Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 64

Date de la décision : 2010-05-11

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Scenic Holidays (Vancouver) Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1128431 pour la marque de commerce SCENIC HOLIDAYS au nom de Royal Scenic Holidays Limited

[1]  Le 17 janvier 2002, Royal Scenic Holidays Limited (auparavant Scenic Holidays Ltd.) (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SCENIC HOLIDAYS (la Marque) fondée sur l’emploi de la Marque au Canada. Je reproduis la revendication de l’emploi figurant dans la demande :

 

[traduction] La marque de commerce a été employée par la requérante au Canada en liaison avec tous les services particuliers énumérés ci‑après, et la requérante demande l’enregistrement de la marque en liaison avec ces services. La marque de commerce a été ainsi employée au Canada en liaison avec la catégorie générale de services comprenant les services particuliers suivants : services d’agence de voyage, nommément services d’organisation de voyage pour des tiers, y compris l’organisation du transport, de l’hébergement, des repas, des réservations pour les divertissements et les expositions, et des circuits touristiques, depuis au moins aussi tôt que le 17 décembre 1997 par la Requérante et, avant cette date, par son prédécesseur en titre, à savoir Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd., dont l’adresse était […], la marque de commerce a été ainsi employée en liaison avec les services susmentionnés depuis aussi tôt que décembre 1991.

 

[2]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 avril 2003. Je constate que cette annonce est erronée quant à la date de premier emploi revendiquée car elle indique que la marque est employée depuis le 17 décembre 1997 et non depuis décembre 1991. Je constate également que cette erreur a été corrigée dans le registre officiel le 1er avril 2008 au moyen d’une [traduction] « note au dossier ».

 

[3]  Le 2 juin 2003, Scenic Holidays (Vancouver) Ltd. (l’Opposante) a produit à l’encontre de la demande une déclaration d’opposition dans laquelle elle invoquait des motifs fondés sur les alinéas 38(2)a), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi).

 

[4]  La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration, dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

 

[5]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit d’Elton Leung, auquel étaient jointes les pièces A à T‑2 (le premier affidavit de M. Leung). La Requérante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger ce déposant, mais aucun contre‑interrogatoire n’a été effectué.

 

[6]  Par la suite, l’Opposante a obtenu l’autorisation de produire un élément de preuve additionnel, soit une copie certifiée de l’enregistrement no LMC659396 concernant la marque SCENIC HOLIDAYS, ainsi que l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition pour y ajouter un motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi.

 

[7]  Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit d’Ivy Yeung, auquel étaient jointes les pièces A à O.

 

[8]  En réponse, l’Opposante a produit l’affidavit d’Elton Leung, auquel étaient jointes les pièces A à Z (le deuxième affidavit de M. Leung). À nouveau, la Requérante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger ce déposant, mais elle n’a pas procédé à ce contre‑interrogatoire.

 

[9]  L’Opposante et la Requérante ont produit des plaidoyers écrits. Je souligne que, dans son plaidoyer écrit, la Requérante a demandé l’autorisation de produire une demande modifiée dans laquelle la date de premier emploi serait corrigée et la mention d’un prédécesseur en titre serait supprimée. Le registraire a refusé la modification au motif qu’elle est interdite par l’alinéa 32b) du Règlement sur les marques de commerce (décision du registraire datée du 10 avril 2008). Par conséquent, la demande initiale datée du 17 janvier 2002 reste la demande au dossier.

 

[10]  Les deux parties étaient représentées à l’audience.

 

Question préliminaire

[11]  Je traiterai d’abord des prétentions de la Requérante concernant l’acceptabilité de l’affidavit d’Ivy Yeung en tant que témoignage d’expert en l’espèce. La Requérante s’appuie sur Rogers Broadcasting Ltd. c. CHUM Ltd., 48 C.P.R. (3d) 108, où le registraire a statué :

[traduction] Lorsqu’un déposant est présenté comme un expert en raison de ses connaissances ou de ses compétences découlant de son expérience, il lui incombe de donner des détails de cette expérience afin que ses qualités en tant que prétendu expert puissent être correctement évaluées.

 

Le registraire a ajouté :

 

[traduction] Les opinions d’un déposant sont admissibles dans le cadre d’une opposition si la question sur laquelle elles portent exige des connaissances ou des compétences particulières et que le déposant est un expert dans le domaine. Par contre, si la question ne nécessite pas des connaissances suffisamment spécialisées pour requérir la preuve d’un expert, les opinions du déposant ne sont pas admissibles.

 

[12]  La Requérante soutient que, compte tenu des compétences et de l’expérience d’Ivy Yeung dans le secteur des agences de voyage, son témoignage et sa preuve sous forme d’opinion sont admissibles et crédibles et doivent peser plus lourd dans la balance que le témoignage d’Elton Leung. 

 

[13]  À mon avis, le rôle d’un témoin expert consiste à aider de manière impartiale le juge des faits à trancher les questions qui relèvent de son champ d’expertise. C’est envers le juge des faits que l’expert a une obligation, non envers l’une ou l’autre des parties. En conséquence, l’expert doit nécessairement être indépendant des parties quant à l’issue de l’affaire [voir Black Entertainment Television Inc. c. CTV Ltd., 66 C.P.R. (4th) 274].

 

[14]  En l’espèce, Mme Yeung atteste qu’elle est la chef de la direction et la directrice de la Requérante. Elle atteste également qu’elle est la gestionnaire ou la propriétaire de sociétés qu’elle prétend être les prédécesseurs en titre de la Requérante. Compte tenu de ce qui précède, j’estime que, malgré les compétences de Mme Yeung, son témoignage n’est pas un témoignage d’expert en raison de son manque d’indépendance en l’espèce. En outre, je ne suis pas convaincue que l’objet de la présente instance exige nécessairement une preuve d’expert.

 

[15]  Par conséquent, le témoignage de Mme Yeung ne sera pas considéré comme un témoignage d’expert pour les motifs exposés ci‑dessus. J’écarte donc toutes les déclarations fondées sur son opinion qu’elle a faites.

 

[16]  Je souligne en outre que Mme Yeung a tenté, à plusieurs reprises, de discréditer M. Leung, le témoin de l’Opposante, en attaquant sa crédibilité. J’écarte donc aussi ces parties de son témoignage, ainsi que les remarques désobligeantes qu’elle a faites à l’endroit de M. Leung. Si la Requérante voulait vérifier la véracité du témoignage de M. Leung, elle a eu toutes les possibilités de le faire, compte tenu en particulier du fait qu’elle a obtenu deux ordonnances l’autorisant à contre‑interroger ce dernier.

 

Preuve

[17]  La structure organisationnelle de l’Opposante et de la Requérante et les liens entre les deux parties sont très complexes. Il est également difficile de savoir ce qui s’est exactement passé, en raison en particulier des déclarations contradictoires des témoins. Je vais donc résumer la preuve telle que je la comprends, en m’appuyant sur les éléments de preuve admissibles.

 

Preuve de l’Opposante

[18]  Elton Leung atteste qu’il est le propriétaire bénéficiaire de l’Opposante. Il affirme qu’il travaille dans le secteur des agences de voyage depuis plus de 25 ans. Il explique que l’Opposante fournit des services d’agence de voyage, mais que l’entreprise s’occupe principalement de la vente et de la distribution en gros de voyages tout compris.

 

[19]  M. Leung dit que l’Opposante est dotée d’une structure opérationnelle qui est antérieure à la fin de 1997. Il y avait à l’époque deux succursales canadiennes exploitant une entreprise sous le nom de « Delights Travel & Tours » : une à Vancouver, sous le nom de « Delights Travel & Tours (Vancouver) Inc. », et une à Toronto, sous le nom de « Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd. » M. Leung s’est joint à la succursale de Vancouver en 1993 à titre de conseiller en voyages, avant d’occuper le poste de gérant de 1994 jusqu’à ce que la société mette fin à ses activités en 1997. Les deux succursales étaient affiliées et appartenaient à une société californienne, Delights Group of Travel. M. Leung dit que Delights Group of Travel avait une filiale, Scenic Holiday, Inc., une autre société californienne qui organisait des voyages tout compris sous les marques SCENIC HOLIDAYS et SCENIC HOLIDAY pour Delights Group of Travel et ses diverses succursales. Selon lui, chaque succursale du Canada – l’une située à Toronto et l’autre, à Vancouver – faisait la promotion et la vente de voyages tout compris organisés par Scenic Holiday Inc. sous les marques de commerce SCENIC HOLIDAYS et SCENIC HOLIDAY depuis le début des années 1990. 

 

[20]  M. Leung dit que Delights Group of Travel et Scenic Holidays Inc. ont rencontré des difficultés opérationnelles et ont mis fin à toutes leurs activités à la fin de 1997. Les deux sociétés sont alors devenues inactives. Par suite de la cessation des activités de ces entreprises en 1997 et de l’abandon consécutif de leurs marques de commerce et noms commerciaux, les anciennes succursales de Vancouver et de Toronto ont arrêté de faire la promotion et la vente des voyages tout compris sous les marques de commerce SCENIC HOLIDAYS et SCENIC HOLIDAY. M. Leung affirme que l’Opposante a été constituée en société le 24 décembre 1997 sous le nom de Scenic Holidays Ltd. et que, depuis cette date, elle exploite une entreprise de services d’agence de voyage sous la marque de commerce et le nom commercial SCENIC HOLIDAYS.

 

[21]  M. Leung a appris par la suite que la Requérante avait commencé à offrir des services d’agence de voyage en Ontario sous le nom de Scenic Holidays Limited. L’Opposante a alors changé son nom pour Scenic Holidays (Vancouver) Limited afin de se distinguer de la Requérante.

 

Preuve de la Requérante

[22]  Ivy Yeung affirme qu’elle est la chef de la direction et la directrice de la Requérante. Elle explique que la Requérante et ses prédécesseurs en titre, Delights Travel & Tours (Toronto) Inc. et Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd., exploitent une entreprise d’agences de voyage en gros offrant des services de voyage, notamment l’organisation de voyages tout compris. Elle fait valoir que la Marque a commencé à être employée au Canada en juin 1990 par l’intermédiaire de Delights Travel & Tours (Toronto) Inc., où elle était directrice. Delights Travel & Tours (Toronto) Inc. appartenait à une société de San Francisco appelée Delights Travel Inc., que le témoin de l’Opposante, M. Leung, a appelée « Delights Group of Travel ». Malgré le fait que les deux parties ont donné un nom différent à cette société de Californie, je suis disposée à conclure qu’elles parlaient de la même. Je souligne que M. Leung a joint à son affidavit, sous la cote A, un imprimé d’une recherche effectuée dans les registres des entreprises de Californie qui montre les renseignements relatifs à cette entreprise.

 

[23]  Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd. a été constituée en société par Ivy Yeung en 1991. Le 1er novembre 1991, Delights Travel & Tours (Toronto) Inc. a été vendue à Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd. Cette opération englobait tous les droits rattachés aux marques de commerce SCENIC HOLIDAYS et SCENIC HOLIDAY.

 

[24]  Mme Yeung explique qu’une dispute entre les partenaires de San Francisco a mené à la réorganisation de l’entreprise et à la constitution de la Requérante en société le 17 décembre 1997. Je signale cependant que la pièce M‑1 jointe au premier affidavit de M. Leung indique que la constitution en société est survenue le 19 décembre 1997. Mme Yeung soutient que Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd. a cédé tous ses droits sur ses marques de commerce à la Requérante (paragraphe 43 de l’affidavit de Mme Yeung). La Requérante a commencé à exploiter son entreprise dès qu’elle a été constituée en société. Selon Mme Yeung, il y a eu une migration immédiate des affaires de Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd. à la Requérante. En mai 2001, la Requérante a changé de nom et est devenue Royal Scenic Holidays Limited.

 

[25]  Mme Yeung affirme que la société de San Francisco appelée Delights Travel Inc. n’a jamais offert de services au Canada et que la Marque a toujours été employée au Canada par l’intermédiaire de la Requérante et de ses prédécesseurs en titre. Elle explique que Delights Travel & Tours (Vancouver) Inc., pour laquelle M. Leung a travaillé de 1993 à 1997, appartenait à Delights Travel Services, Inc. (la société de Californie) et n’agissait que comme distributrice de produits et de services d’agence de voyage pour Delights Travel & Tours (Toronto) Inc., puis Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd.

 

[26]  La preuve des parties semble quelque peu contradictoire. D’une part, l’Opposante prétend que les succursales de Delights Group of Travel de Toronto et de Vancouver faisaient la promotion et la vente de voyages tout compris organisés par une société de Californie, Scenic Holidays Inc. Par suite de la cessation des activités de Delights Group of Travel et de Scenic Holidays Inc. à la fin de 1997 et de l’abandon des marques de commerce SCENIC HOLIDAYS et SCENIC HOLIDAY, l’Opposante a été constituée en société le 24 décembre 1997 et a commencé à employer la marque de commerce SCENIC HOLIDAYS au Canada.

[27]  La preuve de la Requérante contredit celle de l’Opposante. La Requérante prétend que les sociétés de Californie n’ont jamais offert de services au Canada et que la Marque a toujours été employée à l’origine par l’intermédiaire de Delights Travel & Tours (Toronto) Inc. à compter de 1990, puis par Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd. à compter de 1991 et par la Requérante à compter de sa constitution.

 

[28]  Comme il n’y a eu aucun contre‑interrogatoire, je dispose de peu d’éléments pour m’aider à déterminer la légitimité de la preuve contradictoire des parties. Mon analyse des motifs d’opposition sera donc fondée sur les éléments de preuve les plus fiables des parties qui sont étayés par des pièces.

 

Motifs d’opposition

[29]  La déclaration d’opposition modifiée datée du 14 mars 2006 énonce dix motifs d’opposition. J’analyse ces motifs ci‑dessous, mais pas nécessairement dans l’ordre où ils ont été exposés.

 

Motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)b) et 12(1)d)

[30]  Le motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) est reproduit ci‑dessous :

[traduction]

1.j. La marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable suivant les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée, à savoir l’enregistrement canadien no 659396 pour la marque de commerce identique SCENIC HOLIDAYS dont l’Opposante est propriétaire en liaison avec les services suivants : « services d’agence de voyage, y compris vente en gros, vente au détail, réservations, services de billetterie, location d’automobiles, transport, services de réservations d’hébergement et de divertissements, croisières, planification et organisation de voyages de groupe et organisation du transport des passagers et des marchandises par route, chemin de fer, mer et air ».

 

 

[31]  La date pertinente au regard de ce motif d’opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

[32]  L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement à ce motif car l’enregistrement no LMC659396 est en règle. La Requérante a donc le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, entre la Marque et la marque de l’Opposante. Le fardeau imposé à la Requérante signifie qu’en l’absence d’une conclusion décisive au terme de la production de l’ensemble des éléments de preuve la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante [John Labatt Ltd. c. Molson Cos. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.)].

 

Le test en matière de confusion

[33]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu’il applique le test, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le même poids ne sera pas nécessairement accordé à tous ces critères.

 

[34]  La Cour suprême du Canada a examiné la méthode qui devrait être employée pour apprécier toutes les circonstances de l’espèce dont il faut tenir compte pour décider si deux marques de commerce créent de la confusion dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321. C’est en ayant ces principes généraux à l’esprit que je vais maintenant apprécier les circonstances de l’espèce.

 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[35]  Les marques en cause en l’espèce sont identiques et, à mon avis, elles possèdent un faible caractère distinctif inhérent puisqu’elles indiquent que les services de voyage des parties ont trait à des vacances touristiques.

 

[36]  Les marques en cause en l’espèce n’ont pas de caractère distinctif inhérent, mais une marque de commerce peut avoir plus de force si elle devient connue par la promotion ou l’emploi.

 

[37]  À cet égard, le déposant de l’Opposante, Elton Leung, affirme que celle‑ci a tiré des revenus importants de la vente de ses services. Il produit les revenus bruts des ventes pour chacune des années de 1998 à 2003. Je constate que ce chiffre était de 348 982 $ en 1998, mais qu’il a ensuite augmenté radicalement en 1999 pour atteindre un peu plus de neuf millions de dollars, puis un montant maximal de 20 millions de dollars en 2002. Pour ce qui est de la publicité et de la promotion, je constate que les dépenses de l’Opposante étaient de 466 $ en 1998, mais qu’elles ont varié entre 4 000 et 5 000 $ en moyenne au cours de chacune des années subséquentes jusqu’en 2003. Il convient, à mon avis, de signaler le paragraphe 15 du deuxième affidavit de M. Leung et les annexes J à N de ce document, qui sont des exemples de brochures produites et distribuées par l’Opposante sur lesquelles sa marque de commerce est apposée. 

 

[38]  Du côté de la Requérante, Mme Yeung produit les chiffres de ventes du prédécesseur en titre de la Requérante, Delights Travel & Tours (Toronto) Ltd., qui montrent que les ventes ont dépassé 60 millions de dollars de 1992 à 2001. La pièce F de l’affidavit de Mme Yeung renferme un échantillon représentatif des annonces publiées dans les journaux chinois de Toronto où figuraient les marques SCENIC HOLIDAYS et SCENIC HOLIDAY dès 1990 et jusqu’à 2001. Je souligne qu’aucune preuve relative au nombre de lecteurs de ces journaux n’a été produite. Depuis mai 2001, la Requérante a étendu son entreprise de Vancouver par l’intermédiaire d’une société de la Colombie‑Britannique qui agit comme agente de ventes pour elle. Mme Yeung affirme que les ventes annuelles de son entreprise de Vancouver ont dépassé 20 millions de dollars au cours des trois dernières années (de 2003 à 2006). Des échantillons concernant la promotion et la publicité sont produits dans la pièce J de l’affidavit de Mme Yeung. Je constate que les marques de commerce SCENIC HOLIDAYS ou SCENIC HOLIDAY sont imprimées sur le matériel promotionnel de 1997 à 2001, alors que seule la marque ROYAL SCENIC HOLIDAY figure sur les échantillons de brochures et de cahiers publicitaires de 2002 à 2005. La marque ROYAL SCENIC figurait sur les échantillons en 2005 et en 2006. Mme Yeung estime les coûts de promotion et de publicité de ces marques à 400 000 $ par année environ et à 4 000 000 $ au total environ.

 

[39]  Je suis d’avis que l’emploi des marques ROYAL SCENIC et ROYAL SCENIC HOLIDAYS sur les pièces qui ont été produites ne constitue pas un emploi de la marque SCENIC HOLIDAYS. Comme la Requérante n’a pas produit une ventilation des ventes et de la promotion relativement à chacune de ses marques au cours des années, il n’est pas possible de déterminer avec exactitude la mesure dans laquelle la marque en cause en l’espèce, SCENIC HOLIDAYS, est devenue connue au Canada. Cependant, étant donné que les marques SCENIC HOLIDAYS ou SCENIC HOLIDAY figurent dans les cahiers publicitaires et les annonces de 1990 à 2001, je suis disposée à conclure que ces marques sont devenues connues dans une certaine mesure au Canada.

 

[40]  Compte tenu des renseignements qui précèdent, je conclus que les deux marques en cause en l’espèce sont devenues connues dans une certaine mesure au Canada.

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[41]  La preuve de la Requérante établit l’emploi de la Marque par son prédécesseur en titre nommé depuis 1992 (pièce F de l’affidavit de Mme Yeung), alors que l’Opposante a employé sa marque pour la première fois en 1998 (paragraphe 16 du deuxième affidavit de M. Leung).

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[42]  En ce qui concerne les marchandises, services et commerces des parties, c’est l’état déclaratif des marchandises ou des services figurant dans la demande et dans l’enregistrement des marques de commerce des parties qui est déterminant au regard de la question de la confusion visée à l’alinéa 12(1)d) [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

 

[43]  En l’espèce, les services des parties se chevauchent clairement et la preuve démontre que leurs voies de commercialisation sont identiques ou se chevauchent.

 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[44]  Les marques des parties sont identiques à tous les égards.

 

Circonstances de l’espèce

[45]  Depuis que la Requérante a annoncé publiquement, en mai 2001, l’ouverture de son nouveau bureau de Vancouver situé à quelques rues de l’établissement de l’Opposante, il y a eu de nombreux cas de confusion (paragraphes 17 et 18 du premier affidavit de M. Leung). L’Opposante affirme que, depuis mai 2001, elle reçoit en moyenne chaque mois au moins un appel téléphonique ou une transmission par télécopieur qui ne lui est pas destiné; ces appels proviennent manifestement de personnes qui confondent l’Opposante et la Requérante.

 

[46] La pièce P du premier affidavit de M. Leung illustre un autre cas de confusion. Un chèque fait à l’Opposante en avril 2003 qui a été envoyé à l’adresse de celle‑ci était en fait destiné à la Requérante. Mme Yeung confirme cet incident particulier au paragraphe 58 de son affidavit.

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[47]  Il s’agit de déterminer si un consommateur ayant un souvenir général mais non précis de la marque de l’Opposante penserait probablement, en voyant la Marque de la Requérante, que les services liés aux deux marques proviennent de la même source. Ayant examiné toutes les circonstances de l’espèce, j’arrive à la conclusion que, selon la prépondérance des probabilités, il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques. Cette conclusion est fondée sur le fait que les marques sont identiques, sont employées en liaison avec des services qui se chevauchent et ont des voies de commercialisation identiques. Elle est fondée aussi sur le fait que des cas réels de confusion sont survenus.

 

[48]  Par conséquent, le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d) et l’article 2

[49]  L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas distinctive et qu’elle ne distingue pas les services de la Requérante des services en liaison avec lesquels la marque de l’Opposante est employée.

 

[50]  La date pertinente au regard de ce motif d’opposition est la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

[51]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve concernant ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de l’opposition – le 2 juin 2003 – sa marque était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la page 58 (C.F. 1re inst.); Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.); Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.)]. Je suis d’avis que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial grâce à la preuve de M. Leung.

 

[52]  Comme j’arrive à la conclusion que, compte tenu de la preuve dont je dispose, la Marque crée de la confusion avec la marque de l’Opposante et que les différences dans les dates pertinentes n’ont aucune incidence sur mon analyse, le motif d’opposition concernant l’absence de caractère distinctif est accueilli.

 

[53]  Ayant donné gain de cause à l’Opposante relativement à deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres motifs d’opposition.

 

 

Décision

[54]  En vertu du pouvoir qui m’a été délégué en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Lynne Pelletier

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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