Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                       THE REGISTRAR OF TRADE‑MARKS

Référence : 2011 COMC 243

Date de la décision : 2011‑12‑06

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Bell ExpressVu Limited Partnership à l’encontre des demandes d’enregistrement nos 1,344,005 et 1,344,008 pour les marques de commerce xVu et xVu TV Care au nom de Mariner Partners Inc.

 

 

[1]               Le 19 avril 2007, Mariner Partners Inc. (la Requérante) a produit des demandes d’enregistrement pour les marques de commerce xVu et xVu TV Care (les Marques), fondées sur leur emploi au Canada depuis au moins le 16 octobre 2006, en liaison avec les marchandises et services suivants :

 

Un produit logiciel qui surveille la qualité des signaux de télévision vidéo et audio diffusés par Internet et le bon fonctionnement du matériel dans lequel le produit logiciel est installé et s’exécute (les Marchandises).

 

Installation et maintenance du produit logiciel qui surveille la qualité des signaux de télévision vidéo et audio diffusés par Internet et le bon fonctionnement du matériel dans lequel le produit logiciel est installé et s’exécute, en incluant les mises à jour (les Services).

 

[2]               Les demandes ont été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 28 mai 2008 (relativement à la demande no 1,344,005) et du 25 juin 2008 (relativement à la demande no 1,344,008).

 

[3]               Le 24 décembre 2008 et le 27 janvier 2009, Bell ExpressVu Limited Partnership (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de chacune des demandes susmentionnées. La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration niant les allégations de l’Opposante à l’égard de chacune des demandes. Le 21 juillet 2009, l’Opposante demandait l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée relativement à chacune des demandes; celle‑ci lui a été accordée le 8 décembre suivant. L’Opposante fait valoir dans les déclarations d’opposition modifiées que les demandes d’enregistrement contreviennent aux exigences de l’article 30 et des alinéas 12(1)d), 16(1)a) et 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), notamment parce que les Marques créent de la confusion avec les marques de commerce suivantes de l’Opposante : VU, VU!, VU! & Dessin, Vu! tv, Vu! tv & Dessin et EXPRESSVU, déjà enregistrées sous les nos LMCA631,491; LMC628,748; LMC628,899; LMC564,165; LMC564,164 et LMC454,727 respectivement (collectivement désignées comme les marques VU de l’Opposante), et employées au Canada par l’Opposante en liaison avec divers produits et services de télécommunications. Je joins à l’annexe A de ma décision les détails concernant les enregistrements de l’Opposante, qui sont tous antérieurs à la date de premier emploi des Marques alléguée par la Requérante.

 

[4]               À l’appui de chacune de ses oppositions, l’Opposante a déposé des copies certifiées des enregistrements susmentionnés ainsi que l’affidavit souscrit le 18 septembre 2009 par Bourke Marrison, directeur adjoint du marketing stratégique chez l’Opposante. J’emploierai le singulier pour désigner les deux affidavits de M. Marrison, qui sont à peu près identiques. À l’appui de chacune de ses demandes, la Requérante a déposé l’affidavit souscrit le 19 janvier 2010 par Marc Savoie, vice‑président de la gestion des produits chez la Requérante. Sauf indication contraire, je me référerai également aux deux affidavits de M. Savoie en utilisant le singulier.

 

[5]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et elles étaient présentes à l’audience.

 

Fardeau de preuve

 

[6]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de preuve en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Résumé de la preuve des parties

 

La preuve de l’Opposante – l’affidavit de M. Marrison

 

[7]               M. Marrison affirme que l’Opposante a été constituée en 1999, comme l’atteste une copie du rapport du CIDREQ jointe comme pièce B à son affidavit. Il ajoute que l’Opposante emploie et annonce ses marques VU en liaison avec l’ensemble des marchandises et services visés par les enregistrements dont il est fait mention ci‑dessus.

 

[8]               Plus précisément, M. Marrison déclare que l’Opposante offre des services de télécommunications et produits afférents, en liaison avec ses marques VU, depuis au moins 1994. Je mets en doute l’exactitude de cette date, qui précède la constitution en personne morale de l’Opposante et la date de premier emploi ou de déclaration d’emploi alléguée dans les enregistrements énumérés à l’annexe A, exception faite de l’enregistrement no LMC454,727, selon lequel la marque EXPRESSVU est employée depuis au moins 1994. Cela dit, après avoir consulté la base de données de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada sur les marques de commerce, je note que cette marque a d’abord appartenu à Bell ExpressVu Inc. avant que celle‑ci la cède à l’Opposante le 1er décembre 1999.

 

[9]               M. Marrison ajoute que l’Opposante offre ses services de télécommunications au moyen d’antennes paraboliques et de dispositifs de communication qui permettent aux clients de recevoir à domicile les signaux de télécommunications. L’Opposante offre notamment des services de radiodiffusion et de télédiffusion, la diffusion directe par satellite, la télévision à la carte ainsi que la diffusion et la distribution d’émissions de télévision sur le réseau mondial. Ces services sont proposés au moyen de programmes de télécommunications et de dispositifs fournis par l’Opposante et portant ses marques VU.

 

[10]           À l’appui de ces déclarations au sujet de l’emploi des marques, M. Marrison joint à son affidavit, comme pièces D et E respectivement, un dépliant publicitaire contenant de plus amples renseignements sur ses produits et services, publié par l’Opposante et distribué par cette dernière à ses abonnés, partout au Canada entre 2000 et 2003, ainsi que des exemplaires aléatoires de factures constatant des ventes de ces produits et services, effectuées par l’Opposante sous ses marques VU, entre 1999 et 2006. Ayant examiné le dépliant joint comme pièce D, je note qu’il y est fait mention des services de télévision à la carte de marque VU (et VU! & Dessin) de l’Opposante et de sa marque EXPRESSVU, qui apparaît un peu partout dans le document, et notamment sur les photographies d’une antenne parabolique, d’une trousse d’auto‑installation et d’un récepteur de signaux de satellite TVHD (télévision haute définition). Je constate également que les marques VU! et EXPRESSVU de l’Opposante figurent sur un grand nombre des factures jointes comme pièce E.

 

[11]           M. Marrison indique que l’Opposante annonce régulièrement ses produits et services en liaison avec ses marques VU dans divers médias au Canada. Les dépenses de publicité et de promotion pour les produits et services commercialisés sous ses marques au Canada pour les années 2004 à 2008 se chiffraient comme suit (en millions de dollars canadiens) : 2004 : 18,7; 2005 : 16,8; 2006 : 23,8; 2007 : 23,2 et 2008 : 24,4. À titre d’exemple, M. Marrison joint à son affidavit des échantillons de matériel publicitaire :

 

  • pièces F‑1 à F‑3 : copies papier du site Web www.bell.ca en 2004, 2007 et 2008, arborant les marques VU!, VU! & Dessin et EXPRESSVU de l’Opposante;
  • pièces G‑1 à G‑4 : copies papier de publicités dans lesquelles figurait la marque EXPRESSVU de l’Opposante et publiées entre 2003 et 2006 dans de grands journaux canadiens, tels que La Presse et le Toronto Sun, ou distribuées par l’Opposante elle‑même ou des détaillants comme Dumoulin et FutureShop;
  • pièces H‑1 et H‑2 : Guide de programmation publié par l’Opposante, distribué dans tout le Canada en 2005 et 2006 et portant ses marques VU! & Dessin et EXPRESSVU;
  • pièces I‑1 à I‑6 : divers documents publicitaires, concernant notamment i) les services de programmation télévisuelle VU! & Dessin, publiés et distribués par l’Opposante dans tout le Canada en 2001; ii) le magazine VU, avec des extraits publiés et distribués par l’Opposante dans tout le Canada en 2003 et 2004; iii) le bulletin EXPRESSVU distribué par l’Opposante à ses abonnés en 2007.

 

[12]           M. Marrison affirme qu’entre 1998 et 2008, la commercialisation au Canada des marques VU de l’Opposante en liaison avec ses produits et services de marque a généré les revenus suivants (année se terminant le 31 décembre) (en millions de dollars canadiens) : 1998 : 37; 1999 : 135,4; 2000 : 304,6; 2001 : 474,3; 2002 : 638,2; 2003 : 706,5; 2004 : 873,8; 2005 : 988,5; 2006 : 1 191,7; 2007 : 1 366,4 et 2008 : 1 513,2. Cependant, il ne présente pas de ventilation des ventes annuelles pour chacun des produits et services de l’Opposante.

 

[13]           Pour ce qui est des marques de la Requérante, M. Marrison indique qu’il a effectué des recherches sur son site Web, www.marinerpartners.com, et joint à son affidavit comme pièce K la copie papier d’un communiqué de presse daté du 6 novembre 2006, dans lequel la Requérante annonce sa [traduction] « solution de surveillance [xVu/xVu TV Care] pour la garantie de service IPTV [télévision sur protocole Internet] ». Je note que des copies de ce communiqué de presse ont également été produites par la Requérante dans l’affidavit de M. Savoie. J’y reviendrai plus tard dans ma décision lorsqu’il s’agira d’examiner les motifs d’opposition fondés sur l’article 30.

 

[14]           M. Marrison signale en outre que « XVU » est une « extension de fichier », par ailleurs associée à un système de surveillance hémodynamique offert par une tierce partie, comme en témoignent respectivement les documents joints à son affidavit, comme pièces L et M.

 

[15]           En conclusion, M. Marrison affirme qu’en raison de la durée de l’emploi, du volume important des ventes, de la multiplicité des marques englobant l’élément « VU » dans la famille des marques de commerce de l’Opposante et des dépenses considérables consacrées à la publicité et à la promotion, les marques VU de l’Opposante sont maintenant bien connues des consommateurs au Canada. Il estime en outre, compte tenu de son expérience et de la nature des marques VU de l’Opposante, que les Marques de la Requérante créeraient vraisemblablement de la confusion chez le consommateur canadien moyen. Je ne suis pas disposée à accorder du poids à ces déclarations : elles se rapportent à des questions de fait et de droit sur lesquelles il appartient au registraire de se prononcer en se fondant sur la preuve au dossier dans la présente instance.

 

La preuve de la Requérante – l’affidavit M. Savoie

 

[16]           M. Savoie indique que la Requérante est une entreprise pluridisciplinaire qui fait affaire et se spécialise dans le développement et l’usage de technologies de pointe dans l’industrie de l’IPTV, ce qui inclut notamment les technologies permettant aux fournisseurs de surveiller la qualité des services qu’ils offrent.

 

[17]           M. Savoie précise que la Requérante ne s’intéresse pas aux télécommunications ni à l’émission de signaux de télécommunications, que ce soit au moyen d’antennes paraboliques, de dispositifs de communication ou de tout autre type de système de distribution de télécommunications.

 

[18]           M. Savoie affirme que les demandes d’enregistrement des Marques ont été produites sur la base de leur utilisation par la Requérante depuis au moins le 16 octobre 2006, relativement à ses Marchandises et Services, en particulier la vente et la maintenance d’un produit logiciel qui surveille la qualité des signaux de télévision vidéo et audio diffusés par Internet et le bon fonctionnement du matériel dans lequel le produit logiciel est installé et s’exécute.

 

[19]           M. Savoie explique que la plateforme xVu /xVu TV Care a été mise au point par la Requérante et conçue pour des compagnies téléphoniques offrant un service de télévision numérique par lignes téléphoniques (télévision sur protocole Internet). Le produit logiciel décèle les problèmes susceptibles d’avoir une incidence sur la qualité des signaux de télévision audio ou vidéo du client, ce qui permet au fournisseur de services d’intervenir avant que le client s’en plaigne.

 

[20]           M. Savoie déclare que [traduction] « [l]a plateforme a été rendue disponible plusieurs mois avant son lancement officiel. » Il joint comme pièce B à son affidavit une copie de l’annonce du lancement officiel du produit logiciel de surveillance xVu /xVu TV Care datée du 6 novembre 2006. Ayant examiné chacun des documents joints comme pièce B aux affidavits de M. Savoie, je note que même si leur format est légèrement différent, leur contenu est identique et correspond au communiqué de presse intitulé [traduction] « Mariner Partners annonce la première solution de surveillance proactive de l’industrie pour la garantie de service IPTV » joint comme pièce K à l’affidavit de M. Marrison examiné précédemment. Comme je l’ai déjà indiqué, je reviendrai sur ce communiqué de presse dans le cadre de l’examen des motifs d’opposition fondés sur l’article 30.

 

[21]           M. Savoie affirme que la Requérante a fait de la publicité pour sa plateforme xVu /xVu TV Care dans l’industrie de l’IPTV et qu’elle a participé à plusieurs événements vitrine et forums en ligne pour présenter et promouvoir le produit et ses avantages. En guise d’exemples, il joint comme pièce C à son affidavit divers documents se rapportant à ces événements et forums. Ayant examiné la pièce C déposée au dossier no 1,344,005, je constate qu’il s’agit de photographies non datées de ce qui paraît être un kiosque de la Requérante dans un salon professionnel non identifié. Le kiosque arbore des affiches représentant la marque de commerce xVu, avec en dessous la formule [traduction] « garantie de service proactif ». Cette pièce contient également des copies de ce qui ressemble à une présentation intitulée [traduction] « xVu à l’usage des salles de presse, présentation de la solution » datée de novembre 2009 et décrivant la suite d’outils xVu de surveillance du service IPTV; toutefois, M. Savoie n’a pas précisé les modalités ou l’ampleur de sa diffusion. Je constate, après l’avoir examinée, que la pièce C déposée au dossier no 1,344,008 consiste en des pages imprimées provenant apparemment de divers sites Web de tierces parties, tels que Internet Telephony Magazine, TelecomEngine Telecommunications MediaGroup, etc., dans lesquelles il est fait mention du communiqué de presse de la Requérante, ou des articles la concernant. Je reviendrai sur ces pièces lors de l’examen du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). Qu’il me suffise de dire pour l’instant qu’à l’exception de la présentation de novembre 2009, je conviens avec l’Opposante que les documents produits sous la cote C ne constituent pas des exemples acceptables d’emploi des Marques au sens de l’article 4 de la Loi. Ces documents ne montrent pas comment les Marques sont employées en liaison avec les Marchandises lors du transfert de leur propriété ou de leur possession dans la pratique normale du commerce. Qui plus est, il ne s’agit pas à proprement parler d’annonces faisant la promotion des services de la Requérante, en effet, compte tenu du peu d’informations qu’ils contiennent sur la nature exacte des services proposés et en raison de leur nature, il ne s’agit pas de matériel publicitaire mais plutôt d’articles rapportant simplement des nouvelles au sujet de la Requérante.

 

[22]           M. Savoie indique que la publicité concernant les Marchandises et les Services de la Requérante visaient l’industrie de l’IPTV, étant donné que la plateforme xVu /xVu TV Care est un produit complexe et sophistiqué spécifiquement conçu pour les fournisseurs de services comme l’Opposante; la plateforme de l’Opposante n’est pas de nature à intéresser les consommateurs de télécommunications en général, et notamment la clientèle de l’Opposante. M. Savoie joint comme pièce D à son affidavit des annonces concernant les Marques. Ayant examiné la pièce D déposée au dossier no 1,344,005, je relève qu’elle consiste en un dépliant publicitaire non daté affichant la marque de commerce xVu, dont M. Savoie n’a pas précisé les modalités ou l’ampleur de la diffusion. Quant à la pièce D déposée au dossier no 1,344,008, il s’agit d’une page imprimée à partir du site Web de la Requérante datée du 4 avril 2007, et d’un prospectus non daté d’une page représentant la marque de commerce xVu TV Care. Encore une fois, M. Savoie n’en a pas précisé les modalités ni l’ampleur de la diffusion.

 

[23]           M. Savoie indique que la Requérante a réussi au fil des ans à cibler les fournisseurs de services IPTV en faisant valoir les avantages de la plateforme xVu et son succès, et qu’elle a de ce fait acquis une excellente réputation dans l’industrie. Il joint, comme pièce E à son affidavit versé au dossier no 1,344,005, une copie d’un communiqué de presse daté du 12 janvier 2009 qui se rapporte à une annonce de contrat entre la Requérante et l’un de ses clients.

 

[24]           M. Savoie affirme que la marque de commerce xVu /xVu TV Care apparaît à plusieurs reprises sur les écrans du produit logiciel, comme en attestent des captures d’écrans jointes à son affidavit. J’ai examiné les pièces F et E, respectivement déposées aux dossiers no 1,344,005 et no 1,344,008 : les écrans ici reproduits montrent effectivement les Marques. La marque de commerce xVu TV Care semble être associée à [traduction] « [l’]application libre‑service HomeVu  » de la Requérante, décrite en ces termes :

 

[traduction] [Une] application intuitive de détection des pannes [qui] permet aux téléspectateurs d’utiliser eux‑mêmes des outils de diagnostic pour rechercher et résoudre sans aide les problèmes liés à la prestation des services vidéo au moyen de l’écran de télévision. L’accès est immédiat et ne requiert aucune assistance du fournisseur.

 

[25]           En ce qui concerne plus particulièrement la plateforme xVu TV Care, M. Savoie indique que la Requérante offre des services d’installation et de maintenance pour les produits logiciels. À cet égard, il joint comme pièce F à son affidavit, versé au dossier no 1,344,008, l’imprimé d’un sommaire des tâches d’un employé de la Requérante. Il précise que cette dernière fournit, par le truchement de son site Web et de ses dépliants publicitaires, des détails et des explications sur ses marchandises et services, notamment le xVu; il joint d’ailleurs comme pièce G à son affidavit dans le dossier no 1,344,005 des pages imprimées à partir du site Web de la Requérante ainsi que divers dépliants publicitaires. L’un d’entre eux est intitulé : [traduction] « Gardez vos téléspectateurs satisfaits, avec la garantie de service xVu »; la plateforme xVu y est notamment décrite comme [traduction] « une application libre‑service à domicile [qui] permet au téléspectateur d’interagir avec le fournisseur pour signaler des difficultés, de diagnostiquer lui‑même des problèmes de service télévisuel, et de recevoir des messages ayant trait au service ou des offres de marketing interactives ». Je reviendrai sur ce point lorsqu’il sera question de la nature des marchandises et des services des parties et de la nature du commerce relativement à l’application du test en matière de confusion.

 

[26]           Quant aux marques de l’Opposante, M. Savoie affirme que [traduction] « [l]a Requérante les connaissait lorsque le[s] demande[s] d’enregistrement des [Marques ont été] déposées auprès de [l’OPIC], mais estime que leurs visées sont différentes, qu’elles ne ciblent pas du tout la même clientèle et n’empruntent pas les mêmes voies commerciales. » Il ajoute que l’usage du logiciel xVu /xVu TV Care et toutes les technologies connexes se distinguent en fin de compte des Marques et des produits de l’Opposante.

 

[27]           M. Savoie conclut son affidavit en déclarant qu’au cours des dernières années, la Requérante s’est bâti une solide réputation parmi les fournisseurs de services IPTV, à l’échelle nationale et internationale. Il estime qu’aucune confusion n’existe ou n’est possible entre les Marques de la Requérante et celles de l’Opposante. Selon lui, il est en autre improbable que les consommateurs ordinaires qui connaissent les Marchandises et Services mis au point et offerts par la Requérante puissent déduire qu’ils sont associés à l’Opposante. Je ne suis pas disposée à accorder du poids aux déclarations de M. Savoie : elles se rapportent à des questions de fait et de droit sur lesquelles il appartient au registraire de se prononcer en se fondant sur la preuve au dossier dans la présente instance.

 

Analyse des motifs d’opposition

 

[28]           Les motifs d’opposition relatifs aux alinéas 12(1)d), 16(1)a) et 38(2)d) concernent la probabilité de confusion entre les Marques et les marques VU de l’Opposante. Comme j’estime que le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) s’appuie sur des arguments qui favorisent davantage l’Opposante, j’évaluerai d’abord quel est le risque de confusion au titre de ce motif.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)d)

 

[29]           L’Opposante soutient que les Marques ne sont pas enregistrables en raison de l’alinéa 12(1)d) de la Loi en ce sens qu’elles créent de la confusion avec les marques déposées VU de l’Opposante, dont il est fait mention plus haut.

 

[30]           La date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est celle de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

[31]           Comme je l’ai déjà indiqué, l’Opposante a produit des copies certifiées des enregistrements susmentionnés. En vertu du pouvoir discrétionnaire conféré au registraire, je confirme qu’ils sont en règle en date d’aujourd’hui. Comme les enregistrements de l’Opposante existent, celle‑ci s’est acquittée du fardeau initial lié à ce motif d’opposition.

 

[32]           La Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion entre les Marques et l’une ou l’ensemble des marques VU de l’Opposante.

 

[33]           Le test en matière de confusion est une affaire de première impression et de vagues souvenirs. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises qui leur sont associées sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[34]           Au moment d’appliquer le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances, notamment celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. La liste n’est pas exhaustive et les différents facteurs se verront accorder une importance variable suivant le contexte [voir Mattel, Incc. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), pour une discussion approfondie des principes généraux régissant le critère relatif à la confusion].

 

a) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[35]           La Requérante fait valoir que les Marques ont un caractère distinctif inhérent et qu’elles sont devenues connues dans le domaine d’affaires dans lequel elles sont utilisées. Elle soutient en particulier que même si les marques ne possèdent pas de caractère distinctif inhérent très marqué, elles sont devenues connues grâce à leur emploi et à leur promotion directe auprès de fournisseurs de services de télévision sur protocole Internet dans tout le Canada, et que leur singularité vient de ce qu’elles sont désormais bien connues dans cette industrie spécialisée. Quant aux marques VU de l’Opposante, la Requérante reconnaît (indirectement dans l’affidavit de M. Savoie ainsi que dans les observations présentées à l’audience) qu’elles ont généralement été employées pendant plusieurs années en liaison avec des services de télévision, et notamment la diffusion de signaux de télévision et la programmation télévisuelle, et qu’une certaine clientèle est donc attachée aux marques de l’Opposante. Cependant, la Requérante fait valoir que les marques VU de l’Opposante ne peuvent pas être considérées comme des marques célèbres méritant une protection allant au‑delà des marchandises et services spécifiques pour lesquels elles ont été enregistrées.

 

[36]           L’Opposante soutient pour sa part que même si l’élément « VU » présent dans les marques de toutes les parties peut être tenu pour suggestif dans le contexte des produits et des services télévisuels, on ne peut en dire autant des termes « vision » ou « view ». À ce titre, les marques des parties ont un certain caractère distinctif inhérent. En outre, l’Opposante ajoute que, si l’on considère de façon globale ce premier facteur, la mesure dans laquelle ses marques VU sont devenues connues au Canada (avec des ventes s’élevant à des milliards de dollars au pays) joue indubitablement en sa faveur compte tenu de la preuve de la Requérante sur l’emploi des marques. Je suis en partie d’accord avec elle.

 

[37]           J’estime que le caractère distinctif inhérent des marques des parties en ce qui concerne les marchandises et les services qui leur sont associés est plutôt faible et à peu près équivalent. Cependant, l’examen qui précède de la preuve au dossier m’incite à conclure que les marques VU de l’Opposante (à l’exception des marques Vu! tv et Vu! tv & Dessin dont je traite plus loin) sont plus enracinées et sont devenues très connues au Canada en rapport avec des produits et des services télévisuels.

 

[38]           Bien que M. Marrison n’ait pas présenté de ventilation des ventes annuelles pour chacun des produits et services de l’Opposante, je suis convaincue, après avoir examiné son affidavit et les pièces déposées en annexe, que les marques EXPRESSVU, VU! et VU! & Dessin de l’Opposante ont donné lieu à un emploi et une publicité considérables en liaison avec la plupart, sinon la totalité, des marchandises et services visés par les enregistrements nos LMC454,727, LMC628,748 et LMC628,899, depuis au moins 1999 pour la marque EXPRESSVU et 2000‑2001 pour les marques VU! et VU! & Dessin. Plus de 8 milliards de dollars de revenus ont été générés entre 1998 et 2008, et plus de 106 millions de dollars ont été dépensés pour la publicité et la promotion des produits et services de l’Opposante au Canada de 2004 à 2008, ce qui m’amène à conclure que lesdites marques de l’Opposante, et en particulier la marque EXPRESSVU, sont devenues bien connues, voire célèbres, au Canada.

 

[39]           Ceci dit, je ne suis pas disposée à conclure que les marques Vu! tv et Vu! tv & Dessin de l’Opposante enregistrées sous les nos LMC564,165 et LMC564,164 jouissent du même niveau de reconnaissance, car cette dernière n’a pas fait la preuve de leur emploi et de leur publicité au Canada. Comme l’examen de l’affidavit de M. Marrison l’a montré, aucune des pièces au dossier ne se rapporte à ces deux marques. La seule existence de ces deux enregistrements peut tout au plus établir un emploi de minimis des marques de commerce de l’Opposante [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Mondial Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)]

 

[40]           Par comparaison, l’affidavit M. Savoie ne nous apprend pas vraiment dans quelle mesure les Marques de la Requérante ont été employées et sont devenues connues au Canada. M. Savoie affirme simplement que la Requérante a pu se bâtir une réputation solide parmi les fournisseurs de services IPTV, à l’échelle nationale et internationale, mais il ne fournit ni chiffres de vente ou de marketing, ni copies de factures, ni renseignements sur les modalités et l’ampleur de la diffusion des divers spécimens de dépliants publicitaires qu’il a produits. Même en admettant qu’on puisse prétendre que ces dépliants (qui comprennent des captures d’écrans montrant le produit logiciel xVu /xVu TV Care) et annonces, dont il a été question précédemment, indiquent que les Marques ont été employées en liaison avec les Marchandises et les Services depuis novembre 2006, je peux difficilement attribuer une réputation aux Marques.

 

[41]           Pour résumer, ce premier facteur favorise l’Opposante pour ce qui est de ses marques EXPRESSVU, VU! et VU! & Dessin en raison du caractère distinctif qu’elles ont acquis.

 

b) La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

[42]           Pour les motifs énoncés précédemment, ce facteur est également favorable à l’Opposante.

 

c) Le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

 

[43]           L’examen des marchandises et des services et de la nature du commerce des parties se fait en comparant l’état déclaratif des Marchandises et des Services de la Requérante avec celui que contiennent les enregistrements de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); et Mr. Submarine Ltdc. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Toutefois, l’examen des états déclaratifs vise à déterminer le genre d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non tous les types de commerces susceptibles d’être visés par le libellé. La preuve établissant la nature réelle des activités commerciales des parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); et American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

[44]           La Requérante fait valoir que la preuve au dossier établit clairement que les parties ont des visées d’affaires totalement différentes. Elle soutient notamment que la distribution de signaux de télévision et la programmation télévisuelle constituent les marchandises et services associés aux marques VU de l’Opposante, soit des domaines dans lesquels elle n’œuvre pas. Les produits qu’elle offre ne sont pas conçus pour la clientèle de l’Opposante, mais pour des compagnies, comme l’Opposante elle‑même, qui distribuent des signaux de télévision par Internet.

 

[45]           L’Opposante soutient pour sa part qu’il n’est pas nécessaire que les parties soient en concurrence pour la vente de leurs marchandises et services. Comme le précise le paragraphe 6(5) de la Loi, il peut y avoir confusion, « que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale ». C’est particulièrement vrai des marques fortes, dans la mesure où la distinction entre les marchandises et les services et la nature du commerce des marques concurrentes devient moins pertinente. L’Opposante affirme du reste que les domaines d’activités des parties ne sont pas aussi éloignés que le prétend la Requérante. Les marchandises et les services de l’Opposante comprennent un logiciel informatique destiné à la radiodiffusion par satellite et la distribution d’un signal de télévision. Elle ajoute qu’il importe peu de savoir si cette distribution se fait par satellite ou par Internet. Elle souligne d’ailleurs que l’enregistrement no LMC454,727 inclut « services de données vocales, de textes et de vidéos à mouvement complet et combinaison de services par voie de signalisation par satellite et par autres technologies » et [traduction] « [la] télédiffusion et [la] distribution d’émissions de télévision au moyen du réseau mondial (Internet) ». Les enregistrements nos LMC564,164 et 564,165 se rapportent en outre à des « [s]ervices de vidéotransmission d’entreprise » destinés aux entreprises.

 

[46]           En ce qui concerne plus particulièrement les voies commerciales des parties, l’Opposante fait remarquer que la pièce E jointe à l’affidavit M. Savoie dans le dossier no 1,344,008 explique que la plateforme xVu TV Care offre [traduction] « [d]es outils interactifs permettant au téléspectateur de se servir de sa télévision pour signaler des problèmes liés au service ou s’en informer […]. » Grâce à ces caractéristiques, le téléspectateur peut [traduction] « [i]nteragir avec le fournisseur par le biais de la télévision pour suivre les étapes de résolution du problème et planifier les appels de service. » Comme je l’ai noté plus tôt en examinant la pièce G jointe à l’affidavit de M. Savoie dans le dossier no 1,344,005, la plateforme xVu est aussi censée inclure [traduction] « une application libre‑service à domicile [qui] permet au téléspectateur d’interagir avec le fournisseur pour signaler des difficultés, de diagnostiquer lui‑même des problèmes touchant le service télévisuel, et de recevoir des messages ayant trait au service ou des offres de marketing interactives ». Comme l’a souligné l’Opposante, le téléspectateur (ou utilisateur final) de la plateforme xVu /xVu TV Care de la Requérante est exposé aux Marques, celles‑ci étant représentées sur son écran de télévision. Elle soutient par ailleurs qu’il existe un lien entre les activités commerciales des parties en ce sens que les Marchandises et les Services de la Requérante ciblent les fournisseurs de services de télévision comme l’Opposante.

 

[47]           Je saisis l’argument défendu par la Requérante à l’audience selon lequel la plateforme xVu /xVu TV Care n’est pas vendue dans les magasins de détail et elle constitue un produit très sophistiqué qui ne peut être installé que par les fournisseurs de services comme l’Opposante, mais je tends à souscrire à la thèse de l’Opposante et à conclure que les produits et services des parties se chevauchent dans une certaine mesure. Les Marchandises et les Services de la Requérante se rapportent à la surveillance de la qualité des signaux de télévision vidéo et audio alors que ceux de l’Opposante comprennent un logiciel informatique destiné à la diffusion par satellite ainsi que des services de télédiffusion et de radiodiffusion. Bien que les Marchandises et les Services de la Requérante soient conçus pour l’industrie de l’IPTV plutôt que pour la télévision traditionnelle (satellite et câble), le fait est qu’ils sont destinés à des fournisseurs de services comme l’Opposante, et qu’ils profitent en fin de compte aux mêmes utilisateurs finaux qui se trouvent exposés aux marques lorsqu’ils se servent de l’application de service autonome xVu /xVu TV Care à domicile.

 

e) Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

[48]           La Requérante soutient que même si elle utilise comme l’Opposante le terme « VU » dans ses marques de commerce, les Marques ne suggèrent pas les mêmes idées que les marques VU de l’Opposante. La Requérante s’appuie notamment sur l’arrêt Mattel, précité, dans lequel la Cour suprême a déclaré qu’« il faut accorder une certaine confiance au consommateur moyen », c’est‑à‑dire garder à l’esprit que certains mots courants sont généralement connus des Canadiens. La Requérante soutient que non seulement il n’existe aucun lien en l’occurrence entre ses Marchandises et Services et ceux de l’Opposante, mais qu’il y a entre les marques des différences spécifiques comme la taille des lettres et le nom.

 

[49]           Je tiens à préciser que la citation précédente, tirée de l’arrêt Mattel, concernait la perspective dans laquelle s’apprécie la probabilité d’une « conclusion erronée » plutôt que la question de savoir quels termes sont généralement connus des Canadiens. Je ferais également remarquer qu’à l’exception des dessins de marque de l’Opposante visés par les enregistrements nos LMC628,899 et LMC564,164, la taille des lettres utilisée par les parties n’est pas un facteur censé « remplacer complètement l’examen d’autres emplois qui pourraient être faits en conformité avec l[es] enregistrement[s] » [voir Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011) 92 C.P.R. (4th) 361 (CSC), au paragraphe 59]. Comme les Marques, visées par les demandes, et celles de l’Opposante, visées par les enregistrements nos LMC631,491, LMC628,748, LMC564,165 et LMC454,727, sont des mots servant de marques, les parties ont le droit d’employer les mots en question dans la taille, le style de lettres, la couleur ou le motif de leur choix. Comme l’a rappelé la Cour suprême dans l’arrêt Masterpiece, « l’emploi ultérieur, dans le champ d’application d’un enregistrement, d’une marque déposée identique ou très semblable à une marque qui existe déjà montrera comment la marque déposée peut être utilisée d’une manière qui crée de la confusion avec celle‑ci. »

 

[50]           La Requérante soutient pour sa part que les termes « TV Care » n’ajoutent rien au caractère distinctif inhérent de la marque xVu TV Care visée par la demande. Leur seul effet, s’il en est, est d’établir un rapprochement entre la marque de commerce xVu TV Care de l’Opposante et les marchandises et services qui lui sont associés et ses marques VU compte tenu du caractère descriptif des termes « TV Care » en ce qui concerne les Marchandises et les Services. L’Opposante prétend du reste que le terme « xVu », qui fait partie de la marque xVu TV Care, et qui constitue la marque xVu, toutes deux visées par les demandes, ressemblent phonétiquement à sa marque EXPRESSVU. L’Opposante allègue à cet égard que l’élément « VU », présent dans les marques de chacune des parties, est l’élément dominant des marques en question.

 

[51]           Je conviens avec l’Opposante que l’élément « VU » est la composante dominante de toutes les marques des parties. À ce titre, j’estime qu’il existe une bonne ressemblance entre chacune des marques visées par les demandes et chacune des marques VU de l’Opposante. Il faut rappeler qu’à l’audience la Requérante a reconnu qu’il y avait des similarités entre les marques des parties tout en soulignant qu’elles n’étaient pas identiques. En ce qui concerne plus particulièrement la marque xVu TV Care visée par la demande, j’estime que le degré de ressemblance est plus important si on la compare aux mots servant de marques de l’Opposante Vu! tv et EXPRESSVU. Quant à la marque xVu visée par la demande, je trouve le degré de ressemblance plus élevé si on la compare aux mots servant de marques VU; VU! et EXPRESSVU de l’Opposante.

 

[52]           En ce qui concerne plus particulièrement le degré de ressemblance entre chacune des Marques visées par les demandes et la marque EXPRESSVU de l’Opposante, je conviens avec cette dernière que la lettre « X » qui se trouve au début de chacune des Marques des demandes et les lettres « EX » formant la première partie du mot EXPRESS de la marque de l’Opposante sont identiques sur le plan du son. J’estime en outre que l’idée suggérée par chacune des Marques demandées dans le contexte des Marchandises et des Services est celle d’un produit ou d’un service qui améliore la qualité de l’image de télévision car la combinaison de la lettre « X » avec le mot français « VU » évoque assez l’idée de « extra vu ». J’estime dès lors qu’il existe une ressemblance suffisante avec l’idée véhiculée par la marque EXPRESSVU de l’Opposante, laquelle suggère, dans le contexte de ses marchandises et services, la distribution d’un signal et d’une image de télévision sans faille.

 

Circonstances additionnelles

 

[53]           À titre de circonstance additionnelle, l’Opposante soutient qu’en présence d’une famille de marques, le risque est plus grand que le public considère un autre mot de la famille comme un autre produit ou service fabriqué ou offert par la même personne qui a produit les marchandises et services en liaison avec lesquels la famille de marques est employée.

 

[54]           Dans les instances d’opposition, on ne saurait présumer de l’existence d’une famille de marques. La partie qui cherche à établir ce fait doit prouver qu’elle emploie plus d’une ou deux marques de commerce à l’intérieur de la prétendue famille de marques (un enregistrement ou une demande n’établit pas l’emploi) [voir Techniquip Ltd. c. Canadian Olympic Assn (1998), 145 F.T.R. 59 (C.F. 1re inst.), confirmé par 250 N.R. 302 (C.A.F.); et Now Communications Inc. c. CHUM Ltd (2003), 32 C.P.R. (4th) 168 (C.O.M.C.)].

 

[55]           Comme il ressort des conclusions auxquelles je suis parvenue plus haut pour le facteur relatif à l’alinéa 6(5)a), aucune preuve au dossier ne concerne les marques Vu! tv et Vu! tv & Dessin de l’Opposante enregistrées sous les nos LMC564,165 et LMC564,164. Cependant, l’affidavit de M. Marrison atteste l’utilisation de la marque VU de l’Opposante enregistrée sous le no LMC631,491, ainsi qu’un emploi substantiel de ses marques VU! et VU! Dessin enregistrées sous les nos LMC628,748 et LMC628,899, et surtout de sa marque EXPRESSVU enregistrée sous le no LMC454,727. Dans ce cas, je conviens avec l’Opposante qu’elle a établi l’existence d’une petite famille de marques VU, circonstance qui lui est favorable en l’espèce.

 

[56]           La Requérante soutient pour sa part qu’il faut aussi considérer dans le cas présent que l’Opposante n’a présenté aucune preuve relativement à la confusion, qu’en l’absence de cas concrets de confusion durant une période de temps, peut mener à une conclusion négative sur la probabilité de confusion. On a souvent affirmé, en reprenant les propos de la membre Tremblay dans Aspen Custom c. Chrysler Group LLC, 2011 C.O.M.C. 48, au para. 70, qu’une partie opposante n’était pas tenue d’établir qu’il y a effectivement eu confusion. C’est à la partie requérante qu’il incombe de démontrer qu’il n’existe pas de probabilité de confusion. Je note par ailleurs que l’affidavit M. Savoie est muet sur ce point et que M. Savoie n’a pas précisé s’il avait eu connaissance d’un cas concret de confusion entre les marques des parties. En outre, comme je l’ai constaté précédemment, l’affidavit de M. Savoie ne précise pas dans quelle mesure les marques de la Requérante ont été utilisées et sont devenues connues au Canada, de sorte qu’il est difficile de tirer des conclusions quant à la coexistence des marques des parties. Dans les circonstances, je n’accorde aucun poids à cet élément.

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

 

[57]           Comme je l’ai déjà indiqué, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que chacune de ses demandes est conforme aux exigences de la Loi. Dès lors, si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur [voir John Labatt, précité].

 

[58]           Compte tenu de cette analyse, j’estime que la prépondérance des probabilités permet tout autant de conclure que i) il n’y a aucun risque raisonnable de confusion quant à la source des marchandises et des services des parties, car leur nature exacte et les voies commerciales qui leur sont associées diffèrent, et ii) il y a un risque raisonnable de confusion quant à la source des marchandises et des services des parties, étant donné qu’il existe une bonne ressemblance entre chacune des Marques et les marques VU de l’Opposante (surtout si l’on compare la marque xVu TV Care visée par la demande et les mots servant de marque Vu! tv et EXPRESSVU de l’Opposante, ou la marque demandée xVu aux mots servant de marque VU; VU! et EXPRESSVU de l’Opposante), que les marques VU!, VU! & Dessin et EXPRESSVU de l’Opposante ont été employées et sont maintenant bien connues au Canada depuis la dernière décennie, que l’Opposante a fait la preuve de l’emploi d’une famille de marques VU, et que les marchandises et services respectifs des parties ne sont pas aussi distincts que le fait valoir la Requérante. Attendu qu’il incombe à cette dernière de montrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion, je me dois de rendre une décision qui lui est défavorable.

 

[59]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) peut être retenu à l’égard de chacune des demandes.

 

[60]           J’aimerais ajouter que ma conclusion aurait pu être différente si la Requérante avait corroboré la déclaration non étoffée de M. Savoie concernant la [traduction] « réputation solide [que la Requérante s’était] bâtie parmi les fournisseurs de services IPTV » au Canada : cela aurait probablement eu une incidence sur mes conclusions précédentes concernant le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a) et les inférences pouvant être tirées de la coexistence des marques des parties sur le marché canadien.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

 

[61]           L’Opposante a plaidé divers motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi, notamment le suivant : [traduction] « la Requérante n’a jamais employé, contrairement à ce qui est allégué dans la[es] demande[s] contestées, [les Marques] en liaison avec chacun des services et marchandises mentionnés dans la[les]dite[s] demande[s], et la date alléguée de premier emploi est inexacte. » J’évaluerai d’abord ce motif.

 

[62]           La date déterminante eu égard à ce motif d’opposition est celle du dépôt des demandes [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)]. Dans la mesure où la Requérante est mieux en mesure de faire la preuve des faits pertinents se rapportant aux motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30b) de la Loi, le fardeau de preuve qui incombe à l’Opposante est moins exigeant [voir Tune Masters c. Mr. P.’s Mastertune Ignition Services Ltd., (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.)]. De plus, l’Opposante peut s’appuyer sur la preuve de la Requérante pour autant qu’elle ne soit de toute évidence pas compatible avec les allégations de cette dernière [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)]. À cet égard, l’alinéa 30b) de la Loi exige que les Marques visées par la demande n’aient pas cessé d’être employées depuis la date alléguée [voir Labatt Brewing Co. c. Benson & Hedges (Canada) Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.O.M.C.)].

 

[63]           Ceci m’amène à commenter plus en détail la preuve que l’Opposante a présentée sur ce point à la lumière de celle qu’a produite la Requérante.

 

[64]           Tel qu’indiqué précédemment, M. Marrison affirme avoir effectué des recherches sur le site Web de la Requérante et il a joint comme pièce K à son affidavit l’imprimé d’un communiqué de presse daté du 6 novembre 2006, ce qui est postérieur à la date de premier emploi alléguée par la Requérante, soit le 16 octobre 2006; elle y annonce, dès « aujourd’hui », la « disponibilité » de sa [traduction] « solution de surveillance [xVu /xVu TV Care] pour la garantie de service IPTV [télévision sur protocole Internet] ». Plus exactement, le communiqué de presse commence ainsi :

 

[traduction]
SAINT JOHN (Nouveau‑Brunswick) – 6 novembre 2006 – Mariner Partners, Inc., chef de file dans le développement de l’IPTV, a annoncé aujourd’hui le lancement de xVu TV Care, la première solution de surveillance proactive de l’industrie pour la garantie de service IPTV.

 

Le xVu de Mariner fournit des renseignements en temps réel sur l’expérience du téléspectateur sur IPTV et permet, de façon incomparable, aux fournisseurs de services de mesurer la qualité et la fiabilité du service pour chacun des appareils de télévision d’un foyer.

 

[65]           L’Opposante soutient que le seul élément de preuve produit par la Requérante sur l’emploi continu des Marques depuis la date de premier emploi alléguée soit le 16 octobre 2006, consiste en une déclaration non corroborée de M. Savoie selon laquelle [traduction] « la plateforme [xVu /xVu TV Care ] a été rendue disponible plusieurs mois avant son lancement officiel » (C’est moi qui souligne). Comme le souligne l’Opposante, M. Savoie n’affirme pas que les Marchandises et Services ont été offerts en vente à proprement parler avant leur lancement officiel le 6 novembre 2006. Il demeure incertain que les services ont été annoncés avant cette date de façon à constituer un emploi des Marques au sens de l’article 4 de la Loi.

 

[66]           La Requérante a fait valoir à l’audience qu’on avait vérifié auprès d’elle la date de premier emploi alléguée dans les demandes au moment où celles‑ci ont été déposées. Cependant, le dossier ne comporte aucune preuve à cet effet. Je ne remets pas en cause la bonne foi de la Requérante lorsqu’elle a déposé les demandes. Cela dit, elle prétend que le 16 octobre 2006 est la date de premier emploi de ses Marques au Canada, ce qu’a contesté l’Opposante. Si l’affidavit de M. Marrison ne suffit pas en soi à satisfaire au fardeau de preuve de l’Opposante, j’estime que la preuve concernant l’emploi des Marques présentée par la Requérante soulève plus de questions qu’elle n’en établit un emploi continu dans la pratique normale du commerce au sens de l’article 4 de la Loi à la date de la production des demandes. Ainsi, je conclus que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve peu exigeant qui lui incombait.

 

[67]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) peut être retenu à l’égard de chacune des demandes étant donné que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau.

 

Autres motifs d’opposition

 

[68]           Comme j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante relativement à plus d’un motif, je ne crois pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition, d’autant que l’Opposante n’a présenté aucune observation à ce chapitre pendant l’audience.

 

Décision

 

[69]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu du pouvoir qui m’est conféré aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse chacune des demandes conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 

 


 

Annexe A

Marque de commerce

No d’enregistrement et date

Marchandises/Services et dates de premier emploi

VU

LMC631,491

28 janvier 2005

Publications imprimées, nommément revues qui contiennent un horaire d’émissions de télévision par satellite ainsi que des articles et de la publicité.

Déclaration d’emploi produite le 10 janvier 2005.

VU!

LMC628,748

20 décembre 2004

Services de télévision à la carte.

Employée au Canada depuis au moins le 28 octobre 1999.

LMC628,899

22 décembre 2004

Services de programmation télévisuelle, nommément services de télévision payante.

Employée au Canada depuis au moins le 24 octobre 1999.

Vu! tv

LMC564,165

28 juin 2002

Services de vidéotransmission d’entreprise, nommément fourniture d’accès limité à un système DTH à un fournisseur pour la distribution d’un signal comportant le contenu de programmation d’entreprise, éducative ou commerciale de ce fournisseur, destiné spécifiquement à un auditoire restreint et ne visant pas la distribution à un auditoire général.

Employée au Canada depuis au moins le 1er août 2000.

Vu! TV & DESIGN

LMC564,164

28 juin 2002

Services de vidéotransmission d’entreprise, nommément fourniture d’accès limité à un système DTH à un fournisseur pour la distribution d’un signal comportant le contenu de programmation d’entreprise, éducative ou commerciale de ce fournisseur, destiné spécifiquement à un auditoire restreint et ne visant pas la distribution à un auditoire général.

Employée au Canada depuis au moins le 1er août 2000.

EXPRESSVU

LMC454,727

23 février 1996

[traduction] (1) Produits de télécommunications nommément antennes paraboliques, antennes, câbles, téléviseurs de réception directe par satellite, décodeurs et boîtes de conversion, décodeurs, télécommandes, positionneurs, modulateurs, appareils de cryptage pour récepteurs collectifs résidentiels et

commerciaux; pièces et accessoires électroniques pour les

produits susmentionnés, fils et serre-fils, logiciels informatiques pour la diffusion par satellite, haut‑parleurs, prolongateurs de télécommande, articles en métal nommément pattes de fixation et trépieds; publications imprimées, nommément revues contenant un horaire d’émissions de télévision par satellite et concernant les services de télévision à la carte; manuels d’instruction.

(1) Services de communication, nommément radiodiffusion et télédiffusion, distribution de services de diffusion; services hors programmation renseignements hors programmation d’information et services interactifs par voie de signalisation par satellite, nommément services de données vocales, de textes et de vidéos à mouvement complet et combinaison de services par voie de signalisation par satellite et autres technologies.
[traduction] (2) Diffusion en direct par satellite
[traduction] (3) Services de télévision payante
[traduction] (4) Diffusion et distribution d’émissions de télévision au moyen du réseau mondial (Internet)

Employée au CANADA depuis au moins le 15 décembre 1994 pour les services (1).
Employée au CANADA depuis au moins 1994 pour les marchandises et les services (2).
Employée au CANADA depuis au moins 1999 pour les services (3), (4).

 

 

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