Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : SHE

ENREGISTREMENT NO : 274,172

 

 

 

Le 14 novembre 2003, à la demande de MM. Borden Ladner Gervais, le registraire a transmis l’avis prévu à l’article 45 à Classique Image Planning Ltd., la propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.

 

La marque de commerce SHE est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

Ombres à paupières, poudres de riz, rouges à lèvres, crèmes, rouges, vernis à ongles, lotions hydratantes colorées pour la peau, fards, crèmes atténuantes, mascaras, fonds de teint liquide, fonds de teint en crème, lustres à lèvres, traceurs pour les yeux, traceurs à sourcils, traceurs à lèvres, laits nettoyants, crèmes nettoyantes, lotions nettoyantes pour le visage, lotions rafraîchissantes pour la peau, préparations hydratantes pour la peau, crèmes pour les yeux, lotions pour le corps, lotions pour les mains, masques faciaux, produits de nettoyage pour la peau.

 

 

Selon l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, le propriétaire inscrit d'une marque de commerce est tenu de démontrer, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. La période pertinente en l'espèce se situe entre le 14 novembre 2000 et le 14 novembre 2003.

 


L’affidavit de Gaye Sigvardsen a été produit en réponse à l’avis. Aucune des parties n’a déposé de plaidoirie écrite. Seule la partie requérante était représentée à l’audience.

 

Dans son affidavit, Mme Sigvardsen déclare qu’elle est la présidente de la société inscrivante. Elle indique que l’inscrivante a employé la marque de commerce avec toutes les marchandises sauf le vernis à ongles au Canada durant les trois années précédant la date de l’avis. En particulier, elle joint en pièces A à M des exemples de factures faisant état de ventes à des parties sans lien de dépendance. Elle atteste ensuite du fait que les marchandises vendues affichaient, au moment de leur livraison, la marque de commerce apparaissant sur les pièces O à Z jointes à son premier affidavit daté du 6 novembre 1997, lequel avait été déposé dans une autre procédure relative à l’article 45. Elle donne enfin la liste des pièces en question.

 

À l’audience, la partie requérante a formulé plusieurs arguments concernant la preuve qui a été présentée, mais je n’en retiens aucun.

 

L’un des arguments formulés par la partie requérante à l’audition orale est que les pièces O à Z auxquelles il est fait référence dans l’affidavit Sigvardsen devraient être écartées ou se voir accorder très peu de poids, car ces pièces ont été jointes à un affidavit souscrit à l’occasion d’une autre procédure relative à l’article 45, et n’ont donc pas été déposées en bonne et due forme dans la présente procédure.

 


À mon avis, une telle objection de nature technique aurait dû être soulevée par la partie requérante dès que la preuve a été présentée afin de permettre à l’inscrivante d’y répondre. Aussi, je ne suis pas encline à permettre à la partie requérante de tirer parti d’une objection aussi technique à cette étape tardive.

 

J’ajouterais cependant que même si j’étais disposée à accueillir une telle objection à cette étape tardive, je conclurais que les pièces en question sont admissibles dans la présente procédure puisque Mme Sigvardsen a clairement affirmé que les marchandises vendues pendant la période pertinente affichaient la marque de commerce au moment de leur livraison de la manière illustrée par ces pièces. Par conséquent, j’accepte que les marchandises vendues durant la période pertinente affichaient la marque de commerce de la manière illustrée par ces pièces, et donc de manière conforme au paragraphe 4(1) de la Loi.

 

La partie requérante plaide qu’en tout état de cause, la marque de commerce qui semble être associée aux marchandises n’est pas la marque de commerce déposée, mais une marque très différente. Elle ajoute que le public ne percevrait pas que la marque de commerce SHE en soi est employée car le mot est trop intimement lié au mot « cosmetics », invoquant à cet effet l’affaire Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd., 2 C.P.R. (3d) 535.

 

Je reproduis ci-dessous la manière dont la marque de commerce apparaît en liaison avec les marchandises :


 

 

 

 

À mon avis, la question est de savoir si la marque de commerce telle qu’employée est si différente de la marque de commerce telle que déposée qu’elle ne correspond pas à un emploi de la marque déposée.

 

Dans Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign, précitée, l’agent chargé de l’audience a résumé les principes en ce qui a trait aux variations en deux principes, à la page 538 :

[traduction]

 

Principe no 1 : L'emploi d'une marque en combinaison avec des éléments supplémentaires constitue un emploi en soi de la marque comme marque de commerce, lorsqu'à la première impression le public peut percevoir que la marque en soi est utilisée comme marque de commerce. Il s'agit d'une question de fait, qui est tributaire de réponses à certaines questions comme celle de savoir si la marque est plus en évidence que les éléments supplémentaires, par exemple lorsque le caractère ou la taille utilisés sont différents (voir par exemple Standard Coil Products (Canada) Ltd. c. Standard Radio Corp. et al. (1971), 1 C.P.R. (2d) 155 à la page 163, [1971] C.F. 106), ou comme celle de savoir si les éléments supplémentaires peuvent être perçus comme purement descriptifs ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distincts (voir par exemple Carling OKeefe Ltd. c. Molson Cos. Ltd (1982), 70 C.P.R. (2d) 279 aux pages 280 et 281, appliquant Bulova Accutron Trade Mark, [1969] R.P.C. 102 aux pages 109 et110..

 


Principe no 2: Une marque de commerce particulière sera réputée employée lorsque la marque de commerce employée en réalité n'est pas essentiellement différente, et lorsque les variations ne sont d'aucune façon de nature à tromper ou à léser le public... Ce principe semble se justifier du fait que, compte tenu des réalités du monde des affaires, il est déraisonnable de s’attendre à ce que les marques de commerce, et particulièrement les dessins-marques, seront toujours employées exactement sous la forme qu’elles ont été enregistrées... De façon générale, toutefois, ce principe ne semble applicable que si les variations sont très mineures.

 

 

Ces principes sont également réitérés dans plusieurs autres décisions, notamment Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc., 44 C.P.R. (3d) 59, et Johann Becker Ohg Likorfabrik c. RTM, 71 C.P.R. (3d) 461.

 

De plus, dans l’affaire Honey Dew Ltd. c. Rudd, [1929] 1 D.L.R. 449, où la marque de commerce était constituée par les mots « Honey Dew » présentant un graphisme spécial, le deuxième mot étant placé juste au-dessous du premier, alors que l’illustration faisait état d’un emploi des mots « honey dew » en lettres ordinaires, le deuxième mot suivant le premier de la manière ordinaire, la Cour a conclu :

[traduction]

La pratique consistant à s'écarter de la forme précise d'une marque de commerce telle qu'elle est déposée est répréhensible, et elle est très dangereuse pour l'inscrivant. Toutefois, la marque telle qu’elle est employée ici n’est pas très différente de la marque de commerce telle qu’elle a été déposée.

 

 

 


En l’espèce, le fait que le mot SHE soit rédigé avec une police de caractères stylisée plutôt qu’en lettres ordinaires m’apparaît comme un changement mineur qui n’est pas de nature à tromper ou à léser le public d’aucune manière. Quant à l’addition du mot « cosmetics », je suis d’avis que le public le percevrait sans doute d’une manière descriptive. Contrairement aux prétentions de la partie requérante, j’estime que le mot SHE se distingue suffisamment du mot « cosmetics » et de tout autre matériel additionnel et qu’il n’a pas perdu son identité, mais qu’il demeure plutôt reconnaissable comme étant la marque déposée. Par conséquent, je conclus que la marque de commerce associée aux marchandises constitue un emploi de la marque de commerce déposée.

 

En ce qui a trait à la vente des marchandises, je suis convaincue que les factures confirment clairement qu’il y a eu vente des marchandises (sauf le vernis à ongles) en liaison avec la marque de commerce durant la période pertinente. La partie requérante plaide toutefois qu’on ne peut pas savoir si les ventes ont été le fait de la propriétaire inscrite et si ces ventes ont été faites à des clients au Canada. Si toutefois on fait une lecture équitable de l’affidavit, on peut conclure à mon avis que l’emploi était le fait de la propriétaire inscrite, au Canada. Si on lit les paragraphes 4 et 5 de l’affidavit ensemble, notamment, j’estime qu’il n’y aucune raison nette de conclure dans le sens contraire.

 

Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la preuve démontre un emploi de la marque de commerce au Canada, par la propriétaire inscrite, en liaison avec chacune des marchandises enregistrées, sauf le vernis à ongles (voir les paragraphes 4 et 7 de l’affidavit), dont il n’a pas été démontré que l’absence d’emploi était attribuable à des circonstances spéciales justifiant cette absence.

 

Ainsi, l’enregistrement no 274,172 sera modifié pour y radier la marchandise « vernis à ongles », conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi.

 


FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), CE 24e JOUR DE MAI 2006.

 

 

D. Savard

Agente daudience principale

Section de larticle 45

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