Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 3

Date de la décision : 2016-01-06
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Trio Selection Inc.

Opposante

et

 

DK Company A/S

Requérante



 

1,513,930 pour la marque de commerce CREAM

Demande

[1]               Trio Selection Inc (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce CREAM (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,513,930.

[2]               La demande a d’abord été produite par Jens Poulsen Holding ApS (Poulsen Holding) le 4 février 2011. La demande a ensuite été cédée par Poulsen Holding à l’actuelle requérante, DK Company A/S (la Requérante) et la cession a été enregistrée au Bureau des marques de commerce le 7 août 2015.

[3]               La demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits et les services suivants, dans leur version révisée par la Poulsen Holding pendant la poursuite de la demande :
[traduction]

Produits :

(1) Cuir et similicuir ainsi que produits faits de ces matières, nommément peaux d’animaux, cuirs bruts; coffres, nommément coffres de rangement et sacs de voyage en cuir; parapluies, ombrelles et cannes; fouets; ceintures, bretelles, chapeaux, chaussures, chaussures habillées, chaussures de sport, chaussures tout-aller, sandales, chaussures d’entraînement.


Services :
(1) Gestion des affaires pour des tiers; administration des affaires relativement à la conception, à la production, à la vente et au marketing de vêtements et de produits connexes pour des tiers.

[4]               La demande est également fondée sur l’emploi de la Marque au Danemark et sur l’enregistrement dans ou pour Office de l’Harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) de l’Union européenne (UE) en liaison avec les produits suivants :
[traduction]

Produits :

(2) Vêtements pour femmes, nommément chemisiers, chemisiers habillés, chemisiers sport, chemisiers tissés ou tricotés, cravates, nœuds papillon, articles pour le cou, nommément cravates, chandails, vestes, vestes sport, vestes habillées, parkas, pantalons sport, pantalons, tailleurs, vestons sport, paletots, pardessus, bonneterie, vêtements de bain, shorts, robes, jupes, hauts, nommément hauts courts, hauts en molleton, hauts en tricot et bustiers tubulaires.

[5]               L’opposition a été déposée par l’Opposante en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) et soulève des motifs d’opposition fondés sur l’article 2 (absence de caractère distinctif); l’article 12(1)d) (non-enregistrabilité); 16(3)a), b) et c) (absence de droit à l’enregistrement); 30e) et i) (non-conformité) de la Loi. La principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir s’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce CREAM SODA de l’Opposante (reproduite ci-dessous), enregistrée sous le numéro LMC298,834 en liaison avec les produits suivants :
[traduction] « Vêtements de sport junior, nommément pantalons, chemises, jupes, vestes, débardeurs, tee-shirts, robes, ensembles d’entraînement, shorts, maillots de bain, chandails et manteaux », dont l’emploi au Canada depuis octobre 1983 est revendiqué par l’Opposante.

CREAM SODA DESIGN

[6]               Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est rejetée.

Dossier

[7]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 17 octobre 2012.

[8]               L’Opposante s’est opposée à la demande dans une déclaration d’opposition produite auprès du registraire le 15 mars 2013. Le 11 juin 2013, la Requérante (par l’entremise de son prédécesseur en titre Poulsen Holding) a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste l’ensemble des motifs d’opposition formulés dans la déclaration d’opposition.

[9]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de son vice-président, Lloyd Prizant, souscrit le 21 juillet 2014.

[10]           Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Jens Poulsen, directeur général et membre du Conseil d’administration de Poulsen Holding, souscrit le 21 juillet 2014; l’affidavit de Kristina Sebastian-Crone, assistante judiciaire au sein du cabinet qui représente la Requérante, souscrit le 23 juillet 2014; et l’affidavit de Jane Buckingham, recherchiste en marques de commerce au sein du même cabinet, également souscrit le 23 juillet 2014.

[11]           L’Opposante a ensuite demandé l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée afin d’ajouter un nouveau motif d’opposition fondé sur la non-conformité de la demande avec l’article 30e) de la Loi. Le registraire a accordé la permission dans une lettre du Bureau datée du 2 septembre 2014. La Requérante a donc demandé l’autorisation de modifier deux fois sa contre-déclaration, demandes qui ont été accordées par le registraire dans des lettres du Bureau datées du 10 octobre 2014 et du 12 janvier 2015.

[12]           Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue. Dans son plaidoyer écrit et à l’audience, l’Opposante a indiqué qu’elle ne maintenait plus les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)b), 16(3)c) et 30i) de la Loi. Par conséquent, ces motifs ne seront pas examinés plus en détail.

Analyse

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[13]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité

[14]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi en ce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée CREAM SODA Dessin susmentionnée.

[15]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que cet enregistrement est en règle à la date d’aujourd’hui, laquelle est la date pertinente pour l’appréciation d’un motif fondé sur l’article 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[16]           L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et cette marque de commerce déposée de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[17]           L’article 6(2) de la Loi porte que :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[18]           Ainsi, cet article ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur une confusion qui porterait à croire que les produits ou les services d’une source proviennent d’une autre source.

[19]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Comme l’a fait observer le juge Denault dans Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 CPR (3d) 359 (CF 1re inst) à la p 369 :

[traduction]
Les marques de commerce devraient être examinées du point de vue du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis mais général de la marque précédente. Il s’ensuit que les marques ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d’apprécier leurs ressemblances et leurs différences. Elles devraient plutôt être envisagées globalement et évaluées en fonction de leur effet sur le consommateur moyen en général.

[20]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour un examen plus approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[21]           Les marques de commerce en cause possèdent toutes deux un certain caractère distinctif inhérent dans le contexte des produits ou services en liaison avec lesquelles elles sont respectivement employées, puisqu’elles ne sont ni descriptives ni suggestives de ces produits et services.

[22]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. Cela m’amène à examiner la preuve qui a été produite à cet égard par voie des affidavits de M. Prizant et de M. Poulsen, respectivement.

[23]           Je dois préciser, à ce stade de mon analyse, que je n’ai accordé aucun poids aux déclarations des déposants qui constituent des opinions personnelles quant à la probabilité de confusion entre les marques des parties. La probabilité de confusion est une question de fait et de droit qui doit être tranchée par le registraire en fonction de la preuve qui est au dossier dans la présente procédure.


 

L’affidavit de M. Prizant

[24]           M. Prizant atteste que l’Opposante est une société de Montréal qui conçoit et vend des vêtements, y compris des vêtements de sport [au para 3].

[25]           M. Prizant affirme que les vêtements arborant la marque de commerce CREAM SODA ont été vendus et sont actuellement vendus par divers détaillants au Canada, y compris London Drugs Limited, Claudette Croteau Inc, Fly Boutique, J & W Jobbers, Hart Stores Inc, Style Exchange/Concept wear, Brandos Unisex, Hangers Fashions, October Eight Inc, TJX Europe (Europe), Concept Mode, etc. [au para 9].

[26]           M. Prizant présente les revenus partiels de l’Opposante tirés de la vente de vêtements arborant la marque de commerce CREAM SODA, pour certaines années antérieures. Le produit des ventes réalisées chez London Drugs Limited s’élève à 97 470 $ et à 109 038 $ pour les périodes de références appelées « Printemps 2014 » et « Printemps 2013 » respectivement, et le produit des ventes réalisées par « différents » détaillants pour la période de référence « Printemps 2010 » s’élève à 44 783 $ [au para 10]. Toutefois, aucune ventilation par produit n’est fournie.

[27]           À l’appui de ses déclarations d’emploi de la marque de commerce CREAM SODA, M. Prizant joint les pièces suivantes à son affidavit :

-          La pièce 2, que M. Prizant décrit comme une brochure d’entreprise de l’Opposante [au para 5]. En examinant cette pièce, je note qu’il ne s’agit que d’un document d’une page, sans date, décrivant les marques de l’Opposante. La marque de commerce CREAM SODA est illustrée telle qu’elle est reproduite ci-dessous, et décrite comme suit : « A collection of the hottest fashions in the Junior and Ladies market reflecting newest trends » (une collection de vêtements dernier cri pour les jeunes et les femmes, à l’image des plus récentes tendances).

-          La pièce 3, que M. Prizant décrit comme étant des photos de vêtements types arborant la marque de commerce CREAM SODA [au para 6]. En examinant ces photos non datées, je note que les étiquettes cousues sur les vêtements montrent la version stylisée suivante de la marque de commerce CREAM SODA :

Il semble s’agir de camisoles et de hauts pour femmes.

-          La pièce 4, que M. Prizant décrit comme étant un catalogue dans lequel figurent des exemples de produits de la gamme arborant la marque de commerce CREAM SODA [au para 7]. En examinant ce catalogue non daté, je note qu’on y voit la version stylisée suivante de la marque de commerce CREAM SODA :

Le catalogue contient seulement des dessins de vestes pour filles. Aucune information n’est fournie concernant la manière dont ce catalogue a été distribué au Canada et l’étendue de cette distribution.

-          La pièce 5, que M. Prizant décrit comme étant des photos d’étiquettes de vêtements types arborant la marque de commerce CREAM SODA [au para 8]. En examinant cette pièce, je note qu’elle consiste essentiellement en une photo non datée d’une camisole « junior », qui semble montrer la version stylisée suivante de la marque de commerce CREAM SODA :

-          La pièce 6, que M. Prizant décrit comme une brochure type pour promouvoir la vente de vêtements arborant la marque de commerce CREAM SODA [au para 11]. En examinant cette pièce, je note qu’il ne s’agit que de deux dépliants montrant la marque de commerce CREAM SODA telle qu’elle figure en pièce 2, et annonçant un solde d’entrepôt de complets pour homme et un solde de vêtements printemps/été pour femmes, tous deux datés du 11 au 26 juillet. L’année n’est toutefois pas indiquée. De plus, aucune information n’est fournie concernant la manière dont ces dépliants ont été distribués au Canada et l’étendue de cette distribution. En outre, il est impossible d’établir à partir de ces dépliants si les vêtements ainsi annoncés étaient associés à la marque de commerce CREAM SODA. Les dépliants semblent plutôt faire référence aux marques de commerce de tiers, comme MICHAEL KORS, KENNETH COLE, VERO MODA, etc.

[28]           Comme l’a souligné l’Opposante, aucune de ces pièces jointes à l’affidavit de M. Prizant n’établit l’emploi de la marque de commerce CREAM SODA Dessin, telle qu’elle est enregistrée. La seule preuve d’emploi revendiqué produite par l’Opposante concerne plutôt des marques figuratives CREAM SODA non déposées qui sont très différentes. Cela dit, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de déterminer la mesure dans laquelle l’emploi de ces marques figuratives non déposées peuvent constituer un emploi de la marque CREAM SODA Dessin telle qu’elle est enregistrée.

[29]           En effet, même si je devais accepter que l’emploi de ces marques figuratives CREAM SODA non déposées constitue un emploi de la marque de commerce CREAM SODA Dessin telle qu’elle est enregistrée, toute preuve réelle d’emploi produite par voie de l’affidavit de M. Prizant demeure faible et ambigüe. Comme il est souligné ci-dessus, aucun des exemples d’emploi fournis par M. Prizant n’indique une date. En outre, en l’absence d’une présentation ventilée des chiffres, il n’est pas possible de déterminer quels produits de l’Opposante visés par l’enregistrement sont associés aux chiffres des ventes fournis par M. Prizant. Dans le même ordre d’idée, aucun chiffre lié aux efforts marketing n’a été produit.

[30]           En résumé, je ne suis pas en mesure de conclure que la marque de commerce CREAM SODA Dessin est devenue connue au Canada une mesure suffisante pour accroître son caractère distinctif de façon considérable.

L’affidavit Poulsen

[31]           Comme il a été mentionné précédemment, M. Poulsen est le directeur général et membre du Conseil d’administration de Poulsen Holding. Il est également le directeur général et membre du Conseil d’administration de la Requérante [aux para 1 et 3].

[32]           M. Poulsen atteste qu’il a fondé Poulsen Holding en 1998, et la Requérante en 2001. Il décrit la Requérante comme une entreprise de mode offrant plusieurs marques, et l’un des plus grands fournisseurs de marques à la mode pour hommes, femmes et enfants en Europe [au para 3].

[33]           Au moment où M. Poulsen a souscrit son affidavit, la Requérante était l’unique licenciée de Poulsen Holding dans le monde pour la Marque, et elle employait la Marque conformément aux normes établies par Poulsen Holding concernant les vêtements et accessoires pour femmes [au para 5].

[34]           M. Poulsen affirme que la Requérante a commencé à employer la Marque en liaison avec des vêtements et accessoires pour femmes au Danemark en 2004. Depuis, les vêtements et accessoires CREAM sont devenus l’une des marques phares de la Requérante. M. Poulsen affirme qu’aujourd’hui, la Marque est représentée dans presque toute l’Europe et dans plusieurs autres marchés, dont le Canada. On trouve des salles d’exposition où sont présentés des vêtements et accessoires en liaison avec la Marque à Copenhague, à Oslo, à Stockholm, à Helsinki, à Berlin, à Hambourg, à Stuttgart, à Francfort, à Munchen, à Salzbourg, à Paris, à Amsterdam, à Rome, à Barcelone, à Melbourne et à Montréal [au para 6].

[35]           M. Poulsen affirme que les vêtements et accessoires de marque CREAM sont vendus dans des magasins de détail situés partout en Europe, au Canada et ailleurs. Plus particulièrement, la Requérante a employé la Marque en liaison avec des vêtements et accessoires pour femmes sur le marché canadien depuis au moins 2011. M. Poulsen explique que la Marque figure bien en vue sur l’étiquette du produit et l’étiquette du vêtement, et ce, pour tous les vêtements et accessoires de marque CREAM vendus au Canada [au para 10].

[36]           M. Poulsen affirme que Double J Fashion Group (2013) Inc (Double Fashion) est le distributeur canadien des vêtements et accessoires de marque CREAM pour la Requérante. Il affirme que depuis juin 2011, Double J Fashion distribue ces produits aux détaillants de vêtements partout au Canada. Depuis 2011, Double J Fashion présente également des vêtements et accessoires de marque CREAM dans ses salles d’exposition de gros à Vancouver, à Toronto et à Montréal [au para 11].

[37]           M. Poulsen affirme qu’en date de juin 2014, on comptait 53 détaillants au Canada qui vendaient les vêtements et accessoires de marque CREAM de la Requérante. Les vêtements et accessoires de marque CREAM de la Requérante qui sont vendus par l’entremise de détaillants canadiens comprennent des vestes, des blousons, des cardigans, des foulards, des gilets, des châles, des leggings, des bas, des collants, des pantalons, des jupes, des robes, des sous-vêtements, des chemises, des hauts, des tuniques, des chemisiers, des tee-shirts, des sacs, des ceintures, des chaussures, des sandales, des tuniques et des jupes [au para 12].

[38]           M. Poulsen affirme que le total des ventes canadiennes de vêtements et d’accessoires en liaison avec la Marque, faites par la Requérante à Double J Fashion depuis 2011, dépasse 690 000 €. Les ventes canadiennes de vêtements et accessoires en liaison avec la Marque, faites par des détaillants canadiens au public, sont estimées à plus de 600 000 CAD pour l’année 2013 [au para 13].

[39]           M. Poulsen affirme que la Requérante exploite aussi un site Web et une boutique en ligne pour ses vêtements et accessoires de marque CREAM à l’adresse www.cream-clothing.com, accessible au Canada. Le site Web est exploité depuis au moins aussi tôt qu’avril 2005. Depuis 2005, on a comptabilisé 845 000 visites sur ce site Web, dont plus de 15 000 visites de Canadiens [au para 7].

[40]           M. Poulsen affirme que les vêtements et accessoires de marque CREAM présentés et vendus sur le site Web www.cream-clothing.com comprennent des sous-vêtements, des hauts/tee-shirts, des chemisiers, des robes/tuniques, des pantalons, des jupes, des cardigans/gilets, des blousons/vestes, des chaussures, de la lingerie, des ceintures, des sacs, des foulards et des produits en cuir. La Marque figure dans le coin supérieur gauche de chaque page Web individuelle et se trouve également dans le nom des produits et les images des étiquettes des vêtements [au para 8].

[41]           M. Poulsen affirme que les ventes en ligne de vêtements et accessoires arborant la Marque à partir du site Web www.cream-clothing.com ont été faites dans au moins 23 pays du monde, dont le Canada. Lorsqu’un client au Canada ou ailleurs reçoit un produit acheté en ligne sur un tel site Web, la Marque est apposée sur l’étiquette du produit, l’étiquette du vêtement et la facture d’expédition [au para 9].

[42]           À l’appui de ses déclarations d’emploi de la Marque, M. Poulsen joint les pièces suivantes à son affidavit :

-          la pièce A, qui consiste en des copies d’écran actuelles tirées du site Web www.cream-clothing.com [au para 7];

-          la pièce B, qui consiste en une photo d’une chemise de marque CREAM, arborant la Marque telle qu’elle est employée au Canada [au para 10];

-          la pièce C, qui consiste en des copies des catalogues Automne 2011, Automne 2012, Automne 2013 et Automne 2014 qui, selon ce qu’atteste M. Poulsen, sont distribués aux détaillants partout au Canada par Double J Fashion [au para 14]. M. Poulsen ajoute que les catalogues mode de marque CREAM sont également offerts en ligne sur le site Web www.cream-clothing.com.

[43]           En somme, je suis convaincue, après examen de l’affidavit de M. Poulsen et des pièces qui l’accompagnent, que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec des vêtements et accessoires pour femme.

[44]           Avant de passer au facteur suivant, je tiens à mentionner que la Requérante a aussi produit une certaine preuve d’emploi de la Marque au Canada par voie de l’affidavit Sebastian-Crone. Le 9 juillet 2014, Mme Sebastian-Crone a fait l’achat en ligne sur le site Web de la Requérante d’un haut long de marque CREAM [voir les para 4 à 8 et les pièces C à G jointes].

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[45]           Comme il a été indiqué précédemment, la preuve d’emploi de la marque de commerce CREAM SODA Dessin introduite par voie de l’affidavit de M. Prizant n’est pas claire, et ce, à de nombreux égards. Elle ne me permet pas de tirer une conclusion valable relativement à la période d’emploi au Canada, le cas échéant, de la marque de commerce CREAM SODA Dessin. Bien que l’enregistrement de la marque de commerce CREAM SODA Dessin de l’Opposante revendique l’emploi de la marque en liaison avec des vêtements de sport junior depuis octobre 1083, il ne démontre pas à lui seul l’emploi de la marque de l’Opposante en liaison avec ces produits. En effet, la simple existence d’un enregistrement établit tout au plus un emploi minimal et ne permet pas de conclure à un emploi continu de la marque [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1992), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[46]           À titre de comparaison, l’affidavit de M. Poulsen démontre que la Requérante a commencé à employer la Marque en liaison avec des vêtements et accessoires pour femmes au Canada en juin 2011, et que cet emploi se poursuit de façon continue depuis cette date.


 

Le genre de produits, services ou entreprises; et la nature du commerce

[47]           Pour évaluer le genre des produits, services ou entreprises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits et services qui figure dans la demande de la Requérante avec l’état déclaratif des produits qui figure dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[48]           Il est évident qu’il y a un recoupement entre les vêtements de sport junior de l’Opposante et les produits (1) de la Requérante qui englobent des vêtements pour femmes. Ces produits s’inscrivent tous deux dans la catégorie des vêtements. Dans le même ordre d’idée, les voies de commercialisation correspondantes sont les mêmes, ou sont semblables, en ce sens que les vêtements respectifs des parties sont tous vendus dans divers magasins de détail situés partout au Canada. Le fait que les vêtements des parties visent un groupe démographique différent (« vêtements de sport junior » par rapport à « vêtements mode pour femmes ») n’est pas déterminant, puisque les vêtements de sport junior de l’Opposante, du type illustré en pièce 4 de l’affidavit de M. Prizant, seront probablement achetés en compagnie d’un adulte.

[49]           De même, j’estime que les voies de commercialisation des produits (1) de la Requérante et celles des produits de l’Opposante se recoupent, au vu de la preuve produite par M. Poulsen. Comme il a été mentionné précédemment, la Requérante est une « marque à la mode ». Les vêtements et accessoires de la Requérante sont présentés dans les mêmes salles d’exposition et le distributeur de la Requérante les a vendus aux mêmes détaillants canadiens.

[50]           Cependant, la plupart des produits (1) de la Requérante ne sont liés à aucun des produits de l’Opposante, et il en est de même pour l’ensemble des services de la Requérante. En l’absence de preuve du contraire, il est raisonnable de conclure que leurs voies de commercialisations correspondantes seraient également différentes.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[51]           Comme l’a fait observer la Cour suprême dans Masterpiece, précitée, au paragraphe 49, [traduction] « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu [à l’article] 6(5) [de la Loi] [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ».

[52]           En outre, comme je l’ai mentionné précédemment, il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, [traduction] « [m]ême s'il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 1998, CanLII 9052 (CAF), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Même si le premier mot ou la première partie d’une marque de commerce sont généralement les plus importants au chapitre de la distinction, l’approche à privilégier consiste à se demander d’abord si la marque de commerce présente un aspect particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, précitée, au para 64].

[53]           M’appuyant sur ces principes, j’estime qu’il existe, en l’espèce, des différences significatives entre les marques des parties.

[54]           Comme l’a démontré la Requérante par voie de l’affidavit de Mme Sebastian-Crone, les termes « cream » (crème) et « cream soda » (boisson gazeuse à la vanille) ont une signification différente dans les dictionnaires et suggèrent des idées différentes.

[55]           Plus particulièrement, le terme « cream soda » a un sens précis et unique; il s’agit d’une [traduction] « boisson gazeuse à saveur de vanille ». [voir parmi les définitions produites en pièces I, J et K de l’affidavit de Mme Sebastian-Crone, la définition que donne le The Canadian Oxford Dictionary, en pièce I].

[56]           Par ailleurs, le terme « cream » a plusieurs significations, dont aucune ne recoupe la définition de « cream soda ». Voici différents exemples de définitions du terme « cream » :

-          matière grasse du lait qui s’accumule sur le dessus...

-          partie de quelque chose qui présente la plus grande qualité...

-          préparation onctueuse...

-          couleur jaune très pâle ou blanc cassé

-          soupe ou sauce contenant du lait ou de la crème

-          sherry riche, doux et sucré

-          vaincre de façon décisive

-          battre à fond

[voir les pièces I, J et K].

[57]           Je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’ajout de l’élément « SODA » dans la marque de commerce de l’Opposante crée un mot et une signification complètement différents. Comme il a été souligné ci-dessus, le terme « cream soda » a un sens précis et unique. Je note à cet égard que l’observation de l’avocat de l’Opposante à l’audience, à savoir que celle-ci ne savait pas que le terme « cream soda » désigne une boisson gazeuse sucrée, n’est pas pertinente, étant donné la signification claire de ce terme dans le dictionnaire.

[58]           En l’espèce, les deux mots « CREAM SODA » sont frappants. Le mot « CREAM  ne domine pas le mot « SODA », ni inversement.

[59]           Encore ici, on voit des différences importantes entre les marques des parties sur le plan de la présentation et du son, ainsi que dans les idées qu’elles suggèrent.

Autres circonstances de l’espèce

Coexistence des marques des parties sur le marché

[60]           La Requérante fait valoir que les marques des parties coexistent sur le marché Canadien depuis juin 2011, et qu’aucune preuve de cas de confusion réelle entre les marques n’a été produite par l’Opposante.

[61]           Dans l’affaire Dion Neckwear, précitée, la Cour a commenté comme suit la question de la coexistence :

[traduction]
En ce qui concerne l’insuffisance des éléments de preuve présentés par l’opposante au sujet de cas concrets de confusion, le registraire s’est dit d’avis qu’un opposant n’a pas à produire ce genre de preuve. C’est vrai en théorie, mais lorsque le requérant a présenté certains éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure à l’absence de risque de confusion, l’opposant court un grand danger si, se fiant à la charge de la preuve imposée au requérant, il présume qu’il n’a pas à produire de preuves au sujet de la confusion. Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion. (Voir les décisions Pink Panther [Beauty Corp. c. United Artists Corp., 1998 CanLII 9052 (CAF), [1998], 80 CPR (3d) 247 (CAF)]; Multiplicant Inc. c. Petit Bateau Valton S.A. (1994), 55 CPR (3d) 372 (CF 1re inst); Bally Schuhfabriken AG/Bally’s Shoe Factories Ltd. c. Big Blue Jeans Ltd. (1992), 41 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 CPR (3d) 356 (CF 1re inst)).

[62]           Je note que l’affidavit de M. Poulsen n’indique pas si des cas réels de confusion ont été portés à l’attention de la Requérante. Quoi qu’il en soit, puisque la preuve ne me permet pas de tirer une conclusion valable au sujet de la période d’emploi ou de l’étendue de l’emploi de la marque de commerce CREAM SODA Dessin de l’Opposante, je ne peux pas non plus tirer de conclusion valable relativement à l’absence de cas réels de confusion. En effet, en l’absence de preuve démontrant que les produits des parties coexistent réellement sur le marché, il n’est pas étonnant qu’il n’y ait pas de preuve de cas réels de confusion.

État du registre

[63]           La Requérante fait valoir que la preuve de l’état du registre produite par voie de l’affidavit de Mme Buckingham laisse entendre qu’il faut appliquer une protection très étroite à la marque de commerce CREAM SODA Dessin de l’Opposante.

[64]           Une preuve de l’état du registre sert à montrer le caractère commun ou le caractère distinctif d’une marque ou d’une partie d’une marque par rapport à l’ensemble des marques figurant au registre. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut en dégager des conclusions sur l’état du marché, et l’on ne peut tirer de conclusions sur l’état du marché que si l’on relève un nombre significatif d’enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[65]           En l’espèce, la  Requérante fait valoir que l’affidavit de Mme Buckingham démontre 26 occurrences de l’élément « cream » dans des enregistrements et demandes d’enregistrement de marques de commerce en vigueur en liaison avec des vêtements [voir la pièce  B jointe]. La Requérante ajoute que lorsque la recherche a été effectuée pour l’ensemble des produits et services non liés aux aliments, 160 enregistrements et demandes d’enregistrement ont été recensés [voir la pièce C jointe].

[66]           À l’audience, la Requérante a attiré mon attention sur cinq des enregistrements et deux des demandes d’enregistrements en suspens divulgués dans la pièce A de l’affidavit de Mme Buckingham, qui étaient principalement liés à des vêtements et qui, selon ce que soutient la Requérante, sont les plus pertinents. Cependant, je note que les deux demandes en question n’ont pas été accueillies. Quant aux cinq enregistrements, ils ne représentent pas un nombre suffisant pour tirer une conclusion sur l’état du marché. Quoi qu’il en soit, je ne considère pas cette circonstance supplémentaire comme étant nécessaire pour trancher en faveur de la Requérante.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[67]           Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Dion Neckwear, précitée, à la page 163, [traduction] « il n’est pas nécessaire que [le registraire] soit convaincu hors de tout doute qu’il n’y a aucun risque de confusion. Si la norme de preuve “hors de tout doute” devait s’appliquer, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu’en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare ».

[68]           Compte tenu de mon analyse ci-dessus, j’estime que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce CREAM SODA Dessin de l’Opposante ne serait pas porté à conclure que les produits et services de la Requérante proviennent de la même source ou sont autrement apparentés ou associés aux produits visés par l’enregistrement de l’Opposante.

[69]           J’estime que les différences entre les marques des parties sont déterminantes en soi et plus que suffisantes pour faire contrepoids aux facteurs qui sont favorables à l’Opposante en l’espèce. Ma conclusion est renforcée si je tiens compte des différences qui existent entre les services (1) et la plupart des produits (1) de la Requérante et les vêtements de l’Opposante.

[70]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.


 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement

[71]           L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au vu des dispositions de l’article 16(3)a) de la Loi, puisqu’à la date de production de la demande par la Requérante, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce CREAM SODA de l’Opposante et avait déjà été employée au Canada par l’Opposante.

[72]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif fondé sur l’article 16(3)a), un opposant doit démontrer que sa marque de commerce avait déjà été employée au Canada à la date de production de la demande du requérant, et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date d’annonce de la demande du requérant [article 16(5) de la Loi]. Tel qu’il appert de mon examen de l’affidavit de M. Prizant ci-dessus, on peut se demander si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve.

[73]           Même si je devais conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau, j’estimerais quand même que la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait d’établir qu’il n’existait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une ou l’autre des marques figuratives CREAM SODA de l’Opposante à la date de production de la demande de la Requérante.

[74]           En effet, bien que la différence entre les dates pertinentes affecte mon analyse ci-dessus au titre du motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité, en ce sens qu’il n’y avait eu aucun emploi de la Marque au Canada à la date pertinente servant à examiner le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a), je demeure d’avis que les différences qui existent entre la Marque et les marques figuratives CREAM SODA de l’Opposante suffisent à elles seules pour que je tranche en faveur de la Requérante.

[75]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)d) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement

[76]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas réellement et n’est pas adaptée à distinguer les produits et services de la Requérante des produits de l’Opposante.

[77]           Pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer que, à la date de production de sa déclaration d’opposition (en l’espèce, le 15 mars 2013), sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst)]. Tel qu’il appert de mon examen de l’affidavit de M. Prizant ci-dessus, on peut se demander si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve.

[78]           Même si je devais conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau, j’estimerais quand même que la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait d’établir qu’il n’existait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une ou l’autre des marques figuratives CREAM SODA de l’Opposante à la date de production de l’opposition, étant donné les différences importantes qui existent entre les marques des parties.

[79]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur la non-conformité

[80]           L’Opposante allègue que la demande contrevient à l’article 30e) de la Loi, parce qu’à la date de la production de la demande, la Requérante avait déjà employé la Marque au Canada en liaison avec les produits (1) et les services (1) énumérés dans sa demande, déclarant ainsi faussement qu’elle avait l’intention d’employer la Marque au Canada.

[81]           Plus particulièrement, l’Opposante s’appuie sur les déclarations de M. Poulsen aux paragraphes 7 et 9 de son affidavit, selon lesquels :

[traduction]
[la Requérante] exploite a un site Web et une boutique en ligne pour ses vêtements et accessoires de marque CREAM à l’adresse www.cream-clothing.com, accessible au Canada. Jointes en pièce A de mon affidavit figurent des copies d’écran actuelles tirées du site Web www.cream-clothing.com. [...] Depuis 2005, on a comptabilisé plus de 845 000 visites sur le site Web www.cream-clothing.com, y compris plus de 15 000 visites de Canadiens.

Les ventes en ligne de vêtements et accessoires arborant la [Marque] à partir du site Web www.cream-clothing.com ont été faites dans au moins 23 pays du monde, dont le Canada. Lorsqu'un client au Canada ou ailleurs reçoit un produit acheté en ligne sur le site Web www.cream-clothing.com, la marque de commerce CREAM est apposée sur l'étiquette du produit, l'étiquette du vêtement et la facture d'expédition.

[82]           La date pertinente pour l'appréciation de ce motif d'opposition est la date de production de la demande [voir Canadian National Railway Co c Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 (COMC)]. Étant donné que les faits concernant les intentions de la Requérante relèvent avant tout de la connaissance de la Requérante, le fardeau initial dont doit s'acquitter l'Opposante à l'égard de l'article 30e) est plus léger qu'à l'accoutumée [voir Molson Canada c Anheuser-Busch Inc (2003), 2003 CF 1287 (CanLII), 29 CPR (4th) 315 (CF 1re inst); Canadian National Railway Co c Schwauss, précitée; et Green Spot Co c JB Food Industries (1986), 13 CPR (3d) 206 (COMC)]. Pour s'acquitter de son fardeau initial à l'égard de l'article 30e), l'Opposante peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst)]. L'Opposante ne peut toutefois s'appuyer sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter de son fardeau initial que si elle démontre que la preuve de la Requérante vient mettre en doute les revendications contenues dans la demande de la Requérante [voir Molson Canda c Anheuser-Busch Inc, précitée; York Barbell Holdings Ltd c ICON Health and Fitness, Inc (2001), 13 CPR (4th) 156 (COMC); et Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323 aux para 30 à 38 (CanLII)]. J'estime que ce n'est pas le cas en l'espèce.

[83]           Les copies d'écran produites en pièce A sont ultérieures à la date pertinente servant à l'examen de ce motif d’opposition. Même si je devais considérer la preuve comme établissant l'état du site Web à la date pertinente, je note que les copies d'écran concernent toutes les produits (2) qui sont associés à l'emploi et à l'enregistrement à l'étranger, et non à l'emploi projeté. Donc, le simple fait que les vêtements (2) de la Requérante puissent avoir été annoncés sur le site Web de la Requérante ne vient aucunement mettre en doute l'exactitude des revendications énoncées dans la demande de la Requérante, sans compter que le simple fait d'afficher la Marque sur le site Web de l'Opposante ne permet pas en soi d'établir l'emploi de la Marque au Canada en liaison avec les vêtements de la Requérante, en vertu de l'article 4 de la Loi.

[84]           Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'article 30e) est rejeté.


 

Décision

[85]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


Traduction certifiée conforme
Sophie Ouellet, trad.a.

 

 


 

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2015-11-24

 

COMPARUTIONS

 

Claudette Dagenais                                                                 POUR L'OPPOSANTE

 

Melissa A. Binns                                                                      POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

DJB                                                                                          POUR L'OPPOSANTE


Gowling Lafleur Henderson LLP                                           POUR LA REQUÉRANTE

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