Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 191

Date de la décision : 2010-11-03

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Modern Houseware Imports Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,210,102 pour la marque de commerce constituée du SIGNE DISTINCTIF II DESSIN au nom de World Kitchen, Inc.

 

 

Arguments

[1]               Le 11 mars 2004, World Kitchen, Inc. (la Requérante) a produit la demande 1,210,101, plus tard modifiée, en vue de l’enregistrement du signe distinctif décrit comme suit : [l]a marque de commerce est constituée de parois latérales cannelées à bouts pointus entre des cannelures adjacentes et des intervalles irréguliers entre les cannelures. La marque de commerce est reproduite ci-après :

DISTINGUISHING GUISE II DESIGN(la Marque);

[2]               La demande vise, notamment : batterie de cuisine, nommément plats de cuisson et couvercles, ensembles de service, assiettes à quiche, casseroles, rôtissoires et ramequins (les Marchandises). La Requérante revendique l’emploi de la Marque depuis au moins le 24 mars 1980.

[3]               Le 15 novembre 2004, un examinateur a délivré un rapport du Bureau ordonnant à la Requérante de produire une preuve démontrant que le signe distinctif a été employé au Canada par la Requérante ou ses prédécesseurs en titre de façon à être devenu distinctif à la date de la production d’une demande d’enregistrement le concernant, conformément à l’article 13 de la Loi sur les marques de commerce, L.R. 1985, ch. T-13 (la Loi).

[4]               En réponse à ce rapport, la Requérante a produit l’affidavit de James D. Wallace. Après la production d’une demande modifiée et de la preuve demandée, la demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 17 octobre 2007.

[5]               Le 14 décembre 2007, Modern Houseware Imports Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante a déposé une contre-déclaration le 31 mars 2008 dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition énoncés ci-dessous.

[6]               L’Opposante n’a produit aucune preuve tandis que la Requérante a produit en preuve l’affidavit de Jeffrey S.S. Lim. Seule la Requérante a déposé des observations écrites. Aucune audience n’a été demandée.

Les motifs d’opposition

[7]               Voici les motifs d’opposition :

1.      La Marque n’est pas enregistrable eu égard à l’article 2 et à l’alinéa 38(2)b) de la Loi puisque les parois latérales cannelées à bouts pointus entre des cannelures adjacentes et des intervalles irréguliers entre les cannelures du signe distinctif allégué (telles qu’elles sont présentées dans la demande) représentent une particularité fonctionnelle ou utilitaire et ne peuvent servir de marque de commerce;

2.      La Marque n’est pas enregistrable eu égard aux alinéas 13(1)a) et 38(2)b) puisque la preuve produite par la Requérante à l’étape de l’examen est insuffisante pour établir le caractère distinctif à la date de production de la demande;

3.      La Marque n’est pas enregistrable eu égard aux alinéas 13(1)a) et 38(2)b) puisque, à la date de production de la demande, la Marque n’était pas devenue distinctive compte tenu de l’emploi de particularités de produits similaires au Canada par d’autres parties, y compris, notamment, l’Opposante, Rubbermaid, Wal-Mart Canada et Trudeau Corporation;

4.      La Marque n’est pas enregistrable compte tenu des alinéas 13(1)b) et 38(2)b) puisque l’emploi exclusif, par la Requérante, de la Marque aurait vraisemblablement pour effet de restreindre de façon déraisonnable le développement de l’industrie des batteries de cuisine;

5.      La demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) puisque la Requérante ou ses prédécesseurs en titre n’ont pas employé la Marque depuis le 24 mars 1980, comme elle l’allègue dans la demande;

6.      La Marque n’est pas distinctive au sens de l’alinéa 38(2)d) eu égard à l’emploi au Canada par les parties susmentionnées de particularités de produits similaires;

7.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) puisque la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises compte tenu de ce qui précède.

Le fardeau de preuve dans les procédures d’opposition en matière de marques de commerce

[8]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquitté de son fardeau initial, la Requérante doit prouver, suivant la prépondérance des probabilités, qu’aucun desdits motifs d’opposition n’interdit l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, 2005 CF 722].

Le défaut, par l’Opposante, de s’acquitter du fardeau de preuve initial

[9]               Comme il a été dit précédemment, l’Opposante a choisi de ne déposer aucune preuve au dossier. Il est donc évident qu’elle ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial en ce qui concerne le premier, le troisième, le cinquième et le sixième motifs d’opposition. Rien ne prouve que : la Marque incorpore une particularité fonctionnelle ou utilitaire; que les autres parties ont employé des particularités de produit similaires au Canada; et que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada depuis le 24 mars 1980. Ces motifs d’opposition sont donc rejetés.

[10]           S’agissant du septième motif d’opposition, en vertu de l’alinéa 30i) de la Loi, la Requérante doit simplement mentionner, dans sa demande, qu’elle est convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada. Une fois qu’une telle déclaration est incluse dans la demande, comme en l’espèce, ce motif d’opposition est rarement accueilli, sauf dans des situations exceptionnelles, comme en cas de mauvaise foi [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. Puisqu’il n’y a aucune preuve au dossier de cette nature, ce motif d’opposition doit également être rejeté.

[11]           En ce qui concerne le quatrième motif d’opposition, l’Opposante n’a pas expliqué de quelle façon elle considère que l’emploi exclusif, par la Requérante, de la Marque aurait vraisemblablement pour effet de restreindre de façon déraisonnable le développement de l’industrie des batteries de cuisine. L’Opposante devait, conformément au paragraphe 38(3) de la Loi, fournir des allégations de fait étayées ensuite par des éléments de preuve [voir AstraZeneca AB c. Novopharm Ltd. (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.);]. Par conséquent, je rejette le quatrième motif d’opposition parce qu’il n’était pas suffisamment détaillé. De plus, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial pour corroborer ce motif d’opposition.

Le deuxième motif d’opposition

[12]           Il ressort clairement du libellé du paragraphe 13(1) que la date pertinente pour déterminer si la Marque comprend un signe distinctif est la date de production de la demande, soit le 11 mars 2004. Dans son deuxième motif d’opposition, l’Opposante allègue que la preuve produite à l’étape de l’examen était insuffisante pour établir le caractère distinctif de la Marque à la date pertinente. Je rejette ce motif d’opposition pour les raisons suivantes.

[13]           Premièrement, l’Opposante n’a fourni aucun détail pour expliquer de quelle façon elle considère que la preuve produite à l’étape de l’examen était insuffisante. Ce motif d’opposition n’est donc pas suffisamment détaillé. Deuxièmement, l’Opposante n’a mis en preuve aucun fait pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial. Troisièmement, l’Opposante aurait pu simplement expliquer, dans son plaidoyer écrit, pourquoi elle était d’avis que la preuve produite à l’étape de l’examen était insuffisante pour établir le caractère distinctif de la Marque à la date pertinente, mais elle ne l’a pas fait.

[14]           Enfin, si le libellé de ce motif d’opposition est suffisant en soi pour permettre une révision de la décision de l’examinateur, je renvoie à l’extrait suivant de la décision du registraire dans Magill c. Taco Bell Corp. (1990), 31 C.P.R. (3d) 221, p. 226 :

[traduction]

En premier lieu, j’aimerais préciser que la Commission peut réétudier les jugements interlocutoires rendus lors d’une procédure d’opposition où de tels jugements ont été rendus sans la compétence requise : voir Wickes/Simmons Bedding, Ltd. c. Park Avenue Furniture Corp. (1987), 18 C.P.R. (3d) 84, à la p. 87 (C.O.M.C.). De plus, un jugement rendu par un examinateur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire ne peut être révisé par la Commission sauf s’il y a erreur de droit flagrante ou erreur d’interprétation des faits qui étaient soumis à l’examinateur au moment où il ou elle a exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire. En conséquence, s’il n’y a pas erreur de droit, et s’il n’a pas été démontré que la personne qui exerçait le pouvoir discrétionnaire du registraire a mal interprété les faits soumis, ce jugement ne peut être révisé dans le cadre d’une procédure d’opposition. Cependant, lorsqu’il y a erreur de droit ou erreur d’interprétation des faits ayant conduit à un jugement, le jugement rendu peut être révisé dans une procédure d’opposition.

 

L’Opposante ne m’a fourni aucun renseignement me permettant de déterminer de quelle façon le registraire aurait commis une erreur de droit ou aurait mal interprété les faits contenus dans l’affidavit de M. Wallace, lequel a été produit à l’étape de l’examen.

[15]           Ces raisons sont suffisantes pour rejeter ce motif d’opposition. Dans l’éventualité où j’aurais tort et que je serais tenu d’examiner les éléments de preuve produits à l’étape de l’examen, je tirerais la même conclusion que l’examinateur, et ce, pour les raisons suivantes.

[16]           Au moment de la signature de son affidavit, le 13 septembre 2006, M. Wallace était le vice-président, directeur général et directeur de World Kitchen Canada (EHI) Inc., une société en propriété exclusive et un licencié de la Requérante.

[17]           M. Wallace a fait valoir que la Requérante et ses prédécesseurs en titre ont commercialisé, distribué et vendu les Marchandises, qui incorporent le signe distinctif décrit précédemment, au Canada depuis au moins 1980. Il a fourni une liste détaillée des magasins de détail partout au Canada où les Marchandises étaient vendues. Il a expliqué la promotion et la publicité dont les Marchandises faisaient l’objet partout au Canada en liaison avec le signe distinctif depuis au moins 2001 et a produit des échantillons de ces annonces publicitaires. Il a fourni le chiffre d’affaires canadien pour les Marchandises depuis 2001, soit plus de 7 millions de dollars annuellement. M. Wallace a affirmé que la Requérante était convaincue que la Marque était unique sur le marché et que le signe distinctif décrit dans la demande avait acquis un caractère distinctif sur le marché et auprès du public.

[18]           En résumé, je ne vois pas comment le contenu de l’affidavit de M. Wallace était insuffisant pour établir le caractère distinctif de la Marque à la date de production de la demande.

La preuve de la Requérante

[19]           Compte tenu du fait que l’Opposante ne s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard d’aucun de ses motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que j’examine le contenu de l’affidavit de M. Lim présenté par la Requérante dans la présente procédure d’opposition.

Décision

[20]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.

 

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