Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Corby Distilleries Limited - Les Distilleries Corby Limitée à la demande no 874,227 produite par Alberta Distillers Limited pour la marque de commerce WHISKEY CREEK

                                                                                                                                                     

 

Le 31 mars 1998, la requérante, Alberta Distillers Limited, a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce WHISKEY CREEK. Cette demande se fondait sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes : whisky rye, whisky écossais et whisky de maïs. La requérante s’est désistée du droit à l’emploi exclusif du mot « whiskey » en dehors de la marque. La demande a fait l’objet d’une annonce aux fins d’opposition le 7 avril 1999.

 

L’opposante, Corby Distilleries Limited - Les Distilleries Corby Limitée, a produit une déclaration d’opposition le 7 septembre 1999. La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration le 21 octobre 1999 dans laquelle elle a réfuté de façon générale les allégations faites par l’opposante dans sa déclaration d’opposition.

 

L’opposante a soumis en preuve les affidavits de Jacqueline Horvat, de Frédéric Billon et de Mike Michin. La requérante a déposé en preuve les affidavits de Sheetal Bedi, de Herta May et d’Alan Booth. Seule la requérante a déposé des observations écrites. Il n’y a pas eu d’audience.

 


Le premier motif d’opposition est que la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), parce qu’elle crée de la confusion avec la marque déposée PIKE CREEK de l’opposante, que cette dernière a enregistrée au Canada le 11 mai 1999, sous le numéro d’enregistrement 511,710, à l’égard de boissons alcoolisées distillées, nommément du whisky. Dans son deuxième motif, l’opposante fait valoir que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a). À cet égard, l’opposante soutient qu’à la date de production de la demande de la requérante, à savoir le 31 mars 1998, la marque de commerce de la requérante créait de la confusion avec la marque de commerce PIKE CREEK de l’opposante, antérieurement employée au Canada par l’opposante en liaison avec des boissons alcoolisées distillées, nommément du whisky, et que cet emploi n’avait pas été abandonné à la date de l’annonce de la demande de la requérante, soit le 7 avril 1999. Le troisième motif d’opposition de l’opposante est que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)b) de la Loi. À cet égard, l’opposante prétend qu’à la date de production de la demande de la requérante, la marque de commerce de cette dernière créait de la confusion avec la marque de commerce PIKE CREEK susmentionnée de l’opposante, à l’égard de laquelle celle‑ci avait produit, le 22 octobre 1997, une demande portant le numéro 859,411. Le dernier motif d’opposition de l’opposante est fondé sur l’alinéa 38(2)d) de la Loi, à savoir que la marque visée par la demande n’est pas distinctive.

 


Le premier motif d’opposition de l’opposante porte sur la question de la confusion entre la marque de commerce de la requérante et celle de l’opposante. Pour déterminer s’il existe un risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Tous les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) n’ont pas nécessairement le même poids; le poids à accorder à chaque facteur dépend des circonstances (voir Gainers Inc. c. Tammy Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)). Le registraire doit garder à l’esprit que le fardeau ultime repose sur la requérante, qui doit démontrer qu’il n’existait aucun risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause à la date pertinente. À cet égard, la date pertinente au regard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision (voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)).         

 

En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) de la Loi, la marque de la requérante n’a pas un caractère distinctif inhérent lorsqu’elle est employée en liaison avec les marchandises visées par la demande. Comme on n’a pas présenté de preuve de publicité de la marque de la requérante, je dois conclure que cette marque n’est pas devenue connue au Canada.

 

La marque de l’opposante a un caractère distinctif inhérent parce qu’elle n’évoque pas les boissons alcoolisées distillées à l’égard desquelles elle est employée. Concernant la mesure dans laquelle la marque de l’opposante est devenue connue, M. Minchin, vice‑président, Marketing, des Distilleries Corby Limitée, déclare dans son affidavit que le whisky PIKE CREEK de l’opposante est vendu au Canada depuis au moins janvier 1998. Il explique que le whisky PIKE CREEK est vendu et commercialisé conjointement avec deux autres whiskies. Cet ensemble de trois whiskies est connu sous le nom de Canadian Whisky Guild. La pièce D jointe à son affidavit présente le volume des ventes, et indique que l’opposante a vendu 1742 caisses de 9 litres de whisky PIKE CREEK entre 1997 et 2000. La pièce F révèle que l’opposante a dépensé en 2000 environ 212 000 $ en publicité pour son whisky PIKE CREEK. L’opposante a également fourni en preuve des copies de plusieurs articles tirés de revues et journaux canadiens, datés du 16 janvier 1998 au 28 juin 2000, qui mentionnent l’ensemble de trois whiskies de l’opposante, le Canadian Whiskey Guild, ainsi que son whisky PIKE CREEK. La preuve me permet de conclure que la marque de l’opposante est devenue connue dans une certaine mesure au Canada.

 


La période pendant laquelle les marques ont été en usage joue en faveur de l’opposante. Les marchandises des parties sont essentiellement les mêmes, à savoir du whisky. On peut supposer que leurs commerces sont également de même nature.

 

En ce qui a trait à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, même si l’on doit examiner les marques comme un tout, la Cour fédérale a statué, dans la décision Conde Nast Publications Inc. c. Unions des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183, à la page 188 (C.F. 1re inst.), que le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est l’élément le plus important quant au caractère distinctif. En l’espèce, le premier mot de la marque de commerce de la requétante (WHISKEY) est, dans la présentation, le son et l’idée qu’il suggère, très différent du premier mot de la marque de l’opposante (PIKE). L’unique ressemblance entre les deux marques est qu’elles contiennent toutes deux comme deuxième composante le mot « creek ».

 

Comme autre circonstance de l’espèce, la requérante se fonde sur une preuve relative à l’état du registre au moyen de l’affidavit d’Alan Booth. Ce document expose le résultat d’une recherche qu’il a effectuée sur le registre canadien des marques de commerce en juin 2000. L’opposante a aussi fourni une preuve relative à l’état du registre par l’entremise de l’affidavit de Frédéric Billon, analyste de marques de commerce pour IntelPro Thomson & Thomson, filiale de Thomson Canada Ltd. Une telle preuve n’est pertinente que dans la mesure où on peut en tirer des inférences au sujet de l’état du marché : voir la décision en matière d’opposition Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et la décision Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il convient aussi de noter l’arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), qui peut être invoqué à l’appui de l’affirmation selon laquelle on ne peut tirer des inférences au sujet de l’état du marché que lorsqu’un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés.


 

Avant de commencer mon analyse sur la preuve relative à l’état du registre, j’estime important de mentionner que j’ai examiné les différences entre le résultat de la recherche de M. Booth et celui de M. Billon. Bien que tous deux semblent avoir effectué des recherches similaires, M. Booth a trouvé 20 demandes et 18 enregistrements visant des boissons alcoolisées qui comprennent le mot « creek », alors que le rapport de M. Billon ne fait état que de 18 demandes et 10 enregistrements. Je suis d’avis que cette différence de résultats découle du fait que M. Billon a choisi d’inclure dans son rapport 28 inscriptions, sur un maximum possible de 40, tandis que M. Booth a fourni la totalité des résultats de sa recherche. Quoi qu’il en soit, étant donné le nombre d’enregistrements donné dans les deux affidavits, je suis disposée à inférer que certaines de ces marques sont activement employées. Par conséquent, les consommateurs ont été habitués à voir des marques comprenant la composante « creek » en liaison avec des boissons alcoolisées et seraient habitués à distinguer ces marques à partir de leurs autres composantes.

 

La preuve relative à l’état du registre présentée par la requérante est étayée par les affidavits de Mme Bedi et de Mme May concernant l’état du marché. Mme Bedi, de la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO), a répertorié 45 boissons alcoolisées dont les marques comprennent le mot« creek » vendues entre 1997 et 2001 aux points de vente au détail de la LCBO. L’affidavit de Herta May, de la British Columbia Liquor Distribution Branch (BCLDB), fait état de ventes dans la province de la Colombie‑Britannique, entre 1997 et 2001, de 91 boissons alcoolisées comprenant le mot « creek ». Ces affidavits appuient entièrement la conclusion que de telles marques sont largement employées en liaison avec les boissons alcoolisées, et mettent en évidence le fait que les consommateurs seraient en mesure de distinguer de telles marques à partir de leurs autres composantes.

 


Pour appliquer le critère de la confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Vu mes conclusions susmentionnées, et particulièrement étant donné la faible ressemblance entre les marques en cause et l’adoption courante de la composante « creek » par d’autres parties pour des marques de commerce relatives à des boissons alcoolisées, je suis convaincue que la requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’existait pas de risque raisonnable de confusion, au sens de l’article 6 de la Loi, entre sa marque WHISKEY CREEK et la marque PIKE CREEK de l’opposante. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

 

Concernant les deuxième et troisième motifs d’opposition, l’opposante a démontré, comme nous l’avons vu, qu’elle avait déjà, à la date de production de la requérante, employé sa marque de commerce PIKE CREEK et produit une demande au Canada pour cette marque. De plus, sa demande relative à la marque de commerce PIKE CREEK était en train d’être étudiée à la date de l’annonce de la demande de la requérante, soit le 7 avril 1999. Comme je suis convaincue que l’opposante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait relativement à ces motifs, je dois maintenant les examiner au regard de la question de la confusion entre les marques des parties à la date de production de la demande de la requérante. La plupart de mes conclusions au sujet du premier motif d’opposition valent également à l’égard de ces motifs. Par conséquent, je conclus que les deux marques ne créaient pas de la confusion à la date susmentionnée, et je rejette également les deuxième et troisième motifs d’opposition.

 


Quant au quatrième motif d’opposition de l’opposante, le fardeau ultime repose sur la requérante, qui doit démontrer que sa marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses marchandises de celles des autres au Canada : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, la période pertinente pour l’examen des circonstances relatives à cette question est celle de la production de l’opposition, soit le 7 septembre 1999 : voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.). Enfin, il incombe à l’opposante de prouver les allégations de fait à l’appui de son motif fondé sur l’absence de caractère distinctif.

 

Le quatrième motif vise essentiellement la question de la confusion. Encore une fois, la plupart de mes conclusions relatives au premier motif d’opposition valent également en ce qui concerne ce motif. Par conséquent, je conclus que la marque de la requérante ne créait pas de la confusion avec la marque de l’opposante à la date de production de l’opposition, et je rejette donc aussi le quatrième motif.

 

Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante.

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 24 FÉVRIER 2004

 

 

C. R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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