Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                               THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 56

Date de la décision : 2011-03-28

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Weetabix Limited à l’encontre de l’enregistrement no 1,226,045 pour la marque de commerce ALPINA & Dessin au nom d’Alpina Productos Alimenticios S.A.

 

 

[1]               Le 5 août 2004, Alpina Productos Alimenticios S.A. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce ALPINA & Dessin reproduite ci‑dessous (la Marque). La demande contient la revendication de couleur suivante :

 

ALPINA & DESIGN

 

Le mot « ALPINA » et le trait de soulignement sont en blanc. La montagne est en blanc avec un ombrage en bleu clair. L’arrière-plan est en bleu clair et les surfaces de chaque côté de la montagne sont en bleu foncé.

 

[2]               La demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 20 janvier 2004 en liaison avec les marchandises suivantes :

 

Fruits et légumes en conserve, séchés et cuits, gelées, confitures, compotes de fruits; oeufs, lait, produits laitiers, nommément lait à durée de vie prolongée, lait aromatisé à durée de vie prolongée, boissons à base de lait et de yogourt, boissons à base de lait avec fruits, boissons à base de lait avec céréales, chicha (boisson au lait fabriquée de farine de riz), lait d’avoine, boissons à base de lait avec avoine, fromage; gelées (confiseries), aliments à base de soja, nommément boissons à base de soja servant de lait de remplacement, yogourt à base de soja, aliments pour bébé, confitures, jus, nectars et rafraîchissements, nommément boissons de fruits sans alcool, jus de fruits pour bébés, boissons rafraîchissantes sans alcool à saveur de fruits, boissons rafraîchissantes légères sans alcool à saveur de fruits, fruits dans le sirop; huile alimentaire et corps gras; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcoolisées, nommément jus de fruits gazéifiés, boissons à base de café et boissons à base de soja; boissons aux fruits et jus de fruits non alcoolisés; sirops et autres produits pour la préparation de boissons, nommément poudres, gazéification et saveurs de fruits.

 

[3]               La demande est également fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque en Colombie sous le no 141717 en liaison avec les marchandises suivantes :

 

Fruits et légumes cuits, séchés et en conserve, gelées, confitures, compotes de fruits; œufs, lait, produits du lait, nommément lait de longue conservation, lait aromatisé de longue conservation, boissons à base de lait avec yogourt, boissons à base de lait avec fruits, boissons à base de lait avec céréales, chicha (boisson au lait à base de farine de riz), lait d’avoine, boissons à base de lait avec avoine, fromage; gelées (confiseries), aliments à base de soja, nommément boissons à base de soja utilisées comme lait de remplacement, yogourt à base de soja; fruits en sirop; huile alimentaire et matières grasses

 

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 19 octobre 2005.

[5]               Le 19 septembre 2006, Weetabix Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle prétend que la demande ne satisfait pas aux exigences des alinéas 30a), b), d) et i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). Dans la déclaration d’opposition, l’Opposante fait également valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, qu’elle n’a pas de caractère distinctif au sens de l’article 2 et de l’alinéa 38(2)d) de la Loi et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque pour divers motifs en vertu de l’article 16 de la Loi. L’Opposante soulève ces motifs d’opposition compte tenu du fait que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce ALPEN de l’Oposante visée par l’enregistrement no LMC191383 et pour laquelle une demande d’enregistrement portant le no 1,295,011 a été produite par l’Opposante avant la date de production de la demande de la Requérante, dont la marque de commerce a été largement employée depuis 1973 et continue d’être ainsi employée au Canada.

 

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante. La Requérante a également demandé que le registraire rende une décision interlocutoire à l’égard de certains motifs soulevés dans la déclaration d’opposition.

 

[7]               En réponse à la demande d’injonction interlocutoire de la Requérante, l’Opposante a demandé, le 13 décembre 2006, l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition afin de clarifier le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi et d’élargir ce motif ainsi que le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) pour faire valoir que la Marque n’est pas enregistrable et n’a pas de caractère distinctif par rapport à la marque de commerce d’un tiers, soit la marque de commerce ALPINA & Dessin d’Alpina Salami Inc., qui a été enregistrée sous le no LMC357659 et qui a été employée au Canada en liaison avec des salamis, jambons, saucisses, pattes de porc, bacon, pepperettes, pâté de foie, pâté, porc en gelée, porc, pattes de porc et coupes de porc depuis au moins aussi tôt que 1960. L’autorisation a été accordée par le registraire le 14 mars 2007 afin de modifier la déclaration d’opposition.

 

[8]               À l’appui de sa déclaration d’opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Charles Marble, premier vice-président de North America of Weetabix Company, Inc., une filiale de l’Opposante, souscrit le 11 juillet 2007, ainsi qu’une copie certifiée des enregistrements nos LMC191383 et LMC357659 et de la demande d’enregistrement no 1,295,011 qui a été accueillie le 16 juillet 2007 sous le no LMC692104. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Manon Goudreault, qui se décrit comme une employée du cabinet d’avocats représentant la Requérante dans la présente instance, souscrit le 11 février 2008, et de Thelma Thibodeau, une agente de marques de commerce travaillant pour le même cabinet, souscrit le 14 février 2008. En contre-preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Shannon Young, une agente de marques de commerce travaillant pour le cabinet représentant l’Opposante dans la présente instance, souscrit le 15 juillet 2008.

 

[9]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue à laquelle les deux parties étaient représentées.

 

 

Fardeau de la preuve

 

[10]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Résumé de la preuve des parties

 

La preuve de l’Opposante

 

L’affidavit de M. Marble

 

[11]           Monsieur Marble fournit tout d’abord des détails concernant son poste de premier vice‑président de North America of Weetabix Company, Inc. (Weetabix Company) et, plus particulièrement, affirme qu’il est responsable des trois entités juridiques dont est composé Weetabix of North America : Weetabix of Canada, Ltd. (Weetabix Canada), The Weetabix Company Inc. et Barbara’s Bakery. Il affirme également être [traduction] « responsable de tous les bénéfices et de toutes les pertes de ces trois entités, y compris l’exploitation, les ventes, la commercialisation et les finances ». Monsieur Marble atteste qu’il est au courant de la relation entre Weetabix Company et sa société mère, l’Opposante.

 

[12]           Monsieur Marble affirme que l’Opposaante est le plus important céréalier au Royaume‑Uni. Il affirme également que les produits à base de céréales Weetabix sont exportés dans plus de 80 pays partout dans le monde et qu’il existe des usines au Royaume-Uni, en Afrique et au Canada. Il souligne que Weetabix Canada, qui exerce ses activités sous le contrôle absolu de l’Opposante, est responsable de la fabrication et de la distribution d’aliments à grignoter à base de céréales, de barres à base de céréales prêtes-à‑manger, de céréales de petit déjeuner, de muesli et de céréales mélangées avec fruits et noix vendus au Canada en liaison avec la marque de commerce ALPEN.

 

[13]           Monsieur Marble fourni des précisions concernant la relation entre Weetabix Canada et l’Opposante, en soulignant, entre autres, que Weetabix Canada est le fabricant et distributeur canadien exclusif autorisé de l’Opposante et qu’elle fabrique des produits portant la marque de commerce ALPEN conformément à des exigences strictes en ce qui a trait à la nature, à la composition et aux normes de qualité qui sont régulièrement revues par l’Opposante. De plus, la marque de commerce ALPEN est désignée sur l’emballage comme une marque de commerce déposée de l’Opposante, faisant l’objet d’une licence par Weetabix Canada (voir les échantillons d’emballages des céréales de déjeuner de style suisse ALPEN de l’Opposante joints à titre de pièce B).

 

[14]           Monsieur Marble donne également des renseignements concernant les voies de commercialisation par lesquels sont acheminés les produits de marque ALPEN de l’Opposante. Plus particulièrement, il décrit comment Weetabix Canada fabrique et vend des céréales et des produits à base de céréales identifiés par la marque de commerce ALPEN aux chaînes d’épicerie et d’autres magasins d’alimentation au détail au Canada et comment les détaillants en alimentation, à leur tour, vendent les produits portant la marque de commerce ALPEN aux consommateurs canadiens. Il joint à titre de pièce A un échantillon de factures accompagnées de bons de commande se rapportant à la vente de [traduction] « produits ALPEN » au Canada de 1998 à 2007. Monsieur Marble affirme que des factures similaires auraient été émises en liaison avec la vente de produits ALPEN au Canada avant 1998, mais qu’elles ne sont pas facilement accessibles. Bien que M. Marble affirme que les factures sont liées à la vente de « produits ALPEN », elles ne semblent se rapporter qu’aux céréales de déjeuner ou au muesli et aux céréales mélangées avec des fruits et des noix de l’Opposante. Elles ne semblent pas liées aux aliments de grignotage à base de céréales ni aux barres à base de céréales prêtes-à-manger de l’Opposante.

 

[15]           Monsieur Marble affirme que depuis au moins aussi tôt que 1973, Weetabix Canada, en vertu de son contrat de licence conclu avec l’Opposante, a vendu de façon continue des produits portant la marque de commerce ALPEN au Canada et donne une estimation de la quantité annuelle de produits identifiés par la marque de commerce ALPEN qui a été vendue au Canada entre 1985 et 2006. Le montant total approximatif de ces ventes s’établit à 31 millions de dollars. Or, il ne fournit pas de ventilation des ventes annuelles pour chacun des produits ALPEN de l’Opposante. Ces chiffres de vente semblent uniquement se rapporter aux céréales de déjeuner ou au muesli et aux céréales mélangées avec des fruits et des noix de l’Opposante. Elles ne semblent pas liées aux aliments de grignotage à base de céréales ni aux barres à base de céréales prêtes‑à‑manger de l’Opposante.

 

[16]           S’agissant de la promotion des produits ALPEN, M. Marble affirme que ces produits sont principalement commercialisés au moyen de concours promotionnels et de cadeaux promotionnels. Il ajoute que le montant total approximatif dépensé pour la publicité et la commercialisation au Canada visant les produits portant la marque de commerce ALPEN entre 1999 et 2007 est 97 000 $. Monsieur Marble affirme que les échantillons d’emballage joints à titre de pièce B démontrent la manière dont la marque de commerce ALPEN est employée au Canada en liaison avec des produits à base de céréales et démontre également certaines façons dont les produits ALPEN sont commercialisés à l’aide de concours affichés sur des boîtes, d’offres spéciales et de cadeaux promotionnels.

 

[17]           Monsieur Marble traite ensuite de la demande de la Requérante. Il affirme n’avoir jamais entendu parler des produits précis suivants : « produits laitiers, nommément boissons à base de lait avec céréales, chicha (boisson au lait fabriquée de farine de riz), lait d’avoine, boissons à base de lait avec avoine ». Je reviendrai sur ce point plus loin dans ma décision lorsque j’examinerai le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a).

 

[18]           Monsieur Marble a conclu son affidavit en donnant son opinion sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce ALPEN de l’Opposante. Je ne suis pas prête à accorder du poids à cette affirmation formulée par M. Marble, qui constitue un témoignage d’opinion non admissible. La probabilité de confusion comprend des questions mixtes de fait et de droit devant être tranchées par le registraire en se fondant sur la preuve factuelle au dossier.

 

L’affidavit de Mme Young

 

[19]           Comme il a été mentionné précédemment, l’affidavit de Mme Young a été produit en contre-preuve. En vertu de l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96‑195, pareille preuve doit se limiter strictement aux matières servant de réponse. J’estime que c’est le cas en l’espèce.

 

[20]           Madame Young affirme dans son affidavit qu’en vertu des instructions qu’elle a reçues de son employeur, elle a fait des recherches sur des sites Web, et a effectué, au besoin, des recherches plus poussées sur Internet concernant les enregistrements de marques de commerce contenues dans la pièce TTH-3 de l’affidavit de Thelma Thibodeau, produite à titre de preuve par la Requérante (qui sera analysée ci-dessous). Je reviendrai aux résultats des recherches de Mme Young plus loin dans ma décision lorsque j’examinerai les circonstances de l’espèce en vertu du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

La preuve de la Requérante

 

L’affidavit de Mme Goudreau

 

[21]           Madame Goudreau affirme dans son affidavit que, conformément aux directives formulées par son employeur, elle a obtenu des copies de renseignements se rapportant aux enregistrements ou aux demandes d’enregistrement figurant dans la base de données sur les marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canda (OPIC). Elle joint à titre de pièce MG-1 des copies de tous les enregistrements de marques de commerce et de demandes d’enregistrement de marques de commerce en cours résultant de ses recherches.

 

[22]           Comme le souligne l’Opposante, Mme Goudreau joint simplement des imprimés, comme le lui a demandé son employeur, sans fournir d’explications sur la façon dont les recherches ont été faites ni de précisions sur les directives en question. Dans son affidavit, elle ne mentionne pas non plus les conclusions de fait qui devraient être tirées suivant les résultats obtenus, lesquels sont joints à son affidavit. Toutefois, lors de l’audience, l’agent de la Requérante a précisément mentionné certaines des marques de commerce figurant dans la pièce MG-1 pour appuyer la prétention de la Requérante selon laquelle des marques de commerce identiques ou similaires se rapportant à différentes entités et concernant une variété de produits alimentaires coexistent sur le registre des marques de commerce de l’OPIC. Je reviendrai sur ce point plus loin dans ma décision lorsque j’examinerai les circonstances de l’espèce en vertu du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

 

L’affidavit de M. Thibodeau

 

[23]           Madame Thibodeau affirme dans son affidavit que, suivant les directives formulées par son employeur, elle a effectué des recherches dans la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC afin de trouver des demandes d’enregistrement de marques de commerce accueillies ou des marques de commerce déposées contenant le préfixe « ALP » en liaison avec des produits alimentaires ou des boissons; elle a joint les résultats de ses recherches à titre de pièces TTH-1 à TTH-4. Je reviendrai sur ce point plus loin dans ma décision lorsque j’examinerai les circonstances de l’espèce en vertu du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

Analyse des motifs d’opposition

 

[24]           J’examinerai maintenant les motifs d’opposition en tenant compte de la preuve au dossier, sans nécessairement suivre l’ordre dans lequel ils ont été invoqués dans la déclaration d’opposition.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a)

 

[25]           L’Opposante a fait valoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi parce que la description des marchandises [traduction] « ne constitue pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquels la [M]arque a été employée ou sera employée ». Dans son plaidoyer écrit et lors de l’audience, l’Opposante a précisé sa thèse. Plus particulièrement, l’Opposante soutient que le registraire devrait refuser les « produits laitiers, nommément boissons à base de lait avec céréales, chicha (boisson au lait fabriquée de farine de riz), lait d’avoine, boissons à base de lait avec avoine » puisque ces marchandises ne sont pas précises et qu’elles ne reprennent pas une terminologie commune à l’industrie alimentaire.

 

[26]           La date pertinente pour examiner les circonstances relatives au non-respect de l’alinéa 30a) est la date de production de la demande d’enregistrement [voir Delectable Publications Ltd. c. Famous Events Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 274 (C.O.M.C.)].

 

[27]           Les faits sur lesquels s’est appuyé l’Opposante pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial sont le témoignage par affidavit de M. Marble dans lequel il indique n’avoir [traduction] « jamais entendu parler des "produits laitiers, nommément boissons à base de lait avec céréales, chicha (boisson au lait fabriquée de farine de riz), lait d’avoine, boissons à base de lait avec avoine" » et qu’il « ne croit pas que les désignations suivantes sont spécifiques ni qu’elles reprennent une terminologie commune à l’industrie de l’alimentation ».

 

[28]           La Requérante soutient que le simple fait que M. Marble n’a jamais entendu parler des produits susmentionnés ne permet pas à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial. Je suis d’accord.

 

[29]           Comme le souligne la Requérante, M. Marble indique dans son affidavit avoir occupé le poste de vice-président de North America of Weetabix Company depuis avril 2006 uniquement. Bien qu’il affirme être [traduction] « responsable de tous les bénéfices et de toutes les pertes » des trois entités qui composent Weetabix Company, aucun renseignement ne permet de savoir à quel point il connaît le marché. Monsieur Marble n’a pas été présenté comme un expert en ce qui concerne la terminologie utilisée dans l’industrie de l’alimentation pour décrire différents types de « produits laitiers » et ne peut être reconnu comme un tel expert. Le fait que M. Marble n’a pas été contre-interrogé à propos de son affidavit ne corrige pas les lacunes susmentionnées.

 

[30]           De plus, je souligne que « chicha » est défini comme suit dans le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française : [traduction] « Boisson aromatisée épaissie à base de farine de riz et de poudre de lait écrémé (Vénézuela) ». Cette définition est conforme à celle entre parenthèses fournie par la Requérante dans son état déclaratif des marchandises. Je note également que le « lait d’avoine » correspond à l’un des exemples de laits à base de céréales défini dans le Oxford Reference Online Book of Health Foods sous l’intertitre Dairy products - Plant milks (Produits laitiers – Laits végétaux). S’agissant des marchandises décrites comme des « boissons à base de lait avec céréales » et des « boissons à base de lait avec avoine », je souligne que la terminologie utilisée par la Requérante est conforme à celle utilisée pour décrire d’autres produits laitiers, nommément les « boissons à base de lait avec fruits » et le « lait aromatisé à durée de vie prolongée », et que l’Opposante ne s’oppose pas à ces descriptions de marchandises. De plus, je note que ces marchandises font partie de la catégorie des « produits laitiers » qui sont jugés acceptables dans le Manuel des marchandises et services de l’OPIC.

 

[31]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

 

Motifs d’opposition fondés sur les alinéas 30b) et d)

 

[32]           L’Opposante a fait valoir que la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi en ce que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec chacune des marchandises décrites dans la demande depuis la date de premier emploi revendiquée. De plus, la Requérante n’a pas employé la Marque de façon continue depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande en liaison avec les marchandises qui y sont décrites.

 

[33]           L’Opposante fait également valoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30d) de la Loi puisqu’à la date de production de la demande au Canada, ni la Requérante ni un prédécesseur en titre n’a employé la Marque en Colombie, ou dans un autre pays, en liaison avec les marchandises visées par la demande canadienne. De plus, à la date de production de la demande au Canada, le pays d’origine de la Requérante mentionné dans la revendication fondée sur le paragraphe 16(2) n’était pas la Colombie. Par conséquent, l’Opposante prétend que la présente demande, telle qu’elle a été produite, était nulle ab initio.

 

[34]           La date pertinente pour examiner les circonstances relatives à la question de non-respect des alinéas 30b) et d) est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corporation c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.); et Austin Nichols & Co., Inc. c. Cinnabon, Inc. (2000), 5 C.P.R. (4th) 565 (C.O.M.C.)].

 

[35]           Les faits sur lesquels s’appuie l’Opposante pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial sont contenus dans le témoignage par affidavit de M. Marble qui précise [traduction] « bien connaître plusieurs produits à base de céréales en vente sur le marché canadien, bien [qu’il] ne soit pas au courant des ventes canadiennes des produits de la Requérante au Canada » et qui a « également examiné si les produits de la Requérante portant la [Marque] sont disponibles au Canada, mais n’a trouvé aucun exemple où ces produits sont vendus au Canada. [Il] n’est pas au courant de l’emploi de la [Marque] de la Requérante en liaison avec ces produits en Colombie revendiqués dans la demande ».

 

[36]           Plus particulièrement, l’Opposante prétend qu’il faut accorder un certain poids aux affirmations de M. Marble, lesquelles n’ont pas été contestées en contre-interrogatoire. L’Opposante soutient également que la Requérante n’a produit aucune preuve qui contredit les affirmations de M. Marble quant à sa crédibilité.

 

[37]           La Requérante prétend pour sa part que le simple fait que M. Marble ne soit pas au courant des ventes des produits de la Requérante au Canada ou en Colombie ne permet pas à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial. Je suis d’accord.

 

[38]           La nature et la portée des enquêtes menées par M. Marble sont inconnues. Le simple fait d’avoir supposément des connaissances sur [traduction] « plusieurs produits à base de céréales » et, malgré tout, de ne pas être au courant des marchandises de la Requérante ne signifie pas nécessairement que la Requérante n’a pas employé la Marque visée par sa demande d’enregistrement. Il n’y a aucune preuve permettant d’établir que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada et en Colombie, comme il est indiqué dans la demande. De plus, la demande est formellement conforme aux exigences des alinéas 30b) et d) étant donné que la Requérante a fourni les déclarations d’emploi requises de la Marque au Canada et qu’elle a prouvé l’emploi et l’enregistrement de la Marque en Colombie, décrite comme étant le pays d’origine de la Requérante. La Requérante s’est également décrite comme une [traduction] « entreprise colombienne » dans sa demande. Comme l’a fait valoir à bon droit la Requérante, elle n’était pas tenue d’établir l’emploi de la Marque avec chacune des catégories générales de marchandises décrites dans sa demande.

 

[39]           Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 30b) et d) sont rejetés parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

[40]           L’Opposante a fait valoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce qu’à la date de production de la demande au Canada, la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer ou d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises décrites dans la demande ni qu’elle pouvait produire une déclaration à cet effet. La Requérante devait être au courant de l’adoption et de l’emploi par l’Opposante au Canada de sa marque de commerce ALPEN en liaison avec des préparations aux céréales pour consommation humaine et produits alimentaires, nommément des céréales mélangées avec des fruits et des noix. La Requérante était également au courant que la Marque n’était pas adaptée à distinguer les marchandises visées par la demande d’enregistrement des produits, services ou activités de tiers, y compris ceux de l’Opposante.

 

[41]           La date pertinente pour examiner les circonstances relatives à la question du non-respect de l’alinéa 30i) est la date de production de la demande [voir Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428 (C.O.M.C.)].

 

[42]           Ce motif, tel qu’il est allégué, n’est pas un motif d’opposition valable. Le simple fait que la Requérante puisse avoir été au courant de l’existence de la marque de commerce de l’Opposante, ou de marques de commerce de tiers, ne l’empêche pas de produire, dans sa demande, la déclaration requise en vertu de l’alinéa 30i) de la Loi. Même si le motif avait été valablement soulevé, lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), comme l’a fait la Requérante en l’espèce, le motif d’opposition fondé sur cet alinéa ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, notamment lorsque la mauvaise foi du requérant est établie [voir Sapodilla Co. Ltd. v. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Il n’y a pas de preuve de cette nature en l’espèce.

 

[43]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

[44]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi en ce qu’elle crée de la confusion avec i) la marque de commerce ALPEN de l’Opposante enregistrée en 1973 sous le no LMC191383 employée en liaison avec des [traduction] « produits alimentaires, nommément des céréales mélangées avec des fruits et des noix » et ii) la marque de commerce ALPINA & Dessin (reproduite ci-dessous) appartenant à Alpina Salami Inc., enregistrée en 1989 sous le no LMC357659 en liaison avec des « salamis, jambons, saucisses, pattes de porc, bacon, pepperettes, pâté de foie, pâté, porc en gelée, porc, pattes de porc et coupes de porc » :

 

ALPINA & DESIGN

 

[45]           La date pertinente pour examiner le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

[46]           L’Opposante a fourni des copies certifiées des deux enregistrements. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire de confirmer qu’ils sont en règle à ce jour.

 

[47]           Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque, d’une part, et la marque nominale ALPEN de l’Opposante et la marque de commerce ALPINA & Dessin d’Alpina Salami Inc., d’autre part.

 

[48]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[49]           En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. Ces facteurs n’ont pas nécessairement le même poids [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.) pour une analyse complète des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

[50]           Tout d’abord, j’examinerai la probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale ALPEN de l’Opposante. J’examinerai ensuite la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce ALPINA & Dessin d’Alpina Salami Inc.

 

i) Analyse de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale ALPEN de l’Opposante

 

a)   Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[51]           Les marques des parties possèdent un caractère distinctif inhérent étant donné qu’elles ne décrivent aucune caractéristique particulière des produits en liaison avec lesquels elles sont employées. Comme le fait valoir l’Opposante, le mot ALPEN renvoie à quelque chose qui [traduction] « a un lien avec les Alpes », une particularité qui ne se rapporte pas aux produits de l’Opposante, sauf pour suggérer un produit sain ou naturel. Je souligne qu’à cet égard l’Opposante décrit ses céréales de déjeuner comme suit : [traduction] « céréales de style suisse naturellement délicieuses » [voir la pièce B jointe à l’affidavit de M. Marble]. L’Opposante soutient également que le mot ALPINA a la même signification en Italien, bien qu’elle n’ait fourni aucune définition tirée du dictionnaire à cet effet.

 

[52]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. Toutefois, la Requérante n’a produit aucune preuve démontrant que ses produits ont été vendus en liaison avec la Marque au Canada (ou ailleurs dans le monde). Par conséquent, la Requérante n’a pas démontré que la Marque est devenue connue dans quelque mesure que ce soit au Canada. À l’opposé, la preuve de l’Opposante établit un emploi important de la marque de commerce ALPEN par l’Opposante au Canada en liaison avec des céréales de déjeuner ou du muesli et des céréales mélangées avec des fruits et des noix (ci-après appelés collectivement les « céréales de déjeuner ») depuis longtemps.

 

[53]           Selon l’analyse qui précède de l’affidavit de M. Marble, l’Opposante a démontré l’emploi de la marque de commerce ALPEN au Canada au moyen d’une preuve documentaire contenant des factures, des données sur les ventes et la publicité, ainsi que des échantillons d’emballages. Bien que la preuve de l’Opposante n’établit pas l’emploi continu de la marque de commerce ALPEN en liaison avec les marchandises décrites dans l’enregistrement de l’Opposante depuis la toute première date d’emploi invoquée dans celui-ci, les chiffres d’affaires fournis pour les années 1985 à 2006, qui totalisent 31 millions de dollars, incluant la publicité et la commercialisation de la marque de commerce ALPEN par l’Opposante au Canada au cours des mêmes années, me poussent à conclure que la marque de commerce ALPEN a des racines plus profondes et est devenue connue considérablement au Canada en liaison avec des céréales de déjeuner.

 

b) La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

[54]           Pour les motifs exposés ci-dessus, ce facteur favorise également l’Opposante.

 

c) Le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

 

[55]           Lors de l’examen du genre de marchandises et de la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante à l’état déclaratif des marchandises dans les enregistrements présentés par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); et Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Cependant, ces états déclaratifs doivent être interprétés dans le but de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce que les parties souhaitent plutôt que tous les types de commerces que le libellé peut inclure. À cet égard, la preuve de la véritable nature du commerce des parties est utile [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); et American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

[56]           L’enregistrement de l’Opposante vise des [traduction] « produits alimentaires, nommément des céréales mélangées avec des fruits et des noix » tandis que la demande de la Requérante vise, entre autres, des « produits laitiers, nommément boissons à base de lait avec céréales, chicha (boisson au lait fabriquée de farine de riz), lait d’avoine, boissons à base de lait avec avoine ». Bien que l’Opposante soutienne que les produits suivants de la Requérante n’ont pas été suffisamment décrits, et que la Requérante n’a pas produit de preuve établissant la nature de tels produits, l’Opposante prétend qu’on peut inférer que ces produits comprennent des produits qui contiennent des céréales et de l’avoine.

 

[57]           Compte tenu de ce qui précède, et du fait que l’Opposante a également employé la marque de commerce ALPEN en liaison avec des « préparations aux céréales pour consommation humaine, nommément aliments à grignoter à base de céréales, barres à base de céréales prêtes-à-manger, céréales de petit déjeuner et muesli » et qu’elle a demandé l’enregistrement de la marque ALPEN en liaison avec ces marchandises (re demande no 1,295,011 produite le 23 mars 2006, laquelle a été accueillie le 16 juillet 2007 sous le no LMC692104), l’Opposante soutient qu’on doit conclure que les marchandises des parties sont assez semblables.

 

[58]           Se fondant sur la décision dans Opus Building Corp. c. Opus Corp. (1995), 60 C.P.R. (3d) 100 (C.F. 1re inst.), p. 104, l’Opposante fait valoir également que lorsque les marchandises des parties sont similaires, on devrait supposer, en l’absence de preuve contraire, que la nature du commerce sera également similaire. À cet égard, l’affidavit de M. Marble expose la façon dont sont vendus les produits de l’Opposante portant la marque de commerce ALPEN au Canada. L’Opposante vend ses produits aux épiceries canadiennes et aux autres magasins d’alimentation au détail canadiens par l’entremise de fabricants et de distributeurs exclusifs canadiens qui, à leur tour, vendent les produits ALPEN aux consommateurs. L’Opposante soutient que bien que la Requérante n’ait produit aucune preuve établissant la façon dont elle emploie sa Marque, ses produits portant la Marque devraient être considérés comme étant vendus par les mêmes voies de commercialisation que les marchandises de l’Opposante. L’Opposante soutient que la possibilité que les produits liés aux marques de commerce en cause puissent être vendus côte à côte augmente davantage le risque de probabilité de confusion entre elles.

 

[59]           L’Opposante demande également au registraire de prendre en compte le fait que les produits alimentaires ne sont pas des articles dispendieux et que les consommateurs seront donc moins circonspects avec ce genre de dépense et plutôt moins attentifs en achetant ces produits. Par conséquent, l’Opposante fait valoir que les consommateurs sont plus susceptibles d’acheter les marchandises de la Requérante portant la Marque par erreur en croyant acheter un produit fabriqué par l’Opposante et contenant les céréales de marque ALPEN de l’Opposante.

 

[60]           La Requérante fait valoir pour sa part que l’emploi de la marque de commerce ALPEN par l’Opposante est uniquement démontrée en liaison avec ses céréales de déjeuner par opposition aux autres catégories de marchandises visées par la demande no 1,295,011 susmentionnée de l’Opposante, qui comprend des aliments à grignoter à base de céréales et des barres à base de céréales prêtes-à-manger. La Requérante soutient également que cette demande, qui a mené à l’enregistrement de la Marque le 16 juillet 2007, n’a pas été invoquée par l’Opposante au soutien du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). Par conséquent, la Requérante soutient que les aliments à grignoter à base de céréales et les barres à base de céréales prêtes-à-manger de l’Opposante ne sont pas des marchandises pertinentes.

 

[61]           La Requérante prétend également qu’il n’y a aucune preuve établissant que les produits liés aux marques de commerce en cause puissent être vendus côte à côte. De plus, la preuve de l’Opposante établit que l’Opposante est une fabricante de céréales. Il n’y a aucune preuve démontrant qu’il est également un fabricant de produits laitiers ou d’autres types de produits alimentaires. La Requérante soutient également que le simple fait que certaines des boissons laitières figurant dans la demande d’enregistrement de la Requérante contiennent des céréales ne signifie pas que ces produits sont similaires aux produits à base de céréales de l’Opposante.

 

[62]           Les marchandises visées par la demande de la Requérante relèvent essentiellement de trois catégories principales de marchandises, soit les fruits et les légumes en conserve, séchés et cuits; les produits laitiers; et les boissons non alcoolisées. Bien que la nature de ces marchandises diffère de celle des marchandises visées par l’enregistrement no LMC191383 de l’Opposante, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire qu’il existe une certaine ressemblance ou un certain lien entre les « boissons à base de lait avec céréales » et les « boissons à base de lait avec avoine » de la Requérante et les marchandises de l’Opposante, plus particulièrement compte tenu du fait que ces « céréales » et cette « avoine » ne sont pas incluses dans la boisson laitière, mais constitue plutôt un mélange sec accompagnant la boisson et devant être ajouté au moment de la servir. La Requérante a choisi de ne produire aucune preuve pour établir la différence ou l’absence de lien entre ces marchandises précises.

 

[63]           Je souscris également à la position de l’Opposante selon laquelle, en l’absence de toute preuve contraire, il existe un chevauchement possible entre les voies de commercialisation des parties. En ce qui concerne mon examen de l’affidavit de M. Marble, les produits à base de céréales de l’Opposante sont vendus dans les épiceries et d’autres magasins d’alimentation au détail. Les marchandises de la Requérante seront probablement vendues dans le même type de magasin, ou pourraient probablement l’être.

 

[64]           De plus, même si je reconnais que les marchandises des parties ne seraient pas généralement vendues côte à côte ou même à proximité les unes des autres, il faut se rappeler que le paragraphe 6(2) de la Loi n’exige pas que les marchandises des parties soient vendues côte à côte ni que les marchandises fassent partie de la même catégorie générale.

 

e) Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

[65]           Les marques en cause se ressemblent très peu sur le plan de la présentation et du son. Or, elles présentent un degré assez élevé de ressemblance dans les idées qu’elles suggèrent. Comme je l’ai mentionné précédemment, la marque de l’Opposante renvoie à quelque chose qui « a un lien avec les Alpes », ce qui suggère, dans le contexte des produits à base de céréales de l’Opposante, un produit santé ou naturel. Bien que le mot ALPINA n’a aucune signification en français ou en anglais, il possède une connotation italienne qui évoque quelque chose qui « a un lien avec les Alpes » (qui fait référence au mot français « alpin »), plus particulièrement lorsque la Marque est considérée en tenant compte de son élément graphique qui représente de manière évidente une montagne blanche entourée par une chaîne de montagnes bleu foncé.

 

Autres circonstances de l’espèce

 

Preuve de l’état du registre

 

[66]           Comme il a été dit précédemment, la Requérante a produit une preuve de l’état du registre au moyen de l’affidavit de Mme Thibodeau. La preuve de l’état du registre sert à établir le caractère commun ou distinctif d’une marque ou d’une partie de marque par rapport au registre dans son ensemble. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l'état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d'enregistrements pertinents sont retracés [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

[67]           Plus particulièrement, Mme Thibodeau reproduit sommairement au paragraphe 7 de son affidavit les détails des 43 enregistrements de marques de commerce retracés où le préfixe « ALP » est utilisé comme composante d’une marque de commerce employée en liaison avec des produits alimentaires et des boissons et elle joint, à titre de pièce TTH-3, les détails informatisés tirés de la base de données de l’OPIC pour chacune de ces marques de commerce. Parmi ces 43 enregistrements de marques de commerce, Mme Thibodeau joint également à titre de pièce TTH‑4 un tableau résumant les détails des marques de commerce trouvées comprenant le mot ALPEN seul ou le mot ALPEN utilisé comme composante et qui sont employées en liaison avec des produits alimentaires et des boissons.

 

[68]           Les enregistrements trouvés par Mme Thibodeau comprennent les enregistrements nos LMC191383 et LMC692104 de l’Opposante pour la marque ALPEN et l’enregistrement no LMC357659 pour la marque ALPINA & Dessin.

 

[69]           Certains des enregistrements relevés sont détenus par cinq entités distinctes. Voici ces enregistrements en question (que j’ai regroupés par propriétaire par souci de commodité) :

         ALPENDORF (LMC633650) et ALPENGUT (LMC631960) en liaison avec des produits de viande, des repas prêts à servir, des produits laitiers, etc.;

         ALPENHORN et ALPENHORN & Dessin (LMC183164 et LMC180765) en liaison avec des produits laitiers;

         ALPENWEISS (LMC235777) et ALPENWEISS SPARKLING & DESSIN (LMC300231) en liaison avec du vin;

         ALPINE (UCA10970); ALPINE & Dessin (LMC233652); ALPINE & Dessin (LMC262136); ALPINE & Dessin (LMC324680); ALPINE & Dessin (LMC690245); ALPINE & Dessin (LMC470884); ALPINE GENUINE COLD FILTERED (LMC417378); ALPINE GENUINE COLD FILTERED & Dessin (LMC414046); ALPINE LAGER (LMC386450); ALPINE LAGER BEER & Dessin (LMC146228); ALPINE LIGHT (LMC387125); et ALPINE LIGHT & Dessin (LMC696935) en liaison avec de la bière et des boissons alcoolisées;

         ALPINE ASTER (LMC657645); Dessin ALPINE BELL (LMC695952); et ALPINE ROSE (LMC661539) en liaison avec des produits laitiers.

 

[70]           Les enregistrements suivants (que j’ai regroupés par catégorie de marchandises par souci de commodité) sont tous détenus par des entités distinctes :

 

         ALPEN SPRINGS (LMC446319); ALPIAN (LMC382353); ALPINE (LMC435451); ALPENROCK HOUSE (LMC526769); et ALPINE-SUBTERRANEAN INTERNATIONAL GUIDING SERVICES INC. (LMC537394) en liaison avec de l’eau ou d’autres boissons et des produits pour préparer des boissons;

         ALPENBERGER (LMC696591); ALPENFRESH (LMC339530); ALPENJOY (LMC245521); et ALPI (LMC337617) en liaison avec divers produits laitiers;

         ALPINE LACE (LMC530010) en liaison avec des fromages et de la viande;

         ALPENKRAFT (LMC406520) en liaison avec des médicaments à base d’herbes et des bonbons à base d’herbes;

         ALPINE (LMC565425) en liaison avec des pastilles médicamenteuses et pastilles non médi[ca]menteuses, bonbons pour la gorge, bonbons et gomme à mâcher;

         ALPENICE (LMC425631) en liaison avec des bonbons;

         ALPINE (LMC139149) en liaison avec des produits de boulangerie-pâtisserie congelés;

         ALPIA (LMC534480); et ALPROSE (LMC519837) en liaison avec des chocolats et des produits de confiserie;

         ALPREZ (LMC511791) en liaison avec des légumes;

         TRANS ALPINE & Dessin (LMC323331) en liaison avec des escargots, câpres, légumes en boîtes et marinés, huiles, sauce soja, vinaigre et sirop de table.

 

[71]           L’Opposante soutient qu’aucun des enregistrements ci-dessus ne vise des produits qui sont étroitement liés aux marchandises de la Requérante comme ceux liés à la marque ALPEN de l’Opposante, nommément des produits contenant des céréales ou accompagnés de céréales. L’Opposante fait valoir que la preuve de l’état du registre ne permet pas de conclure qu’il existe un degré important de ressemblance avec les marques qui commencent avec le préfixe ALP et qui sont employées en liaison avec des produits à base de céréales.

 

[72]           S’il est vrai qu’aucun des enregistrements ci-dessus ne vise des produits à base de céréales, comme ceux qui sont commercialisés par l’Opposante sous la marque ALPEN, ils visent néanmoins une variété de produits alimentaires, y compris des produits laitiers et des boissons non alcoolisées, lesquels chevauchent clairement les marchandises visées par la demande de la Requérante. J’estime que le nombre de marques déposées relevées par Mme Thibodeau est suffisant pour conclure qu’il est courant dans l’industrie alimentaire d’adopter des marques de commerce composées du mot « ALPEN » ou « ALPINE » en liaison avec une variété de produits alimentaires, plus particulièrement des produits laitiers et des boissons. Les consommateurs devraient donc être mesure de faire la distinction entre les marques.

 

[73]           Cela m’amène à examiner l’affidavit de Mme Young. Comme il a été dit précédemment, Mme Young a examiné des sites Web et, au besoin, a effectué des recherches supplémentaires sur Internet pour trouver les enregistrements de marques de commerce contenus dans la pièce TTH-3 de l’affidavit de Mme Thibodeau. Madame Young affirme qu’on lui a demandé de trouver les sites Web se rapportant aux propriétaires des marques de commerce contenues dans la pièce TTH-3 de l’affidavit de Mme Thibodeau et d’examiner ces sites Web afin de déterminer a) si les marques de commerce pertinentes étaient présentes, et b) si les produits vendus par le propriétaire sous la marque de commerce pertinente semblaient être disponibles au Canada. Lorsqu’elle n’a pas été en mesure de trouver le site Web du propriétaire, elle a effectué des recherches sur Internet à l’aide du moteur de recherche www.google.ca dans le but de trouver des renseignements se rapportant au propriétaire et à l’emploi de la marque ou des marques pertinentes.

 

[74]           L’Opposante soutient qu’il est permis de croire que les pièces A et B de l’affidavit de Mme Young [traduction] « révèlent l’emploi au Canada des marques de commerce ALPENWEISS en liaison avec du vin, ALPINE en liaison avec du lait et du lait en poudre, ALPIA en liaison avec des barres de chocolat, ALPINA en liaison avec du salami, ALPINA LAGER et ALPINE LIGHT en liaison avec de la lager et de la bière, ALPINE en liaison avec de la gomme à mâcher (abandonnée en 2005), ALPINE BELL, ALPINE ASTER et ALPINE ROSE en liaison avec des fromages, ALPINE LACE en liaison avec des fromages et ALPROSRE en liaison avec du chocolat ». Cependant, l’Opposante fait valoir que [traduction] « compte tenu du nombre limité de marques qui semblent être employées au Canada, et à l’exclusion des marques employées en liaison avec des boissons alcoolisées, de la gomme à mâcher, du chocolat et des barres de chocolat, du salami et du fromage », il ne faut pas accorder d’importance à la preuve de l’état du registre produite par la Requérante dans le cadre de la présente procédure d’opposition. Je ne souscris pas à cet argument.

 

[75]           Le simple fait que Mme Young ne pouvait trouver d’occurrences concernant certaines des marques figurant sur les pièces TTH-3 et TTH-4 au moyen des paramètres décrits dans son affidavit ne permet pas nécessairement de penser que ces marques ne sont pas employées sur le marché canadien. Comme le souligne la Requérante, on ne peut conclure à l’absence d’une marque sur le marché simplement parce qu’une marque de commerce ne figure pas sur un site Web. Par conséquent, les recherches faites par Mme Young ne peuvent être considérées exhaustives. Elles ne peuvent pas non plus être considérées comme étant des recherches objectives en raison du manque d’objectivité de MmeYoung à titre d’employée du cabinet représentant l’Opposante dans la présente procédure [voir Cross-Canada Auto Body Supply c. Hyundai (2006), 53 C.P.R. (4th) 286 (C.A.F.)]. De plus, il est permis de penser que les quelques résultats obtenus par Mme Young pour la douzaine de marques mentionnées ci-dessus étayent la conclusion tirée précédemment portant qu’il est courant dans l’industrie de l’alimentation d’adopter des marques de commerce composées du mot « ALPEN » ou « ALPINE » employées en liaison avec une variété de produits alimentaires.

 

[76]           Cela m’amène à analyser l’affidavit de Mme Goudreau. Comme il a été dit précédemment, l’affidavit de Mme Goudreau a été produit pour appuyer la prétention de la Requérante selon laquelle des marques de commerce identiques ou similaires employées en liaison avec une variété de produits alimentaires et détenues par différentes entités coexistent sur le registre des marques de commerce de l’OPIC, par exemple :

 

  • BARON BRAND (LMC685805) en liaison avec du « jambon »; BARON BURGER et BURGER BARON (LMC488523 et LMC495236) en liaison avec des « hamburgers »; LE BARON (LMC665228) en liaison avec du « pain de jambon cuit »); BARON (LMC491460) en liaison avec « beurre de sucre, choucroute, compote de pommes, fèves au lard, fruits frais, fruits en conserve, [etc.] »; BARON DE LUZE (LMC287064) en liaison avec des « vins, à l’exclusion des vins mousseux »; LE BARON (LMC247789) en liaison avec des « tomates, jus de tomates, maïs en grains et en crème, petits pois, fèves jaunes et vertes, carottes, macédoine de légumes »; LE BARON (LMC301646) en liaison avec des « fromages »; LE GRAND BARON (LMC297043) en liaison avec des « vins »; RED BARON (LMC320125) en liaison avec de la « pizza »; et RED BARON (LMC351199) en liaison avec de la « bière »;
  • THE BEEFEATER (LMC376046) en liaison avec « viande, volaille, poisson, viandes surgelées » et BEEFEATER (LMC250814) en liaison avec des [traduction] « protéines végétales hydrolysées »; BEEFEATER (LMC271275 et LMC667125) en liaison avec des [traduction] « pommes de terres frites congelées » et des « hors-d’oeuvre et goûters, nommément pommes de terre surgelées, légumes en pâte à frire, rondelles d’oignon, [etc.] », respectivement; et BEEFEATER (LMC120981) en liaison avec du [traduction] « gin »;
  • BIG RED (LMC224704) en liaison avec des [traduction] « produits à base de viande, nommément des saucisses de Francfort »; WRIGLEY’S BIG RED CHEWING GUM (LMC202538) en liaison avec de la [traduction] « gomme à mâcher »; BIG RED (LMC403953) en liaison avec « bières, bières anglaises et porter; eaux minérales et gazeuses »; et BIG RED’S (LMC255606) en liaison avec [traduction] « sandwiches et pizzas »;
  • BLUE RIBBON (LMC373191) en liaison avec « viandes cuisinées, nommément saucisson de Bologne »; BLUE RIBBON & Dessin (LMC339911) en liaison avec « produits alimentaires, nommément, épices, décorations et extraits de parfums pour desserts; café; thé; poudre à pâte »; et BLUE RIBBON GOLDEN (LMC391445) en liaison avec du « riz ».

 

[77]           Bien que je sois d’accord avec la Requérante que l’affidavit de Mme Goudreau appuie, dans une certaine mesure, la prétention de la Requérante selon laquelle des marques identiques ou similaires employées en liaison avec une variété de produits alimentaires peuvent coexister sur le registre des marques de commerce, il reste que chaque affaire est un cas d’espèce. Par conséquent, le simple fait que diverses marques de commerce coexistent sur le registre en liaison avec une variété de produits alimentaires ne lie pas le registraire.

 

 

 

 

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale ALPEN de l’Opposante

 

[78]           Comme je l’ai dit plus haut, il s’agit de déterminer si un consommateur qui a un souvenir général et imparfait de la marque de l’Opposante pourrait vraisemblablement croire, en voyant la Marque, que leurs produits respectifs ont la même origine.

 

[79]           Bien que les marchandises des parties appartiennent à la catégorie générale des produits alimentaires et qu’elles sont susceptibles d’être vendues dans le même type d’épicerie et autres magasins d’alimentation au détail, j’estime que, sauf en ce qui concerne les « boissons à base de lait avec céréales » et des « boissons à base de lait avec avoine » dont il est question ci-dessous, la nature exacte des marchandises des parties présentent peu de ressemblance. De plus, bien que je reconnaisse que la marque ALPEN de l’Opposante employée en liaison avec des céréales de déjeuner jouisse d’une réputation considérable au Canada, j’estime que les différences entre les marques des parties sur le plan de la présentation et du son l’emportent sur les ressemblances existant dans les idées qu’elles suggèrent, plus particulièrement compte tenu de l’adoption commune au sein de l’industrie de l’alimentation de marques de commerce composées du mot « ALPEN » ou « ALPINE » employées en liaison avec une variété de produits alimentaires.

 

[80]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que, sauf en ce qui concerne les « boissons à base de lait avec céréales » et les « boissons à base de lait avec avoine », la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.

 

[81]           S’agissant des « boissons à base de lait avec céréales » et des « boissons à base de lait avec avoine », je conclus qu’il est tout aussi vraisemblable de conclure i) qu’il n’y a pas probabilité raisonnable de confusion quant à la source des marchandises des parties compte tenu des différences entre les marques des parties sur le plan de la présentation et du son et ii) qu’il y a probabilité raisonnable de confusion quant à l’origine des marchandises des parties compte tenu des ressemblances existant entre les idées suggérées par les marques des parties et entre ces marchandises en particulier de la Requérante et les produits à base de céréales de l’Opposante, compte tenu du fait que la Requérante n’a pas prouvé qu’il existait des distinctions possibles entre ces marchandises en particulier, et compte tenu du fait que la preuve de l’état du registre ne permet pas de conclure qu’il existe un degré important de coexistence concernant les marques qui commencent par le préfixe ALP et qui sont employées en liaison avec des produits à base de céréales. Comme il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion, je dois rendre une décision défavorable à la Requérante.

 

[82]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) portant sur la probabilité de confusion entre la marque de l’Opposante et la Marque est accueilli en partie.

 

ii) Analyse de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque ALPINA & Dessin d’Alpina Salami Inc.

 

[83]           Certes, l’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi en ce qu’elle créée de la confusion avec la marque de commerce déposée ALPINA & Dessin d’Alpina Salami Inc. reproduite ci-dessus. L’Opposante n’a présenté aucune observation concernant cet argument que ce soit durant son plaidoyer écrit ou lors de l’audience.

 

[84]           En l’absence de preuve étayant l’emploi de la marque Alpina Salami Inc., la simple existence d’un enregistrement peut tout au plus établir un emploi de minimis et ne saurait permettre de conclure à un emploi important ou continu de la marque [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)]. Par conséquent, bien que je reconnaisse qu’il existe des ressemblances entre les marques en cause puisque les marques comprennent tous les deux le mot « ALPINA », je suis d’accord avec la Requérante pour dire que les différences entre les marques, combinées aux différences entre la nature exacte de leurs marchandises respectives, sont suffisantes, dans les circonstances, pour empêcher qu’il y ait probabilité de confusion.

 

[85]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) fondé sur la probabilité de confusion entre l’enregistrement de ce tiers et la Marque est rejeté. Il convient d’ajouter que dans la mesure où ma conclusion concernant ce motif d’opposition en particulier est fondée sur la preuve au dossier, la présente affaire se distingue de ma décision rendue à la même date dans la procédure d’opposition en instance produite par Alpina Salami Inc.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’article 16

 

[86]           L’Opposante a fait valoir divers motifs d’opposition en vertu de l’article 16 de la Loi. Selon deux de ces motifs, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque compte tenu des alinéas 16(1)b) et (2)b) de la Loi puisqu’à la date de premier emploi revendiquée de la Marque et la date de production de la demande de la Requérante, respectivement, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce ALPEN de l’Opposante ayant fait l’objet d’une demande d’enregistrement portant le no 1,295,011 et ayant été employée depuis au moins aussi tôt que le 18 mai 1973.

 

[87]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve relativement à un motif d’opposition fondé sur les alinéas 16(1)b) ou (2)b) s’il démontre que sa demande d’enregistrement a été produite avant la demande du requérant et que cette demande était pendante à la date à laquelle la demande du requérant a été annoncée [paragraphe 16(4) de la Loi]. Puisque la demande de l’Opposante no 1,295,011 a été déposée après la demande de la Requérante, les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(1)b) et (2)b) sont rejetés parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

 

[88]           L’Opposante a également fait valoir que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(1)a) et (2)a) de la Loi. Elle affirme qu’à la date de premier emploi de la Marque et à la date de production de sa demande d’enregistrement, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce déposée ALPEN de l’Opposante visée par l’enregistrement no LMC191383, et créait également de la confusion avec la marque de commerce ALPEN de l’Opposante ayant fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1,295,011, lesquelles ont toutes deux été employées considérablement depuis 1973 et qui continuent d’être employées considérablement au Canada aujourd’hui.

 

[89]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve relativement à un motif d’opposition fondé sur les alinéas 16(1)a) ou (2)a) s’il démontre qu’à la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement du requérant ou à la date de production de sa demande d’enregistrement, respectivement, sa marque de commerce a été précédemment employée au Canada et n’a pas été abandonnée à la date où la demande a été annoncée [paragraphe 16(5) de la Loi]. S’agissant de mon examen de l’affidavit de M. Marble, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne la marque ALPEN employée en liaison avec les céréales de déjeuner ou du muesli et des céréales mélangées avec des fruits et des noix. Elle ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne les aliments à grignoter à base de céréales et les barres à base de céréales prêtes-à-manger.

 

[90]           Puisque l’écart entre les dates pertinentes n’a pas de répercussions importantes sur mon analyse ci-dessus du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), je conclus que les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(1)a) et (2)a) sont accueillis en ce qui concerne les « boissons à base de lait avec céréales » et les « boissons à base de lait avec avoine ».

 

[91]           À cet égard, je souhaite examiner l’argument soulevé par l’Opposante à l’audience selon lequel les affidavits de Mme Thibodeau et Mme Goudreau ne doivent pas être pris en compte dans mon analyse des motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement et l’absence du caractère distinctif puisqu’ils portent une date postérieure à la date pertinente qui s’applique à chacun de ses motifs d’opposition. Bien qu’il soit vrai, d’un point de vue technique, que les deux affidavits portent des dates postérieures aux dates pertinentes devant être prises en compte en vertu de ces motifs d’opposition, la grande majorité des enregistrements mentionnés dans les affidavits de Mme Thibodeau et de Mme Goudreau ont été délivrés avant l’une ou les deux dates pertinentes en cause. Cela étant, la conclusion que j’ai tirée plus haut concernant la preuve de l’état du registre s’applique, en grande partie, aux motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif

 

[92]           L’Opposante a fait valoir que la Marque ne distingue pas les marchandises de la Requérante des marchandises, services ou entreprises i) d’Alpina Salami Inc. qui a enregistré et employé la marque de commerce ALPINA & Dessin comme il a été dit précédemment; et ii) de l’Opposante qui a précédemment enregistré et employé la marque de commerce ALPEN comme il a été dit précédemment.

 

[93]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve relativement à un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif s’il démontre qu’à la date de production de l’opposition, sa marque de commerce était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. S’agissant de mon examen de l’affidavit de M. Marble, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve concernant l’emploi de la marque ALPEN en liaison avec des céréales de déjeuner ou du muesli et des céréales mélangées avec des fruits et des noix. Elle ne s’est pas acquittée de son fardeau concernant les aliments à grignoter et les barres à base de céréales prêtes-à-manger et la marque de commerce ALPINA & Dessin d’Alpina Salami Inc.

 

[94]           Puisque l’écart entre les dates pertinentes n’a aucune incidence importante sur mon analyse ci-dessus en vertu du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), je conclus que le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est accueilli en ce qui concerne les « boissons à base de lait avec céréales » et les « boissons à base de lait avec avoine ».

 

Décision

 

[95]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en ce qui concerne les marchandises suivantes : « boissons à base de lait avec céréales » et les « boissons à base de lait avec avoine ». De plus, je rejette l’opposition en ce qui concerne le reste des marchandises conformément au paragraphe 38(8) de la Loi [voir Produits Menagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.) comme justifiant une décision partagée].

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.

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