Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L'OPPOSITION de l’Université Concordia à la demande no 1101244 produite par 649643 Ontario Inc. en vue de l'enregistrement de la marque de commerce Sting Design___________________

 

 

 

 

I Les actes de procédure

 

Le 1er mai 2001, 649643 Ontario Inc., faisant affaire sous le nom de Sarnia Sting (la requérante), a produit une demande, fondée sur un emploi projeté au Canada, en vue de l’enregistrement de la marque de commerce illustrée ci-dessous.

 

(la marque),

 

en liaison avec des vêtements, nommément débardeurs, pulls d’entraînement, tee-shirts, chemises sport, chandails de hockey, shorts, cardigans, survêtements, gilets de corps, pyjamas,

peignoirs, survêtements; coiffures, nommément tuques, casquettes, chapeaux, cache-oreilles et visières; articles pour le cou, nommément foulards, cravates et cache-cols; vestes, parkas, ponchos; vêtements imperméables, nommément manteaux, parkas et ponchos imperméables; ceintures, bretelles, ensembles sacoche et ceinture, portefeuilles et boucles de ceinture. Équipement de sport, nommément rondelles, bâtons de hockey et tenues de hockey. Draps de bain, serviettes, rideaux de douche, tapis de bain, couvre-pieds, tentures, rideaux, couvertures, draps, taies d’oreiller, édredons, courtepointes, sacs de couchage, sacs de nuit, sacs à dos, sacs à cordonnet, fourre-tout, sacs à équipement, tapis de plage matelassés, bandanas. Tasses en plastique, panneaux de collection, figurines miniatures souples et rigides en chlorure de polyvinyle, briquets; instruments d’écriture, nommément, stylos, crayons, marqueurs et crayons à dessiner; gobelets en plastique. Ustensiles de table, nommément verres, chopes à bière, chopes à café, gobelets, verres high-ball, grosses tasses en tissu et service de verres à pieds; tirelires; corbeilles à papier, cendriers, plateaux de service, dessous de verres, montres, réveils; revêtements muraux, nommément plaques murales, miroirs, papier peint et affiches murales. Bijoux, nommément épingles, pinces à cravate, boutons de manchettes, pinces à billets, breloques, pendentifs, bracelets, bagues, étuis porte-clés, chaînettes porte-clés, médaillons et boucles d’oreilles. Jouets et souvenirs, nommément autocollants en relief en vinyle, autocollants, cartes photographiques à échanger, timbres, décalcomanies, autocollants, mini-livrets, statuettes, figurines, signets, albums d’autographes, livres à colorier; dispositifs d’entreposage, nommément malles, poubelles. Décalcomanies appliqués aux tee-shirts et aux pulls d’entraînement, insignes, autocollants pour pare-chocs, affiches, appliques satinées, pièces de rapiéçage en tissu, plaques en plastique, fanions et affiches. Aimants, épinglettes et insignes. Palets en plastique, palets en mousse et en caoutchouc, bâtons de hockey et mini-bâtons de hockey. Imprimés, nommément guides, livres, brochures, cartes à jouer, programmes, horaires, cartes postales, napperons et emblèmes brodés (les marchandises)

 

et en liaison avec les services:

 

services de divertissement; nommément prestation et diffusion de parties de hockey et leur fourniture au moyen de la radio, de la télévision et de publications imprimées (les services).

 

 

La demande a été publiée le 5 février 2003 dans le Journal des marques de commerce aux fins de la procédure d’opposition. Le 7 avril 2003, l’Université Concordia (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition alléguant les motifs d'opposition suivants :

 

      [Traduction]

1)      La demande n’est pas conforme à l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C., 1985, ch. T-13) (la Loi) parce que la requérante ne pouvait pas être convaincue qu'elle avait le droit d'employer la marque au Canada en liaison avec les marchandises et les services décrits dans la demande.

2)      La marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12 de la Loi puisqu’il s’agit d’une marque dont l'article 9 de la Loi interdit l’adoption étant donné que l’opposante est une université et qu’elle est propriétaire de la marque de commerce STINGERS et dessin enregistrée au Canada le 4 mai 1994 (demande no 906746) et publiée le 27 juillet 1994 en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(ii) de la Loi.

3)      La requérante n'est pas la personne qui a le droit à l’enregistrement de la marque au sens de l’alinéa 16(3)a) de la Loi car, à la date de la production de la demande, la marque créait de la confusion avec la marque de commerce de l’opposante qui était déjà enregistrée, ou à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement avait été déjà produite et qui avait déjà été employée ou révélée au Canada par l’opposante.

4)      La marque n'est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi pour les raisons invoquées ci-dessus.

 

Le 9 mai 2003, la requérante a produit une contre-déclaration réfutant chacun des motifs d'opposition.

 

L’opposante a déposé en preuve l’affidavit de Suzanne M. Birks alors que la requérante a produit l’affidavit de Marinder Chana. Aucune contre-preuve n’a été produite. Les deux parties ont produit des observations écrites et une audience a été tenue.

 

Je dois faire remarquer qu’à des fins administratives, la marque de commerce a été identifiée sous le nom de SARNIA STING et dessin en dépit du fait qu’elle n’inclut aucun mot. Il semble que la requérante, lorsqu’elle a produit sa demande, a identifié la marque de commerce demandée sous le nom de SARNIA STING et dessin, et cette identification a été utilisée depuis par le registraire et par les deux parties. Toutefois, les parties reconnaissent que la marque n’inclut ni le mot SARNIA ni le mot STING.

 

II La preuve de l’opposante

 

Suzanne M. Birks est la conseillère juridique de l’opposante depuis avril 2003. L’opposante est une université à charte de Montréal (Québec) depuis 1974; elle compte plus de 30 000 étudiants, environ 1 500 membres du corps enseignant et plus de 1 500 employés de soutien.

 

Elle allègue que l’opposante emploie depuis 1974 des logos et des dessins illustrant des abeilles, en liaison avec les équipes sportives de l’université, ainsi que du matériel publicitaire, des vêtements et des articles pour cadeaux liés aux équipes sportives et aux activités universitaires.

 

L’opposante est la propriétaire de la marque de commerce STINGERS et dessin, l’a adoptée et l’emploierait comme insigne, écusson, marque ou emblème au moins depuis 1994 en liaison avec les équipes sportives de l’université, du matériel publicitaire, des vêtements et des articles pour cadeaux liés à ses équipes sportives et à ses activités universitaires. Le registraire a donné avis public de l'adoption de la marque officielle le 27 juillet 1994, sous le no 906746 en conformité avec le sous-alinéa 9(1)n)(ii) de la Loi. Une copie de cet avis a été versée au dossier.

 

La marque de commerce officielle est reproduite ci‑dessous :

STINGERS & DESIGN (la marque officielle de l’opposante)

 

Elle nous a également transmis une copie de la demande no 905611 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce STINGERS, quoique cette application n’ait pas été mentionnée dans la déclaration d’opposition de l’opposante.

 

La marque officielle de l’opposante aurait été employée au moins depuis 1994 en liaison avec : équipement et articles vestimentaires des équipes sportives, casquettes, décalques, verrerie, blousons, chaînes porte-clés, cordons, plaques d’immatriculation, carnets, pantalons, épinglettes, chemises, shorts, chaussettes, chandails d’entraînement, tee-shirts, tuques, parapluies, bouteilles d’eau, emballages, annonces et affiches. Des échantillons de certaines de ces marchandises portant la marque officielle de l’opposante ont été versés au dossier.

 

Mme Birks explique la méthode employée par l’opposante pour promouvoir et annoncer ses marchandises et ses services en liaison avec sa marque de commerce officielle, notamment par des annonces dans des journaux et des périodiques, des brochures, des affiches, le publipostage aux étudiants, aux anciens élèves et aux étudiants éventuels, ainsi que sur son site Web. Aucun échantillon de ce matériel promotionnel n’était annexé à son affidavit, à l’exception d’extraits du site Web de l’opposante sur lesquels apparaît la marque officielle.

 

III La preuve de la requérante

 

Maninder Charna est une collaboratrice de l’entreprise de la requérante. Un associé de l’agence de la requérante lui a demandé de procéder à une recherche dans le registre canadien des marques de commerce afin de relever les enregistrements de marques de commerce contenant des représentations d’insectes ayant l’allure d’une abeille ou d’une guêpe, comme celle de la marque officielle de l’opposante, enregistrements publiés après que l’avis public de la marque officielle de l’opposante a été donné. Les résultats de cette recherche sont annexés à son affidavit. Elle a relevé 28 enregistrements qui, à son avis, répondent à ces critères. Il ressort clairement de l'examen de ces échantillons que certains d’entre eux, même avec tous les efforts d'imagination possibles, ne représentent pas une abeille ou une guêpe.

 

IV Les questions de droit

 

En matière d’opposition, il incombe à la requérante de prouver que sa demande satisfait aux dispositions de l'article 30 de la Loi, mais l'opposante a cependant le fardeau initial de prouver les faits qu'elle allègue au soutien de chaque motif d'opposition. Après s'être acquittée du fardeau initial, la requérante doit encore prouver que les motifs particuliers d'opposition ne devraient pas empêcher l'enregistrement de la marque. [Voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293.]

 

Chaque motif d’opposition doit être examiné selon différentes dates pertinentes. Par conséquent, la preuve pertinente à l’un de ces motifs peut ne pas l’être pour un autre; il est donc important d’établir la date pertinente pour chacun des motifs d’opposition soulevé. En ce qui a trait à la conformité aux dispositions de l’article 30 de la Loi, la date pertinente est la date de production de la demande, soit le 1er mai 2001. [Voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263.] Pour déterminer si la marque peut être enregistrée, la date pertinente est la date de la décision du registraire. [Voir Allied Corp. c. Association olympique canadienne (1989), 28 C.P.R. (3d) 161(C.A.F.), et Olympus Optical Co. c. Association olympique canadienne (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.).] Le droit pour la requérante d’enregistrer la marque sera déterminé en fonction de la date de production de la demande. L’opposante qui invoque ce motif doit néanmoins établir qu’elle n’a pas abandonné l’emploi de sa marque de commerce en date de la publication de la présente demande. [Voir les paragraphes 16(3) et 16(5) de la Loi.] Enfin, la date pertinente pour décider du caractère distinctif de la marque est la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 7 avril 2003. [Voir Andres Wines Ltd. et E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F. ) à la page 130, Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.) à la page 424, et Metro-Goldwyn-Meyer Inc c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317.]

 

Le premier motif d’opposition de l’opposante doit être que rejeté tel que formulé. L’opposante n’a pas allégué que la requérante savait qu’elle était la propriétaire de ses marques officielles et que pour cette raison, la requérante ne pas pouvait être convaincue qu'elle avait le droit d'employer la marque. [Voir Association médicale canadienne c. Enzymatic Therapy Inc. (2002), 24 C.P.R. (4th) 552.]

 

La requérante prétend que le second motif d’opposition n'a pas été plaidé correctement car l’opposante a omis de citer ses marques officielles dans le paragraphe pertinent de sa déclaration d’opposition. Il faut cependant considérer la déclaration d’opposition dans son ensemble. On trouve une référence à la marque officielle de l’opposante au paragraphe 2 de la déclaration d’opposition. De plus, il faut aussi tenir compte des éléments de preuves qui ont été produits. [Voir Novopharm Limited c. AstraZenaca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289.]

 

La requérante prétend aussi que l’opposante n’a produit aucune preuve de sa marque officielle; dans son affidavit, Mme Birks fait mention de la marque officielle no 905611 pour STINGERS dont une copie était annexée en pièce A. La requérante reconnaît que la pièce A comprend une copie de la marque officielle de l’opposante, mais que cet élément de preuve n’est pas admissible parce que Mme Birks n’en fait pas mention dans le texte même de son affidavit. Sans discuter de la validité de cet argument, il suffit de dire que lorsque le caractère enregistrable d'une marque de commerce est en cause, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre, ce que j’ai fait. [Voir Quaker Oats of Canada Ltd. / La Compagnie Quaker Oats Ltée. c. Manu Foods Ltd., 11 C.P.R. (3d) 410.] Je confirme que l’opposante est la propriétaire de sa marque officielle, reproduite ci-dessus.

 

Quant à la demande no 905611 concernant la marque officielle STINGERS, elle n’a pas été invoquée dans la déclaration d’opposition, et même si je la considère comme une circonstance additionnelle de l'espèce, elle n’est pas pertinente, car il s’agit d’un mot servant de marque alors que la marque est un dessin-marque représentant une abeille.

 

Je vais donc examiner si le second motif d’opposition de l’opposante est fondé. Tel qu’il appert de la marque officielle de l’opposante, la marque n’est pas une marque officielle. La question suivante à trancher est de savoir si la marque ressemble à ce point à la marque officielle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec la marque officielle susmentionnée. Dans Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA- The Engineered Wood Assn. (2000), 7 C.P.R. (4th) 239, le juge O’Keefe a défini le critère de la ressemblance en vertu de l’alinéa 9(1)n) dans les termes suivants :

[69] Après avoir expliqué la protection dont jouissent les marques officielles, d'après les dispositions de la Loi, il faut maintenant déterminer quelle est l'étendue des marques interdites : c'est-à-dire plus spécifiquement le sens de l'expression « composé de » . Par suite de l'explication qui précède, qui démontre clairement la position privilégiée dont jouissent les marques officielles, je rejette l'interprétation que l'appelant propose du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et déclare que l'interprétation donnée par le registraire est correcte. Pour contrevenir au sous-alinéa 9(1)n)(iii), et ne pas être enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)e), la marque projetée doit soit être identique à la marque officielle, soit avoir avec elle une ressemblance telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec elle. Les mots « composé de » utilisés au paragraphe de la Loi doivent être interprétés comme signifiant « identique à » , conclusion à laquelle en est apparemment venu le registraire.


[70] Cette interprétation maintient la large portée de la protection offerte aux marques officielles, sans pour autant conférer une protection déraisonnablement grande aux marques officielles, ce que le législateur ne peut raisonnablement avoir envisagé de faire. Il est inconcevable que le législateur ait eu l'intention de donner une telle portée à la protection offerte aux marques officielles en adoptant l'article 9 de la Loi. Si la proposition avancée par l'appelant était correcte et que toutes les marques qui renfermaient, sous quelque forme que ce soit, la marque officielle ne pouvaient subséquemment être adoptées et seraient donc non-enregistrables, il s'ensuivrait que l'emploi de « ING » serait interdit. Cela signifierait que personne ne pourrait utiliser l'expression « shopping.com » , ou toute autre marque se terminant par « ING » , suivie par « .com » . Il n'est pas raisonnable de déclarer que ces marques sont interdites. C'est pourtant ce qui arrive si l'on pousse la logique de l'argument de l'appelant et le résultat de cet exercice donne lieu à un monopole beaucoup trop vaste et à une protection beaucoup trop grande. Tel n'est pas le but de la protection accordée aux marques officielles.

[71] L'interprétation que j'ai adoptée conserve la large portée de la protection accordée aux marques officielles ce qui, je crois, est compatible avec le régime de la Loi dans son ensemble, avec les articles connexes de la Loi, de même qu'avec l'intention du législateur. Personne ne peut enregistrer ou employer une marque de commerce « ENGINEER » (ou une autre des marques officielles) en liaison avec toute marchandise ou service, malgré le fait qu'une telle marque de commerce ne puisse prêter à confusion avec les marques de l'appelant. Et personne ne peut enregistrer ou employer une marque de commerce qui est semblable aux marques officielles de l'appelant de sorte qu'on puisse les confondre avec elles (mistaken for), encore une fois malgré que l'on puisse chercher à employer la marque en liaison avec des marchandises ou des services qui peuvent fort bien ne pas « créer de la confusion » (confusing with) avec les marques officielles dans le sens où ce terme est utilisé à l'article 6 de la Loi. Les expressions anglaises « mistaken therefor » et « confusing with » ne sont pas synonymes.

 

De plus, dans Association olympique canadienne c. Coopérative Fédérée de Québec (2000), 7 C.P.R. (4th) 309, le juge Lemieux a dit:

 

Je souscris aux motifs suivants que le juge Gibson a exposés à la suite de l'instance, car j’estime qu’ils sont pertinents relativement à la présente affaire pour traiter de la question des marques officielles que l‘on utilise en vertu de l’article 9 pour s’opposer à une demande de marque de commerce :

1)         Le critère applicable en vertu de l’article 9 est celui de la ressemblance, et dans le cas où la marque officielle et la marque que l’on cherche à obtenir ne sont pas identiques, la question qui se pose « est donc de savoir si la marque de la défenderesse est pratiquement la même que l'une ou toutes les marques de l'AGSO, ou si elle est essentiellement similaire », et le critère pertinent pour trancher cette question, qui a été énoncé dans La Reine c. Kruger, est de savoir si « une personne familière avec les marques de l'AGSO [ou l'une d'elles], mais qui s'en souvient imparfaitement [...] pourrait vraisemblablement la confondre [avec la marque de la défenderesse] » (page 217).

 

2)         Le critère que le juge Rothstein (tel était alors son titre) a adopté dans la décision Association olympique canadienne c. Health Care Employees Union of Alberta, précitée, n'est rien de plus qu'une reformulation utile du critère de l'arrêt Kruger, duquel il ne s'éloigne pas. Voici comment M. le juge Rothstein a énoncé le critère, à la page 19 :

 

La question qui se pose est de savoir si une personne qui ne connaît qu'une des marques en cause et en garde un vague souvenir, pourrait, sous l'effet d'une première impression, se tromper ou se méprendre.

 

 

(3)     Le critère de la comparaison directe a été rejeté. Le juge Gibson a dit, à la page 217 :

Je ne peux accepter le moyen soumis pour le compte des demanderesses voulant que le critère soit celui de la « comparaison directe ». La notion de « comparaison directe » suppose un examen rigoureux et consciencieux des marques de l'AGSO et de la marque de la défenderesse ou une comparaison de ces marques. Or un tel examen rigoureux et consciencieux ou une telle comparaison a été spécifiquement rejeté par le juge Rothstein dans la décision Canadian Olympic Assn. c. Health Care Employees Union of Alberta.

 

L’opposante prétend que la marque et la marque officielle de l’opposante possèdent les caractéristiques communes suivantes :

 

  Abeille à la verticale

  Posture vigoureuse

  Apparence sportive

  Dard dans la partie inférieure de l’abeille

  Deux ailes

  Cercles blancs et noirs ou gris

 

Je conviens avec la requérante qu’il y a très peu de ressemblance entre la marque et la marque officielle de l’opposante. Je fonde ma conclusion sur les faits suivants :

 

  Le trait distinctif de la marque est la représentation d’un personnage de bande dessinée qui porte des gants de hockey et qui tient un bâton de hockey.

  Malgré les tentatives vigoureuses de l’opposante pour me convaincre du contraire, l’unique similarité entre les deux marques est que toutes deux représentent une abeille sous forme de personnage de bande dessinée. Toutefois, ce sont deux représentations distinctes d’une abeille. L’opposante ne peut réclamer de monopole sur la représentation d’une abeille. On peut s’attendre à ce que la représentation d’une abeille comporte des ailes, un dard, les couleurs noirs et jaune (ou des tons plus légers de noir, lorsque représentée en noir et blanc). J’ai aussi relevé que la représentation de l’abeille de la requérante comporte des cheveux sur la tête et une partie de bras.

  L’analyse de l’opposante est une analyse comparative, ce qui n’est pas le critère approprié en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi mentionné ci-dessus. Un consommateur ayant un vague souvenir de la marque officielle de l’opposante ne devrait pas, selon la prépondérance des probabilités, confondre la marque et la marque officielle de l’opposante.

 

Je désire ajouter que la preuve relative à l'état du registre produite par la requérante n'est d'aucun secours pour trancher un motif d’opposition fondé sur l’article 9 de la Loi. [Voir Association olympique canadienne c. IMI Norgren Enots Ltd. (1989), 23 C.P.R. 93d) 389.] En vue de caractériser cette référence, la requérante s’est appuyée sur Techniquip Ltd. c. Association olympique canadienne (1998), 80 C.P.R. (3d) 225, où l’état du registre a été examiné pour apprécier un motif d’opposition fondé sur le paragraphe 9(1) de la Loi. Toutefois, dans ce cas, l’opposante s’appuyait sur une famille de marques de commerce. Dans ce contexte, la Cour fédérale a décidé que l’état du registre pouvait être une preuve pertinente. On peut aisément établir une distinction entre ce cas et la présente espèce pour la simple raison que l’opposante ne s’appuie pas sur une famille de marques de commerce dans sa déclaration d’opposition.

 

Par conséquent, le second motif d’opposition est rejeté.

 

Je vais examiner les troisième et quatrième motifs d’opposition du point de vue du risque de confusion entre la marque et la marque officielle de l’opposante, même si on peut soutenir que ces motifs d’opposition sont fondés sur la marque officielle de l’opposante et se rapportent au caractère enregistrable de la marque en cause. Dans son troisième motif d’opposition, l’opposante allègue effectivement que sa marque officielle été antérieurement employée ou révélée. Comme le quatrième motif fait référence aux « raisons susmentionnées », cela comprendrait aussi une telle allégation d’emploi antérieur.

 

Les différences dans les dates pertinentes relatives à ces deux derniers motifs d’opposition ne seront pas des facteurs déterminants dans le résultat de mon analyse. Concernant le troisième motif d’opposition, je dois d’abord décider si l’opposante s'est acquittée de son fardeau initial de prouver l’emploi, au sens de l’article 4 de la Loi, de sa marque officielle avant la date pertinente. Quant au quatrième motif d’opposition, l’opposante a le fardeau initial de prouver que sa marque officielle était suffisamment connue au Canada pour faire disparaître le caractère distinctif de la marque.

 

Mme Birks a simplement affirmé que la marque officielle est employée depuis 1994. Il y a preuve d’emploi de la marque officielle dans la production de quelques accessoires vestimentaires et nouveautés portant la marque officielle, toutefois il n’existe aucune preuve concrète démontrant l'emploi de cette marque de commerce avant la date de la demande de la requérante ou avant la production de la déclaration d’opposition. L’opposante n’a fourni aucun chiffre de ventes ni aucune preuve documentaire qui m’auraient permis de conclure que la marque officielle était connue dans une certaine mesure au Canada en date de la production de la déclaration d’opposition. Il n’y a aucune preuve documentaire établissant une date d’emploi de la marque officielle antérieure aux dates pertinentes. Les seuls documents datés sont les pages du site Web annexées à son affidavit et produites en pièce D, mais elles sont datées du 1er décembre 2003 qui est une date subséquente à toute date pertinente mentionnée plus haut. Même si je considère la simple affirmation que la marque officielle est en usage depuis le début de 1994, tel qu’il est déclaré au paragraphe 8 de son affidavit, il n’y a aucune preuve ni aucune allégation portant que l’opposante n’a pas abandonné l’emploi de sa marque officielle en date de la publication de la présente demande. Une telle absence de preuve est fatale pour l’opposante [voir le paragraphe 16(5) de la Loi] en ce qui a trait au droit à l’enregistrement de la marque. Pour ces motifs, le troisième motif d’opposition est également rejeté.

 

L’opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de prouver que sa marque officielle a été employée ou révélée avant la date de production de sa déclaration d’opposition. Par conséquent, je n’ai d’autre choix que de rejeter le dernier motif d’opposition.

 

 

V Conclusion

 

Pour ces motifs, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en conformité avec le paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante à l’enregistrement de la marque, conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 14 JUILLET 2006.

 

 

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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