'avis que, par conséquent, la preuve de la Requérante est nettement incompatible avec les revendications faites dans sa demande d'enregistrement de la Marque.

[24]           Les notes inscrites à la main à l'annexe « B » nous amènent, en effet, à nous demander si la date de premier emploi alléguée dans la demande, à savoir le 1er septembre 2009, est exacte. Toutefois, bien qu'il aurait été préférable que la Requérante fournisse une preuve d'emploi et des précisions quant à l'emploi de la Marque remontant au 1er septembre 2009, la date de premier emploi alléguée, elle n'y était aucunement obligée, et le fait qu'elle n'ait pas fourni une telle preuve n'équivaut pas, à mon avis, à une nette incompatibilité.   

[25]           Une lecture attentive de l'ensemble de l'affidavit de Mme Lugsdin suggère que les exemples d'emploi fournis aux annexes A(i), A(ii) et B visaient à illustrer la manière dont les marques des parties ont été utilisées plutôt que d'établir des dates de premier emploi. Le fait que les cartes professionnelles et l'étiquette présentées à l'annexe « B » jointe à l'affidavit de Mme Lugsdin pouvaient avoir été employées depuis les dates indiquées ne signifient pas nécessairement que la Requérante n'ait pas aussi employé de manière appropriée la Marque en liaison avec les marchandises et services décrits dans la demande depuis la date de premier emploi alléguée. 

[26]           Par conséquent, je ne peux conclure que l'Opposante se soit acquittée de son fardeau de preuve initial. 

[27]           En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté.

Analyse des autres motifs d’opposition

L'enregistrabilité selon l'alinéa 12(1)d) de la Loi

[28]           L'opposante a plaidé que la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi compte tenu des marques de commerce enregistrées de l'Opposante comme le montre l'annexe A ci-jointe.

[29]           Je voudrais, d'entrée de jeu, faire remarquer que dans l'ensemble de sa preuve et de ses observations écrites, l'Opposante désigne toutes ses marques de commerce comme étant ses « Marques K ». Toutefois, certaines de ses marques de commerce consistent seulement en une lettre « K » stylisée (numéros d'enregistrement LMC469,633 et LMC455988) tandis que d'autres sont le mot servant de marque SPECIAL K (numéros d'enregistrement LMC627,693 et LMC722577) ou une version graphique de SPECIAL K (numéros d'enregistrement LMC565330, LMC287207, LMC459391, LMC108069 et une marque non enregistrée). 

[30]           Lors de l'audience, l'Opposante a choisi de mettre l'accent sur le risque de confusion entre la Marque et les marques de commerce faisant l'objet des enregistrements numéros LMC455,988 et LMC469,633 (les marques de commerce « K Design »), parce qu'elle estimait qu'une analyse relative à la confusion entre ces marques de commerce et la Marque lui serait la plus favorable. Or, dans la preuve soumise par l'Opposante, les marques de commerce consistant en la seule lettre K (« K Design ») sont presque exclusivement montrées en combinaison avec le mot SPECIAL, souvent dans la forme non enregistrée de la marque ou dans l'une des autres formes enregistrées des marques SPECIAL K présentées dans l'annexe « A » ci-jointe. L'Opposante est d'avis que la preuve étaye l'emploi de ses marques de commerce avec la lettre K, ainsi que ses marques SPECIAL K, bien que le mot SPECIAL y figure presque exclusivement de pair avec la lettre « K » stylisée dans l'ensemble des éléments de preuve.

[31]           Il est bien établi que l'emploi d'une marque de commerce en combinaison avec des mots ou éléments supplémentaires constitue un emploi de la marque enregistrée si le public, à la première impression, percevait que la marque est employée. Cela est une question de fait qui se décide d'après deux critères, à savoir si la marque de commerce se distingue des éléments supplémentaires et si elle demeure reconnaissable [Nightingale, plus haut; Promafil Canada Canada Ltée c. Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[32]           Je suis convaincue que les marques de commerce consistant en la seule lettre K ont été employées d'une manière telle qu'elles ont conservé leur identité et demeurent en soi reconnaissables en tant que les marques « K Design » enregistrées. La lettre K stylisée est l'élément le plus grand et le plus dominant de ces marques et elle figure de la même manière stylisée distinctive que dans les marques enregistrées de l'Opposante. Je suis d'avis que, en comparant les deux marques et en déterminant si les distinctions sont à ce point minimes, un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu'elles désignent toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine [voir Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour l'Informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al. (1985), 4 CPR (3d) 523; 4 CIPR 309, 61 NR 268 (CAF); et Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

[33]           Même si ma conclusion devait être erronée, je note que le résultat de mon analyse relative à la confusion aurait été le même que j'aie évalué le risque de confusion entre la Marque et les marques de commerce « K Design » graphique de l'Opposante ou entre la Marque et les autres marques de commerce de l'Opposante, car je n'estime pas qu'il y a un degré de ressemblance suffisant entre aucune des marques de l'Opposante et la Marque pour qu'il y ait un risque de confusion.

[34]           Je vais maintenant passer à l'analyse relative au risque de confusion entre la Marque et les marques de commerce « K Design » de l'Opposante qui font l'objet des enregistrements numéros LMC455,988 et LMC469,633.

[35]           La date pertinente aux fins d'analyse des motifs d'opposition en vertu des alinéas 38)2)b) et 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd and The Registrar of Trade Marks (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[36]           En vertu du pouvoir discrétionnaire conféré au registraire, je confirme l'existence de chacun des enregistrements allégués au nom de Kellogg Company; aussi, l'Opposante s'est-elle acquittée de son fardeau de preuve. La question, par conséquent, est de savoir si la Requérante s'est déchargée de son fardeau de démontrer qu'il n'est pas raisonnable de penser que la Marque peut créer de la confusion avec les marques de commerce enregistrées « K Design » de l'Opposante.

[37]           Le critère qui permet de déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[38]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs. [Voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée , (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC).] pour une analyse poussée des principes généraux régissant le test en matière de confusion.]

Alinéa 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[39]           Les marques de commerce « K Design » de l'Opposante consistent essentiellement en la lettre K dans une forme stylisée telle qu'illustrée ci-dessous.

K DESIGN

[40]           La différence entre les enregistrements nos LMC469,633 et LMC455,988 réside dans le fait que l'enregistrement LMC469,633 comporte une revendication de couleur à l'effet que [TRADUCTION] « toute la lettre servant de marque est rouge ».   

[41]           Une lettre n'est pas distinctive en soi et n'a pas droit à une protection étendue (GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst.). Bien que la stylisation et la revendication de couleur ajoutent un caractère distinctif inhérent aux marques de commerce « K Design » de l'Opposante, ces marques, dans leur ensemble, ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent, compte tenu du fait qu'elles consistent principalement en une lettre de l'alphabet. J'estime que la Marque possède un caractère distinctif inhérent supérieur à celui des marques de commerce de l'Opposante. Bien qu'il y figure aussi la lettre « K », elle comporte d'autres éléments, à savoir les mots Kimberley’s Own et un graphique de cercle, lesquels, en combinaison avec la lettre « K », lui confèrent un plus haut degré de caractère distinctif inhérent.     

[42]           Une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif en devenant connue par l'emploi ou la promotion. À la lumière de la preuve présentée par l'Opposante, je peux conclure que les marques de commerce « K Design » de l'Opposante sont devenues très bien connues au Canada.

[43]           La preuve de l’Opposante est composée des affidavits de Mme Wendy Woods, assermentée le 25 novembre 2011. Mme Woods est la directrice des activités de mise en marché de Kellogg Canada Inc., une filiale à part entière et titulaire d'une licence de l'Opposante. Dans son affidavit, Mme Woods présente les informations suivantes sur l'Opposante et son emploi des marques K (ce qui inclut l'emploi des marques de commerce « K Design ») au Canada :

         Des céréales portant les marques K de l'Opposante sont mises sur le marché, vendues et distribuées partout au Canada depuis au moins 1957. L'Opposante a également mis en marché, vendu et distribué des barres aux céréales et des barres aux fruits partout au Canada en liaison avec ses marques K depuis au moins 2002 (barres aux céréales) et 2009 (barres aux fruits). Les céréales, barres aux céréales et barres aux fruits de l'Opposante ont été vendues dans divers magasins d'alimentation, dépanneurs, pharmacies, grands magasins, restaurants, cafétérias et à l'industrie des services alimentaires. Les circuits de vente au détail incluent des magasins tels que Loblaws, Costco, Sobeys, Walmart, Metro, Shoppers Drug Mart et Mac's Convenience Stores [voir para. 4 et 10].

         Au Canada, depuis 2002, les ventes des céréales de l'Opposante ont atteint plus de 520 millions de dollars, tandis que celles de ses barres aux céréales se chiffrent à plus de 130 millions de dollars, et ce, en liaison avec ses Marques K.

         Depuis 2002, l'Opposante a dépensé plus de 97 millions de dollars en publicité et plus de 23 millions de dollars en activités promotionnelles pour ses céréales, barres aux céréales et barres aux fruits en association avec ses marques K, et ce, en liaison avec ses Marques K [voir para. 16, 20 et 21].

[44]           En plus de ces informations, Mme Woods a fourni plusieurs exemples représentatifs de l'emploi des Marques K sur les emballages de céréales, de barres aux céréales et de produits associés [voir les pièces B1, B2, D1 et D2] ainsi que des exemples de la manière dont les marchandises de l'Opposante ont été publicisées en liaison avec ses Marques K dans divers médias incluant publicités télévisuelles, médias imprimés, brochures, cahiers, publicité en magasin et sur Internet [voir pièce E]. Mme Woods a aussi décrit diverses campagnes de mise en marché et concours d'envergure nationale que l'Opposante a menés en liaison avec ses Marques K dont le « Plan Démarrage Rapide Special K », le « CONCOURS Special K START SOMETHING FABULOUS » et le « DÉFI SPECIAL K » [voir para. 22 à 24 et pièces « H » à « J »]. Les Marques K et produits associés de l'Opposante ont également été promus par des célébrités telles que Cindy Crawford et Carson Kressley au cours des deux dernières années [voir para. 25 et pièce « K »].

[45]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que les Marques K (y compris les marques « K Design ») de l'Opposante ont acquis une solide réputation et qu'elles sont devenues bien connues au Canada.

[46]           En revanche, il semble que la Marque jouit d'une beaucoup moins grande notoriété.  Comme il a été mentionné précédemment, la seule preuve d'emploi que la Requérante a soumise est une étiquette et une carte professionnelle sur lesquelles figure la Marque, les deux accompagnées d'une note inscrite à la main indiquant qu'elles ont été « employées depuis 2010 » [voir para. 3 et la pièce « B » jointe à l'affidavit de Mme Lugsdin]. En outre, au paragraphe 7 de son affidavit, Mme Lugsdin indique que, dans l'année civile 2011, le chiffre d'affaires de la Requérante était inférieur à 24 000 de dollars. Compte tenu de ces informations limitées, je peux conclure que la Marque n'est devenue que très peu connue.

[47]           Dans l'ensemble, je suis d'avis que le premier facteur indiqué au paragraphe 6(5), à savoir une combinaison de caractère distinctif acquis et de caractère distinctif inhérent, favorise l'Opposante en raison que ses marques ont acquis un plus haut degré de caractère distinctif.

Alinéa 6(5)b) –la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[48]           Il n'est pas nécessaire d'analyser ce facteur puisqu'il favorise nettement aussi l'Opposante.

Alinéas 5(5)c) et d) - le genre de marchandises, de services ou d'entreprises; la nature du commerce

[49]           Dans le cadre de l'examen des motifs d'opposition en vertu des alinéas 6(5)c) et d) de la Loi, c'est la description des marchandises et services dans la demande pour la Marque et celle des marchandises et de services dans les enregistrements numéros LMC455,988 et LMC469,633 de l'Opposante qui régissent l'évaluation du risque de confusion en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi [voir Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110, page 112 (CAF) et Mr. Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[50]           En l'espèce, bien qu'il n'existe pas de chevauchement des services des deux parties, il est clair qu'il existe un chevauchement de leurs marchandises puisque les deux couvrent des « céréales » et d'autres grignotines. Les marchandises de l'Opposante sont vendues dans une vaste gamme de commerces de détail dont des magasins d'alimentation, des pharmacies et des dépanneurs, ainsi qu'à l'industrie des services alimentaires [voir para. 4 et 10 de l'affidavit de Woods]. La Requérante n'a présenté aucune preuve ayant trait au genre de ses entreprises ou de sa pratique normale du commerce. Toutefois, à la lumière du fait qu'au moins certaines des marchandises des deux parties sont essentiellement identiques, il est raisonnable de conclure que leurs voies de commercialisation se chevauchent. 

[51]           En conséquence, ce facteur favorise aussi l’Opposante.

Alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[52]           Pour faciliter la consultation, j'ai reproduit ci-dessous les marques des deux parties. Toutefois, je note qu'il ne convient pas de placer les marques de commerce côte à côte pour les comparer et constater leurs similarités ou différences, parce que le test en matière de confusion en est un de première impression et de vague souvenir.

K DESIGN               KIMBERLEY'S OWN & DESIGN

[53]           Dans Masterpiece, précité, la Cour suprême du Canada examine l'importance du degré de ressemblance entre des marques de commerce dans le cadre d'une analyse de la probabilité de confusion. Dans les motifs de la décision, le juge Rothstein écrit ce qui suit au paragraphe 49 :

[...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...].

[54]           En l'espèce, les marques des parties sont clairement non identiques et, selon moi, elles sont beaucoup plus différentes que ressemblantes. 

[55]           Dans son examen de l'approche à adopter dans l'évaluation du degré de ressemblance entre des marques de commerce, le juge Rothstein écrit au paragraphe 64 : « Il est vrai que, dans certains cas, le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, mais j’estime qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique  »

[56]           La lettre « K » stylisée est nettement l'élément le plus frappant des marques de commerce « K Design » de l'Opposante puisqu'il s'agit du seul élément des marques. Bien que la Marque de la Requérante comporte également une lettre « K », elle n'est pas, selon moi, ni plus ou moins unique ou frappante que les autres éléments de la Marque, à savoir l'arrière-plan circulaire ombré et la bordure piquée entourant la lettre et les mots « Kimberley’s Own » qui figurent dans une police de caractères relativement grande sous le dessin. 

[57]           Dans le cadre de l'examen du degré de ressemblance entre deux marques de commerce, la loi établit clairement que les marques doivent être envisagées dans leur ensemble. À mon avis, la combinaison des mots « Kimberley’s Own » et les éléments graphiques de la Marque créent une impression visuelle d'ensemble qui distingue la Marque des marques de commerce « K Design » de l'Opposante.

[58]           Les marques sont également différentes sur le plan sonore. À cet égard, je note que la lettre « K » ne figure pas seule dans la Marque.  Elle apparaît en conjonction avec les mots « Kimberley’s Own », et ce sont probablement ces mots de la Marque que le consommateur traiterait, lirait et prononcerait en premier. 

[59]           Selon moi, les idées suggérées par les marques en question sont également différentes. Contrairement aux marques de commerce « K Design » de l'Opposante, la lettre « K » de la Marque figure dans une police de caractères de style signature de manière que, lue en conjonction avec les mots « Kimberley’s Own », cela suggère une signature et/ou un produit de prestige de « Kimberley ».

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[60]           En appliquant le test en matière de confusion, j'ai considéré qu'il s'agissait d'une question de première impression et de souvenir imparfait. Bien que mon examen des circonstances en l'espèce m'amène à conclure que les dispositions des alinéas 6(5)a) à d) jouent en faveur de l'Opposante, je suis d'avis que les différences entre la Marque et les marques de commerce « K Design » sur les plans de l'apparence, du son et des idées qu'elles suggèrent sont suffisamment importantes pour pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante. Comme il a déjà été mentionné, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires et, pour les motifs mentionnés précédemment, je ne considère pas, en l'espèce, que les marques de commerce des deux parties sont très similaires. 

[61]           À la lumière de ce qui précède, j'en arrive à la conclusion que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer que le risque de confusion entre la Marque et les marques de commerce « K Design » de l'Opposante est peu probable. De plus, comme je l'ai déjà indiqué, j'estime que c'est la comparaison entre la Marque et les marques de commerce « K Design » de l'Opposante qui permet de trancher la question de ce motif d'opposition.

[62]           Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) est donc rejeté.

Absence de droit à l'enregistrement - Alinéas 16(1)a) et 16(3)a) de la Loi

[63]           L'Opposante a plaidé que la Marque crée de la confusion avec ses marques de commerce employées telles que présentées à l'annexe « A ».

[64]           En ce qui a trait au motif d'opposition soulevé en vertu de l'alinéa 16(1)a) de la Loi, l'Opposante a le fardeau de prouver qu'au moins une de ses marques de commerce était employée au Canada avant la date de premier emploi allégué par la Requérante et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de la demande de la Marque [paragraphe 16(5) de la Loi].

[65]            En ce qui a trait au motif d'opposition soulevé en vertu de l'alinéa 16(3)a) de la Loi, l'Opposante a le fardeau de prouver qu'au moins une de ses marques de commerce était employée au Canada avant la date de premier emploi allégué par la Requérante et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de la demande de la Marque [paragraphe 16(5) de la Loi].

[66]           Ici encore, j'estime que c'est la comparaison entre la Marque et les marques de commerce « K Design » de l'Opposante qui permet de trancher la question de ce motif d'opposition.

[67]           Je suis convaincue que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de démontrer l'emploi antérieur et le non-abandon d'au moins une de ses marques de commerce « K Design » avant la date de dépôt du 16 avril 2010 par la Requérante [alinéa 16(3)a)] et avant le 1er septembre 2009, la date de premier emploi alléguée [alinéa 16(1)(a)]. Toutefois, l'évaluation de chacun des facteurs indiqués au paragraphe 6(5) en ces dates plutôt qu'en date d'aujourd'hui ne modifie pas de manière significative mon analyse précédente des circonstances de l'espèce.

[68]           Par conséquent, les motifs d'opposition fondés sur les alinéas 16(1)a) et 16(3)a) sont rejetés pour des raisons similaires à celles expliquées relativement aux motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 12(1)d).

Absence de caractère distinctif – Article 2 de la Loi

[69]           L'opposante a soutenu que la Marque ne permet pas de distinguer et n'est pas adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante de celles d'autres propriétaires et, en particulier, de celles de l'Opposante.

[70]           La date pertinente aux fins d'analyse de ce motif d'opposition est la date de dépôt de la déclaration d'opposition, soit le 14 mars 2011 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[71]           Comme j'estime que c'est la comparaison de la Marque avec les marques de commerce « K Design » qui permet de trancher la question de ce motif d'opposition, il n'est pas nécessaire de savoir si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne l'une ou l'autre de ses marques de commerce.

[72]           Je suis convaincue que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de démontrer que ses marques de commerce « K Design » étaient devenues suffisamment connues au Canada en date du 14 mars 2011 pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., [1981] 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc v Bojangles Café Ltd  (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[73]           Toutefois, l'évaluation de chacun des facteurs indiqués au paragraphe 6(5) en date du 14 mars 2011 ne modifie pas de manière significative mon analyse précédente des circonstances de l'espèce. Pour des raisons similaires à celles énoncées précédemment, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de prouver que, en date du 14 mars 2011, il était peu probable que la Marque crée de la confusion avec aucune des marques de commerce de l'Opposante. Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que, à la date pertinente, la Marque permettait de distinguer ou était adaptée à distinguer les marchandises et services de la Requérante de ceux de l'Opposante.

[74]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est également rejeté.

Décision

[75]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition selon les dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Lisa Reynolds

Membre

Commission d’opposition des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Pierre Henrichon, trad.

 

 

 

 

 

 

 


Annexe A

 

 

Marque de commerce

Numéro d'enregistrement

Marchandises

 

SPECIAL K

 

LMC627,693

 

Grignotines aux fruits déshydratés

 

 

SPECIAL K

 

LMC722,577

 

(1) Céréales pour petit déjeuner

(2) Grignotines à base de céréales

(3) Barres alimentaires à base de céréales

 

SPECIAL K PLUS DESIGN

 

LMC565,330

 

Céréales à base de grains prête à consommer, goûters à base de céréales et ingrédients alimentaires à base de céréales, à utiliser dans la fabrication et la préparation des aliments.

SPECIAL K DESIGN

 

 

 

 



 

LMC287,207

 

Produits alimentaires, à savoir des céréales pour le petit déjeuner et des goûters


SPECIAL K DESIGN

LMC459,391

(1) Produits alimentaires, à savoir des céréales.
(2) Produits alimentaires, à savoir des goûters à base de céréales
(1) Services de publicité et de promotion en liaison avec la vente de produits alimentaires par voie de publicités dans des émissions radiophoniques et télévisées, de publicités dans les journaux, de bons de réduction, de dépliants et d'étalages en magasin.

 


K DESIGN

LMC469,633

(1) Produits alimentaires, à savoir des céréales.
(2) Produits alimentaires, à savoir des goûters à base de céréales
(1) Services de publicité et de promotion en liaison avec la vente de produits alimentaires par voie de concours et de sweepstakes, d'étalages en magasin, de matériel publicitaire en point de vente, de publicités dans des émissions radiophoniques et télévisées, de publicités dans les journaux et de bons de réduction; la distribution de marchandises promotionnelles, à savoir vêtements, lunettes de soleil, bijoux, montres et horloges sur lesquels figure la marque de commerce.


K DESIGN

LMC455,988

(1) Céréales
(2) Goûters

(1) Services de publicité et de promotion en liaison avec la vente de produits alimentaires par voie de concours et de sweepstakes, d'étalages en magasin, de matériel publicitaire en point de vente, de publicités dans des émissions radiophoniques et télévisées, de publicités dans les journaux et de bons de réduction; la distribution de marchandises promotionnelles, à savoir vêtements, lunettes de soleil, bijoux, montres et horloges sur lesquels figure la marque de commerce.

SPECIAL K DESIGN

LMC108,069

Céréales prêtes à consommer

Non déposée.

Céréales pour le petit déjeuner, goûters à base de céréales, barres alimentaires, services de promotion, services en ligne (Web)

 

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