Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 200

Date de la décision : 2014-09-24

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Bedessee Imports Ltd à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,526,653 pour la marque de commerce TOPO CHICO au nom de Compania Topo Chico, S.A. de C.V.

Introduction

[1]               Compania Topo Chico, S.A. de C.V. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce TOPO CHICO (la Marque) en liaison avec des boissons aromatisées non alcoolisées, des concentrés et de l'eau minérale aromatisée. Bedesse Imports Ltd (l'Opposante) a contesté la demande principalement sur la base d'une probabilité raisonnable de confusion entre cette marque de commerce et l'emploi et la révélation antérieurs par l'Opposante de sa marque de commerce déposée CHICO en liaison avec diverses marchandises alimentaires, dont des boissons rafraîchissantes aérées. L'Opposante soutient également que la Marque n'a pas été employée aux États-Unis.

[2]               Pour les raisons exposées ci-dessous, j'estime que cette demande d’enregistrement doit être refusée.

Le dossier

[3]               Le 6 mai 2011, la Requérante a produit la demande no 1,526,653 pour l'enregistrement de la Marque visée par la demande, sur la base d'un emploi et d'un enregistrement de la Marque aux États-Unis et de l'emploi projeté a Canada en liaison avec les marchandises suivantes : « [Traduction] Boissons aromatisées non alcoolisées, nommément boissons gazeuses aromatisées; concentrés, nommément sirops et poudres pour la préparation de boissons gazeuses; eau minérale gazéifiée. »

[4]               La demande a été annoncée le 4 avril 2010 et l'Opposante a produit une déclaration d'opposition le 1er juin 2012, s'appuyant sur les alinéas 30d), 12(1)d), 16(2)a) et 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).

[5]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Rayman Bedessee, vice-président de l'Opposante, et une copie certifiée de l'enregistrement no 307,076 pour la marque de commerce CHICO. La Requérante a demandé que M. Bedesse soit contre-interrogé, mais a par la suite retiré sa demande.

[6]               À titre de preuve, la Requérante a produit l'affidavit de Lisa Saltzman ainsi que trois affidavits de Jose Miguel Garcia Ruiz. Comme la Requérante n'a pas assuré la présence de Mme Saltzman et de M. Ruiz au contre-interrogatoire, ces affidavits ont été retournés à la Requérante, en vertu du paragraphe 44(5) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement).

[7]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue et les deux parties y étaient représentées.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[8]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il incombe à l'Opposante de s'acquitter du fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) à la page 298; et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[9]               Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         alinéa 38(2)a) et article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC) à la page 475];

         alinéas 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         alinéa 38(2)c)/paragraphes 16(2) et 16(3) de la Loi – la date de production de la demande;

         alinéa 38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Non-conformité – Alinéa 30d)

[10]           L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'alinéa 30d), en ce sens que la Marque n'a pas été employée aux États-Unis en liaison avec les marchandises visées par la demande.

[11]           Si la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme à l’alinéa 30d) de la Loi, le fardeau de preuve initial incombe à l’Opposante en ce qui concerne ce motif d’opposition [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC)]. Dans la mesure où la Requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau de preuve dont doit s'acquitter l'Opposante à l'égard du motif d'opposition fondé sur la non-conformité à l'article 30d) est moins exigeant [Tune Masters c Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)].

[12]           La seule preuve produite par l'Opposante à l'appui de ce motif est la déclaration de M. Bedessee, selon laquelle il voyage régulièrement aux États-Unis et assiste aux conférences de la Private Label Manufacturer Association; il ne sait toutefois pas si la Marque est employée aux États-Unis en liaison avec les marchandises visées par la demande.

[13]           Je ne suis pas convaincue que l'Opposante a fourni en l'espèce une preuve suffisante pour corroborer l'allégation selon laquelle la Requérante n'a pas employé la Marque en liaison avec les marchandises susmentionnées aux États-Unis à la date pertinente. À cet égard, le fait que M. Bedesse ne soit pas au courant de l'emploi de la Marque en liaison avec les marchandises visées par la demande, malgré le fait qu'il voyage régulièrement aux États-Unis et qu'il assiste souvent aux conférences de la Private Label Manufacturer Association, ne permet pas en soi de conclure que la Requérante n'a pas employé la Marque aux États-Unis en liaison avec les marchandises visées par la demande.

[14]           Par conséquent, ce motif d'opposition est rejeté.

Absence de droit à l'enregistrement – Alinéa 16(3)a)

[15]           Le deuxième motif d'opposition est fondé sur l'alinéa 16(3)a) de la Loi; l'Opposante allègue que la Marque crée de la confusion avec sa marque CHICO, qu'elle a été employée au Canada avant la date de dépôt de la Requérante. En ce qui concerne ce motif d'opposition, l'Opposante doit s'acquitter du fardeau initial qui lui incombe, soit de démontrer qu'elle a employé sa marque de commerce avant la date de dépôt de la Requérante (soit le 6 mai 2011). En outre, les paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi imposent à l'Opposante l'obligation de démontrer qu'elle n'a pas abandonné sa marque à la date de l'annonce de la demande de la Requérante (soit le 4 avril 2012).

[16]           Comme il en est question ci-dessous, je suis convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement à plusieurs de ses marchandises alimentaires. Cependant, ce qui s'applique particulièrement en l'espèce, est la question de savoir si l'Opposante s'est acquittée du fardeau qui lui incombe relativement aux boissons rafraîchissantes aérées. La preuve produite par M. Bedessee en ce qui concerne ces marchandises est la suivante :

         Les chiffres d'affaires pour les boissons rafraîchissantes aérées vendues en liaison avec la marque CHICO s'élèvent de 12 000 $ à 24 000 $ pour chacune des années entre 2008 et 2012 (sans ventilation des chiffres par mois).

         Trois factures relatives à la vente par l'Opposante de boissons rafraîchissantes de marque CHICO, datées du 11 mai 2009, du 13 novembre 2010 et du 4 septembre 2011.

         La déclaration de M. Bedessee selon laquelle les boissons rafraîchissantes aérées portant la marque de commerce CHICO sont temporairement en rupture de stock depuis août 2012; l'Opposante s'attend cependant à recommencer la vente de ces marchandises en janvier 2013.

         Des preuves d'étiquettes utilisées avec les boissons rafraîchissantes aérées vendues par l'Opposante au Canada en 2013 en liaison avec la marque de commerce CHICO.

[17]           Je suis convaincue, à la lumière de la preuve fournie par M. Bedessee dans son ensemble, que l'Opposante s'est également acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait au titre de ce motif en ce qui concerne les boissons rafraîchissantes aérées. À cet égard, l'Opposante a établi l'emploi de sa marque en liaison avec des boissons rafraîchissantes aérées avant la date de dépôt de la Requérante, et elle a établi qu'elle n'avait pas abandonné sa marque en liaison avec les boissons rafraîchissantes aérées à la date de l'annonce de la demande de la Requérante. Bien que M. Bedesse admette que l'Opposante ait connu une rupture de son stock de boissons rafraîchissantes aérées CHICO en août 2012, cette date est ultérieure à la date de l'annonce. En outre, selon son témoignage non contesté, l'Opposante prévoit recommencer à vendre ces produits en janvier 2013. Il a aussi fourni une copie d'un modèle d'étiquette arborant la marque de l'Opposante pour les boissons rafraîchissantes aérées qui seront utilisées avec ces produits en 2013.

[18]                 Comme l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante.

Test en matière de confusion

[19]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi stipule que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises ou les services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont impartis ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[20]           Cette énumération n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces critères varie selon les circonstances de l’espèce [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, [2006] 1 SCR 772 (CSC) au paragraphe 54]. Je me fie également à l’affirmation de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc. [2011], 2 SCR (4th) 387 (CSC), au paragraphe 49, que le critère de l’alinéa 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d’importance dans l’analyse de la probabilité de confusion.

[21]           Le test à appliquer est celui de la première impression que laisse dans l'esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque alors qu'il n'a qu'un vague souvenir de la marque de commerce CHICO de l'Opposante et qu'il ne s'arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée [2006] 1 SCR 824 au paragraphe 20]. De plus, ce consommateur n'est ni anglophone, ni francophone, ni bilingue anglais-français [Pierre Fabre Médicament c SmithKline Beecham Corp (2001), 11 CPR (4th) 1 au paragraphe 15 (CAF)]

Alinéa 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues.

[22]           Comme les deux marques sont composées de mots espagnols, j'estime qu'elles possèdent toutes deux un certain caractère distinctif inhérent, car elles seraient toutes deux perçues par le public comme étant composées de mots d'une langue étrangère [Thai Agri Foods Public Co c Choy Foong Intl Trading Co Inc, 2012 COMC 61 au paragraphe 11].

[23]           En ce qui concerne la mesure dans laquelle chaque marque est devenue connue, la Requérante n'a fourni aucune preuve indiquant si l'emploi de la Marque avait commencé. Par ailleurs, en plus de la preuve concernant les boissons rafraîchissantes aérées susmentionnées, M. Bedessee fournit l'information suivante au sujet des autres marchandises de l'Opposante :

         l'Opposante vend ses marchandises en liaison avec la marque CHICO à des détaillants dans des boutiques spécialisées antillaises, latino-américaines, orientales et des Caraïbes ainsi que dans des épiceries et des supermarchés traditionnels au Canada, qui à leur tour vendent les marchandises au grand public;

         les clients peuvent acheter les marchandises de l'Opposante à partir de son site Web www.bedessee.com depuis 1999;

         l'Opposante a vendu de la sauce cassava, des ois, des nouilles chow mein, des légumes surgelés, du poisson en conserve (sardines), de la poudre de cari, de la sauce au poivre (poivre concassé), de l'huile de moutarde (huile végétale), des haricots et de la viande en conserve, en liaison avec la marque de commerce CHICO, et ce, depuis 1985;

         des exemples d'étiquettes et de sacs utilisés depuis 2002 pour les marchandises susmentionnées ont été joints en pièces B, D à H;

         les ventes des autres marchandises de l'Opposante varient de 2 000 $ à 40 000 $ par année par produit, selon les années de 2006 à 2012.

[24]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que les marques de l'Opposante sont devenues connues dans une certaine mesure au Canada et que ce facteur s'applique donc en faveur de l'Opposante.

Alinéa 6(5)b) la période pendant laquelle chaque marque de commerce ont été en usage

[25]           Comme il a été mentionné ci-dessus, l'Opposante utilise sa marque depuis plusieurs années, alors que la Requérante n'a pas encore commencé à employer sa Marque. Ce facteur favorise donc également l'Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[26]           Pour évaluer ce facteur, je dois comparer l'état déclaratif des marchandises qui figure dans la demande de la Requérante avec les marchandises visées par l'enregistrement de l'Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[27]           Les marchandises de la Requérante chevauchent les boissons rafraîchissantes aérées de l'Opposante.

[28]           En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, M. Bedessee affirme au paragraphe 2 de son affidavit que l'Opposante vend ses marchandises à des détaillants de boutiques spécialisées antillaises, latino-américaines, orientales et des Caraïbes, ainsi que dans des épiceries et des supermarchés traditionnels au Canada. Les factures jointes à l'affidavit de M. Bedessee montrent toutefois que la grande majorité des ventes de l'Opposante sont faites à des épiceries spécialisées africaines, latines et antillaises et des Caraïbes dans la région du Grand Toronto. J'estime donc que, même s'il est possible que les voies de commercialisation des parties se chevauchent (puisque ni la demande de la Requérante ni l'enregistrement de l'Opposante n'est limitée de quelque façon que ce soit), il ne semble pas que ce soit le cas.

Alinéa 6(5)e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées quelles suggèrent

[29]           S'appuyant sur la décision dans Pernod Ricard c Molson Breweries (1992), 44 CPR (3d) 359 at 370 (CF 1re inst), la Requérante soutient que la première portion d'une marque est la plus importante aux fins de distinction. Plus récemment, toutefois, dans l'affaire Masterpiece, la Cour suprême estime que pour comparer les marques, il est préférable de se demander d'abord si l'un des aspects de celles-ci est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, supra, au paragraphe 640].

[30]           En l'espèce, j'estime que la marque CHICO de l'Opposante possède un caractère distinctif inhérent et que la Marque de la Requérante intègre cette marque dans son intégralité. Bien que la Marque comprenne aussi le mot TOPO en tant que premier élément, je ne considère pas que cet élément de la Marque est plus frappant ou unique que le mot CHICO, puisqu'ils seraient tous deux perçus ou considérés par le Canadien moyen comme des mots d'une langue étrangère. Par conséquent, j'estime qu'il existe un degré de ressemblance important entre les marques dans la présentation et le son.

[31]           En ce qui a trait aux idées suggérées par les marques, la Requérante a formulé les observations suivantes :

         la Marque est en espagnol et se traduit par « petite taupe », ce qui n'a aucune signification relative aux marchandises revendiquées dans la demande;

         le terme CHICO utilisé seul dans la marque de l'Opposante serait plus susceptible d'être considérée comme le nom « chico » qui, selon le site Web http://translate.google.com se traduit de l'espagnol au français par « garçon » plutôt que l'adjectif « chico » qui se traduit par « petit »;

         les étiquettes de produits de marque CHICO jointes en pièce A à J et L à M de l'affidavit Bedessee montre le mot servant de marque employé de pair avec l'image d'un garçon assis, portant un sombrero; cette preuve vient davantage corroborer la position de la Requérante concernant l'idée suggérée par la marque de l'Opposante;

         le consommateur moyen dans les voies de commercialisation spécialisées de l'Opposante connaît probablement l'espagnol.

[32]           Bien que le registraire puisse admettre d'office les définitions tirées de dictionnaires, je n'estime pas que ce pouvoir s'étende aux traductions de divers mots qui ne sont ni anglais ni français, puisque je ne considère pas que les traductions constituent des faits que l'on peut admettre d'office. En outre, comme l'a noté l'Opposante, il n'existe aucune preuve indiquant que le Canadien moyen connaîtrait la signification des mots TOPO CHICO ou CHICO en anglais ou en français. Bien qu'il soit possible que le consommateur moyen dans les voies de commercialisation spécialisées de l'Opposante connaisse l'espagnol, les marchandises visées par l'enregistrement de l'Opposante ne sont pas limitées à ces voies de commercialisation. De plus, M. Bedessee affirme que les marchandises de l'Opposante sont également vendues dans des épiceries et des supermarchés traditionnels.

[33]           Même si je reconnais que la présentation ou manière dont un produit est emballé peut constituer un facteur important au moment de déterminer s'il y a probabilité de confusion [United Artists Corp c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 246 (CAF)], étant donné que le Canadien moyen ne saurait pas que la marque de l'Opposante évoque l'idée d'un garçon, le fait que l'Opposante utilise le dessin d'un garçon sur ses emballages ne diminuerait pas la portée d'une conclusion de probabilité de confusion en l'espèce. Je note aussi que le cas qui nous occupe diffère de la décision rendue dans Pink Panther parce que, dans ce cas, la notoriété attribuée à la marque de la défenderesse est non seulement issue du mot THE PINK PANTHER, mais aussi de la musique et des dessins animés correspondants. En l'espèce, il n'existe aucune preuve indiquant que, dans la même mesure, la marque de l'Opposante a été révélée en liaison avec l'image d'un garçon.

[34]           Par conséquent, même si la preuve avait démontré que les marques, une fois traduites, évoquent des idées différentes, le Canadien moyen qui ne connaît pas l'espagnol n'aurait perçu aucune différence entre les idées suggérées.

Autres circonstances de l'espèce

Emploi de la marque de l'Opposante en liaison avec des boissons rafraîchissantes aérées

[35]            La Requérante fait valoir que la question de savoir si la marque de l'Opposante est employée activement seulement avec les marchandises chevauchantes devrait être considérée comme un élément essentiel de la cause de l'Opposante pour l'ensemble des motifs d'opposition soulevés sur la base de la confusion. Par souci de commodité, je résumerai à nouveau la preuve de l'Opposante concernant ses boissons rafraîchissantes aérées :

         le total des ventes de boissons rafraîchissantes aérées en liaison avec la marque CHICO s'élève de 12 000 $ à 24 000 $ pour chacune des années entre 2008 et 2012;

         les factures représentatives des ventes de boissons rafraîchissantes de marque CHICO sont datées du 11 mai 2009, du 13 novembre 2010 et du 4 septembre 2011, pour une valeur totale de 153,50 $;

         à la date de l'affidavit de M. Bedessee (27 novembre 2012), les boissons rafraîchissantes étaient temporairement en rupture de stock depuis août 2012;

         l'Opposante prévoit reprendre la vente des boissons rafraîchissantes en janvier 2013.

[36]           La Requérante fait valoir que l'Opposante n'explique pas pourquoi les boissons rafraîchissantes de l'Opposante étaient en rupture de stock pendant une si longue période, ni les raisons pour lesquelles l'Oppossante ne prévoit reprendre l'emploi qu'en janvier 2013. De plus, la Requérante souligne qu'il n'y a aucune preuve d'emploi ou de promotion de la marque CHICO en liaison avec des boissons rafraîchissantes au cours des 6 mois précédant l'annonce de la demande de la Requérante le 4 avril 2012. Enfin, la Requérante soutient que l'Opposante aurait pu demander de prolonger son délai de production de preuves au-delà de la date prévue de reprise de l'emploi ou aurait pu demander l'autorisation de produire d'autres preuves en vertu de l'article 44 du Règlement sur les marques de commerce une fois la preuve de reprise d'emploi accessible. Étant donné que l'Opposante ne s'est pas prévalue de ces options, la Requérante prétend qu'il faut conclure en défaveur de l'Opposante.

[37]           Je n'estime pas que la question de savoir si la marque de l'Opposante était employée activement après le mois d'août 2012 en liaison avec des boissons rafraîchissantes aérées constitue une circonstance de l'espèce pertinente au titre de ce motif, parce que la marque de l'Opposante était toujours employée activement en liaison avec des boissons rafraîchissantes aérées à la date pertinente pour ce motif (soit le 6 mai 2011). Je reviendrai toutefois sur cette question lorsque j’examinerai le motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 12(1)d).

Preuve de l'état du registre

[38]           La Requérante a également fait valoir que je devrais exercer le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré pour examiner l'état du registre relativement au terme CHICO. Cependant, comme l'a noté l'Opposante, aucun compte ne peut être tenu d’une preuve relative à l’état du registre qui est produite par la voie des plaidoyers écrits et ne s’accompagne pas de copies certifiées des enregistrements pertinents ou, à tout le moins, d’un affidavit en donnant les détails [Ex Hacienda Los Camichines, SA de CV c Centenario International, SA 2010 COMC 215; Unitron Industries Ltd c Miller Electronics Ltd (1983), 78 CPR (2d) 244 (COMC); John Labatt Ltd/John Labatt Ltee c WCW Western Canada Water Enterprises Inc (1991), 39 CPR (3d) 442 (COMC) et Frank T Ross & Sons (1962) Ltd c Hello Cosmetics Inc (1994), 53 CPR (3d) 124 (COMC)].] Je ne tiendrai donc pas compte de la preuve de l'état du registre présentée par voie du plaidoyer écrit de la Requérante.

Conclusion

[39]           Le test à appliquer est celui de la première impression que la vue de la marque TOPO CHICO employée en liaison avec les marchandises de la Requérante produit dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce CHICO de l’Opposante, et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner les marques en détail [Veuve Clicquot].

[40]           À la lumière de mes conclusions énoncées ci-dessus, et plus particulièrement au vu de la ressemblance entre les marques et les marchandises chevauchantes, il me semble qu'un tel consommateur serait susceptible de croire, à première vue, que les marchandises associées à CHICO et à TOPO CHICO ont été fabriquées, vendues ou exécutées par la même personne. Ce motif d'opposition est donc accueilli.

Motifs d'opposition invoqués en vertu de l'alinéa 12(1)d) et fondés sur l'absence de caractère distinctif

[41]           Les autres motifs d'opposition touchent eux aussi à la question de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de l'Opposante. Les dates pertinentes pour l'évaluation de la probabilité de confusion au titre des motifs fondés sur l'absence de caractère distinctif et sur la non-enregistrabilité sont, respectivement, la date de l'opposition et la date de ma décision.

[42]           Je suis convaincue, à la lumière de la preuve fournie, que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement au motif fondé sur le caractère distinctif. Bien que la date pertinente pour ce motif (1er juin 2012) soit ultérieure à la date pertinente pour le motif invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)a), je n'estime pas que les différences entre les dates pertinentes aient une incidence importante sur l'issue de la question de la confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, ma conclusion formulée précédemment selon laquelle les marques de commerce sont susceptibles d'être confondues s'applique aussi au motif d'opposition fondée sur le caractère distinctif, lequel est également accueilli.

[43]           En ce qui a trait au motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d), la principale différence dans les circonstances relatives à la probabilité de confusion concerne le fait qu'il n'existe aucune preuve d'emploi actif de la marque de l'Opposante à la plus récente date pertinente, soit la date de ma décision. Je reconnais que le non-emploi d'une marque déposée pendant une longue période précédant la date pertinente peut être considéré comme une circonstance de l'espèce pertinente dans certains cas, tout comme le fait qu'une marque n'étant plus connue dans une mesure suffisante à la date pertinente peut avoir un effet sur l'issue de la question de la confusion [Nefco Furniture Ltd c Brick Warehouse Corp (2003), 26 CPR (4th) 348 (CF)]. En l'espèce, même si l'Opposante n'était aucunement tenue de produire une preuve de la reprise de l'emploi de sa marque en liaison avec ses boissons rafraîchissantes aérées, j'estime qu'il est étrange que l'Opposante n'ait pas choisi de le faire. Toutefois, étant donné la période relativement courte de non-emploi de la marque de l'Opposante en liaison avec ses boissons rafraîchissantes aérées, de pair avec la preuve de son intention de reprendre l'emploi de la marque en liaison avec ces marchandises, je ne considère pas que ce facteur en soi puisse diminuer la conclusion d'une probabilité de confusion en l'espèce.

[44]           Étant donné que mes autres conclusions relatives au motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)a) s'appliquent également à ce motif d'opposition, celui-ci est aussi accueilli.

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(2)a)

[45]           Étant donné que les trois motifs d'opposition présentés par l'Opposante ont été accueillis, je n'estime pas nécessaire de me pencher sur le motif invoqué en vertu de l'alinéa 16(2)a).

Décision

[46]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement selon les dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

_____________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Sophie Ouellet, trad.a.

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