Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

Affaire intéressant la procédure prévue à l’article 45 au sujet de l’enregistrement n° LMC 478,636 de la marque de commerce PHARMASAVE HEALTHNOTES                                                                

 

Le 9 mars 2004, à la demande de Fetherstonaugh & Co., le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. 13 (la Loi) à Pharmasave Drugs Limited (la titulaire de l’enregistrement) à l’égard de l’enregistrement n° LMC 478,636 de la marque de commerce PHARMASAVE HEALTHNOTES (la marque) en liaison avec des [traduction] « publications périodiques du type bulletins d’information ».

 

L’article 45 de la Loi prévoit que le propriétaire inscrit est tenu d’établir que la marque de commerce a été employée au Canada à l’égard de chacune des marchandises et de chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce va du 9 mars 2001 au 9 mars 2004. L’article 4 de la Loi définit ce qui constitue l’emploi d’une marque de commerce.

 

En réponse à l’avis, un affidavit de Joan Low daté du 31 mai 2004 a été produit. Chaque partie a produit des observations écrites. Il n’a pas été tenu d’audience.

 

Pour la commodité de la consultation, je reproduis ci-dessous le premier paragraphe de l’affidavit de Mme Low :

 

[traduction]

1.   Je suis l’adjointe de direction du chef de la direction de Pharmasave Drugs (National) Ltd. et de Pharmasave Drugs Ltd. (ci-après désignées Pharmasave Drugs). J’occupe ce poste depuis le 1er août 1986. À ce titre, j’ai une connaissance personnelle des questions sur lesquelles je témoigne dans le présent affidavit, soit directe, soit tirée de mon examen des registres de la société, sauf quand j’indique que cette connaissance repose sur des renseignements tenus pour véridiques.

 

Mme Low n’a pas décrit ses fonctions spécifiques au sein des sociétés visées. Je m’appuie donc sur le sens ordinaire du titre [traduction] « adjointe de direction », que le Paperback Oxford Canadian Dictionary définit comme [traduction] « un adjoint administratif d’un dirigeant d’une société, etc. », pour conclure que Mme Low ne compte pas parmi les dirigeants des sociétés visées. En outre, Mme Low n’a fourni le nom du chef de la direction ni de la titulaire de l’enregistrement ni de Pharmasave Drugs (National) Ltd. Il me semble que le terme [traduction] « chef de la direction » aurait dû prendre un « s » si Mme Low voulait dire que le chef de direction de chaque société n’était pas la même personne. Cela dit, comme la décision sur le fait de savoir si le chef de la direction de chaque société est ou n’est pas la même personne repose sur l’interprétation de l’affirmation de Mme Low, je dois conclure que son affirmation est ambiguë. Toute ambiguïté dans l’affidavit doit être résolue à l’encontre de la titulaire de l’enregistrement [voir la décision Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]. Par conséquent, je ne suis pas disposée à déduire que le chef de la direction de chaque société est la même personne.

 

Mme Low déclare que la titulaire de l’enregistrement, en collaboration avec Pharmasave Drugs (National) Ltd., ses franchiseurs régionaux et ses licenciés, exploite 330 pharmacies et magasins d’alimentation de détail dans l’ensemble du Canada (paragraphe 3). Les paragraphes  4 à 6 de l’affidavit, reproduits ci-dessous, peuvent résumer les éléments de preuve fournis par Mme Low au sujet de l’emploi de la marque :

 

[traduction]

4.      Pharmasave Drugs a employé la marque de commerce PHARMASAVE HEALTHNOTES en liaison avec ses [traduction] « publications périodiques du type bulletins d’information » depuis juillet 1995 au moins jusqu’à maintenant. Ci joint à mon présent affidavit et désigné comme Pièce A un échantillon représentatif de bulletins d’information PHARMASAVE HEALTHNOTES entre juillet 1995 et maintenant.

 

5.      Pharmasave Drugs, en collaboration avec Pharmasave Drugs (National) Ltd., publie le bulletin d’information PHARMASAVE HEALTHNOTES six fois par année.

 

6.      Pharmasave Drugs produit et distribue à l’échelle nationale, par l’entremise de ses franchiseurs régionaux et licenciés, environ 100 000 exemplaires des bulletins d’information PHARMASAVE HEATHNOTES offerts à ses clients dans les 330 [traduction] « pharmacies et magasins d’alimentation de détail ».

 

Cinq des bulletins d’information inclus à la pièce A portent des dates qui tombent dans la période pertinente. Chaque bulletin d’information est intitulé Pharmasave Healthnotes® Keeping you…WELL INFORMED®. La mention Practical Health Information from your Live Well Pharmacist figure sous le titre. La partie inférieure de la dernière page porte des renseignements sur chaque bulletin d’information pertinent. Je reproduis ci-dessous trois avis, que je numérote pour la commodité de la consultation, ayant une importance dans mon analyse de la preuve :

 

[traduction]

1)      Pharmasave Well Informed® est publié six fois par année et distribué exclusivement à titre de service par Pharmasave Drugs (National) Ltd.

2)      Pharmasave Well Informed® est une marque de commerce de Pharmasave Drugs (National) Ltd.

3)      Avec les compliments de votre pharmacien Live Well.

 

La partie à la demande de qui l’avis a été donné indique qu’elle admet que l’affidavit de Mme Low établit qu’une publication identifiée par la marque a été distribuée au Canada au cours de la période pertinente. Toutefois, elle soutient que l’emploi de la marque n’est pas celui de la titulaire de l’enregistrement ou un emploi que celle-ci peut invoquer conformément à l’article 50 de la Loi. La partie à la demande de qui l’avis a été donné fait valoir, avec raison, que les affirmations de Mme Low selon lesquelles la titulaire de l’enregistrement a employé la marque ne répondent pas aux conditions prescrites à l’article 45 de la Loi. Elle soutient en outre que la mention indiquée en 1) identifie Pharmasave Drugs (National) Ltd., plutôt que la titulaire de l’enregistrement, comme l’entité qui conçoit et distribue le bulletin d’information, sans élément de preuve touchant la relation entre les deux entités. À cet égard, la partie à la demande de qui l’avis a été donné fait valoir que les allégations de Mme Low relatives à la collaboration entre la titulaire de l’enregistrement et Pharmasave Drugs (National) Ltd., qui sont des entités distinctes, ne suffisent pas pour établir l’existence d’une licence ou le fait que la titulaire de l’enregistrement exerce directement ou indirectement un contrôle sur les caractéristiques ou la qualité du bulletin d’information lié à la marque.

 

La titulaire de l’enregistrement soutient que les paragraphes 3 et 5 de l’affidavit font état de la relation entre les deux entités. Néanmoins, elle explique plus loin sa relation avec Pharmasave Drugs (National) Ltd. en prétendant qu’elle a conféré une licence d’emploi de la marque à Pharmasave Drugs (National) Ltd., ses franchiseurs régionaux et ses franchisés, et qu’elle exerce le contrôle nécessaire sur les caractéristiques et la qualité des marchandises conformément aux dispositions de l’article 50 de la Loi. La titulaire de l’enregistrement fait aussi valoir qu’elle a passé une entente avec Pharmasave Drugs (National) Ltd. selon laquelle les marques de commerce de la titulaire de l’enregistrement seront cédées à Pharmasave Drugs (National) Ltd. au terme de l’opération. Avec égards pour la titulaire de l’enregistrement, j’estime que la cession éventuelle n’est pas pertinente dans la présente procédure et que l’éclaircissement de la relation entre les deux sociétés dans ses observations écrites n’est d’aucune aide à son argumentation. Malgré cette observation, je reconnais que l’article 50 de la Loi ne prescrit pas d’entente écrite. La preuve d’un contrôle exercé par le propriétaire d’une marque de commerce déposée peut étayer l’existence d’une entente de licence implicite [voir la décision Well’s Dairy Inc. c. UL Canada Inc. (2000), 7 C.P.R. (4th) 77 (C.F. 1re inst.)]. J’ajouterais que la structure d’entreprise ne suffit pas par elle-même à établir l’existence d’une licence aux termes de l’article 50 de la Loi.

 

La titulaire de l’enregistrement a d’elle-même soulevé la question de l’avis incorrect de l’identité du propriétaire indiqué en 2) tout en faisant valoir que cela ne l’empêche pas de maintenir l’enregistrement sous son nom. La titulaire de l’enregistrement fonde son observation sur les décisions 88766 Canada Inc. c. Thorn EMI Plc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 490 et Fitzsimmons, MacFarlane c. Caitlin Financial Corp. N.V. (1997), 79 C.P.R. (3d) 154. Qu’il suffise de dire que dans la décision 88766 Canada Inc., l’agente d’audience principale a été persuadée que les éléments de preuve établissaient l’emploi par l’usager inscrit conformément à l’article 50 de la Loi, selon sa teneur à l’époque. Dans la décision Fitzsimmons, MacFarlane, l’agent d’audience principal a été persuadé que les éléments de preuve établissaient un emploi sous licence conforme aux conditions prévues au paragraphe 50(1) de la Loi. Quoi qu’il en soit, la question de l’avis incorrect de l’identité du propriétaire est liée au caractère distinctif d’une marque de commerce. Je suis d’accord avec l’observation de la titulaire de l’enregistrement, qui affirme que le caractère distinctif de la marque n’est pas la question pertinente dans la procédure en vertu de l’article 45.

 

Avant d’examiner les observations des parties sur la question du contrôle, j’entends traiter une autre question, non traitée par aucune des parties, soulevée par l’avis reproduit en 3). À mes yeux, cet avis, joint à l’affidavit de Mme Low, mène à la conclusion que les bulletins d’information associées à la marque ont été distribuées gratuitement dans les pharmacies et magasins d’alimentation de détail exploités par la titulaire de l’enregistrement en collaboration avec Pharmasave Drugs (National) Ltd., ses franchiseurs régionaux et franchisés, au cours de la période pertinente. Je suis consciente que la jurisprudence établit que, dans certaines conditions, la distribution gratuite au public d’une publication en liaison avec une marque de commerce peut être considérée comme un emploi de la marque de commerce visé par le paragraphe 4(1) [voir à ce sujet la décision NOW Communications Inc. c. CHUM Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 275 (C.O.M.C.)].

 

Dans la décision 88766 Canada Inc. c. Barlow, Menard & Associates (2002), 22 C.P.R. (4th) 542 relative à une procédure en vertu de l’article 45 à l’encontre de la marque de commerce THE TRADE MARKER et dessin y afférent déposée en liaison avec une publication périodique, l’agente d’audience principale a examiné une situation un peu semblable. Dans cette affaire, les éléments de preuve tendaient à établir que la marque de commerce était associée à une publication périodique distribuée gratuitement comme service d’information à des clients, à des participants à des séminaires, à une sélection d’organismes sans but lucratif et à des clients potentiels. Pour arriver à la conclusion que l’emploi de la marque de commerce visait davantage des services et ne devait donc pas être considéré comme un emploi « dans la pratique normale du commerce » visant des marchandises en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi, l’agente d’audience principale a fait les observations suivantes :

 

       [TRADUCTION]

15  En l’espèce, on ne fournit pas de preuve dans l’affidavit indiquant que la distribution gratuite de la publication de FMA visait à tirer un profit, par exemple, de la vente d’espace publicitaire au moyen de sa publication. Les pièces fournies par M. Flansberry présentent divers numéros de la publication THE TRADE MARKER au cours de la période pertinente, mais aucun ne contient d’annonces.

 

16  Il ressort de l’ensemble de la preuve que les publications de FMA ne font pas l’objet d’une opération commerciale normale. À mon avis, la présente affaire offre une grande similitude avec l’affaire Renaud Cointreau & Cie c. Cordon Bleu International Ltd. (1993), 52 CPR (3d) 284 (C.O.M.C.), à la page 287. En outre, il n’y a aucun élément de preuve qui donne à penser ou dont on pourrait déduire que la distribution gratuite de la publication vise à obtenir des commandes et des ventes à l’égard de la publication, ce qui pourrait démontrer l’intention de tirer un profit des marchandises marquées : voir la décision Lin Trading Co. c. CBM Kabushiki Kaisha (1985), 5 CPR (3d) 27 (agent d’audience, marques de commerce), conf. Par (1987) 14 CPR (3d) 32 et (1988) 21 CPR (3d) 417 9 (C.A.F.).

 

Je reconnais que deux affaires ne sont jamais identiques, mais le raisonnement de l’agent d’audience principal semble s’appliquer à l’espèce, où les éléments de preuve établissent que le bulletin d’information ne constitue pas une opération commerciale normale. Aucun élément de preuve n’indique que la distribution gratuite du bulletin d’information visait à obtenir un bénéfice ou à se ménager des commandes et des ventes à l’aide de la publication. Aucun des bulletins d’information datés de la période pertinente ne contient de publicité. Les éléments de preuve au dossier appuient la conclusion selon laquelle le bulletin d’information est utilisé dans le cadre de l’exploitation des pharmacies et des magasins d’alimentation de détail, plus particulièrement il fournit des renseignements pratiques sur la santé aux clients. Par conséquent, je conclus que l’emploi de la marque ne peut être considéré comme un emploi « dans la pratique normale du commerce » en liaison avec des marchandises conformément au paragraphe 4(1) de la Loi.

 

Dans l’hypothèse où ma conclusion serait erronée, j’envisagerai maintenant la question du contrôle en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

Dans la décision visant l’enregistrement n° 113,827 de la marque de commerce NICCOLINI (décision non publiée du 28 mars 2000), l’agent d’audience principal a conclu que la qualité de dirigeant de la titulaire de l’enregistrement et de dirigeant de l’entreprise licenciée suffisait à établir que le propriétaire de la marque de commerce exerçait le contrôle sur les caractéristiques et la qualité de marchandises associées avec la marque de commerce pour l’application de l’article 45. À cet égard, l’agent d’audience principal s’est appuyé sur la décision Petro Canada c. 2946661 Canada Inc., 83 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.). On peut faire une distinction avec la présente affaire du fait que Mme Low n’est pas une dirigeante de la titulaire de l’enregistrement ni de Pharmasave Drugs (National) Ltd. De plus, j’ai signalé précédemment que je n’étais pas disposée à déduire que le chef de la direction des deux sociétés est la même personne. Cependant, même si l’affidavit de Mme Low avait établi que le chef de la direction des deux sociétés était la même personne, j’établirais encore une distinction entre la présente affaire et la décision relative à la marque de commerce NICCOLINI, car en l’espèce, ce n’est pas le chef de la direction qui a présenté l’affidavit.

 

Pour décider s’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour établir que la titulaire de l’enregistrement exerçait un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des marchandises associées à la marque pour l’application de l’article 45, je n’ai d’autre élément que l’affirmation de Mme Low portant que la titulaire de l’enregistrement, [traduction] « en collaboration avec Pharmasave Drugs (National) Ltd. », publie le bulletin d’information associé à la marque six fois par année. Comme Mme Low ne donne aucun détail au sujet de la participation de la titulaire de l’enregistrement et de Pharmasave Drugs (National) Ltd., je conclus que l’expression [traduction] « en collaboration » implique que les deux entités participent à la publication du bulletin d’information associé à la marque. Par conséquent, je ne suis pas disposée à conclure que Pharmasave Drugs (National) Ltd. a agi seulement comme distributrice du bulletin d’information publié au cours de la période pertinente, auquel cas son emploi de la marque pourrait être invoqué par la titulaire de l’enregistrement [à ce sujet, voir la décision All Canada Vac Ltd. c. Lindsay Manufacturing Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 385 (C.F. 1re inst.), confirmée par (1991), 33 C.P.R. (3d) 285 (C.A.F.) et la décision Osler, Hoskin & Harcourt c. United States Tobacco Co. (1997), 77 C.P.R. (3d) 475 (C.F. 1re inst.)]. J’aimerais ajouter que si j’ai tort de conclure que Pharmasave Drugs (National) Ltd. n’a pas eu seulement un rôle de distributrice, j’estime qu’il faudrait conclure que la déclaration de Mme Low est ambiguë et que cette ambiguïté doit être résolue à l’encontre de la titulaire de l’enregistrement.

 

Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas persuadée que l’affidavit de Mme Low est suffisant pour conclure en l’espèce que la titulaire de l’enregistrement a exercé un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques ou la qualité du bulletin d’information associé à la marque conformément au paragraphe 50(1) de la Loi.

 

Au terme de mon analyse de la preuve, bien qu’il y ait des éléments de preuve établissant l’emploi de la marque en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement au cours de la période pertinente, je conclus que cet emploi ne répond pas aux conditions prévues au paragraphe 4(1) à titre d’emploi « dans la pratique normale du commerce ». À titre subsidiaire, je conclus que les éléments de preuve indiquent un emploi par Pharmasave Drugs (National) Ltd. mais n’établissent pas que cet emploi peut être invoqué par la titulaire de l’enregistrement en conformité avec le paragraphe 50(1) de la Loi.

 

Compte tenu de ce qui précède, l’enregistrement n° LMC 478,636 sera radié conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 20 JUILLET 2006.

 

 

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.