Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 194

Date de la décision : 2012-10-25

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Health4All Products Limited et Pure-Li Natural Ltd. à la demande no 1 438 115 produite par The Nutraceutical Medicine Company Inc., en vue de l’enregistrement de la marque de commerce FIBERLICIOUS

[1]               Le 13 mai 2009, The Nutraceutical Medicine Company Inc. (la Requérante) a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce FIBERLICIOUS (la Marque) en liaison avec « un complément alimentaire, à savoir un complément de fibres ». La demande est fondée sur un emploi au Canada depuis au moins 2007.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 10 mars 2010.

[3]               Le 10 août 2010, Health4All Products Limited (Health4All) et Pure‑Li Natural Ltd. (PLN) ont produit une déclaration d’opposition, dont les motifs invoqués sont résumés ci-après :

         la demande ne satisfait pas aux exigences des alinéas 30 (b) et (i) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C 1985, ch. T-13 (la Loi);

         la Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque déposée FIBERRIFIC de PLN (no TMA596,502);

         la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’alinéa 16(1)a) de la Loi, en raison de la confusion avec la marque de commerce FIBERRIFIC utilisée par PLN antérieurement à la date du premier usage indiquée dans la demande;

         la Marque n’est pas distinctive, suivant l’article 2 de la Loi.

[4]               La déclaration d’opposition nomme Health4All et PLN comme entreprises connexes. Le terme « Opposante » utilisé dans tout le texte de ma décision désigne collectivement Health4All et PLN.

[5]               La Requérante a produit et signifié une contredéclaration niant essentiellement les allégations figurant dans la déclaration d’opposition. Les deux parties ont produit des preuves et aucune contre-interrogation n’a eu lieu. Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Il n’y a pas eu d’audience.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[6]               Il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, l’Opposante a la charge initiale de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.); Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4e) 155 (CAF)].

[7]               Les dates pertinentes pour l’appréciation des motifs d’opposition sont les suivantes :

         alinéas 38(2)(a)/30(b) et 30(i) ‑ la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)];

         alinéas 38(2)(b)/12(1)(d) ‑ la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         alinéas 38(2)(c)/16(1)(a) ‑ la date du premier usage indiquée dans la demande d’enregistrement;

         alinéas 38(2)(d)/article 2 ‑ la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4e) 317 (CF)].

Preuve

[8]               J’examine ci-après les preuves des parties. Dans mon examen des preuves, je ne tiens pas compte de toute opinion d’un déposant qui porte sur des questions de fait et de loi, qui seront déterminées par le Registraire dans la présente instance.


Preuve de l’Opposante

[9]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit, en date du 16 février 2011, de Joel Thuna, directeur général de Health4All et PLN. Je note que M. Thuna présente la preuve en désignant les deux entreprises comme « l’Opposante ou les Entreprises », et donc ma mention collective de Health4All et PLN comme étant l’Opposante est conforme à son affidavit.

[10]           M. Thuna indique que Health4All et PLN sont des sociétés de l’Ontario qui font partie d’un groupe de compagnies privées. Depuis leur création il y a 35 ans, les deux sociétés « ont figuré parmi les principaux acteurs du marché canadien des aliments santé » [par. 1 et 2].

[11]           M. Thuna a produit une copie de l’enregistrement no TMA596 502 pour la marque de commerce FIBERRIFIC pour « des compléments alimentaires, à savoir des compléments de fibres, vendus sous forme de poudre à utiliser comme ingrédient dans les aliments et les boissons » [pièce A]. À la date de l’affidavit de M. Thuna, les produits FIBERRIFIC sont vendus au détail dans toutes les provinces et dans la plupart des territoires du Canada, par les magasins d’aliments naturels indépendants, les épiceries, les chaînes de supermarchés, les pharmacies et les professionnels de la santé, tels que les naturopathes, chiropraticiens et diététiciens [par. 4].

[12]           M. Thuna déclare avoir joint à son affidavit, comme pièce B, [TRADUCTION] « [des échantillons de factures que nous avons envoyées aux clients qui ont acheté des produits FIBERRIFIC », où les noms des clients et les prix ont été cachés [par. 5]. Je constate que, sur les 18 factures incluses dans la pièce B, 12 ont été produites par Global Botanical Corporation Limited (Global) entre le 3 mars 2008 et le 9 février 2011; tandis que le reste, soit 6 factures, produites entre le 28 juin 2002 et le 27 juillet 2004, n’indique pas le nom de l’entreprise émettrice.

[13]           Depuis qu’il a été mis au courant de la demande d’enregistrement de la Marque, M. Thuna a demandé à ses représentants des provinces de l’Alberta, du Québec et de la Colombie-Britannique de vérifier périodiquement auprès d’une gamme de magasins, notamment les magasins mentionnés sur le site web de la Requérante; ces représentants n’ont pas vu de produits portant la Marque sur les rayons d’aucun magasin [par. 6]. Il a aussi fait des recherches et n’a trouvé aucune preuve de l’emploi de la Marque à la date de production de la demande ni à une date antérieure [par. 7]. M. Thuna souligne par ailleurs qu’en vertu du règlement de la Direction des produits de santé naturels (DPSN), « la Requérante n’est pas autorisée » à vendre des marchandises portant la Marque avant que ces produits ne fassent l’objet d’une licence d’exploitation accordée par la DPSN et que la Requérante n’a apparemment pas fait de demande de licence pour ces produits ni n’en a reçu [par. 8].

[14]           D’après les déclarations de M. Thuna, les grandes chaînes commerciales de marché de masse et les magasins indépendants sont les principales voies commerciales pour la vente au détail de compléments alimentaires. Dans les magasins comme Loblaws, tous les produits de santé naturels sont vendus dans la même allée; Loblaws vend des produits FIBERRIFIC [par. 10]. Par ailleurs, tous les détaillants présentent tous leurs produits à base de fibres sur des rayons situés dans un même emplacement, qu’il s’agisse d’un magasin indépendant ou d’un grand détaillant alimentaire national tel que Loblaws [par. 11]. M. Thuna soumet une photographie d’un rayon de produits de fibres dans un magasin Loblaws représentatif de Toronto [pièce C]. Il ajoute que les produits FIBERRIFIC sont vendus dans tous les magasins de produits de santé indépendants énumérés sur le site web de la Requérante comme étant des emplacements où des produits associés à la Marque sont vendus; il soumet à cet égard une photographie de la zone des compléments de fibres dans « un de ces magasins » [par. 12, pièce D].

[15]           Les paragraphes 13 à 15 de l’affidavit sont essentiellement des déclarations dont je ne tiendrai pas compte, puisqu’il s’agit de l’opinion du déposant sur les risques de confusion; je note cependant qu’au paragraphe 14, M. Thuna mentionne que la marque FIBERRIFIC est à double marque dans la gamme de vitamines et de minéraux EASY de l’Opposante.

[16]           Depuis que la marque a été lancée en mai 2002, la valeur au détail des produits FIBERRIFIC vendus au Canada « se chiffre à des millions de dollars, et représente plus de 10 millions » de portions [par. 16(a)]. M. Thuna présente des copies des étiquettes actuelles de produits FIBERRIFIC et des images de bouteilles portant les étiquettes [pièce E]. Je note que, selon le cas, les noms « Pure‑Lē Natural » ou « Pure‑Le Natural » (je souligne) suivis d’une adresse apparaissent au coin gauche inférieur des étiquettes.

[17]           La valeur au détail des produits à double marque vendus au Canada s’élève également à des « in millions de dollars » [par. 16(b)]. M. Thuna présente des copies des étiquettes des produits à double marque EASY [pièce F]. Je note qu’un logo comprenant le mot FIBERRIFIC est affiché, bien que de façon non évidente, en bas des étiquettes, à côté de la mention « Fiberrific est une marque de commerce de Pure‑Le Natural Products Limited » (je souligne). Bien que l’utilisation du logo puisse constituer un emploi de la marque FIBERRIFIC en liaison avec un complément alimentaire, il est évident que les produits EASY sont des compléments de vitamines et de minéraux et non pas des compléments de fibres.

[18]           M. Thuna déclare au paragraphe 16(n) de son affidavit : [TRADUCTION] « Nous avons dépensé bien au-delà de 250 000 $ en activités promotionnelles de toutes sortes pour appuyer la marque et les produits FIBERRIFIC ». Les activités promotionnelles décrites au paragraphe 16 de l’affidavit peuvent se résumer comme suit : (i) annonces publicitaires dans les principaux périodiques canadiens sur l’alimentation santé, notamment la revue Alive publiée dix fois par année et les publications mensuelles Vista, Healthy Directions et Tonic [pièce G]; (ii) publication de style quotidien de l’Opposante Health4All [pièce H]; (iii) étalages de produits chez les détaillants [pièce I]; (iv) échantillons de produits offerts dans les magasins [pièce J]; (v) dépliants publicitaires [pièce K]; (vi) voiture de l’entreprise [pièce L]; (vii) campagne de publicité récente d’un an et demi sur la station de radio CFRB à Toronto; (viii) coupons; (ix) sites web de l’Opposante [pièce N]; et (x) une vidéo sur YouTube. M. Thuna cite également les analyses des produits FIBERRIFIC dans des émissions de télévision et les publications sur les produits alimentaires naturels [pièce M].

Preuve de la Requérante

[19]           À l’appui de sa demande, la Requérante a produit des affidavits datés du 15 juin 2011 de Jason Watkin et Rodney Sidoroff, respectivement président et directeur général de la Requérante.

Affidavit de Jason Watkin

[20]           Selon les déclarations de M. Watkin, la Requérante est une compagnie privée, constituée le 24 décembre 1999 conformément à la loi du Canada [par. 4 et 5, pièce A]. La Requérante est affiliée à Biomedica Laboratories Inc. (Biomedica), qui a été incorporée le 25 avril 2001 et dont il est également président. La Requérante est propriétaire de la Marque et de la marque de commerce PURICA « et partie concédante de ses marques de commerce » à Biomedica. Celle-ci a reçu de la DPSN sa licence de fabrication de produits de santé naturels no 300370 et elle est le propriétaire du nom de domaine www.purica.com [par. 6].

[21]           M. Watkin explique que la mise au point d’un extrait alimentaire à base de fibres de racine de chicorée, qui constituait initialement un ingrédient complémentaire à un autre élément de la gamme de produits de la Requérante, a débuté en 2000 environ. Il a été découvert par la suite que le produit de fibres pouvait être un produit autonome. La Marque, constituée des mots (anglais) « fiber » et « delicious », a été choisie pour désigner le produit [par. 7].

[22]           M. Watkins présente des copies d’une étude et d’articles portant sur les fibres alimentaires et le système digestif [par. 9 à 11, pièces B à D]. Il soumet également une politique proposée de Santé Canada sur la définition et la valeur énergétique des fibres alimentaires [par. 12, pièce E].

[23]           M. Watkin déclare qu’il a été informé que, antérieurement à la soumission de la demande d’enregistrement de la Marque, les recherches menées sur le système NUANS ont révélé de nombreuses marques de commerce contenant les mots « fiber », « fibre » ou « licious”, mais aucune marque de commerce similaire à la Marque et pouvant prêter à confusion [par. 13].

Affidavit de Rodney Sidoroff

[24]           M. Sidoroff déclare savoir que des centaines de produits à base de fibres existent sur le marché canadien [par. 3]. M. Sidoroff explique qu’il a consulté le site web de Finlandia, qui est un magasin de détail à Vancouver, connu comme étant un des distributeurs reconnus de produits de santé naturels. M. Sidoroff indique que le site web montre à lui seul 70 produits faisant partie des produits à base de fibres (« fiber » ou « fibre ») [par. 5]. Il soumet des pages du site web concernant neuf produits, qu’il énumère dans son affidavit, et dont le nom contient les mots « FIBRE » ou « FIBER », à savoir : New Roots Super Fiber; Renew Life FibreSmart Powder; Platinum Natural Super Fiber Max Plus; Biomed Fiber FX; New Roots Psyllium Husks Powder, Super Fiber + F.O.S.; Garden of Life DetoxiFiber; Platinum Naturals FiberPlus; Renew Life Fruit & Veggie Fibre; et AOR Solu-Fibre Powder [par. 6, pièce A].

[25]           M. Sidoroff explique que le produit FIBERLICIOUS contient de l’inuline de fibres soluble naturelle à 100 % provenant de racines de chicorée [par. 7]. Il soumet des copies imprimées de définitions de dictionnaire en ligne des mots « inuline » et « fibre » [pièce B].

[26]           Aux paragraphes 8 et 9 de son affidavit, M. Sidoroff déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

8.   Préalablement à l’introduction officielle du produit à base de fibres FIBERLICIOUS aux consommateurs en 2007, la Requérante a pris contact avec son agent des permis en janvier 2009 en vue d’obtenir une licence de la Direction des produits de santé naturels (DPSN), l’autorité réglementaire et division de Santé Canada qui délivre les licences pour la vente et la fabrication de produits de santé naturels. À la suite de la soumission de la demande de licence, il a été constaté que l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) considère l’extrait de racine de chicorée comme un extrait alimentaire qu’elle considère comme étant salubre et qu’elle n’a donc pas besoin d’une licence de la DPSN. Bien que cette licence ne soit pas requise pour cet extrait alimentaire, son octroi reste en suspens.

9.   Vers septembre 2011, nous avons reçu le numéro EN-145143, qui est le numéro provisoire accordé par Santé Canada préalablement à l’octroi du numéro de la DPSN.

[27]           Étant donné les contradictions apparentes de la déclaration selon laquelle l’agent des permis de la Requérante a été contacté en janvier 2009 avant l’introduction du produit FIBERLICIOUS en 2007, je tiens à souligner que j’ai reproduit le paragraphe 8 tel qu’il figure dans l’affidavit.

[28]           M. Sidoroff déclare par ailleurs que, antérieurement à la soumission de la demande d’enregistrement de la Marque, les recherches menées sur le système NUANS ont révélé de nombreuses marques de commerce contenant les mots « fiber », « fibre » ou « licious”, mais aucune marque de commerce similaire à la Marque et pouvant prêter à confusion [par. 12]. Il soumet une copie du rapport de NUANS [par. 13, pièce D].

[29]           M. Sidoroff soumet également un échantillon de l’étiquette actuelle montrant la Marque, en expliquant que cette étiquette est utilisée depuis ou avant 2007 [par. 14, pièce E]. Je note que l’étiquette porte la mention « Produit de Purica ». Je prends note également de la mention « licence sur site certifiée 300370 de la DPSN », qui correspond au numéro de licence DPSN de Biomedica mentionné dans l’affidavit de Watkin [voir paragraphe 20 de ma décision].

[30]           Selon l’affidavit de Sidoroff, les produits de la Requérante sont vendus aux clients par l’intermédiaire de distributeurs [par. 18]. Le produit FIBERLICIOUS est également offert en ligne aux consommateurs depuis au moins 2008 et les distributeurs peuvent être contactés en ligne sur le site web [par. 15]. M. Sidoroff soumet des pages du site web qui sont représentatives du site depuis 2008 [par. 16, pièce F]. M. Sidoroff mentionne le site web à l’adresse www.purica.com comme étant le site de la Requérante, mais je me souviens que, dans son témoignage, M. Watkin a déclaré que Biomedica est propriétaire du nom de domaine www.purica.com [voir paragraphe 20 de ma décision].

[31]           D’après les déclarations de M. Sidorof, la Requérante fait la promotion du produit lié à la Marque sur le site web et dans le matériel de publicité sur le lieu de vente, à savoir affiches, brochures, présentoirs de cartes, fournis aux distributeur. Ce matériel est également disponible sur le site web ou sur demande en ligne [par. 21 à 25, pièces H à K]. Les affiches, brochures, présentoirs de cartes ont été utilisés à une conférence et salon professionnel tenus à Vancouver en mai 2010, où le produit était présenté et mis en vente [par. 29].

[32]           D’après les déclarations de M. Sidorof,, le produit FIBERLICIOUS a été vendu pour la première fois en octobre 2006 environ en Colombie-Britannique [par. 19]. Les ventes ont augmenté à la suite de la publication en 2007 d’une étude indépendante sur l’efficacité de l’apport d’inuline aux résidents à long terme d’un centre de retraite [par. 18; par. 10 et 11, pièce C]. Le « nombre total de comptes », qui était de 190 à la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque, est passé 254 en 2011 [par. 26]. M. Sidoroff soumet une copie de la première facture datée du 31 octobre 2006 [par. 20, pièce G]. Il soumet également un échantillon représentatif de factures des années 2006 à 2011, où le nom des clients et leurs coordonnées sont cachés [par. 27, pièce L].


 

Analyse des motifs d’opposition

[33]           Je vais faire l’analyse des motifs d’opposition en examinant les preuves au dossier. À cette fin, je vais d’abord formuler des remarques préliminaires sur les preuves soumises par les parties concernant l’emploi de leurs marques de commerce respectifs.

Remarques préliminaires

Emploi de la marque de commerce FIBERRIFIC

[34]           Je suis convaincue que l’affidavit de M. Thuna établit l’emploi de la marque de commerce FIBERRIFIC au Canada depuis mai 2002, en relation aux compléments alimentaires, notamment les compléments à base de fibres, au sens de l’alinéa 4(1) de la Loi. Toutefois, puisque toute ambiguïté figurant dans l’affidavit quant à l’usager ou aux usagers de la marque de commerce doit être résolue vis-à-vis de l’Opposante [voir Conde Nast Publications Inc c. Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (FCTD)], je ne suis pas convaincue que l’affidavit établit l’emploi de la marque FIBERRIFIC par le propriétaire lui-même, à savoir PLN, et/ou par un détenteur de licence en application de l’article 50 de la Loi, pour les raisons suivantes.

[35]           Premièrement, outre le fait que M. Thuna fait mention de PLN et Health4All de manière collective, il utilise généralement le pronom « nous » ou « notre » dans tout le texte de son affidavit. Il en résulte une incertitude pour déterminer si la preuve est celle de l’emploi de la marque FIBERRIFIC par PLN ou par Health4All, ou par les deux sociétés. En outre, la mention de M. Thuna de « la marque FIBERRIFIC de mes compagnies » (je souligne) au paragraphe 14 de l’affidavit renforce une telle ambiguïté, puisque Health4All n’est pas propriétaire de la Marque. De plus, même si PLN et Health4All sont des entreprises connexes, leur structure organisationnelle ne suffit pas par elle-même à établir l’existence d’une licence au sens de l’alinéa 50(1) de la Loi, selon lequel PLN doit avoir le contrôle direct ou indirect du caractère ou de la qualité des marchandises pour bénéficier de tout emploi de la marque par Health4All [voir MCI Multinet Communications Corp c. MCI Multinet Communications Inc (1995), 61 CPR (3d) 245 (COMC); Loblaws Inc c. Tritap Food Broker (1999), 3 CPR (4e) 108 (COMC)].

[36]           Deuxièmement, comme l’a noté avec raison la Requérante, M. Thuna n’a pas expliqué le rapport entre PLN et Global dont le nom apparait sur les factures. De plus, puisque M. Thuna est tout aussi silencieux sur le rôle de Global dans la commercialisation des produits FIBERRIFIC au Canada, je ne suis pas prête à en conclure que Global agit uniquement en tant que distributeur des produits. Même en supposant que PLN et Global fassent partie du groupe de compagnies mentionné par M. Thuna, cela ne suffirait pas non plus pour établir l’existence d’une licence entre PLN et Global. Pour ce qui est des factures où ne figure aucun nom de compagnie, je ne suis absolument pas prête à accepter qu’elles ont été émises par PLN ou par un détenteur de licence.

[37]           Enfin, considérant l’affidavit de Thuna dans son ensemble, les mentions de Pure‑Lē Natural ou Pure‑Le Natural (je souligne) sur les étiquettes des produits FIBERRIFIC ajoutent à l’ambiguïté de la situation. De fait, il n’est mentionné nulle part dans l’affidavit que PLN, dont la dénomination sociale est indiquée comme Pure-Li Natural Ltd. dans l’enregistrement et la déclaration d’opposition, est exploité sous un autre nom. De même, il n’y a aucune preuve d’un avis public de la nature mentionnée dans l’alinéa 50(2) de la Loi. Les mêmes remarques s’appliquent à la mention de Pure‑Le Natural Products Limited (je souligne) sur les étiquettes des produits à double marque EASY, que l’Opposante avance également comme preuve de l’emploi de la marque FIBERRIFIC.

[38]           Compte tenu de ce qui précède, même si je suis convaincue que la preuve de l’Opposante établit l’emploi de la marque de commerce FIBERIFFIC au Canada depuis mai 2002, je trouve néanmoins, en raison de l’ambiguïté résultant de l’absence de spécificité de l’affidavit de M. Thuna quant aux utilisateurs de la marque FIBERRIFIC, que la preuve n’établit pas de façon satisfaisante l’emploi de la Marque par PLN elle-même et/ou par l’intermédiaire d’un détenteur de licence, conformément à l’article 50 de la Loi.

Emploi de la Marque

[39]           Je suis convaincue que la preuve de la Requérante établit l’emploi de la Marque au Canada depuis le 31 octobre 2006, au sens de l’alinéa 4(1) de la Loi, en liaison avec un complément de fibres. Puisque la preuve de la Requérante démontre que la Marque est utilisée par Biomedica comme étant un détenteur de licence de la Requérante, la question est de savoir si un tel emploi répond aux exigences de l’article 50 de la Loi.

[40]           Comme il est indiqué précédemment, la structure organisationnelle de l’entreprise ne suffit pas à elle seule à établir l’existence d’une licence au sens de l’alinéa 50(1) de la Loi. D’autre part, il n’y a pas de preuve des termes, écrits ou verbaux, de la licence, concernant le contrôle de la Requérante sur le caractère et la qualité des marchandises pour lesquelles Biomedica a licence pour utiliser la Marque. De même, il n’y a aucune déclaration de M. Watkins selon laquelle la Requérante contrôle directement ou indirectement le caractère et la qualité des marchandises. Enfin, les étiquettes ne contiennent pas d’avis public de la nature mentionnée à l’alinéa 50(2) de la Loi.

[41]           Compte tenu de ce qui précède, tout en reconnaissant que la preuve de la Requérante établit l’emploi de la Marque au Canada depuis le 31 octobre 2006, je conclus qu’elle n’établit pas de façon satisfaisante que l’emploi de la Marque par Biomedica a contribué aux avantages de la Requérante en vertu de l’article 50 de la Loi.

Non-conformité à l’alinéa 30(b) de la Loi

[42]           À titre préliminaire, je constate que, puisque la demande n’indique pas de date précise durant l’année civile 2007, la date présumée du premier emploi est considérée par le Registraire comme étant le 31 décembre 2007 [voir Khan c. Turban Brand Products Ltd (1984), 1 CPR (3d) 388 (COMC)].

[43]           Dans la mesure où la Requérante a plus de facilité d’accès aux faits pertinents, le fardeau de la preuve de l’Opposante est moindre, pour ce qui est du motif d’opposition selon l’alinéa 30(b) [voir Tune Masters c. Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. De même, l’Opposante peut se baser sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial, mais elle doit démontrer que la preuve est clairement contraire aux allégations de la Requérante telles qu’elles figurent dans la demande [voir York Barbell Holdings Ltd c. ICON Health & Fitness Inc (2001), 13 CPR (4e) 156 (COMC)]. EN outre, l’alinéa 30(b) de la Loi exige un emploi continu de la marque de commerce visée dans la demande, durant le cours normal de l’exploitation, depuis la date alléguée jusqu’à la date de soumission de la demande [voir Labatt Brewing Co c. Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (FCTD)].

[44]           Je n’ai pas jugé nécessaire, pour les raisons qui suivent, de déterminer si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau allégé de preuve, pour rejeter le motif d’opposition.

[45]           D’une part, j’ai déjà déterminé que la preuve de la Requérante établit que la Marque est utilisée au Canada depuis le 31 octobre 2006. D’autre part, bien que la date réelle du premier emploi est antérieure au 31 décembre 2007, la loi reconnait qu’un Requérant peut adopter une date ultérieure à la date réelle du premier emploi « par excès de prudence » et « aux fins d’une plus grande certitude » [voir Marineland Inc c. Marine Wonderland & Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (FCTD)].

[46]           Enfin, même si j’ai constaté que la preuve n’établit pas que l’emploi de la Marque s’est accru à l’avantage de la Requérante selon l’article 50 de la Loi, le plaidoyer prétend que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30(b) de la Loi « parce que la Marque de la Requérante n’a jamais été utilisée au Canada et en tout cas elle n’a certainement pas été utilisée au Canada dès 2007 comme date du premier emploi indiquée » dans la demande. Dans la décision Massif Inc c. Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 95 CPR (4e) 249 (FC), la Cour fédérale a rappelé qu’une opposition doit être analysée compte tenu des motifs d’opposition avancés. Lorsqu’un Opposant a avancé que la demande ne respecte pas un article de la Loi sur la base d’une série de circonstances particulières, il n’est pas permis de la refuser sous prétexte qu’elle n’est pas conforme à cet article de la Loi pour des raisons autres que celles qui sont avancées. Aux paragraphes 27-29 du cas Massif, le juge Bédard déclare ceci :

27. C’est un principe juridique bien établi que la Commission n’est pas autorisée à permettre une opposition sur la base d’un motif qui n’a pas été soulevé par la partie opposée. Dans Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Ltd. (1984), 26 A.C.W.S. (2d) 155, 79 C.P.R. (2d) 12 (Juge Muldoon), la Cour a déclaré qu’une organisation telle que le Registraire des marques de commerce est régie par les textes législatifs et qu’elle n’a pas une compétence inhérente ou extrinsèque dans sa législation constituante. La Cour a déclaré en outre que le Registraire qui est appelé à statuer sur une opposition ne pouvait pas fonder sa décision sur un motif qui n’a pas été évoqué dans la déclaration d’opposition.

28. Plus récemment, dans Procter & Gamble Inc. c. Colgate-Palmolive Canada Inc. 2010 FC 231, 364 F.T.R. 288, au paragraphe 26, le juge Boivin a également adopté le principe de jurisprudence suivant :

...Le Répondant déclare qu’il est bien établi qu’il n’y a aucune compétence pour traiter une question qui ne figure pas dans une déclaration d’opposition et la présente Cour n’a pas compétence pour examiner des questions qui n’ont pas été soulevées devant la Commission (McDonald's Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1994), 76 F.T.R. 281, 55 C.P.R. (3d) 463, aff'd (1996) 199 N.R. 106, 68 C.P.R. (3d) 168 (F.C.A.)). Je suis d’accord avec le Répondant....

29. Je suis d’accord avec ces principes. Dans le cas présent, même si la Commission refusait la demande d’enregistrement sur la base d’une absence de conformité aux dispositions de l’alinéa 30(b) de la Loi et que l’opposition du répondant était également fondée sur l’absence de conformité à ce paragraphe, l’opposition du répondant fait mention d’une « défaillance » qui est différente de celle sur laquelle la Commission a fondé sa décision.

[47]           À mon avis, le motif d’opposition relevant de l’alinéa 30(b) tel qu’il est présenté ne couvre pas l’allégation que la Marque n’a pas été utilisée par la Requérante. Dans les circonstances, il importe peu que l’emploi de la Marque depuis la date du premier emploi indiquée n’est pas à l’avantage de la Requérante. J’ajouterai qu’il n’y a pas de soumission de l’Opposante qui pourrait me convaincre du contraire. Si le plaidoyer incluait l’allégation que la Marque n’a pas été utilisée par la Requérante, j’aurais conclu en faveur de l’Opposante, étant donné que la preuve de la Requérante établit que l’emploi de la Marque n’était pas à son avantage [voir Rooxs Inc c. Edit-SRL (2002), 23 CPR (4e) 265 (COMC)]. Je note que rien n’aurait empêché l’Opposante de demander l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition après avoir reçu la preuve de la Requérante.

[48]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition.

Non-conformité à l’alinéa 30(i) de la Loi

[49]           Le motif d’opposition tel que présenté est fondé sur l’allégation que la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30(i) de la Loi «  à la lumière des circonstances mentionnées [dans la déclaration d’opposition] ». Ayant lu le plaidoyer en conjonction avec le reste de la déclaration d’opposition, je conclus que le motif d’opposition est fondé sur l’allégation selon laquelle les marques des parties prêtent à confusion. Une telle allégation n’appuie pas un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i).

[50]           L’alinéa 30(i) de la Loi exige d’un Requérant qu’il inclut dans sa demande une déclaration attestant qu’il est convaincu qu’il a le droit d’utiliser la marque de commerce au Canada. Si un Requérant a fourni la déclaration requise, un motif relevant de l’alinéa 30(i) ne serait accepté que dans des cas exceptionnels, par exemple s’il y a preuve de mauvaise foi de la part du Requérant ou si des dispositions statutaires fédérales particulières empêchent l’enregistrement de la marque demandé [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) au 155; et Canada Post Corporation c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (FCTD)]. Ce n’est pas le cas ici.

[51]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition.

Enregistrabilité conformément à l’alinéa 12(1)(d) de la Loi

[52]           Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du Registraire, je confirme que l’enregistrement no TMA596 502 supposé à l’appui du motif d’opposition est relevé et que l’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau initial stipulé à l’alinéa 12(1)(d) de la Loi. La question est donc de déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau juridique pour montrer qu’à la date d’aujourd’hui, il est raisonnablement peu probable que la Marque puisse être prise pour la marque de commerce FIBERRIFIC.

[53]           Le test de confusion est fondé sur la première impression et les souvenirs imprécis. L’alinéa 6(2) de la Loi stipule que l’emploi d’une marque de commerce créée de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques dans une même région risque de faire croire que les marchandises ou les services liés à ces marques sont fabriqués, vendus, loués à long terme, loués ou réalisés par la même personne, que les marchandises ou les services appartiennent ou non à la même classe générale.

[54]           En appliquant le test de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont énumérées dans l’alinéa 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère intrinsèquement distinctif des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la durée de l’emploi des marques de commerce; c) la nature des marchandises, services ou de l’exploitation; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce en apparence ou en sonorité ou dans les idées qu’elles suggèrent. Les facteurs énumérés n’ont pas à recevoir le même degré de pondération. [Voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4e) 321 (SCC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4e) 401 (SCC); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4e) 361 (SCC) pour un examen détaillé des principes généraux régissant le test de confusion.]

Caractère intrinsèquement distinctif des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles deviennent connues

[55]           Bien que chaque marque soit un mot inventé, les deux marques commencent par le mot descriptif FIBER et se terminent par un suffixe dérivé d’un superlatif. À cet égard, je conviens avec la Requérante qu’il est raisonnable de supposer que le suffixe RIFIC de la marque de l’Opposante est tiré de l’adjectif « terrific ». En ce qui concerne la Marque, nous savons que son suffixe LICIOUS provient de l’adjectif « delicious ». En fin de compte, je conclus que chacune des marques présente un faible degré de distinction inhérente et qu’il s’agit donc de marques faibles.

[56]           Je conviens avec la Requérante que la preuve présentée par M. Thuna présente des faiblesses, concernant les activités de publicité et de promotion. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec la Requérante selon laquelle on ne peut en conclure que la marque FIBERRIFIC est devenue connue à un certain degré au Canada. Ceci étant, la preuve de l’Opposante n’établit pas l’emploi de la Marque par PLN ni que cet emploi est à l’avantage de PLN par les dispositions de licence de l’article 50 de la Loi. Je ne suis donc pas en mesure de conclure que la marque FIBERRIFIC a acquis une réputation notable dans les mains de son propriétaire [voir Warner-Lambert Co c. Lander Co Canada (2000), 10 CPR (4e) 112 (COMC)]. De même, je ne suis pas en mesure de conclusion que la Marque a acquis une réputation notable dans les mains de la Requérante, dont la preuve n’a pas établi qu’elle a bénéficié de l’emploi de la Marque par Biomedica.

[57]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le facteur de l’alinéa 6(5)(a), qui est une combinaison du caractère inhérent et acquis de distinction des marques, ne favorise aucune des parties.

Durée de l’emploi de chaque marque de commerce

[58]           Dans la mesure où aucune des parties n’a établi l’emploi de leur marque, ni que cet emploi a été à leur avantage, selon le cas, je conclus que le facteur de l’alinéa 6(5)(b) ne favorise aucune des parties.

Nature des marchandises, des services ou de l’exploitation; et nature du commerce

[59]           La Marque est associée à un « complément alimentaire, à savoir un complément à base de fibres ». La marque FIBERRIFIC est enregistrée, en association avec des « compléments alimentaires, à savoir des compléments à base de fibres, vendus sous forme de poudre à utiliser comme ingrédient dans les aliments et les boissons ». D’autre part, il est incontestable que les marchandises des deux parties suivent les mêmes chaines de commerce. En conséquence, la considération des facteurs des alinéas 6(5)(c) et (d) favorise clairement l’Opposante.

Degré de ressemblance entre les marques dans leur apparence, leur sonorité ou les idées qu’elles suggèrent

[60]           Il est souvent probable que le degré de ressemblance entre les marques a le plus grand effet sur l’analyse des risques de confusion [voir Masterpiece, supra; et Beverley Bedding & Upholstery Co c. Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 à 149 (FCTD), aff’d 60 CPR (2d) 70 (FCA)].

[61]           Les marques en cause se ressemblent dans une certaine mesure, en raison du terme FIBER utilisé en préfixe dans chacune des marques. Toutefois, il faut considérer les marques dans leur intégralité. Normalement, la première partie d’une marque est la partie la plus importante aux fins de distinction avec d’autres marques et dans le cas présent, l’élément FIBER peut être considéré comme la première partie dominante des marques en question. Or, lorsque la première partie ou la partie dominante d’une marque est un mot descriptif commun, son importance s’en trouve réduite [voir Conde Nast Publications Inc, supra à 188]. Dans le cas présent, on aurait donc tendance à ne pas tenir compte de l’importance du préfixe FIBER dans les marques des parties et en conséquence à se concentrer davantage sur les suffixes respectifs. Comme c’est noté dans United Artists Pictures Inc c. Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (FCA) au 263 :

Bien que les marques [en cause] doivent être évaluées dans leur intégralité (et non pas disséquées aux fins d’examen minutieux), il est néanmoins possible de se concentrer sur des éléments particuliers de la Marque qui pourraient avoir une influence déterminante sur sa perception par le public.

[62]           D’autre part, dans le cas des marques intrinsèquement faibles, des différences relativement mineures suffiront pour distinguer une marque d’une autre [voir GSW Ltd c. Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (FCTD)]. Dans le cas présent, outre le fait que le suffixe RIFIC constituant la marque enregistrée n’est pas particulièrement frappante, il diffère du suffixe LICIOUS qui constitue la Marque. Étant donné la faible importance de l’élément FIBER, les différences entre les marques considérées dans leur intégralité atténuent le dernier facteur de l’alinéa 6(5) de la Loi.

Circonstances de l’espèce supplémentaires

[63]           La preuve de la Requérante et ses soumissions énoncent l’état du marché et l’absence de preuve de cas de confusion comme étant des circonstances de l’espèce supplémentaires.

[64]           La Requérante semble se fonder sur le rapport NUANS [pièce D de l’affidavit de Sidoroff] comme une preuve du registre établissant que l’élément FIBER est un élément commun de marques de commerce utilisées au Canada. Elle se fonde également sur les imprimés du site web de Finlandia [pièce A de Sidoroff] comme preuve d’usage commun par des tiers de l’élément FIBER comme composante de marques de commerce liées à des produits à base de fibres au Canada.

[65]           La preuve du registre n’est pertinente que dans la mesure où on peut en tirer des conclusions sur l’état du marché [voir Ports International Ltd c. Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); et Welch Foods Inc c. Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (FCTD)]. De même, les conclusions sur le marché ne peuvent être tirées de la preuve du registre que si l’on peut trouver un grand nombre d’enregistrements pertinents [voir Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (FCA)]. Dans le cas présent, à part la faiblesse du ouï-dire liée à la présentation de la preuve par M. Sidoroff, le rapport Nuans donne insuffisamment de détails sur les enregistrements. Ceci étant, même si l’état approprié de la preuve du registre aurait pu servir les intérêts de la Requérante, il n’est pas nécessaire de se fonder sur la preuve de l’état du registre pour appliquer le principe que des petites différences peuvent servir à distinguer entre des marques qui présentent un faible degré de distinction inhérente [voir Gemological Institute of America, Inc c. Gemology Headquarters International LLC, 2012 COMC 172].

[66]           Pour ce qui est des imprimés du site web de Finlandia, un site web n’est pas une preuve de la véracité de son contenu et la simple existence d’un site web ne prouve pas que des Canadiens y ont accédé [Candrug Health Solutions Inc c. Thorkelson (2007), 60 CPR (4e) 35 (FCTD)]. Je ne suis cependant pas prête à écarter entièrement la preuve du site web, que je considère comme présente une certaine valeur en démontrant que les neuf produits à base de fibres mentionnés par M. Sidoroff ont été offerts à la vente au Canada si l’on accède au site web : Je ne suis toutefois pas en mesure de déterminer, d’après les pages du site, si les produits sont offerts par neuf entités différentes. C’est pourquoi je ne considère pas cette preuve comme déterminante pour la conclusion de ce cas, même si j’estime qu’elle appuie ma conclusion sur la faiblesse des marques en cause.

[67]           Je ne juge pas nécessaire de tenir compte des soumissions de la Requérante concernant l’absence de preuve de cas de confusion, pour conclure en sa faveur.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[68]           Le fardeau juridique revient à la Requérante de montrer que, à la date d’aujourd’hui, il est raisonnablement peu probable que la Marque puisse causer de la confusion avec la marque de commerce enregistrée FIBERRIFIC.

[69]           En appliquant le test de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imprécis. Dans les présentes circonstances, compte tenu de la faiblesse des marques, je suis convaincue que les différences entre la Marque et la marque FIBERRIFIC sont dans l’ensemble suffisantes pour distinguer la Marque de la marque FIBERRIFIC. En conséquence, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau juridique de démontrer que la confusion entre les marques est peu probable.

[70]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette ce motif d’opposition.

Absence de droit à l’enregistrement suivant l’alinéa 16(1)(a) de la Loi

[71]           Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’appui de ce motif d’opposition, l’Opposante doit montrer que la marque de commerce FIBERRIFIC a été utilisée au Canada par PLN préalablement à la date du premier emploi indiquée dans la demande et qu’elle n’a pas été abandonnée à la date de publication de la demande [alinéa 16(5) de la Loi].

[72]           J’ai conclu précédemment que la preuve de l’Opposante n’établit pas l’emploi par PLN de la marque FIBERRIFIC depuis mai 2002, ni que cet emploi a augmenté à son avantage en application de l’article 50 de la Loi. Il s’ensuit que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial conformément à l’alinéa 16(1)(a) de la Loi. En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Absence de caractère distinctif

[73]           L’Opposante prétend que la Marque n’est pas adaptée pour être différente et pour distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises en liaison avec ce que PLN a adopté et utilisé antérieurement comme marque de commerce FIBERRIFIC.

[74]           Pour s’acquitter de son fardeau de démonstration du motif d’opposition, l’Opposante doit montrer que la marque de fabrique FIBERRIFIC utilisée par PLN était devenue suffisamment bien connue en date du 10 août 2010 pour éliminer le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (FCTD); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4e) 427 (FC)].

[75]           Ma conclusion précédente, selon laquelle la preuve de l’Opposante n’a pas établi l’emploi de la Marque FIBERRIFIC par PLN ou que cet emploi a augmenté à son avantage conformément à l’article 50 de la Loi , reste applicable. Il s’ensuit que l’Opposante ne s’est pas acquitté de son fardeau initial de démontrer que la marque de commerce FIBERRIFIC a été utilisée par PLN de manière à éliminer le caractère distinctif de la Marque au 10 août 2010, et je rejette donc le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Décision

[76]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Lenga Nguyen

 

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