Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Natrel Inc. à la demande no 884768 produite par Hunt Wesson Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce HUNT’S TOURBILLON

 

 

I           Actes de procédure

 

 

Le 16 juillet 1998, Hunt Wesson Inc. a produit une demande, portant numéro 884768, fondée sur l’emploi projeté, en vue de faire enregistrer la marque de commerce HUNT’S TOURBILLON (la marque) en liaison avec des produits alimentaires, à savoir des crèmes-desserts et des gélatines (les marchandises). Cette demande a subséquemment été cédée à ConAgra Grocery Products Company (la requérante).

 

Le 5 avril 2000, la demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce aux fins d’opposition. Le 5 juin 2000, Natrel Inc. a déposé une déclaration d’opposition dont copie a été envoyée à la requérante le 18 juillet 2000. Les droits afférents à cette opposition ont été cédés à Agropur Coopérative qui les a, à son tour, cédés à Bars Laitiers MTY Inc. (Dans le présent document, le terme « opposante » désigne l’entité qui, au moment visé, s’opposait à l’enregistrement.)

 

Les motifs de l’opposition se résument comme suit :

 

1)              La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce (la Loi) en ce que les marchandises ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce.

2)              La marque ne peut être enregistrée, compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, en ce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes de l’opposante :

i)                    la marque TOURBILLON enregistrée le 15 septembre 1989, sous le numéro LMC360323, en liaison de la crème glacée;

ii)                  la représentation d’un « tourbillon », illustrée ci‑après, enregistrée sous le numéro LMC414612, en liaison avec de la crème glacée et à l’égard de services d’exploitation de bars laitiers.

 

3)              La requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, en ce que, à la date de production de sa demande, la marque créait de la confusion avec le dessin‑marque illustré ci‑dessus et la marque de commerce TOURBILLON.

4)              La marque n’est pas adaptée à distinguer les produits de la requérante de ceux de l’opposante en raison de la confusion créée avec les marques de commerce susmentionnées.

 

Dans la contre‑déclaration qu’elle a déposée le 18 août 2000, la requérante a nié les allégations contenues dans la déclaration d’opposition. Les deux parties ont déposé des plaidoyers et étaient représentées à l’audience.

 

II Preuve présentée par l’opposante

 

La preuve présentée par l’opposante consistait en l’affidavit de M. Jean‑Paul Clément accompagné des pièces JPC‑1 à JPC‑11 inclusivement. M. Clément s’est décrit comme le chef de l’emballage et du marchandisage de la division Natrel d’Agropur Coopérative, prédécesseur en titre de l'opposante.

 

Résumons la chaîne de titres. Par acte de cession signé le 1er mars 2001, pièce versée sous les cotes JPC‑3 et  JPC‑4, Agropur Coopérative a acquis, en date du 1er décembre 2000, l’actif de Natrel Inc., y compris les marques de commerce déposées précitées et les droits afférents à la présente opposition. Par acte de cession daté du 7 décembre 2001, Agropur Coopérative a cédé ces mêmes droits et intérêts à Ultra’Lait Québec Inc. qui est devenue Bars Laitiers MTY Inc. le 10 décembre 2001.

 

Des copies des pages Web pertinentes de la base de données Strategis ont également été versées en preuve pour établir que l’opposante est le propriétaire inscrit des marques de commerce susmentionnées.

 

M. Clément soutient que les licenciés exploitent des bars laitiers sous la marque de commerce LA CRÉMIÈRE. La pièce JCP-5 est une copie d’un catalogue qui dresse, sous la rubrique intitulée « Garnitures à TOURBILLON », une liste des garnitures dont la crème glacée vendue par les licenciés peut être recouverte, notamment les bonbons M & M et SMARTIES et les tablettes de chocolat KIT KAT et COFFEE CRISP.

 

La pièce JCP‑6 est une reproduction de photos prises en 1993 qui ont été envoyées aux franchisés et sur lesquelles apparaît, dans la partie supérieure de l’image, la marque de commerce TOURBILLON, avec l’illustration de récipients qui semblent contenir de la crème glacée accompagnée de différentes garnitures. Les récipients portent la marque de commerce LA CRÉMIÈRE et dessin, laquelle est différente de la marque dessin « tourbillon » illustrée plus haut, tel qu’il appert d’une représentation dudit dessin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous ne disposons d’aucun renseignement quant à l’utilisation de cette image par les franchisés de l’opposante dans l’exploitation d’un bar laitier en liaison avec la marque de commerce LA CRÉMIÈRE.

 

La pièce JCP‑7 est un spécimen de sac de plastique sur lequel un coupon de réduction portant la marque de commerce TOURBILLON est imprimé. L’affidavit ne précise pas combien de ces sacs ont été distribués, ni la période durant laquelle ils l’ont été (une étiquette apposée sur chaque sac fait mention de la période de distribution mais cette information ne figure pas dans l’affidavit), ni dans quelle région ils l’ont été.

 

Les pièces JCP‑8 à JCP‑11 inclusivement sont des échantillons du matériel promotionnel utilisé par les franchisés, sur lesquels apparaît la marque de commerce TOURBILLON de l’opposante et sont illustrés des récipients remplis de crème glacée avec des garnitures. Ces récipients portent la marque de commerce LA CRÉMIÈRE et dessin illustrée plus haut.

 

Aucune des pièces produites ne met en évidence l’emploi du dessin‑marque « tourbillon » enregistré sous le numéro LMC414612. L’auteur de l’affidavit allègue que l’opposante a dépensé de 5 000 $ à 10 000 $ par année pour faire mousser la vente des produits portant la marque TOURBILLON. En fin de compte, les ventes de ces produits ont totalisé entre 1996 et 2000 environ 150 000 $.

 

 

III Preuve présentée par la requérante

 

La requérante a déposé l’affidavit souscrit par Mme Girlie A. Harrel, assistante juridique à son service. Elle a joint à cet affidavit une photocopie, désignée comme la pièce A, des enregistrements suivants :

a)      HUNT’S SNACK PACK TOURBILLON, LMC449161;

b)      HUNT’S SNACK PACK SWIRL, LMC446611.

 

Mme Harrel affirme que la requérante utilise au Canada la marque de commerce HUNT’S SNACK PACK TOURBILLON en liaison avec les marchandises depuis au moins le 30 juin 1994. Le mot « tourbillon » apparaît sur certaines des factures produites, mais sans la marque de commerce HUNT’S SNACK PACK TOURBILLON. La présence d’une marque de commerce sur une facture n’équivaut pas nécessairement à une preuve de l’emploi de cette marque en liaison avec des marchandises. Les chiffres correspondant aux ventes des crèmes‑desserts et des gélatines de marque HUNT’S SNACK PACK TOURBILLON ont été fournis pour la période des années 1995 à 2000 inclusivement. Je discuterai ci‑après de la pertinence de ces renseignements dans le contexte de la présente procédure d'opposition.

 

IV Preuve présentée en réponse par l’opposante

 

L’opposante a déposé en contre‑preuve l’affidavit de son vice‑président, M. André Casavant, en fonction depuis 2001. M. Casavant s’est rendu dans deux épiceries Super C pour y acheter les produits identifiés dans l’affidavit de Mme Harrel, mais il n’a pas réussi à les trouver ni l’un ni l’autre. Il a cependant trouvé deux crèmes‑desserts, produits sous les cotes AC‑1 et AC‑2, l’une portant la marque de commerce HUNT’S SNACK PACK et dessin et l’autre portant la marque de commerce HUNT’S SWIRLS TOURBILLON et dessin.

 

L’auteur de l’affidavit allègue que cette preuve soulève des doutes quant à l’emploi des marques HUNT’S SNACK PACK TOURBILLON et HUNT’S SNACK PACK SWIRL par la requérante et quant à l’exactitude des chiffres avancés pour les ventes de crème‑dessert et de gélatine portant ces mêmes marques.

 

V Le droit

 

Il incombe à la requérante de démontrer que sa demande respecte les dispositions de l’article 30 de la Loi, mais l’opposante assume par contre le fardeau initial en vue d’établir les faits qu’elle invoque à l’appui de ses motifs d’opposition. Une fois ce fardeau acquitté, la requérante doit alors prouver que les motifs particuliers de l’opposition ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, pages 329 et 330; et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293].

 

Le premier motif d’opposition est rejeté, l’opposante n’ayant produit aucun élément de preuve pour l’étayer.

 

Le moment pertinent pour trancher la question de l’absence de droit à l’enregistrement fondée sur le paragraphe 16(3) de la Loi est la date de production de la demande (le 16 juillet 1998) [voir l’article 16 de la Loi]. Il est généralement admis que la date pertinente pour apprécier la question du caractère distinctif est celle de la production de la déclaration d’opposition (le 5 juin 2000), tandis que la question de l’enregistrabilité en application de l’alinéa 12(1)d) doit être examinée à la date de ma décision. [Voir Re Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, page 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, page 424 (C.A.F.).]

 

La principale question en rapport avec chacun des autres motifs soulevés dans la déclaration d’opposition concerne le risque de confusion de la marque de la requérante avec les marques de l’opposante.

 

Le risque de confusion doit être évalué du point de vue du consommateur moyen qui n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposante et qui est placé devant les marchandises portant la marque de la requérante. Croirait‑il que ces marchandises sont celles de l’opposante?

 

Le critère de la confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Dans l’application de ce critère, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation, le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et il n’est pas nécessaire d’accorder à chacun la même importance [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Je vais d’abord trancher la question du troisième motif d’opposition. L’opposante n’a pas présenté de preuve suffisante pour s’acquitter de son fardeau initial en ce qui a trait à ce motif d’opposition. Il lui incombait de prouver qu’elle employait ses marques de commerce avant la date de production de la présente demande et qu’elle n’avait pas abandonné leur emploi à la date de l'annonce de la demande dans le Journal des marques de commerce [paragraphes 16(3) et (5) de la Loi]. Le terme « emploi » est défini à l’article 4 de la Loi. Rien ne permet d’établir que, au moment du transfert de propriété de la crème glacée aux franchisés, il existait un lien entre la crème glacée vendue au client et la marque de commerce TOURBILLON. Rien n’indique que les pancartes produites en preuve sous les cotes JCP‑8 et JCP‑9 ont déjà été utilisées par les franchisés, ni de quelle manière elles l’auraient été. Le fait que ces pancartes aient été livrées aux franchisés ne signifie pas nécessairement qu’elles ont été affichées sur les lieux de sorte que le client puisse faire le lien entre la crème glacée achetée et la marque de commerce TOURBILLON. Finalement, la preuve reste muette quant à l’emploi du dessin‑marque « tourbillon » illustré précédemment. Compte tenu des circonstances, ce motif d'opposition est également rejeté.

 

Vu l’absence de preuve quant à l’emploi des marques de commerce de l’opposante suivant les motifs exposés précédemment, l’opposante n’a également pas réussi à s’acquitter du fardeau initial concernant le quatrième motif d'opposition. Ce motif est, par conséquent, rejeté.

 

L’opposante a produit certains éléments de preuve démontrant qu’elle est propriétaire de la marque TOURBILLON et de la marque dessin représentant un « tourbillon », lesquelles sont enregistrées sous les numéros LMC360323 et LMC414612. Ces éléments pourraient ne pas constituer la meilleure preuve puisque l’opposante n’a pas déposé les certificats d’authenticité de ces enregistrements mais, quoi qu’il en soit, j’ai la faculté de vérifier l'état du registre en cas de contestation de l’enregistrabilité d’une marque de commerce sur le fondement d’un risque de confusion avec des marques de commerce déposées [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats Ltée. c. Manu Foods Ltd., 11C.P.R. (3d) 410]. J’ai bel et bien exercé ce pouvoir discrétionnaire et je peux confirmer que ces enregistrements sont en règle et que l’opposante en est propriétaire. Par conséquent, l’opposante s’est acquittée de sa charge initiale et il appartient donc à la requérante de convaincre le registraire, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucun risque de confusion entre sa marque et les marques de commerce déposées de l’opposante aux dates pertinentes dont il a été question précédemment [voir Sunshine Biscuits Inc. c. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53 et Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd. [2002] 3 C.F.405].

 

Je dois trancher, à la date de ma décision, la question du risque de confusion entre la marque de la requérante et la marque de commerce déposée TOURBILLON de l’opposante, certificat d’enregistrement LMC360323, suivant ce qui semblerait être le meilleur scénario pour l’opposante.

 

a)                           Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

 

Les marques de commerce des parties ont un caractère distinctif inhérent puisque ni l’une ni l’autre ne revêt de signification apparente relativement aux marchandises et services offerts respectivement par les parties.

 

Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accentué par son emploi. Comme je l’ai mentionné précédemment, rien dans la preuve ne permet d’établir l’emploi de la marque déposée TOURBILLON de l’opposante. La requérante, par ailleurs, n’a pas produit de preuve quant à l’« emploi » de sa marque, au sens de l’article 4 de la Loi. La requérante allègue qu’elle peut s’appuyer sur la preuve présentée en réponse par l’opposante pour établir l’« emploi » des termes HUNT’S, SNACK PACK, SWIRL et TOURBILLON. La marque en cause est HUNT’S TOURBILLON. Les pièces produites par M. Casavant établissaient l’emploi des marques HUNT’S SNACK PACK et dessin, HUNT’S SWIRLS TOURBILLON et dessin et HUNT’S SWIRLS et dessin. Les éléments graphiques du mot SWIRLS et les caractères typographiques des mots SNACK PACK sont les caractéristiques prédominantes de ces marques. En conséquence, je ne considère pas que les pièces produites établissent l’« emploi » de la marque [voir Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull, [1985] 1 C.F. 406, page 408]. Enfin, les chiffres de vente dont a fait état Mme Harrel dans son affidavit, même s’ils ne constituent pas à eux seuls la preuve de l’emploi de la marque, ne sont pas ventilés par marque de commerce. Par conséquent, je ne peux conclure qu’ils représentent les ventes de marchandises en liaison avec la marque. J’examinerai, à la rubrique ayant trait aux autres circonstances à prendre en considération, l’argument soulevé dans le plaidoyer de la requérante à propos de la famille de marques de commerce.

 

Pour qu’une marque de commerce soit connue, elle doit être employée en liaison avec des marchandises ou services. Comme je ne dispose pas d’une preuve convenable quant à l’emploi des marques de commerce en cause pour chacune des parties, je ne peux conclure qu'une marque est plus connue que l'autre.

 

En ce qui concerne l’information inscrite sur le certificat d’enregistrement LMC360323, lequel précise qu'une déclaration d’emploi a été déposée le 23 juin 1989, je me réfère à la décision Entre Computer Centers, Inc c. Global Upholstery Co (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.), dans laquelle le commissaire David J. Martin a affirmé que nous ne pouvions inférer de ladite information qu’un emploi « de minimis », lequel n’est pas suffisant pour conclure que la marque de commerce est devenue connue.

 

b)                          La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

 

Comme j’ai déjà conclu à l’absence d’une preuve convenable quant à l’emploi des marques de commerce en cause pour chacune des parties, ce facteur ne joue en faveur de personne.

 

c)                           Le genre de marchandises, services ou entreprises

 

L’opposante allègue que les crèmes‑desserts, les gélatines et la crème glacée peuvent être classées dans la catégorie des collations et que, en conséquence, il existerait un certain chevauchement dans le genre des marchandises. La requérante prétend que la crème glacée de l’opposante se trouverait dans des congélateurs, tandis que ses crèmes‑desserts et gélatines seraient rangées sur les tablettes ordinaires des épiceries. Je ne crois pas que l’emplacement des marchandises soit un critère pour établir une différence dans leur nature. Les crèmes‑desserts et la crème glacée sont des desserts qui contiennent des produits laitiers. Par conséquent, ce facteur joue en faveur de l'opposante.

 

d)                          La nature du commerce

 

Il ressort de l’affidavit de M. Casavant présenté en preuve que les crèmes‑desserts sont vendues dans les épiceries. Il semblerait que la crème glacée de l’opposante soit vendue dans les points de vente exploités sous la marque LA CRÉMIÈRE par les franchisés. Le certificat d’enregistrement LMC360323 ne comporte toutefois pas de restriction qui limiterait la vente de la crème glacée de marque TOURBILLON aux bars laitiers exploités par ses franchisés sous la marque LA CRÉMIÈRE. (Voir Cartier Inc. v. Cartier Optical Ltd. (1998), 20 C.P.R. (3d) 68, page 74 (C.F. 1re inst.), et Senza Inc. c. Apparel Ventures, Inc. (2001), 14 C.P.R. 243, page 249 (C.O.M.C.).) Par conséquent, il existe une possibilité de chevauchement puisque la crème glacée, les crèmes‑desserts et les gélatines sont toutes vendues dans les épiceries.

 

e)                           Le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation, le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

En ce qui a trait à ce critère, M. le juge Cattanach a affirmé ce qui suit dans Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, décision confirmée à 60 C.P.R. (2d) 70 :

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées quelles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

 

Je me réfère également à la décision Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada’s Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1, dans laquelle le juge Cattanach a décrit le critère de la confusion en ces termes :

Lorsqu’il s’agit de dire si deux marques de commerce peuvent être confondues, il faut prendre en considération les personnes qui achèteront vraisemblablement les marchandises, c’est‑à‑dire les personnes qui forment habituellement le marché, c’est‑à‑dire les consommateurs. Il ne s’agit pas de l’acheteur impulsif, négligent ou distrait ni de la personne très instruite ni d’un expert. On cherche à savoir si une personne moyenne, d’intelligence ordinaire, agissant avec la prudence normale peut être trompée. Le registraire de marques de commerce ou le juge doit évaluer les attitudes et les réactions normales de telles personnes afin de mesurer la possibilité de confusion.

Une jurisprudence constante a établi que la technique appropriée pour l’étude de marques de commerce semblables ne consistait pas à les placer côte à côte et à analyser d’un œil critique leurs ressemblances et leurs différences mais bien à trancher la question dans l’ensemble au premier abord. Je me propose donc d’étudier les deux marques en litige non pas dans l’intention d’en faire une étude comparative mais plutôt dans le but d’évaluer la première impression de l’acheteur ordinaire et prudent des marchandises.

 

Il existe une certaine ressemblance entre HUNT’S TOURBILLON et TOURBILLON, tant visuellement que sonorement. La caractéristique prédominante des deux marques est le mot « tourbillon ». M. le juge Linden a formulé l'observation suivante dans United Artists Corp c. Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 C.P.R. (3d) 247(C.A.F.) :

Même s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public.

 

Dans Manufacturiers de Bas de Nylon Doris Ltée/Doris Hosiery Mills Ltd c. Victoria’s Secret, Inc. (1991), 39 C.P.R. (3d) 131, l’ancien président de la Commission des oppositions des marques de commerce, M. Gary Partington, s’est penché sur une situation semblable où la requérante tentait d’enregistrer la marque VICTORIA’S SECRET malgré l’existence de la marque déposée SECRET de l’opposante. Il a conclu comme suit sur la question du degré de ressemblance :

[traduction] En ce qui a trait au degré de ressemblance des marques de commerce en cause, j’estime qu’il existe une similarité assez forte, tant dans la présentation que le son, entre la marque de commerce VICTORIA’S SECRET de la requérante et la marque de commerce déposée SECRET de l’opposante. Je soulignerais également que la requérante a incorporé la totalité de la marque de commerce déposée SECRET dans sa marque de commerce VICTORIA'S SECRET.

[Voir à cet effet Governor and Co of Adventurers of England trading into Hudson’s Bay c. Hallmark Cards, Inc. (2003), 30 C.P.R. (4th) 231 (COMC).]

Ce facteur favorise l’opposante.

f)                           Autres circonstances à prendre en considération

La requérante allègue dans son plaidoyer que le terme « Hunt’s » est employé pour différencier ses marchandises de celles des autres commerçants depuis plusieurs années. J’ai déjà discuté de la question de l’« emploi » des marques déposées de la requérante auxquelles il a été fait allusion dans l’affidavit de Mme Harrel. Dans son plaidoyer, la requérante fait état de l’existence d’autres marques déposées comportant le terme « Hunt’s ». Ces enregistrements n’ont pas été identifiés dans la contre-déclaration de la requérante ni mentionnés dans sa preuve. La requérante allègue que le registraire peut vérifier le registre pour déterminer l’existence des autres enregistrements invoqués à l’appui de son argument. J’ai déjà fait référence à Quaker Oats of Canada Ltd., précité. Toutefois, en l’espèce, la requérante aimerait discuter de l’existence d’une famille de marques de commerce. Ce fait doit être établi dans sa preuve. De plus, si elle s’appuie sur l’existence d’une famille de marques de commerce, elle doit prouver que chacune des marques, faisant partie intégrante de ladite famille, est en usage au Canada [voir McDonald's Corporation et al. c. Yogi Yogurt Ltd. et al. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.)]. Le présent dossier ne renferme pas cette preuve.

 


VI Conclusion

L’analyse de la preuve dans le contexte des critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi m’amène à conclure que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, que sa marque ne risquerait pas d’être confondue avec la marque de commerce déposée TOURBILLON de l’opposante si elle était utilisée en liaison avec les marchandises. J’arrive à cette conclusion en m'appuyant sur les facteurs suivants :

a)      le degré de ressemblance des marques en cause;

b)      le genre de marchandises et la nature du commerce.

En vertu de la délégation des pouvoirs du registraire faite sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse, en application du paragraphe 38(8) de la Loi, la demande d’enregistrement de la marque.

 

Fait à Montréal (Québec), le 15 mars 2005.

 

 

 

Jean Carrière,

Commissaire

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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