Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Reno-Dépôt Inc. à la demande no 1055676 produite par Homer TLC, Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION DU QUÉBEC                                                

 

[1]               Le 19 avril 2000, Homer TLC, Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION DU QUÉBEC (la Marque) sur le fondement d’un emploi projeté. L’enregistrement de la Marque a été demandé en liaison avec les marchandises et services suivants :

 

Marchandises : tabliers, chapeaux et règles.

 

Services : exploitation de magasins spécialisés dans la vente au détail d’articles de quincaillerie, articles ménagers, outils, matériaux de construction, produits pour la maison et le jardin, appareils de plomberie et d’éclairage, fournitures de cuisine et de salle de bain, tapis, revêtement de sol, et peinture; fourniture d’aide et d’assistance techniques pour projets d’amélioration des maisons; plans d’aménagement paysager pour des tiers; consultation dans le domaine de la décoration intérieure; et consultation dans le domaine de la construction [traduction] et dans le domaine de l’installation, de la réparation et de l’entretien dans la maison et le jardin.

 

[2]               La demande comporte les désistements suivants :

[traduction]

         désistement du droit à l’usage exclusif, en dehors de la Marque, du mot QUÉBEC;

         désistement du droit à l’usage exclusif, en dehors de la Marque, du mot RÉNOVATION en liaison avec les services;

         désistement du droit à l’usage exclusif, en dehors de la Marque, du mot L’ENTREPÔT en liaison avec l’exploitation de magasins.

 

[3]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 29 décembre 2004.

 

[4]               Réno-Dépôt Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition le 16 février 2005. Les motifs d’opposition peuvent se résumer comme suit :

 

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), puisqu’à la date de production de la demande :

 

a.   la Requérante employait déjà la Marque au Canada;

b.   subsidiairement ou cumulativement, la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque;

c.   la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada compte tenu des allégations formulées dans la déclaration d’opposition, notamment du fait que la Requérante avait connaissance des droits de l’Opposante.

 

  1. La Marque n’est pas enregistrable, aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes de l’Opposante :

 

Marque de commerce

No d’enregistrement

RÉNO-DÉPÔT LE PREMIER ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION

LMC430926

RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION

LMC452238

RÉNO-DÉPÔT L'ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & DESSIN

LMC522617

RÉNO-DÉPÔT & DESSIN

LMC439001

RENO DEPOT

LMC527493

RÉNO DÉPOT & DESSIN

 

LMC550695

RÉNO DÉPOT & DESSIN

LMC550696

RENODEPOT

LMC527494

RENO-DEPOT

LMC428486

 

3.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, puisque :

 

a.   au sens de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce susmentionnées qui avaient été antérieurement employées au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre;

b.      au sens de l’alinéa 16(3)c) de la Loi, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux RÉNO-DÉPÔT INC., RENO-DEPOT, RÉNODÉPÔT INC., RENODEPOT, RÉNO DÉPÔT et RENO DEPOT qui avaient été antérieurement employés au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre, ou pour leur compte;

c.       au sens de la disposition liminaire du paragraphe 16(3) de la Loi, la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi; la Marque n’est pas une marque de commerce dont l’emploi est projeté mais plutôt une marque de commerce déjà employée; la Marque n’est pas enregistrable.

 

4.      La Marque n’est pas distinctive, puisque :

 

a.   elle ne distingue pas les marchandises et services de la Requérante des marchandises et services d’autres propriétaires, notamment ceux de l’Opposante;

b.      la Marque est employée en dehors du cadre de la licence d’emploi prévue à l’article 50 de la Loi;

c.   par suite du transfert de la Marque, il subsistait des droits, chez plus d’une personne, à l’emploi de la Marque et que ces droits ont été exercés par ces personnes, conformément au paragraphe 48(2) de la Loi.

 

[5]               La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie chacun des motifs d’opposition.

 

[6]               La preuve de l’Opposante est constituée des certificats d’authenticité pour les enregistrements qu’elle invoque, et de l’affidavit de Philippe Lagacé, daté du 10 janvier 2006. M. Lagacé a été contre-interrogé par la Requérante. La transcription du contre-interrogatoire et les pièces connexes ont été produites le 7 août 2006. Je ne me référerai au contre-interrogatoire de M. Lagacé que dans la mesure où il est pertinent pour l’analyse de la preuve et l’argumentation des parties.

 

[7]               La preuve de la Requérante est constituée de l’affidavit d’Elise Vaillancourt, daté du 6 décembre 2006. Mme Vaillancourt n’a pas été contre-interrogée.

 

[8]               Chacune des deux parties a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience tenue en l’espèce.

 

LES dates PERTINENTES

 

[9]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

 

         pour l’alinéa 38(2)a) et l’article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];

         pour les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         pour l’alinéa 38(2)c) et le paragraphe 16(3) – la date de production de la demande;

         pour l’alinéa 38(2)d) et l’absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

LE FARDEAU DE PREUVE

 

[10]           L’Opposante a le fardeau initial d’établir les faits allégués au soutien des motifs d’opposition. Dès lors que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve, il incombe à la Requérante de démontrer que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c. Les Compagnies Molson Ltée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.) et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company (2005), 41 C.P.R. (4th) 223 (C.F.)].

 

LA PREUVE DE L’OppoSANTE

 

Les certificats d’authenticité

 

[11]           Les certificats d’authenticité attestent les neuf enregistrements des marques de commerce alléguées inscrits au nom de l’Opposante. Les notes de bas de page des enregistrements indiquent que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a inscrit l’Opposante comme propriétaire des enregistrements no LMC430926, LMC452238, LMC439001 et LMC428486, à la suite d’une fusion survenue le 25 mai 1997.

 

L’affidavit de M. Lagacé

 

[12]           D’emblée, je constate que, à l’exception du paragraphe 6 de l’affidavit qui comporte une simple affirmation d’emploi de la dénomination sociale Réno-Dépôt Inc. et du nom commercial Réno-Dépôt de l’Opposante depuis 1993, aucune des déclarations de M. Lagacé ne porte sur l’emploi de la dénomination sociale ou du nom commercial. En outre, dans la preuve produite par M. Lagacé, l’expression « les Marques RÉNO-DÉPÔT » désigne collectivement les marques de commerce de l’Opposante. Comme toute ambiguïté dans l’affidavit doit être résolue au détriment de l’Opposante [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)], à mon avis, il convient de considérer que la preuve qu’a introduite l’affidavit de M. Lagacé ne vise que les « Marques RÉNO-DÉPÔT » de l’Opposante. Toute ambiguïté découlant de la désignation collective de ces marques de commerce sera également résolue au détriment de l’Opposante. Je signale que toute mention des Marques RÉNO-DÉPÔT dans ma décision renvoie collectivement aux marques de commerce de l’Opposante, selon l’affidavit de M. Lagacé.

 

[13]           M. Lagacé occupe le poste de directeur du marketing pour la bannière Réno-Dépôt de l’Opposante depuis octobre 2005. Avant cela, il occupait le poste de directeur de la publicité chez l’Opposante depuis avril 2001. M. Lagacé affirme que l’Opposante est l’un des plus importants distributeurs et détaillants canadiens de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage. L’Opposante exploite quatorze magasins RÉNO-DÉPÔT. En moyenne, plus de 12 millions de consommateurs par année visitent l’un de ces magasins.

 

[14]           M. Lagacé affirme que les Marques RÉNO-DÉPÔT ont été employées continuellement au Canada en liaison avec les marchandises « rubans à mesurer, tablier, boîte à outils, casquettes, peintures, teintures » et les services « opération, promotion et gestion de magasins spécialisés dans la vente au gros et au détail d'articles de quincaillerie, de matériaux et accessoires de constructions (sic), de rénovation et décoration, d'appareils domestiques et ménagers, d'articles et accessoires de jardinage, de meubles, de peinture, vernis et solvants; vente et installation de produits de quincaillerie, rénovation et décoration; conseil en matière de quincaillerie, rénovation et décoration; système de fidélisation de clientèle, nommément: mise sur pied d’un club permettant aux membres d’accumuler des points et des escomptes et de les utiliser en échange de biens ou services; système de coupons rabais, système de points » depuis les dates suivantes :

 

         le 2 juin 1994 : RÉNO-DÉPÔT LE PREMIER ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION;

         le 16 mars 1993 : RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION et RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPOT DE LA RÉNOVATION & Dessin, enregistrement no LMC522617;

         le 3 mai 1994 : RENO DEPOT, RENODEPOT et RENO-DEPOT;

         le 20 mai 1994 : RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPOT DE LA RÉNOVATION & Dessin, enregistrement no LMC439001;

         le 30 octobre 1999 : RÉNO DÉPÔT & Dessin, enregistrements nos LMC550695 et LMC550696.

 

[15]           Selon l’affidavit de M. Lagacé, toute mention subséquente des Marchandises ou des Services renvoie collectivement aux marchandises et services susmentionnés.

 

[16]           M. Lagacé affirme que l’Opposante annonce régulièrement les Marchandises et Services liés aux Marques RÉNO-DÉPÔT dans des publications imprimées (notamment dans des journaux, circulaires, magazines, brochures) ainsi qu’à la radio et à la télévision. Il produit les éléments suivants à titre d’échantillons représentatifs d’annonces publicitaires pour les Marchandises et Services liés aux Marques RÉNO-DÉPÔT :

 

         une vidéocassette contenant six messages publicitaires télédiffusés dans la province de Québec en 1993 [pièce PL-2]. Je souligne qu’il n’y aucun élément de preuve admissible visant la diffusion de ces messages publicitaires;

         une annonce dans The Gazette du 14 juin 1997 [pièce PL-3]. Je peux prendre connaissance d’office du fait que The Gazette, un grand quotidien publié à Montréal, a un fort tirage [voir Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1988), 14 C.I.P.R. 104 (C.O.M.C.)];

         des circulaires distribuées en 1998 et en 2005 [pièce PL-4];

         trois numéros du magazine Les Idées Réno-Dépôt (printemps 1997, hiver 1997-1998 et hiver 1998-1999), lequel est publié trois fois par année depuis 1997 et est offert dans les magasins de détail de l’Opposante et dans 5000 points de vente au Québec [pièce PL-6].

 

[17]           Dans son plaidoyer écrit et dans sa plaidoirie, la Requérante a fait valoir divers arguments, que j’examine dans ma décision, relativement à la valeur probante des pièces de l’affidavit de M. Lagacé. Toutefois, la Requérante a reconnu que les pièces PL-2 et PL-3 font voir la marque de commerce RÉNO-DÉPOT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC522617. Par ailleurs, bien que la Requérante ait également reconnu que la circulaire de 1998 arbore la marque de commerce RÉNO-DÉPOT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC522617, elle fait remarquer à juste titre que la circulaire de 2005 arbore la marque de commerce RÉNO DÉPÔT & Dessin visée par l’enregistrement no LMC550,695. Pour ce qui est de la pièce PL-6, la marque de commerce RÉNO-DÉPOT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC522617 figure sur un tablier que porte le président de l’Opposante (printemps 1997), dans un dessin de l’enseigne commerciale de l’Opposante (hiver 1997-1998) et dans une annonce relative à la tenue d’ateliers (hiver 1998-1999).

 

[18]           Sont également joints à l’affidavit de M. Lagacé les numéros d’octobre 1993, de septembre 1994, de décembre 1995 et de décembre 1997 de L’Associé, un bulletin destiné aux employés et distribué trimestriellement entre 1993 et 2003 [pièce PL-5]. Bien que ces numéros aient été produits à titre d’échantillons représentatifs d’annonces publicitaires, je conviens avec la Requérante qu’il est raisonnable de conclure que le bulletin n’était pas distribué au grand public.

 

[19]           Sont annexés à l’affidavit de M. Lagacé des articles publiés dans les journaux The Gazette et La Presse du 3 avril 1993 [pièce PL-7] ainsi qu’un article publié dans l’édition de mars 2002 de la Revue Commerce [pièce PL-8]. Même si quelqu’un conclut, à leur lecture, que les consommateurs au Québec étaient informés au sujet de l’Opposante, ces articles ne constituent pas des annonces publicitaires pour les Marques RÉNO-DÉPÔT [voir Williams Companies Inc. et al. c. William Tel Ltd. (2000), 4 C.P.R. (4th) 253 (C.O.M.C.)]. Je reconnais toutefois, tout comme la Requérante, que la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC552617 figure dans des annonces publicitaires parmi les articles dans The Gazette et La Presse.

 

[20]           M. Lagacé atteste que les ateliers « Comment Faire » ont été offerts régulièrement aux clients depuis 1993. Il produit une affiche et un formulaire d’évaluation pour les ateliers [pièce PL-9]. Ils arborent tous deux la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC552617. Même si la Requérante fait valoir à juste titre que les « ateliers » ne sont pas mentionnés dans la liste de Services, j’estime qu’il est raisonnable de considérer que les « ateliers » correspondent au « conseil en matière de quincaillerie, rénovation et décoration ».

 

[21]           M. Lagacé conclut son affidavit en produisant des copies de différentes pages du site Web de l’Opposante, lequel est exploité depuis 1997 [pièce PL-10]. La marque de commerce RÉNO DÉPÔT & Dessin visée par l’enregistrement no LMC550695 figure en haut de toutes les pages du site Web, lesquelles ont apparemment été imprimées le 13 janvier 2006. La Requérante fait remarquer à juste titre que la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT, L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION ne figure qu’une seule fois au bas de l’une des pages du site Web. Néanmoins, la marque de commerce, laquelle est suivie d’un ®, est affichée sur le site Web. Il n’y a aucun doute que la présence d’une virgule entre RÉNO-DÉPÔT et L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION est insuffisante pour conclure que la page du site Web n’arbore pas la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION visée par l’enregistrement no LMC452238. Je reconnais que l’exposition de la marque de commerce sur une page du site Web constitue un emploi dans une annonce en date du 13 janvier 2006. Toutefois, aucun élément de preuve n’a été présenté relativement au nombre de Canadiens ou, à tout le moins, au nombre de résidents de la province de Québec, ayant visité le site Web à un moment donné.

 

[22]           La Requérante allègue que le contre-interrogatoire de M. Lagacé doit conduire à la conclusion que l’Opposante a abandonné l’emploi des Marques RÉNO-DÉPÔT comprenant les mots l’entrepôt de la rénovation. Bien que l’Opposante soit en désaccord avec la Requérante, il n’est pas contesté que M. Lagacé a admis en contre-interrogatoire que l’Opposante a commencé à retirer les mots l’entrepôt de la rénovation de son enseigne commerciale en janvier 2000 afin d’afficher la marque de commerce RÉNO DÉPÔT & Dessin visée par l’enregistrement no LMC550695 [p. 26 de la transcription, Q55 et Q56]. Le litige émane de la position adoptée par chacune des parties relativement au témoignage de M. Lagacé concernant l’emploi des Marques RÉNO-DÉPÔT comprenant les mots l’entrepôt de la rénovation dans les circulaires.

 

[23]           La Requérante soutient que M. Lagacé a fait des déclarations contradictoires lors de son contre-interrogatoire. Plus précisément, elle fait valoir que, bien que M. Lagacé ait affirmé que les Marques RÉNO-DÉPÔT comprenant les mots l’entrepôt de la rénovation étaient encore employées dans les circulaires [p. 27 de la transcription, Q59], il a ensuite admis que les marques de commerce ont été modifiées vers 2000 de manière à supprimer les mots l’entrepôt de la rénovation [p. 32 et 35 de la transcription, Q77 et Q84]. La Requérante soutient également que, même s’il a déclaré que la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC522617 est encore employée dans les circulaires, M. Lagacé n’a fourni aucune preuve de cet emploi. La Requérante allègue qu’il y a lieu de tirer une conclusion défavorable des déclarations contradictoires de l’auteur de l’affidavit, ainsi que de l’absence d’une preuve d’emploi des Marques RÉNO-DÉPÔT comprenant les mots l’entrepôt de la rénovation dans les circulaires après 1998.

 

[24]           L’Opposante soutient que le témoignage de M. Lagacé [p. 27, 35 et 37 de la transcription, Q58, Q84 et Q91] est compatible avec son affidavit. Dans sa plaidoirie, l’Opposante a affirmé que la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC552617 [pièce 2 de la transcription] figure dans la circulaire du 26 août 2006 produite par l’agent de la Requérante pendant le contre-interrogatoire. Vu les observations de l’Opposante, je conclus que l’objection qu’a soulevée son agent relativement à la production de la circulaire ne tient plus [p. 28 de la transcription].

 

[25]           Comme chacune des parties invoque la Q84 au soutien de sa prétention, il y a lieu de reproduire l’extrait pertinent du contre-interrogatoire [p. 35 de la transcription] :

 

Me BRIGITTE CHAN :

               Et la deuxième série de questions, c’est concernant les circulaires, quand est-ce que les marques ont aussi été changées pour la marque qui apparaît sur vos enseignes, c’est-à-dire la marque Reno-Dépôt avec le marteau?

 

Me STELLA SYRIANOS :

               Vous avez dit encore enseignes.

 

Me BRIGITTE CHAN :

84 Q- Oui, alors, qui a été changée pour celle qui est sur l’enseigne est aussi maintenant visible sur vos circulaires?

R- La page frontispice a été modifiée, je crois, au meilleur de ma connaissance, c’est l’année deux mille (2000), au niveau des circulaires et L’Entrepôt de la Rénovation, cette marque-là est encore utilisée dans les circulaires Réno-Dépôt, au moment où on se parle.

 

[26]           Me fondant sur une interprétation objective de la transcription du contre-interrogatoire, y compris de l’extrait reproduit ci-dessus, j’estime que le témoignage de M. Lagacé porte que les mots l’entrepôt de la rénovation ont été retirés de la page frontispice des circulaires en 2000, non des circulaires. En conséquence, je ne souscris pas à la position de la Requérante en ce qui concerne les déclarations contradictoires. De plus, la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC552617 figure, en petits caractères, au bas de la deuxième à la dernière page de la circulaire de 2006 [pièce 2 de la transcription]. En conséquence, je ne peux souscrire à la position de la Requérante en ce qui concerne l’absence de preuve d’emploi dans les circulaires après 1998.

 

[27]           Cela dit, compte tenu de l’ambiguïté découlant de la désignation collective des Marques RÉNO-DÉPÔT, je ne suis pas disposée à conclure que l’Opposante a présenté une preuve fiable de l’emploi de toutes les Marques RÉNO-DÉPÔT comprenant les mots l’entrepôt de la rénovation. Plus précisément, je ne suis pas convaincue que l’affidavit de M. Lagacé constitue une preuve d’emploi, au sens de l’article 4 de la Loi, de la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT LE PREMIER ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION visée par l’enregistrement no LMC430926 et de la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC439001. Bien que je sois convaincue que l’affidavit de M. Lagacé constitue une preuve d’emploi de la marque de commerce RÉNO-DÉPOT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION visée par l’enregistrement no LMC452238 et de la marque de commerce RÉNO-DÉPOT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC522617, cette preuve se limite à un emploi en liaison avec des services. Autrement dit, je conviens avec la Requérante que l’affidavit de M. Lagacé ne constitue pas une preuve d’emploi des marques de commerce en liaison avec les Marchandises au sens du paragraphe 4(1) de la Loi.

 

[28]           Pour résumer mon analyse de la preuve de l’Opposante, j’aimerais examiner deux autres questions découlant du contre-interrogatoire.

 

[29]           Premièrement, la Requérante soutient qu’on devrait tirer une conclusion défavorable du fait que M. Lagacé n’a pas répondu aux questions visant à déterminer si l’Opposante avait intenté une action contre la Requérante, à part la présente procédure [p. 22 à 24 de la transcription, Q44 à Q46]. L’agent de l’Opposante s’est opposé à ce type de questions au motif qu’il sortait du cadre de l’affidavit. La Requérante soutient que ces questions s’inscrivaient dans le cadre de l’opposition et des déclarations de l’auteur de l’affidavit au sujet de ses obligations, responsabilités et fonctions chez l’Opposante. J’estime qu’il est inutile de me prononcer sur le bien-fondé de la position de chacune des parties à l’égard de la portée de l’affidavit étant donné que je ne suis pas disposée à tirer une conclusion défavorable. À mon avis, le fait que l’Opposante ait intenté ou non une action contre l’emploi de la Marque ne diminue en rien la valeur de l’affidavit de M. Lagacé qui a été produit en preuve dans la présente instance.

 

[30]           Deuxièmement, la Requérante soutient qu’aucune importance ne doit être accordée à l’opinion de M. Lagacé selon laquelle il y a eu des cas de confusion entre les marques de commerce [p. 16 et 17 de la transcription, Q29 et 32]. Je suis d’accord avec la Requérante. En effet, il est manifeste que les déclarations de M. Lagacé ne reposaient pas sur sa connaissance de cas réels de confusion, mais plutôt sur son opinion selon laquelle les marques de commerce en cause créent de la confusion [p. 17-18 de la transcription, Q33-Q34]. Ses déclarations constituent des points de droit sur lesquels le registraire doit se prononcer.

 

la preuve de la requérante

 

L’affidavit de Mme Vaillancourt

 

[31]           Mme Vaillancourt occupe le poste de directrice régionale du marketing chez Home Dépôt du Canada Inc. (Home Depot Canada) depuis 2003.

 

[32]           Home Depot Canada et la Requérante sont des filiales de The Home Depot, Inc., que Mme Vaillancourt qualifie de plus grand détaillant au monde dans le secteur de la rénovation résidentielle et classe parmi les plus grands détaillants en Amérique du Nord. La Requérante est propriétaire des marques de commerce employées dans le cadre des activités de Home Depot. Home Depot Canada exploite les magasins HOME DEPOT au Canada et est une licenciée de la Requérante. Il y a 149 magasins de détail au Canada. Annexée à l’affidavit de Mme Vaillancourt, comme pièce A, se trouve une liste de la plupart des magasins de détail de Home Depot Canada au Canada.

 

[33]           Mme Vaillancourt donne des renseignements sur les produits et services offerts dans les magasins de détail HOME DEPOT. Elle indique que les activités publicitaires de Home Depot Canada comprennent : des catalogues mensuels distribués par la poste ou sous forme d’encarts insérés dans les journaux; des circulaires distribuées sous forme d’encarts insérés dans les journaux des grandes villes canadiennes et dans des publi-sacs; des annonces publicitaires diffusées à la radio et à la télévision.

 

[34]           Mme Vaillancourt affirme que Home Depot Canada emploie la Marque sur l’enseigne commerciale et sur les portes d’entrée du magasin depuis août 2000 environ, à la suite de l’ouverture du premier magasin au Québec. Elle déclare que tous les magasins de détail dans la province de Québec (20 magasins à la date de l’affidavit) arborent la Marque sur l’enseigne commerciale ou sur les portes d’entrée du magasin. Mme Vaillancourt produit des photographies d’une enseigne commerciale et de portes d’entrée [pièce B]. Elle exprime son opinion sur l’impression créée par l’affichage de la Marque près des marques de commerce HOME DEPOT et HOME DEPOT & Dessin. Mme Vaillancourt affirme que chaque magasin au Québec a effectué en moyenne 8 100 transactions avec des clients par semaine depuis 2003 et que, au cours des quatre dernières années, les magasins ont effectué au total plus de 23 916 188 transactions avec des clients.

 

[35]           Mme Vaillancourt conclut son affidavit en déclarant que Home Depot Canada n’a eu connaissance d’aucun cas de confusion entre la Marque et des marques de commerce ou noms commerciaux de l’Opposante.

 

[36]           Pour résumer mon analyse de l’affidavit de Mme Vaillancourt, je dois examiner la question se rapportant à l’emploi sous licence de la Marque au Canada. Plus précisément, il faut se demander si la Requérante a démontré qu’elle contrôle, directement ou indirectement, les activités de Home Depot Canada de sorte que l’emploi de la Marque constitue un emploi par la Requérante conformément aux dispositions du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

[37]           Le fait qu’aucun contrat de licence n’a été produit avec l’affidavit de Mme Vaillancourt n’est pas préjudiciable à la cause de la Requérante. L’article 50 de la Loi n’exige pas un contrat écrit. Des éléments de preuve tendant à démontrer l’exercice d’un contrôle par le propriétaire d’une marque de commerce peuvent être invoqués pour démontrer l’existence d’un contrat de licence implicite [voir Well’s Dairy Inc. c. UL Canada Inc. (2000), 7 C.P.R. (4th) 77 (C.F. 1re inst.)]. Toutefois, la relation d’affaires entre la Requérante et Home Depot Canada ne permet pas d’établir l’existence d’une licence au sens de l’article 50 de la Loi. Il doit également être prouvé que la Requérante contrôle l’emploi de la Marque et qu’elle prend des mesures pour assurer la nature et la qualité des marchandises et services fournis [voir MCI Multinet Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.); Loblaws Inc. c. Tritap Food Broker (1999), 3 C.P.R. (4th) 108 (C.O.M.C.)]. L’affidavit de Mme Vaillancourt ne contient aucune déclaration relative au contrôle exercé par la Requérante. Aucune preuve documentaire ne démontre que la présomption créée par le paragraphe 50(2) de la Loi peut s’appliquer. Comme aucun élément de preuve n’a été produit en vue de démontrer que la Requérante contrôle, directement ou indirectement, les activités de Home Depot Canada, je conclus que la Requérante ne peut se prévaloir de l’emploi de la Marque au Canada conformément aux dispositions du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

AnalysE DES MOTIFs D’opposition

 

[38]           D’emblée, je rejette le motif d’opposition fondé sur la disposition liminaire du paragraphe 16(3) de la Loi, car j’estime qu’il est sans fondement juridique suivant l’alinéa 38(2)c) de la Loi. Il est on ne peut plus clair qu’en l’espèce on peut, de façon directe et à bon droit, alléguer comme motifs d’opposition fondés sur les alinéas 38(2)a) et 38(2)b) de la Loi respectivement que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi et que la marque de commerce n’est pas enregistrable.

 

Le non-respect de l’article 30 de la Loi

 

[39]           Les deux premiers arguments soulevés à l’égard de ce motif d’opposition se rapportent au non-respect de l’alinéa 30e) de la Loi, tandis que le troisième argument se rapporte au non-respect de l’alinéa 30i) de la Loi. L’Opposante ne s’est pas attardée sur ce motif d’opposition dans son plaidoyer écrit ni dans sa plaidoirie.

 

Le non-respect de l’alinéa 30e) de la Loi

 

[40]           Comme il est difficile de prouver l’inexistence de quelque chose, et encore davantage lorsqu’il s’agit d’une demande fondée sur un emploi projeté, le fardeau de présentation qui est imposé à l’Opposante relativement à ce motif d’opposition est relativement léger [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F. 1re inst.)]. Toutefois, l’Opposante n’a produit aucune preuve à l’appui de ce motif d’opposition. S’il est vrai que l’Opposante peut se fonder sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, elle doit quand même démontrer que cette preuve est manifestement incompatible avec la prétention formulée par la Requérante [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)]. Comme ce n’est pas le cas en l’espèce, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait et je rejette le motif d’opposition fondé sur le non-respect de l’alinéa 30e) de la Loi.

 

Le non-respect de l’alinéa 30i) de la Loi

 

[41]           Le seul fait que la Requérante ait pu connaître l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux de l’Opposante ne l’empêche pas de faire avec honnêteté la déclaration prévue à l’alinéa 30i) de la Loi. Lorsque le requérant a produit la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi, j’estime que le motif d’opposition ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque la mauvaise foi du requérant est démontrée [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. Puisque tel n’est pas le cas en l’espèce, je rejette le motif d’opposition fondé sur le non-respect de l’alinéa 30i) de la Loi.

 

L’enregistrabilité

 

[42]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que les marques de commerce déposées de l’Opposante sont en règle en date d’aujourd’hui. Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement à ce motif d’opposition, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause.

 

[43]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de mener à la conclusion que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[44]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à ces facteurs n’est pas forcément le même [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

[45]           À mon avis, la thèse de l’Opposante relativement au motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité est plus solide au regard des marques de commerce déposées suivantes :

 

         RÉNO-DÉPÔT LE PREMIER ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION (LMC430926)

         RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION (LMC452238)

         RÉNO-DÉPOT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin (LMC522617)

         RÉNO-DÉPOT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin (LMC439001)

 

[46]           Vu l’objet des observations formulées par l’Opposante dans son plaidoyer écrit et dans sa plaidoirie, je conclus qu’elle souscrit à l’opinion selon laquelle la conclusion quant à la question de la confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées susmentionnées déterminera effectivement le sort du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

 

[47]           Sauf indication contraire, toute mention des marques de commerce déposées dans l’ensemble de mon appréciation des circonstances de l’espèce renvoie collectivement aux marques de commerce de l’Opposante visées par les enregistrements nos LMC430926, LMC452238, LMC522617 et LMC439001.

 

         Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[48]           Comme l’a reconnu la Requérante, les mots L’ENTREPÔT, RÉNOVATION et QUÉBEC sont descriptifs. À mon avis, la Marque est intrinsèquement faible. En outre, comme l’emploi de la Marque n’a pas profité à la Requérante, cet emploi n’ajoute rien au caractère distinctif de la Marque appartenant à la Requérante.

 

[49]           L’Opposante s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots ENTREPÔT et RÉNOVATION en dehors de chacune des marques de commerce déposées. Elle s’est également désistée du droit à l’usage exclusif du mot PREMIER en dehors de la marque de commerce visée par l’enregistrement no LMC430926. Bien que « réno » évoque la « rénovation » et que « dépôt » est un mot du langage courant, le mot inventé « réno-dépôt » accroît le caractère distinctif inhérent des marques de commerce déposées. Par ailleurs, nonobstant la désignation collective des marques de commerce de l’Opposante dans l’affidavit de M. Lagacé, je peux conclure de manière satisfaisante que la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC522617 est connue dans la province de Québec, et par le fait même la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION visée par l’enregistrement no LMC452238 l’est également.

 

         Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

[50]           Bien que l’affidavit de Mme Vaillancourt atteste l’emploi de la Marque par Home Depot Canada depuis août 2000, la Requérante n’a pas prouvé qu’elle a bénéficié de cet emploi. L’emploi de la Marque perd donc toute son importance.

 

[51]           L’enregistrement no LMC430926 indique que la déclaration d’emploi a été produite le 2 juin 2004. L’enregistrement no LMC439001 indique que la déclaration d’emploi a été produite le 20 mai 2004. Les enregistrements nos LMC452238 et LMC522617 revendiquent un emploi depuis le 16 mars 1993. Je remarque que les dates de premier emploi inscrites dans l’affidavit de M. Lagacé sont les mêmes que la date de production de la déclaration d’emploi ou que la date de premier emploi figurant dans chacun des enregistrements correspondants. Quoi qu’il en soit, en l’absence de preuve corroborant l’emploi, les enregistrements nos LMC430926 et LMC439001 peuvent tout au plus faire foi d’un emploi « de minimis » et ne peuvent permettre d’inférer un emploi soutenu ou continu des marques de commerce correspondantes. Toutefois, lorsque l’on examine les marques de commerce visées par les enregistrements nos LMC452238 et LMC522617, il faut tenir compte du fait que l’Opposante a produit une preuve établissant qu’il y a eu emploi dans des annonces publicitaires remontant à 1993.

 

         Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

 

[52]           L’état déclaratif des marchandises et des services qui figure dans la demande et dans les enregistrements régit l’appréciation de la probabilité de confusion au titre de l’alinéa 12(1)d) de la Loi [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

 

[53]           Les marchandises et services liés à la Marque sont identiques aux marchandises et services énumérés dans les enregistrements de l’Opposante ou il y a chevauchement entre eux. Manifestement, les parties exploitent le même type d’entreprise et visent la même clientèle.

 

         Alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

[54]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, est le facteur le plus important, et les autres facteurs jouent un rôle secondaire au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, confirmée par 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)].

 

[55]           L’argument de la Requérante concernant les différences entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, repose sur l’importance du premier élément d’une marque de commerce pour établir son caractère distinctif. Plus précisément, la Requérante soutient que l’emploi de la marque maison RÉNO-DÉPÔT appartenant à l’Opposante, dans la première partie des marques de commerce déposées, exclut toute probabilité raisonnable de confusion.

 

[56]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante a invoqué la décision Merril Lynch & Co. c. Banque de Montréal (1996), 66 C.P.R. (3d) 150 (C.F. 1re inst.), dans laquelle le juge Gibson a approuvé la conclusion du registraire selon laquelle le public, déjà familiarisé jusqu’à un certain point avec la marque maison FIRSTBANK de la requérante, ne croirait pas qu’il existe un lien entre les services financiers liés à sa marque FIRSTBANK CASH MANAGEMENT ACCOUNT et les services financiers offerts par l’opposante. Toutefois, je conviens avec l’Opposante qu’il y a lieu d’établir une distinction entre cette affaire et la présente affaire, ne serait-ce que parce que la marque maison de chacune des parties constituait le premier élément des marques de commerce en cause dans la décision Merril Lynch.

 

[57]           Dans sa plaidoirie, la Requérante a invoqué quelques décisions dans lesquelles il a été conclu que les marques de commerce ne créaient pas de confusion. Qu’il suffise de dire que la question de la confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées de l’Opposante est une question de probabilités et de circonstances fondée sur les faits propres à la présente affaire. Autrement dit, chaque cas est un cas d’espèce. Par exemple, je ne considère pas que la décision Questor Commercial Inc. c. Discoverer Services Ltd. (1979), 46 C.P.R. (2d) 58 (C.F 1re inst.) soit utile à la Requérante. Dans l’affaire Questor Commercial, la preuve a établi que les mots « muffler centre », qui constituaient la caractéristique commune des marques de commerce, étaient des termes génériques d’usage courant dans le commerce. Même si je reconnais aux mots L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION une connotation descriptive, rien n’indique en l’espèce que ces mots sont d’usage courant dans le commerce.

 

[58]           Malgré le préfixe RÉNO-DÉPÔT dans les marques de commerce déposées, je suis d’avis que les marques de commerce en cause, dans l’ensemble, présentent un degré assez élevé de ressemblance. Bien que la Requérante ait ajouté « DU QUÉBEC » après « L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION », les mots ajoutés sont descriptifs et ne peuvent donc servir à différencier la Marque des marques de commerce déposées de l’Opposante de manière significative. Par ailleurs, je ne considère pas que la présence de RÉNO-DÉPÔT dans les marques de commerce déposées se traduit par une différence marquée dans les idées qu’elles suggèrent.

 

         Les autres circonstances de l’espèce

 

[59]           La Requérante soutient que l’emploi de la Marque à proximité des marques de commerce HOME DEPOT et HOME DEPOT & Dessin sur l’enseigne commerciale et sur les portes d’entrée sert à différencier davantage la Marque des marques de commerce déposées. La Requérante invoque également la preuve qu’il n’y a pas eu confusion comme autre circonstance de l’espèce au soutien de sa thèse. En réponse, l’Opposante allègue que l’emploi de la Marque à proximité des marques HOME DEPOT n’est pas pertinent et qu’elle n’avait pas le fardeau de soumettre en preuve des cas de confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées.

 

[60]           L’argument de la Requérante fondé sur l’emploi de ses marques de commerce HOME DEPOT et HOME DEPOT & Dessin à proximité de la Marque conviendrait davantage dans une action en commercialisation trompeuse. En fait, la manière dont la Marque est apposée sur l’enseigne commerciale pourrait expliquer l’absence de cas de confusion alléguée par Mme Vaillancourt. Cela dit, lorsque j’examine le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi, je dois déterminer si la Marque visée par la demande d’enregistrement, et non la Marque apparaissant sur l’enseigne commerciale, risque de créer de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante [voir Groupe Fruits & Passion Inc./ The Fruits & Passion Group Inc. c. Clarke, 2007 CarswellNat 2319 (C.O.M.C.)].

 

Conclusion relative à la probabilité de confusion

 

[61]           Lorsque j’ai appliqué le test en matière de confusion, j’ai examiné la question sous l’angle de la première impression et du souvenir imparfait. Compte tenu de l’analyse à laquelle je me suis livrée, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante.

 

[62]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité invoqué au regard des enregistrements no LMC430926, LMC452238, LMC522617 et LMC439001 est accueilli.

 

L’absence de droit à l’enregistrement

 

[63]           S’il appartient à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce ou noms commerciaux de l’Opposante, il incombe néanmoins à l’Opposante de prouver que les marques de commerce et noms commerciaux qu’elle revendique au soutien des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(3)a) et 16(3)c) de la Loi étaient employés à la date pertinente et n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande [par. 16(5) de la Loi].

 

Alinéa 16(3)a) de la Loi

 

[64]           Encore une fois, j’estime que la thèse de l’Opposante relativement à ce motif d’opposition est plus solide au regard des Marques RENO-DÉPÔT comprenant les mots l’entrepôt de la rÉnovation. Toutefois, j’ai déjà conclu que l’Opposante n’a présenté aucune preuve fiable de l’emploi de sa marque de commerce RÉNO-DÉPÔT LE PREMIER ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION visée par l’enregistrement no LMC430926 et de sa marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC439001 [voir le paragraphe 27]. En conséquence, j’arrive à la conclusion que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement au motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, au regard de ces deux marques de commerce.

 

[65]           Dans sa plaidoirie, la Requérante a soutenu que le retrait des mots L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION sur l’enseigne commerciale de l’Opposante en janvier 2000 démontrait que, à la date de production de la demande, l’Opposante avait l’intention d’abandonner les marques de commerce. Comme la Requérante a s’est appuyée sur la décision Molson Breweries c. Cie de Brassage Labatt Ltée (1992), 42 C.P.R. (3d) 481 (C.F 1re inst.), j’aimerais faire remarquer que cette décision confirme clairement le principe selon lequel la question de l’abandon d’une marque de commerce est une question de fait qu’il faut trancher au cas par cas, eu égard à toutes les circonstances applicables.

 

[66]           Je reconnais que la preuve d’emploi de la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION visée par l’enregistrement no LMC430926 et de la marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC522617 n’est pas accablante. En fait, j’ai déjà conclu que l’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de ces deux marques de commerce en liaison avec les Marchandises au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. Néanmoins, compte tenu de la preuve dont je suis saisie et vu les faits propres à la présente affaire, je ne suis pas disposée à conclure que l’Opposante avait l’intention d’abandonner ces deux marques de commerce à la date de production de la demande. En outre, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne sa marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION visée par l’enregistrement no LMC430926 et sa marque de commerce RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin visée par l’enregistrement no LMC522617. En conséquence, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce.

 

[67]           Les conclusions que j’ai tirées à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité s’appliquent au motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement. De fait, ni la différence quant aux dates pertinentes, ni le fait que la preuve d’emploi présentée par l’Opposante se limite aux services n’influent sur mon appréciation relativement à la probabilité de confusion. Il ne fait aucun doute que les marchandises énumérées dans la demande sont liées aux services.

 

[68]           Compte tenu de ce qui précède, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement au regard de la confusion avec les marques antérieurement employées RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION, laquelle est visée par l’enregistrement no LMC430926, et RÉNO-DÉPÔT L’ENTREPÔT DE LA RÉNOVATION & Dessin, laquelle est visée par l’enregistrement no LMC522617.

 

[69]           Dans la pratique, je constate que même si j’avais retenu l’argument invoqué par la Requérante relativement à l’abandon des marques de commerce de l’Opposante, l’issue de l’opposition serait la même puisque le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité aurait quand même été accueilli. De plus, je tiens à faire remarquer que, à l’audience, la Requérante a reconnu que son argument relatif à l’abandon des marques de commerce de l’Opposante n’a aucune importance au regard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi, étant donné que les enregistrements sont toujours en vigueur. J’ajouterais que la validité des enregistrements de l’Opposante n’est pas en cause en l’espèce.

 

Alinéa 16(3)c) de la Loi

 

[70]           Bien que l’Opposante ait invoqué divers noms commerciaux au soutien de ce motif d’opposition, il s’agit manifestement de variantes de sa dénomination sociale Réno-Dépôt Inc. ou de son nom commercial Réno-Dépôt. En fait, ce motif d’opposition semble constituer un argument « passe-partout ». Tel que l’a affirmé le membre Herzig dans la décision 3103-2964 Québec Inc. c. Philhobar Design Canada Ltd., 2009 CarswellNat 1688 : « Cette façon de procéder est à déconseiller, notamment parce qu’elle détourne l’attention des préoccupations légitimes d’une partie ».

 

[71]           Étant donné que les allégations de M. Lagacé sur l’emploi de la dénomination sociale et du nom commercial de l’Opposante depuis 1993 ne constituent pas, en soi, une preuve d’emploi, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer l’emploi antérieur de la dénomination sociale Réno-Dépôt Inc., du nom commercial Réno-Dépôt ou d’une de leur variante. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)c) de la Loi. J’ajouterais que même si l’Opposante s’était acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’issue aurait été la même puisque j’aurais jugé que les différences entre la dénomination sociale ou le nom commercial de l’Opposante et la Marque étaient amplement suffisantes pour rendre toute confusion improbable.

 

Le caractère distinctif

 

[72]           Puisque je me suis déjà prononcée en faveur de l’Opposante relativement à deux motifs d’opposition, je n’examinerai pas le dernier motif d’opposition, lequel a été invoqué comme un motif d’opposition à trois volets.

 

DispositiF

 

[73]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 12 NOVEMBRE 2009

 

 

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

 

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