Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
RELATIVEMENT À L’OPPOSITION de la Société canadienne des postes à la demande nº 762,346 produite par IBAX Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce COMPUMAIL
Le 24 août 1994, la requérante IBAX Inc. a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce COMPUMAIL fondée sur son emploi projeté au Canada. La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 20 mars 1996. Suivant cette annonce, la demande visait les marchandises suivantes :
[traduction] logiciel informatique; logiciel conçu pour aider les gens qui ciblent et livrent des envois, avec ou sans adresse, à certains domiciles ou à des endroits géographiques précis.
Le 14 mai 1996, l’opposante, la Société canadienne des postes, a produit une déclaration d’opposition dont copie a été envoyée à la requérante le 7 juin 1996. Par la suite, l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée a été accordée à trois reprises.
Selon le premier motif d’opposition, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé n’est pas enregistrable compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce. À cet égard, l’opposante allègue que la marque de la requérante donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises visées par la demande parce qu’elle [traduction] « donne une description claire d’une application informatique destinée à être employée en liaison avec du courrier ».
Selon le deuxième motif d’opposition, la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi. À l’appui de ce motif, l’opposante allègue que la requérante ne peut avoir été convaincue qu’elle avait le droit d’employer sa marque au Canada parce que celle‑ci laisse croire que les marchandises ont été autorisées ou approuvées par l’opposante et parce que son emploi contrevient aux articles 58 et 61 de la Loi sur la Société canadienne des postes.
Selon le troisième motif d’opposition, la demande de la requérante ne satisfait pas aux exigences des alinéas 30b) et 30e) de la Loi parce que la requérante a employé sa marque avant la date de production de sa demande de marque de commerce projetée. Selon le quatrième motif, la demande de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi parce que la description « logiciel informatique » n’est pas dressée dans les termes ordinaires du commerce.
Selon le cinquième motif, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec quinze marques déposées de l’opposante, dont les marques MAIL POSTE & dessin et POSTE MAIL & dessin, enregistrées respectivement sous les numéros 361,467 et 361,468, ainsi que les marques de commerce ADMAIL PLUS, LETTERMAIL PLUS, FAXMAIL et LASERMAIL.
Selon le sixième motif d’opposition, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé n’est pas enregistrable aux termes du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et de l’alinéa 12(1)e) de la Loi en raison de l’existence d’un certain nombre de marques officielles de l’opposante. Ces marques incluent ADMAIL, ELECTRONIC ADMAIL, MAILTRAC et SUPERMAILBOX. Selon le septième motif d’opposition, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé n’est pas enregistrable aux termes des alinéas 9(1)d) et 12(1)e) de la Loi parce qu’elle est susceptible de faire croire que les marchandises en liaison avec lesquelles son emploi est projeté ont reçu l’approbation gouvernementale, ou sont produites, vendues ou exécutées sous le patronage ou sur l’autorité gouvernementale.
Selon le huitième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne qui a le droit à l’enregistrement de la marque aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de la production de la demande, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé créait de la confusion avec une série de marques de commerce, de noms commerciaux et de marques officielles antérieurement employées au Canada par l’opposante et son prédécesseur en titre. Ces marques et noms commerciaux incluent ADMAIL, LETTERMAIL, FAXMAIL, SUPERMAILBOX et MAILTRAC. Selon le neuvième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne qui a le droit à l’enregistrement de la marque aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de la production de la demande, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé créait de la confusion avec la marque de commerce REMITMAIL de l’opposante qui a antérieurement fait l’objet d’une demande d’enregistrement sous le numéro 715,477.
Le dixième motif d’opposition est ainsi rédigé :
[traduction] La marque de commerce projetée contrevient à l’alinéa 38(2)d) de la Loi, parce qu’elle n’est pas distinctive, n’étant pas adaptée à distinguer et ne distinguant pas véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles elle est ou sera employée des marchandises et services fournis par l’opposante et son prédécesseur en titre; au contraire, elle vise délibérément à susciter de la confusion et à permettre à la requérante de profiter ou de se servir de l’achalandage de l’opposante qui est lié à la dénomination sociale, aux marques de commerce, aux marques officielles et aux noms commerciaux mentionnés précédemment ainsi qu’au terme MAIL employé en liaison avec ses marchandises.
La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. La preuve de l’opposante se compose de dix-huit affidavits souscrits par les personnes suivantes :
Tyler Alton André Bélanger
Donald Clysdale (2) P. Claire Gordon
Nelson Groening Gregory Hannah
Douglas Johnston Gilles Manor
Herbert McPhail Bruce Moreland
Paul Oldale (3) Douglas Schmunk
Len Sheedy Timothy Skelly
Juergen Weltner
La preuve de la requérante se compose des affidavits de Sherry Rivest et d’Allan Komenda. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit et ont été représentées à l’audience.
À titre préliminaire, il y a lieu de faire remarquer que, dans son plaidoyer écrit, l’opposante a abandonné son sixième motif d’opposition.
J’ajouterais, encore à titre préliminaire, que, selon l’opposante, aux termes du paragraphe 38(7.2) de la Loi et du paragraphe 42(2) du Règlement sur les marques de commerce, la présente demande devrait être automatiquement réputée avoir été abandonnée parce que la requérante a d’abord négligé de produire sa preuve en temps utile. Je dois préciser, toutefois, que la requérante a obtenu une prolongation rétroactive du délai pour produire une preuve, comme le prévoit le paragraphe 47(2) de la Loi, et qu’elle a ensuite produit les affidavits de Mme Rivest et de M. Komenda. L’opposante soutient que la Commission des oppositions n’était pas habilitée à accorder une telle prolongation. Le président de la Commission des oppositions s’est déjà prononcé sur cette objection de l’opposante dans sa décision du 16 février 1998. Sur la question de la compétence du registraire dans de telles circonstances, il y a lieu de consulter la décision non publiée de la Commission des oppositions rendue dans l’affaire Bensusan Restaurant Corporation c. The Blue Note Restaurant Inc. (N.S. 803,196; 4 décembre 2000).
D’abord, en ce qui concerne le troisième motif d’opposition, la date déterminante pour apprécier si la requérante a satisfait aux exigences prévues aux alinéas 30b) et 30e) de la Loi est la date de la production de la demande. De plus, la requérante a le fardeau ou la charge ultime de prouver qu’elle satisfait à ces deux paragraphes : voir les décisions en matière d’opposition Joseph Seagram & Sons c. Seagram Real Estate (1984), 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330, Canadian National Railway Co. c. Schwauss (1991), 35 C.P.R. (3d) 90, à la page 94, et la décision John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.). L’opposante a toutefois la charge de présentation en ce qui concerne les faits qu’elle allègue à l’appui de ce motif. Cette charge est moins exigeante lorsqu’il est question de l’inobservation des alinéas 30b) et 30e) de la Loi : voir la page 95 de la décision Schwauss et la décision en matière d’opposition Green Spot Co. c. J.B. Food Industries (1986), 13 C.P.R. (3d) 206, aux pages 210 et 211. Enfin, il existe une série de décisions en matière d’opposition qui étayent la proposition selon laquelle une demande présentée en vue d’un emploi projeté sera refusée lorsqu’il ressort de la preuve que le requérant a employé la marque dont l’enregistrement est demandé avant la date de production de la demande : voir les affaires Tone‑Craft Paints Ltd. c. Du‑Chem Paint Co. Ltd. (1969), 62 C.P.R. 283, Airwick Industries Inc. c. Metzner (1982), 74 C.P.R. (2d) 55, Société Nationale Elf Aquitaine c. Spex Design Inc. (1988), 22 C.P.R. (3d) 189 et Frisco-Findus S.A. c. Diners Delite Foods Limited (1989), 26 C.P.R. (3d) 556.
En l’espèce, le président de la requérante, M. Komenda, déclare dans son affidavit du 4 décembre 1997 que le logiciel COMPUMAIL de la requérante est offert au public, sur le marché de la location, depuis environ cinq ans. Ainsi, on peut supposer que la marque a été employée pour la première fois en décembre 1992, ce qui remonte à bien plus qu’un an et demi avant la date de production de la demande. Mme Rivest déclare la même chose dans son affidavit et, d’après la brochure de la requérante (jointe en pièce 1 de son affidavit), au moins un client emploierait le logiciel COMPUMAIL de la requérante depuis une époque antérieure à octobre 1993.
Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’opposante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que la requérante avait employé sa marque de commerce avant la date de production de la demande en vue d’un emploi projeté. Par conséquent, il incombait à la requérante de présenter des éléments pour réfuter cette preuve et établir le bien-fondé de sa revendication d’emploi projeté. La requérante ayant négligé de produire une telle preuve, j’accueille le troisième motif d’opposition.
Pour ce qui est du quatrième motif d’opposition, qui se fonde sur l’alinéa 30a) de la Loi, l’ancien registraire des marques de commerce a déclaré dans l’affaire Dubiner and National Yo-Yo and Bo-Lo Ltd. c. Heede Int'l Ltd. (1975), 23 C.P.R. (2d) 128, que, dans sa demande, un requérant [traduction] « doit clairement énumérer les marchandises ou les services de la manière dont on le fait habituellement dans le commerce (Non souligné dans l’original.) ». Sur ce point, mentionnons également la décision en matière d’opposition Pro Image Sportswear, Inc. c. Pro Image, Inc. (1992), 42 C.P.R. (3d) 566, à la page 573. En l’espèce, l’opposante affirme que décrire les marchandises en disant qu’il s’agit d’un « logiciel informatique » est une description trop large et trop imprécise qui n’est donc pas faite dans les termes ordinaires du commerce. Je partage cette opinion. Pour que la description soit valable, il faudrait donner plus de détails comme indiquer le type de logiciel ou préciser sa destination. Ainsi, le quatrième motif est fondé dans la mesure où il s’applique aux marchandises appelées « logiciel informatique ». L’opposante n’a pas invoqué l’alinéa 30a) pour contester les autres marchandises.
Le reste des motifs d’opposition invoqués par l’opposante tournent autour du fait qu’en règle générale, le mot « mail » est perçu comme renvoyant aux services de l’opposante et que, par conséquent, la marque de commerce COMPUMAIL de la requérante est susceptible d’amener le public à croire que les marchandises qui sont liées à cette marque sont produites, vendues ou autorisées par l’opposante. Il ressort de l’affidavit de Mme Gordon que, les entrées des dictionnaires et des encyclopédies étayent la prétention de l’opposante selon laquelle, en général, le mot anglais « mail » fait référence à du courrier traité par un système postal gouvernemental. Dans ce domaine, la Loi sur la Société canadienne des postes confère à l’opposante des droits exclusifs qui ne sont limités que par certains paramètres et, compte tenu de son volume d’affaires, il y a lieu de croire que la plupart des Canadiens associent le mot ordinaire anglais « mail » à l’opposante. À cet égard, mentionnons également la décision Société Canadienne des Postes c. Postpar Inc. (1989), 20 C.I.P.R. 180, [1988] R.J.Q. 2740. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que les Canadiens ordinaires utilisent aussi le mot anglais « mail » pour désigner certains articles livrés qui ne sont pas acheminés par l’opposante comme les circulaires livrées à domicile et les communications internes d’un bureau.
Un examen de la preuve de l’opposante révèle que la requérante et l’opposante sont des concurrents potentiels. Il ressort de la preuve de l’opposante que, pendant un certain nombre d’années, elle a offert et exécuté des services spéciaux pour des utilisateurs à volume élevé, y compris des lettres types adaptées aux besoins. Elle a aussi fourni un service de messagerie électronique. Plus récemment, elle a offert des services de courrier ciblé, prestations de services aux utilisateurs à volume élevé, sous les marques de commerce ELECTRONIC ADMAIL et ELECTRONIC LETTERMAIL, des services qui ressemblent beaucoup à ceux qu’effectue le logiciel de la requérante (voir les affidavits de M. Hannah et de M. Johnston). Selon l’affidavit de M. Sheedy, l’opposante a des systèmes informatiques de points de vente au détail installés dans chacun de ses comptoirs postaux et chez ses différents concessionnaires. Mentionnons aussi son Programme d’évaluation et de reconnaissance du logiciel qui indique aux gros expéditeurs de courrier quels programmes mis au point par des tiers satisfont aux normes de l’opposante.
En examinant la preuve de la présente espèce, je me suis aussi inspiré de la décision du juge Muldoon dans l’affaire Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.) qui concernait une demande de contrôle judiciaire d’une décision provisoire rendue dans une procédure d’opposition. Au sujet de la décision Postpar, le juge Muldoon y fait, à la page 239, les commentaires suivants :
Les manifestations de l’attention toute spéciale et de la protection accordées à Postes Canada abondent dans la L.S.C.P. [la Loi sur la Société canadienne des postes] en particulier dans les passages précités. Ainsi, les définitions des termes « envois » ou « courrier », « objets » et « transmission postale » identifient virtuellement Poste Canada à l’envoi de tous les « [m]essages, renseignements, fonds ou marchandises qui peuvent être transmis par la poste ».
Le juge Muldoon examine ensuite à fond les dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes, puis déclare ce qui suit à la page 240 :
Compte tenu du statut exceptionnel que le Parlement a conféré à Postes Canada, la COMC ne peut, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu des Règles, légitimement empêcher la Société de manifester son importance législative considérable, particulièrement en ce qui a trait aux marques et aux mentions, en refusant les modifications projetées à sa déclaration d’opposition, comme si Postes Canada n’était tout bonnement qu’une personne physique ou morale ordinaire. En d’autres termes, la loi exige que Postes Canada soit en mesure de manifester son statut particulier en ce qui concerne son image de façon à ce que la COMC puisse être saisie de tous les faits relatifs à l’exercice de son monopole, à son statut et à son image de marque à l’encontre de tous ceux et celles qui voudraient devenir titulaires enregistrés d’une marque de commerce similaire ou de nature à faire penser aux marques de Postes Canada, ces marques étant bannies par les dispositions générales et spécifiques de la L.S.C.P.
En passant, j’aimerais faire remarquer que, bien qu’il ne fasse aucun doute qu’elle jouit d’un statut particulier en vertu de sa loi habilitante et qu’elle peut invoquer les dispositions de cette loi pour étayer un ou plusieurs motifs d’opposition, la Société canadienne des postes doit être traitée de la même manière que les autres dans les demandes provisoires présentées dans le cadre d’instances en opposition. Si le juge Muldoon voulait dire autre chose, je ne saurais partager son opinion.
En ce qui concerne le premier motif d’opposition, la date déterminante pour apprécier les circonstances de la question découlant de l’alinéa 12(1)b) de la Loi est la date de ma décision : voir la décision Lubrication Engineers, Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 C.P.R. (3d) 243 (C.A.F.). La question doit être tranchée du point de vue de l’utilisateur régulier des marchandises. En outre, il ne faut pas analyser avec soin la marque de commerce en question ni la décomposer en ses éléments constitutifs, mais il faut plutôt la considérer comme un tout, sous l’angle de la première impression : voir les affaires Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183.
La marque de commerce COMPUMAIL de la requérante employée en liaison avec les marchandises de la requérante laisse entendre que son logiciel permet à ceux qui l’utilisent d’informatiser leurs opérations postales. Toutefois, cette marque ne décrit pas clairement la fonction du logiciel de la requérante, à savoir aider à procéder à des envois ciblés. Aussi, je rejette le premier motif d’opposition.
Pour ce qui est du deuxième motif d’opposition, la requérante a respecté la forme des dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi en incluant dans sa demande la déclaration exigée. Il s’agit donc de se demander si elle en a respecté le fond : la déclaration était-elle vraie lorsqu’elle a produit sa demande? L’opposante affirme que la déclaration ne pouvait être vraie parce que l’emploi de sa marque contrevenait aux articles 58 et 61 de la Loi sur la Société canadienne des postes.
En l’espèce, il incombait à l’opposante de produire une preuve suffisante pouvant raisonnablement me permettre de conclure que l’emploi par la requérante de sa marque COMPUMAIL va à l’encontre de l’article 58 de la Loi sur la Société canadienne des postes. Après avoir examiné la preuve de l’opposante, je considère qu’elle s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait relativement à ce motif. Étant donné que les parties fournissent des marchandises et services similaires sous des marques similaires, je conclus que l’opposante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que l’emploi de sa marque par la requérante contreviendrait à l’article 58 de la Loi sur la Société canadienne des postes. Comme la requérante n’a rien produit pour réfuter cette preuve, le deuxième motif d’opposition est accueilli.
Relativement au cinquième motif d’opposition, la date déterminante pour apprécier les circonstances relatives à la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir la décision Conde Nast Publications Inc. c. Fédération canadienne des épiciers indépendants (1991), 37 C.P.R. (3d) 538 aux pages 541 et 542 (C.O.M.C.). Le fardeau ou la charge ultime incombe à la requérante de prouver qu’il n’existe pas de risque raisonnable de confusion entre les marques en litige. De plus, en appliquant les critères énoncés au paragraphe 6(2) de la Loi pour déterminer l’existence de confusion, il y a lieu de considérer toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. Les deux premières marques de commerce déposées que l’opposante a invoquées sont MAIL POSTE & dessin et POSTE MAIL & dessin.
Les deux marques de commerce de l’opposante ont un caractère distinctif inhérent : voir la décision Canada Post Corp. c. Welcome Wagon Ltd. (1997), 74 C.P.R. (3d) 343, à la page 347 (C.F. 1re inst.). L’emploi répandu de ces marques, tel qu’il a été établi par l’opposante, me permet de conclure que les deux marques sont devenues bien connues partout au Canada. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la marque de la requérante rappelle les marchandises pour lesquelles elle est demandée et n’a donc qu’un faible caractère distinctif inhérent. La preuve de la réputation acquise par la marque de la requérante est mince.
La question de la période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise l’opposante. Les services enregistrés de l’opposante sont des « services postaux » qui couvrent ceux qu’elle fournit à ses comptoirs postaux. Ils couvrent en outre vraisemblablement ses services de courrier à volume élevé et ses services de courrier personnalisé. Aussi, les services de l’opposante et les marchandises de la requérante se chevauchent-ils. Le même chevauchement peut donc être inféré en ce qui a trait à la nature du commerce des parties.
Relativement à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, on peut noter qu’il existe un degré de ressemblance respectable entre les marques à tous égards puisque ces trois marques incluent le mot « mail ». Comme je l’ai signalé, la marque de la requérante donne à penser qu’il s’agit d’envois électroniques, l’un des services que fournit l’opposante. L’idée suggérée par les marques de l’opposante est celle du service postal canadien qu’elle fournit. Ainsi, il existe une certaine ressemblance dans les idées suggérées par les marques en litige.
À titre de circonstance supplémentaire, j’ai examiné la série ou famille de marques de l’opposante. Cette dernière a prouvé l’emploi d’un certain nombre de marques de commerce qui incorporent le mot « mail », notamment ADMAIL, LETTERMAIL, LASERMAIL et FAXMAIL et qui sont employées pour des services similaires à ceux qu’exécute le logiciel de la requérante. Leur existence fait en sorte que les consommateurs risquent encore davantage d’associer à l’opposante la marque de commerce COMPUMAIL de la requérante.
La requérante a cherché à invoquer une preuve de l’état du registre au sujet de marques de commerce qui appartiennent à des tiers et qui incorporent le mot MAIL, comme l’indique la pièce 2 de l’affidavit de M. Komenda. La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où il nous permet de tirer des conclusions sur l’état du marché : voir la décision en matière d’opposition Ports International Ltd. v. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R.(3d) 432 et la décision Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R.(3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il y a lieu aussi de souligner la décision Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R.(3d) 349 (C.A.F.) qui étaye la proposition selon laquelle la preuve de l’état du registre ne peut permettre de tirer des conclusions sur l’état du marché que s’il est possible de trouver un grand nombre d’inscriptions pertinentes.
La pièce 2 jointe à l’affidavit de M. Komenda ne peut servir à asseoir ce motif d’opposition. En effet, ce dernier déclare simplement qu’il a obtenu une liste de marques, mais ne précise pas comment il l’a obtenue, qui en est l’auteur, quand cette recherche a été réalisée ou quels dossiers ont été examinés. En outre, la liste ne donne pas des précisions complètes sur les demandes d’enregistrement et les inscriptions repérées. Les résultats de la recherche fournis par M. Komenda comprennent de la preuve par ouï-dire et sont inadmissibles. On ne peut affirmer qu’une telle preuve par ouï-dire était nécessaire ou fiable : voir la décision La Brasserie Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson, une société de personnes (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)
La requérante a également cherché à invoquer une liste de ce qui semble être des noms commerciaux comprenant le mot MAIL que M. Komenda prétend avoir trouvée sur un disque compact appelé SelectPhone. Toutefois, M. Komenda n’a pas indiqué d’où provenaient les renseignements qui se trouvent sur le disque et n’a pas attesté leur fiabilité. De plus, les diverses entrées figurant à la pièce 3 de son affidavit n’indiquent pas du tout si les entreprises sont encore en activité ou si elles exploitent le même genre d’entreprise que la requérante et l’opposante. J’estime donc que cette recherche n’est que de peu d’utilité dans le cadre de la présente instance.
Dans l’application du critère de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu de mes conclusions précédentes et plus particulièrement de la ressemblance qui existe entre les marchandises, les services, les commerces et les marques des parties, je conclus que la marque de la requérante crée de la confusion avec les deux marques déposées de l’appelante. J’accueille donc le cinquième motif d’opposition dans la mesure où il se rapporte aux marques déposées MAIL POSTE & dessin et POSTE MAIL & dessin et il est inutile d’examiner les autres marques déposées de l’opposante qui sont mentionnées dans la déclaration d’opposition.
Le septième motif d’opposition repose sur les dispositions des alinéas 9(1)d) et 12(1)e) de la Loi. L’opposante prétend que la marque de commerce de la requérante est susceptible d’amener le public à croire que les marchandises de la requérante ont reçu l’approbation gouvernementale, ou sont produites, vendues ou exécutées sous le patronage ou sur l’autorité gouvernementale. La date déterminante pour apprécier ce motif semblerait être celle de ma décision. Il incombe à la requérante de prouver qu’elle respecte l’alinéa 9(1)d), mais une charge de présentation incombe aussi à l’opposante.
Je conclus que l’opposante s’est acquittée de sa charge de présentation en établissant qu’elle est une société d’État, que les consommateurs associent souvent à l’opposante le mot ordinaire anglais « mail » et qu’ils savent que l’une des fonctions de l’opposante consiste à offrir des services postaux à volume élevé et des services postaux personnalisés. En outre, certains consommateurs savent que l’opposante évalue et autorise des logiciels postaux de tiers dans le cadre de son programme d’évaluation et de reconnaissance du logiciel. Aussi, l’adoption des mots « compu » et « mail » ensemble pour former la marque de commerce COMPUMAIL est susceptible de les amener à croire que les marchandises de la requérante ont reçu l’approbation gouvernementale, ou sont produites, vendues ou exécutées sous le patronage ou sur l’autorité gouvernementale. Comme la requérante a négligé de produire une preuve sur ce point, le septième motif d’opposition est accueilli.
Quant au dernier motif d’opposition, la date déterminante pour apprécier les circonstances concernant la question du caractère distinctif est celle de la production de l’opposition. Il incombe à la requérante de prouver que la marque de commerce pour laquelle elle demande l’enregistrement distingue véritablement ou est adaptée pour distinguer ses marchandises de celles d’autres partout au Canada. Il reste que l’opposante a le fardeau de prouver les faits qu’elle allègue à l’appui de son opposition.
Je conclus encore que l’opposante s’est acquittée de la charge de présentation qui lui incombait en prouvant l’existence dans l’esprit du public d’une association entre le mot ordinaire « mail » et l’opposante et en établissant que le public sait que l’opposante offre des services postaux à volume élevé et des services postaux personnalisés. J’ai également tenu compte du fait que la marque de commerce de l’opposante jouit d’une plus grande protection compte tenu de l’interprétation que le juge Muldoon a donnée aux dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes dans la décision Société canadienne des postes examinée ci-dessus. Il existe aussi une preuve selon laquelle certaines marques de l’opposante qui incorporent le mot « mail » comme les marques SUPERMAILBOX, MAIL POSTE & dessin, POSTE MAIL & dessin, ADMAIL, LETTERMAIL, LASERMAIL et FAXMAIL ont acquis une certaine réputation. Comme la requérante a négligé de produire une preuve de réputation importante de sa marque de commerce ou des marques ou noms pertinents des tiers, le dixième motif d’opposition est accueilli. Par conséquent, il est inutile d’examiner les huitième et neuvième motifs d’opposition avancés par l’opposante.
Compte tenu de ce qui précède, et conformément au pouvoir qui m’est délégué par le paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande de la requérante.
FAIT À HULL (QUÉBEC), LE 20 FÉVRIER 2001.
David J. Martin,
Commissaire,
Commission des oppositions des marques de commerce.