Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 223

Date de la décision : 2013-12-20
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Rivest Tremblay Tétreault, visant l’enregistrement no LMC494,473 de la marque de commerce BELLA FORMA au nom de Kodev Investments Ltd.

[1]               Le 28 septembre 2011, à la demande de Rivest Tremblay Tétreault, le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) à Kovac Manufacturing Inc., qui était alors la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC494,473 de la marque de commerce BELLA FORMA (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes : [TRADUCTION] articles vestimentaires, nommément pantalons, jupes, shorts, vestons, robes, chemisiers, tailleurs, gilets, t-shirts, robes d’intérieur, robes de chambre, sauts-de-lit, peignoirs et vêtements de nuit pour femmes.

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacune des marchandises et de chacun des services décrits dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 28 septembre 2008 au 28 septembre 2011.

[4]               La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des marchandises est énoncée à l’article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte d’une procédure en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c. Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c. le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], le propriétaire inscrit n’en doit pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacune des marchandises décrites dans l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, la propriétaire actuelle, Kodev Investments Ltd., a produit l’affidavit de John Kovac, souscrit le 13 décembre 2011. Seule la propriétaire a produit des représentations écrites; aucune audience n’a été tenue.

[7]               Dans son affidavit, M. Kovac atteste que la Marque a été cédée à la propriétaire actuelle par la voie d’un contrat de cession intervenu le 1er mai 2009. Je souligne que cette cession a été enregistrée par le registraire le 11 janvier 2012, à la suite de la délivrance de l’avis; M. Kovac a toutefois joint à son affidavit, comme pièce JK-1, une copie de l’acte constatant la cession par Kovac Manufacturing Inc., lequel est daté du 1er mai 2009 et a été signé le même jour. M. Kovac atteste qu’à partir de cette date, la Marque a été employée par Kovac Industries Inc., la licenciée de la propriétaire actuelle, conformément à un accord de licence; une copie de cet accord est jointe à son affidavit comme pièce JK-3. Il explique que les trois compagnies sont des sociétés liées dans lesquelles M. Kovac et ses frères détiennent tous des intérêts et précisent que ces frères et lui-même agissent à titre d’administrateurs et de dirigeants de l’une ou l’autre de ces sociétés (collectivement appelées les « Société Kovac » [Kovac Companies]). 

Preuve d’emploi de la Marque

[8]               M. Kovac atteste que, pendant la période pertinente, les Sociétés Kovac [TRADUCTION] « ont offert en vente au Canada une partie ou l’ensemble des marchandises ». Pour appuyer ses dires, il a joint à son affidavit, à titre de pièce JK-5, des photographies de [TRADUCTION] « spécimens de vêtements pour femmes auxquels sont fixées des étiquettes volantes arborant la Marque ». Il précise que ces photos montrent un modèle de chemisier BELLA FORMA et quatre modèles différents de pantalons BELLA FORMA. Il a également fourni, comme pièce JK-6, des spécimens d’étiquettes volantes arborant la Marque qui, atteste-t-il, étaient fixées aux vêtements pour femmes qui ont été vendus pendant la période pertinente.

[9]               En ce qui concerne les ventes réelles des marchandises, M. Kovac a fourni deux factures dont les dates sont comprises dans la période pertinente et qui, atteste-t-il, montrent que des vêtements pour femmes arborant la Marque ont été vendus à des clients au Canada. Plus particulièrement, il atteste que ces factures concernent des ventes de deux modèles de pantalons BELLA FORMA. Je souligne qu’une de ces factures concerne la vente de 14 pantalons et l’autre de 443 pantalons.

[10]           Compte tenu de cette preuve de ventes de « pantalons » et de la preuve produite relativement à façon dont la Marque figurait sur ces marchandises au moment de la vente, j’estime que la propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec des « articles vestimentaires, nommément des pantalons pour femmes » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[11]           Toutefois, relativement aux autres marchandises, y compris les chemisiers, M. Kovac n’a fourni aucune preuve de transferts dans la pratique normale du commerce ou autrement au cours de la période pertinente. Il affirme simplement que les Sociétés Kovac avaient [TRADUCTION] « à disposition » des stocks des diverses autres marchandises et qu’elles étaient [TRADUCTION] « en position de produire l’ensemble des différents articles vestimentaire… pour les vendre à leurs clients, si de tels articles étaient commandés ».

Circonstances spéciales

[12]           En l’absence d’une preuve de transferts dans la pratique normale du commerce, la question est de savoir si, suivant l’article 45(3) de la Loi, il existait des circonstances spéciales de nature à justifier le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les autres marchandises au cours de la période pertinente.

[13]           En règle générale, la question de savoir s’il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi repose sur l’examen de trois critères, énoncés dans Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF). Le premier est la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée, le deuxième consiste à déterminer si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit, et le troisième, à déterminer s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque à court terme.

[14]           L’arrêt Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd. (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF) a apporté des précisions quant à l’interprétation du deuxième critère, à savoir que ce critère doit obligatoirement être rempli pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la marque. En d’autres termes, les deux autres critères sont pertinents, mais ne sauraient, à eux seuls, constituer des circonstances spéciales. En outre, l’intention de reprendre l’emploi doit être corroborée par la preuve [Arrowhead Spring Water Ltd c. Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst.); NTD Apparel Inc c. Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst.)].

[15]           En l’espèce, M. Kovac s’est contenté de fournir l’explication suivante, au paragraphe 17 de son affidavit :

[TRADUCTION]
La production et la vente des différentes Marchandises arborant la Marque dépendront de la demande des clients et des tendances du marché, qui varient pour chaque collection saisonnière. En conséquence, les Marchandises associées à la Marque ne sont pas tout offertes en vente au Canada en tout temps.

[16]           J’ajouterai qu’aucune déclaration claire n’a été faite relativement au premier critère et que, bien que M. Kovac atteste que les Sociétés Kovac sont [TRADUCTION] « en position » d’employer la Marque, il ne fournit aucune précision quant au moment auquel, ou quant aux circonstances dans lesquelles, l’emploi de la Marque pourrait reprendre en liaison avec chacune des autres marchandises.

[17]           En ce qui concerne le deuxième critère, je souligne que des conditions de marché difficiles ou défavorables ne sont généralement pas considérées comme des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [voir Harris Knitting, précité; Rogers, Bereskin & Parr c. le Registraire des marques de commerce (1987), 17 CPR (3d) 197 (CF 1re inst.); Lander Co Canada Ltd c. Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst.)]. De même, il a déterminé, dans des cas où le propriétaire n’avait pas l’intention d’abandonner sa Marque au Canada, mais n’avait reçu aucune commande de clients canadiens au cours de la période pertinente, qu’une telle situation n’était pas, en soi, suffisante pour maintenir l’enregistrement [voir Garrett c. Langguth Cosmetic GMBH (1991), 39 CPR (3d) 572 (COMC)]. En l’espèce, M. Kovac ne fournit aucun détail en ce qui concerne les « tendances du marché » dans l’industrie du vêtement, il ne fait qu’évoquer le sujet. Bien que l’on puisse raisonnablement concevoir que les différents types de produits vestimentaires ne sont pas nécessairement tous disponibles à l’année, cela ne justifie pas l’absence de disponibilité sur une période de plusieurs années, telle la période pertinente. Il semble plutôt que les Sociétés Kovac ont restreint aux seuls « pantalons » la vente d’articles vestimentaires arborant la Marque pendant la période pertinente. En l’absence de plus amples détails, il semblerait que cette situation découle d’une décision volontaire de la propriétaire, et non de circonstances indépendantes de sa volonté.

[18]           En conséquence, je ne peux conclure que la propriétaire a établi l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement, autres que les « pantalons », au cours de la période pertinente.

Décision

[19]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de radier les marchandises suivantes : [TRADUCTION] « … jupes, shorts, vestons, robes, chemisiers, tailleurs, gilets, t-shirts, robes d’intérieur, robes de chambre, sauts-de-lit, peignoirs et vêtements de nuit pour femmes ».

[20]           Le nouvel état déclaratif des marchandises sera libellé comme suit : [TRADUCTION] « articles vestimentaires, nommément pantalons pour femmes ».

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Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

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