Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 104

Date de la décision : 2013-05-29 TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Chery Automobile Co. Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1402824 pour la marque de commerce A et Dessin au nom de Baoli Wang

[1]               Le 10 juillet 2008, Baoli Wang (le Requérant) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce A et Dessin (la Marque), déposée sous le numéro de demande 1402824, comme indiqué ci-dessous.

A & design

La demande vise l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises suivantes :

Automobiles; véhicules automobiles, nommément automobiles, camions, fourgonnettes; automobiles; camionnettes; locomotives; véhicules électriques, nommément wagons, scooters motorisés, autobus électriques; moteurs pour automobiles; pièces de véhicules terrestres, nommément engrenages d’entraînement; motos; carrosseries d’automobile; véhicules pour le transport par voie terrestre, aérienne, maritime ou ferroviaire, nommément automobiles et pièces connexes, bateaux, wagons; pneus d’automobile (les Marchandises).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 23 mars 2011.

[3]               Le 18 mai 2011, Chery Automobile Co. Ltd. (l’Opposant) a déposé une déclaration d’opposition. Le Requérant a répliqué en produisant et en signifiant une contre-déclaration. L’Opposant a par la suite sollicité et reçu l’autorisation de déposer une déclaration d’opposition modifiée. Les motifs d’opposition invoqués, dans leur version modifiée, peuvent être résumés de la manière suivante :

         Conformément aux alinéas 38(2)a) et 30a) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T -13) (la Loi), la demande n’est pas conforme à certaines des exigences prévues à l’alinéa 30e) de la Loi. Plus précisément, au moment de produire la demande, le Requérant n’avait pas l’intention d’utiliser la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises puisque la vente d’automobiles, de locomotives, de wagons et d’autobus électriques nécessite une mise de capital et des activités commerciales importantes.

         Conformément à l’alinéa 38(2)a) et à l’article de la Loi, la demande n’est pas conforme aux exigences prévues à l’alinéa 30i) de la Loi, puisque :

o   au moment du dépôt de la demande, la Marque créait de la confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, avec la marque de commerce A et Dessin de l’Opposant (illustrés ci-dessous), laquelle a été utilisée ou révélée depuis au moins février 2008 au Canada à l’égard des marchandises suivantes : « voitures, véhicules automobiles, camions, fourgonnettes, moteurs pour automobiles, transmissions automobiles, et autres pièces et accessoires automobiles connexes » (les Marchandises de l’Opposant);

o   le Requérant n’est pas titulaire des droits d’auteur pour le dessin visé par la demande no 1402824. En fait, l’Opposant possède les droits d’auteur pour un dessin qui est identique à la Marque (illustré ci-dessous).

A & design

         Conformément aux alinéas 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi, le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce, puisqu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce A et Dessin de l’Opposant, laquelle a été utilisée ou révélée au Canada depuis au moins février 2008 à l’égard des Marchandises de l’Opposant.

         Conformément à l’alinéa 38(2)d) et à l’article 2 de la Loi, la Marque n’a pas de caractère distinctif, car elle ne distingue pas ni ne s’adapte à distinguer les Marchandises du Requérant des marchandises d’autres propriétaires. En outre, la Marque ne distingue pas le Requérant, car ce dernier n’est pas titulaire des droits d’auteur pour le logo visé par la Marque. En réalité, l’Opposant est titulaire de ces droits d’auteur et n’a pas accordé d’autorisation pour un tel emploi ou enregistrement par le Requérant.

[4]               Pour étayer sa déclaration d’opposition, l’Opposant a produit deux affidavits de Mme Alexandra Andersen (datés du 5 et 6 décembre 2011, respectivement), ainsi qu’une copie certifiée de l’enregistrement de droit d’auteur canadien no 1090977. Les affidavits de Mme Andersen n’ont pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire.

[5]               Le Requérant, à son tour, a déposé l’affidavit de Baoli Wang, le Requérant lui-même. L’affidavit de M. Wang ne consiste qu’en une impression des six premières pages d’une recherche sur Google effectuée le 23 mars 2012 pour l’expression « A & Design ». L’affidavit de M. Wang n’a pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire.

[6]               Seul l’Opposant a produit un mémoire; il n’y a pas eu d’audience orale. J’ai examiné tous les documents et la preuve versés au dossier. Je ne ferai référence dans ma décision qu’aux éléments et aux preuves que j’estime pertinents pour étayer mes conclusions.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[7]               Le Requérant a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposant de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re instance), à 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (CAF)].

[8]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

         Alinéa 38(2)a) et article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (COMC), 475];

         Alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)];

         Alinéa 38(2)d) et article 2 — la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Motif d’opposition fondé sur la non-conformité — Alinéa 30e) de la Loi

[9]               Puisque la demande contient des allégations au fait que le Requérant a l’intention, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, d’utiliser la Marque au Canada, il se conforme officiellement à l’alinéa 30e) de la Loi.

[10]           Je constate qu’il n’y a pas de preuve au dossier indiquant que le Requérant n’avait pas l’intention d’utiliser la Marque. Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30e), puisque l’Opposant n’a pas réussi à satisfaire à son fardeau de preuve.

Motif d’opposition fondé sur la non-conformité — Alinéa 30i) de la Loi

[11]           Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC), à 155].

[12]           L’Opposant invoque deux motifs d’opposition basés sur la non-conformité aux termes de l’alinéa 30i) de la Loi. Le premier motif se fonde sur une allégation que la Marque peut causer une confusion avec la marque de commerce A et Dessin de l’Opposant, qui, selon lui, a été utilisée ou révélée auparavant au Canada depuis au moins février 2008 à l’égard des véhicules, pièces et accessoires automobiles. La preuve de l’Opposant ne traite que de l’utilisation et de la réputation de sa marque dans des territoires étrangers, il n’y a aucune preuve d’utilisation ou de révélation de la marque de l’Opposant au Canada. Même si l’Opposant avait prouvé l’utilisation ou la révélation de sa marque au Canada durant la période pertinente, la connaissance que le Requérant avait de la marque créant de la confusion appartenant à l’Opposant n’est pas suffisante pour étayer un motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi. Le premier motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30i) est donc rejeté.

[13]           Le deuxième motif d’opposition relatif à la non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi se base sur une allégation que la Marque enfreint des droits d’auteur existants à l’égard de la marque de commerce A et Dessin de l’Opposant (l’Œuvre).

[14]           La non-conformité à l’alinéa 30i) est constatée dans des cas où, prima facie, on relève une non-conformité à une loi fédérale [voir par exemple les arrêts Interprovincial Lottery Corp c. Monetary Capital Corp (2006), 51 C.P.R. (4th) 447 (COMC) et Canadian Bankers » Assn c. Richmond Savings Credit Union (2000), 8 C.P.R. (4th) 267 (COMC)]. Dans le présent cas, l’Opposant invoque une contravention à la Loi sur le droit d’auteur (L.R.C. (1985), ch. C-42). Pour prouver ce motif d’opposition, l’Opposant doit établir qu’il y avait à première vue violation du droit d’auteur [voir E Remy Martin & Co SA c. Magnet Trading Corp (HK) Ltd. (1988), 23 C.P.R. (3d) 242 (COMC)].

[15]           Je me range à l’avis de l’Opposant, les preuves et documents suivants suffisent à établir prima facie une violation du droit d’auteur :

(a)     l’Œuvre est une réalisation artistique créée par Yin Tongyue, président du conseil d’administration de l’Opposant et ressortissant chinois (affidavit no 1 de Mme Andersen, preuve F);

(b)     l’Œuvre a été publiée pour la première fois le 18 mars 1999 en Chine (affidavit no 1 de Mme Andersen, preuve F);

(c)     en date du 18 avril 1999, l’auteur et premier propriétaire du droit d’auteur pour l’Œuvre (M. Tongyue) a transféré à l’Opposant tous les droits, titres de propriété et intérêts détenus dans l’Œuvre et tous les droits d’auteur afférents, au Canada et ailleurs dans le monde (affidavit no 1 de Mme Andersen, preuve F);

(d)    à la date où l’Œuvre était publiée et les droits transférés, le Canada et la Chine avaient tous deux signé la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. En vertu des dispositions sur la réciprocité et l’égalité de traitement prévues par la Convention de Berne, le droit d’auteur pour l’Œuvre existait également au Canada à la date de publication de l’Œuvre (le 18 mars 1999) (affidavit no 2 de Mme Andersen, preuve A);

(e)     l’Opposant a considérablement utilisé des marques de commerce incluant l’Œuvre partout sur le globe (mais il est important de le souligner, pas au Canada) à l’égard de véhicules, pièces et accessoires automobiles (affidavit no 1 de Mme Andersen, preuve D);

(f)      la Marque est identique à l’Œuvre.

[16]           Bien que l’Œuvre soit visée par un enregistrement de droit d’auteur officiel, délivré le 2 novembre 2011 sous le numéro 1090977 (affidavit no 1 de Mme Andersen, preuve F et copie certifiée de l’enregistrement de droit d’auteur no 1090977), l’enregistrement en question a été effectué après la date pertinente pour le présent motif d’opposition. Toutefois, cela n’empêche pas l’Opposant d’établir un cas de violation de droit d’auteur prima facie. J’estime que la preuve soumise démontre qu’à la date pertinente, un droit d’auteur existait déjà pour l’Œuvre, que l’Opposant en était le titulaire, et que la Marque est une copie identique de l’Œuvre.

[17]           L’Opposant est donc parvenu à s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombait, alors que le Requérant n’a pas été en mesure de fournir une preuve pour répliquer à ce motif d’opposition. Plus précisément, l’Opposant souligne le fait que le Requérant a omis de présenter toute preuve contestant sa revendication de la propriété du droit d’auteur pour l’Œuvre ou une preuve soulignant la création indépendante de la Marque.

[18]           Je juge que le Requérant ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer qu’il était convaincu d’avoir le droit d’utiliser la Marque au Canada. Ce motif d’opposition est donc retenu.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement – Alinéa 16(3)a) de la Loi

[19]           L’Opposant doit prouver que la marque de commerce A et Dessin était utilisée ou révélée au Canada avant la date de production de la demande du Requérant (le 10 juillet 2008), comme il l’affirme en soutien de son motif d’opposition aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande pour la Marque (le 23 mars 2011) [paragraphe 16(5) de la Loi].

[20]           L’Opposant a fourni une preuve importante quant à l’utilisation et à la réputation de sa marque de commerce A et Dessin dans des pays étrangers. Plus précisément, Mme Andersen a déposé des preuves de l’utilisation et la publication à des fins publicitaires en Argentine, au Chili, à Dubai, en Égypte, en Indonésie, à Panama, au Pérou, en Russie, à Singapour, en Afrique du Sud, en Thaïlande, en Turquie, en Ukraine, en Uruguay, au Vénézuéla et au Vietnam (affidavit no 1 de Mme Andersen, preuve D). Cela dit, il n’y a pas de preuve que cette utilisation et cette publication à des fins publicitaires dans ces pays étrangers auraient, d’une façon ou d’une autre, fait leur entrée au Canada. Mme Andersen a également fourni des impressions du site Web de l’Opposant, où figure la marque de commerce A et Dessin (affidavit no 1 de Mme Andersen, preuve B), mais il n’y a pas de preuve que des Canadiens ont visité le site en question.

[21]           Bien que je sois convaincue que l’Opposant a établi une réputation importante pour sa marque de commerce A et Dessin dans des pays étrangers, la preuve ne suffit pas à établir une utilisation ou une révélation au Canada. L’Opposant ne s’est donc pas acquitté de son fardeau de preuve et par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence du caractère distinctif – Alinéa 38(2)d) de la Loi

[22]           Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif invoqué par l’Opposant se divise en deux volets. Le premier s’attarde à une allégation générale selon laquelle la Marque ne distingue pas les Marchandises ni ne les adapte pour les distinguer de celles d’autres propriétaires. L’Opposant n’a pas invoqué précisément l’identité des « autres propriétaires », même si, en examinant les mémoires en parallèle à la preuve déposée, je suis disposée à déduire que ce terme englobe l’Opposant et sa marque de commerce A et Dessin [voir Novopharm Limited c. AstraZeneca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (CAF)].

[23]           En ce qui a trait au premier volet de ce motif d’opposition basé sur l’absence de caractère distinctif, l’Opposant doit démontrer qu’à la date de production de sa déclaration d’opposition, c’est-à-dire le 18 mai 2011, sa marque de commerce A et Dessin était suffisamment connue pour remettre en cause le caractère distinctif de la Marque [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (CF); Motel 6, Inc c. No. 6 Motel Ltd (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 à 58 (C.F. 1re instance)]. Comme expliqué en plus amples détails plus haut, dans l’analyse du motif d’opposition basé sur l’absence du droit à l’enregistrement, l’Opposant n’est pas parvenu à fournir une preuve démontrant la réputation de sa marque de commerce A et Dessin dans le marché canadien. L’Opposant ne s’est donc pas acquitté de son fardeau de preuve et par conséquent, le premier volet du motif d’opposition relatif au caractère non distinctif est rejeté.

[24]           Dans le second volet du motif d’opposition relatif à l’absence de caractère distinctif, l’Opposant affirme que la Marque n’est pas distinctive du Requérant, car le Requérant n’est pas titulaire des droits d’auteur pour le dessin visé par la Marque. En réalité, l’Opposant est le titulaire de ces droits d’auteur et n’a pas accordé l’autorisation pour l’emploi ou l’enregistrement de l’Œuvre par le Requérant.

[25]           Je ne crois pas que l’existence d’un droit d’auteur pour l’Œuvre et l’allégation que le Requérant n’a pas reçu l’autorisation pour utiliser ce droit d’auteur, comme l’invoque l’Opposant, suffit pour trancher que la Marque n’est pas distinctive ou ne peut pas distinguer les Marchandises du Requérant de celles d’autres propriétaires sur le marché. Conséquemment, je juge qu’il ne s’agit pas d’un motif d’opposition adéquat et je rejette également le deuxième volet du motif d’opposition relatif à l’absence d’un caractère distinctif.

Règlement

[26]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad. a.

 

 

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