Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

                       RELATIVEMENT A L'OPPOSITION de Matelas Confort Inc. à la demande No. 578,143 concernant la marque de commerce L'ENSACHÉ produite par Matelas Dauphin Inc.                                                         

 

Le 5 février 1987, la requérante, Matelas Dauphin Inc., a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce L'ENSACHÉ fondée sur l'emploi de cette marque au Canada depuis le 1er janvier 1985 en liaison avec "matelas à ressorts dont chacun est couvert par un sac de coton".

 

L'opposante, Matelas Confort Inc., a produit une déclaration d'opposition le 14 septembre 1987 dans laquelle elle a allégué que la marque de commmerce L'ENSACHÉ n'est pas enregistrable comme constituant, peinte, écrite ou prononcée, soit une description claire, soit une description fausse et trompeuse, en langue française, de la nature ou de la qualité des marchandises avec lesquelles elle aurait été employée, savoir des matelas ensachés. En outre, l'opposante a allégué que la marque de la requérante n'est pas enregistrable selon l'alinéa 12(1)e) et l'article 10 de la Loi sur les marques de commerce en ce que la marque L'ENSACHÉ est reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité de certains matelas. De plus, l'opposante a allégué que la demande d'enregistrement de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l'article 30 de la Loi en ce que la requérante n'a pas employé la marque de commerce en liaison avec les marchandises mentionnées à la demande et la requérante n'a pas employé la marque en liaison avec les marchandises mentionnées à la demande depuis la date de premier emploi revendiquée pour celles-ci. Aussi, l'opposante a allégué que la demande ne conforme pas aux exigences de l'article 30 en ce que c'est faussement que la requérante s'est dite convaincue d'avoir le droit à l'emploi de la marque L'ENSACHÉ au Canada en liaison avec les marchandises mentionnées à la demande. En outre, l'opposante a allégué que la requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque L'ENSACHÉ car la marque n'est pas enregistrable, la demande ne conforme pas aux exigences de l'article 30 et la requérante n'a pas employé la marque. Enfin, l'opposante a allégué que la marque de la requérante n'est pas distinctive de ses marchandises.

 

La requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle niait les allégations formulées par l'opposante dans sa déclaration d'opposition.

 

L'opposante a produit comme preuve l'affidavit de Daniel Boivin et la requérante, celui de Réal Thériault. Réal Thériault a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et la transcription du contre-interrogatoire fait partie du dossier dans la présente procédure d'opposition.


Les parties n'ont pas soumis de plaidoyers écrits mais las deux parties étaient représentées à l'audience.

 

Par rapport aux motifs d'opposition fondés sur l'article 30 de la Loi, le fardeau légal appartient à la requérante de démontrer que sa demande est conforme à l'article 30 de la Loi. Ce fardeau légal envisage à la fois la question de savoir si la requérante a produit une demande qui, sur sa face, comprend les déclarations requises par l'article 30 et la question de savoir si ces déclarations sont en fait exactes. Dans la mesure où l'opposante s'en rapporte aux allégations de faits dans sa déclaration d'opposition pour appuyer un motif fondé sur l'article 30 et, dans la mesure où ces faits ne sont pas évidents par eux-mêmes ni reconnus, il existe alors, conformément aux règles normales de la preuve, un fardeau de la preuve sur l'opposante de faire la preuve de ces allégations. Dans le présent cas, l'opposante n'a produit aucune preuve à l'appui de ses motifs d'opposition fondés sur l'article 30 et n'a fait aucune soumission touchant ces motifs à l'audience. En conséquence, l'opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve qui repose sur elle et ces motifs d'opposition sont rejetés.

 

Le prochain motif d'opposition est fondé sur l'article 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, l'opposante prétendant que la marque de commerce L'ENSACHÉ constitue, en langue française, soit une description claire soit une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des matelas à ressorts dont chacun est couvert par un sac de coton, ce qui va à l'encontre de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce. La date pertinente pour examiner le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b) est la date de dépôt de la demande de la requérante (5 février 1987). A cet égard, on peut invoquer les décisions rendues dans l'affaire Oshawa Group Ltd. c. Registrar of Trade Marks, 46 C.P.R. (2d) 145, à la page 147, et dans l'affaire Carling Breweries Limited c. Molson Companies Limited et al, 1 C.P.R. (3d) 191, à la page 195. En outre, bien qu'il incombe à la requérante d'établir que sa marque de commerce est enregistrable, c'est à l'opposante d'apporter des preuves suffisantes qui, si elles sont retenues, viendront appuyer la véracité des allégations présentées dans sa déclaration d'opposition. Le présent cas nécessite donc l'examen de la preuve de l'opposante afin d'établir si celle-ci s'est acquittée du fardeau de la preuve qui repose sur elle.

 


L'affidavit de Daniel Boivin a pour objet de présenter comme éléments de preuve des photocopies de certaines pages du Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert dit "Petit Robert 1" comportant la définition des mots "ensacher", "ensachage", "sac", "sachet" et "en/en-", ainsi que des photocopies de certaines pages du livre Le bon usage - grammaire française, Douzième Edition refondue par André Goosse et qui traite de la dérivation comme processus de formation française. La section 168 de Le bon usage - grammaire française a trait aux  "Suffixes formant des noms et/ou des adjectifs" et le paragraphe 18 à la page 229 indique le suivant:

 

"18. [du lat. -atum; forme pop.-at] ne se trouve pas seulement dans les participes passés, éventuellement employés comme adjectifs (effaré) ou comme noms (croisé)."

 

 

Au cours de son contre-interrogatoire, M. Thériault a répondu comme suit aux questions posées par le procureur de l'opposante:

 

A la page 27:

 

"De toute façon, L'ENSACHÉ, on va l'utiliser uniquement quand c'est des ressorts ensachés dans des sacs de coton et attachés aux deux (2) extrémités par un cordage de nylon. C'est ça un ENSACHÉ."

 

Aux pages 38 à 40:

 

"Question 160:

 

"Est-ce qu'il y a une différence entre un matelas ENSACHÉ et un matelas L'ENSACHÉ?

 

Vous pouvez vous servir du mot ENSACHÉ pour décrire la fabrication intérieure d'un matelas. On va dire que le ressort est ensaché dans un sac de coton et c'est utilisé par les compagnies.

Maintenant, nous autres c'est L'ENSACHÉ qu'on utilise, comme marque de commerce."

 

 

Question 163:

 

Donc votre marque - vous pouvez intervenir là-dessus, maître, je comprendrai facilement - c'est ou L'ENSACHÉ ou ENSACHÉ?

 

Pour donner une description à l'intérieur du matelas, ils l'utiliseront comme ils voudront, ENSACHÉ ou L'ENSACHÉ, n'importe quoi, comme descriptif.

 

Question 164:

 

ENSACHÉ pour vous, c'est descriptif d'une sorte de matelas où il y a des ressorts qui sont dans des sacs de coton?

 

Dans des sacs."

 

Et aux pages 40 et 41:

 

"Question 167:

 

Est-ce qu'il y a d'autres personnes que Sears qui se servent de ce genre-là?

 

Ah mon Dieu! Ca fait peut-être bien soixante-quinze (75) ans que c'est utilisé.

Simons l'ont toujours utilisé dans leur publicité avec leur Beautyrest.

 

Question 168:

 

Avec quoi?

 

Beautyrest de Simons, c'est leur marque de commerce du matelas   ensaché."

 

A la page 43:

 

"Question 180:

 


On parlait tantôt de ressorts ensachés.

Je vous montre ici un ressort DB-1, pourriez-vous me dire    quand on parle d'un matelas ensaché si c'est ce principe-là?     Peut-être pas le vôtre.

 

Ca, c'est les ressorts ensachés que tu retrouves sur le marché commun, c'est ça."

 

En tenant compte de la preuve de l'opposante et du contre-interrogatoire de M. Thériault, j'en viens à la conclusion que le consommateur moyen penserait que le mot "ensaché" en liaison avec un matelas ayant une construction dont des ressorts sont ensachés dans des sacs décrit une caractéristique principale du matelas. De plus, un mot qui décrit un caractéristique d'un article constitue un mot ayant une référence directe à l'article (voir, à cet égard, In the Matter of Philips' Phonographische Industrie's Application for a Trade Mark (1955), 72 R.P.C. 183, à la page 189).  Par conséquent, je suis prêt à conclure que l'opposante s'est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe.

 

A la lumière de ce qui précède, il incombe à la requérante d'établir que sa marque de commerce L'ENSACHÉ n'est pas pour le consommateur moyen clairement descriptif, en langue française, de la nature d'un matelas. Toutefois, quand on considère la marque L'ENSACHÉ en liaison avec un matelas, il me semble que le consommateur moyen penserait que le "L'" de la marque remplacerait les mots "LE MATELAS" et que la marque L'ENSACHÉ serait considérée comme étant équivalente à l'expression LE MATELAS ENSACHÉ. Par conséquent, la marque L'ENSACHÉ est une expression elliptique ayant un caractère descriptif (Voir les commentaires du juge Pigeon de la Cour suprême du Canada dans l'affaire S.C.Johnson & Son, Ltd. et al c. Marketing International Ltd., 44 C.P.R. (2d) 16, aux pages 25 à 27, par rapport aux expressions elliptiques). De plus, la requérante n'a produit aucune preuve afin d'établir la réaction du consommateur moyen. Par conséquent, j'en viens à la conclusion que la requérante ne s'est pas acquittée du fardeau légal qui repose sur elle en ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce.

 

A l'audience, la requérante a indiqué qu'elle se fiait au bénéfice de l'article 12(2) de la Loi sur les marques de commerce. Toutefois, je noterais les commentaires du juge Strayer dans l'affaire Carling Breweries Ltd. c. Molson Companies Ltd. et al, 1 C.P.R. (3d) 191, aux pages 196 à 197:

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ayant égard à ce qui précède, pour que la requérante puisse réclamer le bénéfice de l'article 12(2) de la Loi, il lui incombe d'établir dans la présente procédure d'opposition que sa marque de commerce était devenue distinctive à la date de dépôt de sa demande d'enregistrement. Toutefois, l'affidavit Thériault n'établit pas que la marque de commerce L'ENSACHÉ était distinctive de ses marchandises à cette date conformément à l'article 12(2) de la Loi.

 

Je repousse la demande de la requérante conformément à l'article 38(8) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

FAIT A HULL (QUEBEC) CE _31___ JOUR DE __Juillet_____, 1990.

 

 

G.W.Partington,


Président de la Commission des

  oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.