Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Weetabix Limited à la demande no 1 186 725 concernant la marque de commerce SEBASTIAN WEETABIX produite par Robert Bender Consulting Limited

 

 

 

Le 8 août 2003, Robert Bender Consulting Limited (la « requérante ») a déposé une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SEBASTIAN WEETABIX (la « marque »). La demande se fonde sur l’emploi de la marque au Canada depuis au moins aussi tôt que juin 2003 en liaison avec des « services consistant à fournir des imprimés et des œuvres d’art afin de recueillir des fonds pour des banques d’alimentation et autres organismes d’aide sociale ».

 

La demande a été publiée à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 30 juin 2004.

 

Le 30 août 2004, Weetabix Limited (l’« opposante ») a produit une déclaration d’opposition contre la demande. La requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle niait les allégations de l’opposante.

 

La preuve de l’opposante se compose d’une copie conforme de l’enregistrement de marque de commerce canadienne UCA05125 et de l’affidavit de John Stalker.

 

La requérante a choisi de ne produire aucun élément de preuve et de ne pas contre-interroger M. Stalker.

 

Chaque partie a produit des observations écrites. Aucune audience n’a été tenue.

 

Le 12 février 2007, l’opposante a été autorisée à modifier sa déclaration d’opposition de manière à corriger une erreur d’écriture.

 

L’affidavit de John Stalker

Au moment de souscrire son affidavit, M. Stalker était vice-président principal et directeur général de Weetabix of Canada Limited (« WCL »), une filiale de l’opposante britannique.

 

La requérante a dit que l’on devrait se méfier du ouï-dire dans l’affidavit de M. Stalker à cause du [traduction] « caractère vague des déclarations comme "un examen" des documents de Weetabix Limited ». Je rejette ces préoccupations, à la fois parce que M Stalker a attesté [traduction] « J’ai une connaissance personnelle des faits ou des renseignements contenus dans le présent affidavit ou je les ai vérifiés » et parce que la requérante n’a pas exercé son droit de contre-interroger M. Stalker sur son affidavit. Je conviens toutefois avec la requérante que les parties de l’affidavit de M. Stalker qui concernent des activités menées à l’étranger ne sont pas pertinentes au regard des questions à trancher dans le cadre de la présente instance.

 

M. Stalker a notamment attesté ce qui suit concernant le rapport entre WCL et l’opposante :

  • WCL, sous la garde et le contrôle de l’opposante, est responsable de la fabrication et de la distribution de céréales de marque WEETABIX au Canada.
  • WCL est une fabricante et une distributrice autorisée de l’opposante.
  • WCL fabrique des produits portant la marque WEETABIX en conformité avec des exigences strictes concernant les caractéristiques et la qualité des produits, exigences posées par l’opposante et auxquelles WCL se conforme.
  • L’opposante conserve le droit d’inspecter les produits portant la marque WEETABIX ainsi que les procédés de fabrication, et d’exiger des changements.
  • L’opposante détermine à son entière discrétion comment la marque WEETABIX est appliquée aux emballages, aux étiquettes et aux produits promotionnels reliés aux céréales que produit WCL.

 

Dans ses observations écrites, la requérante a soutenu que les éléments de preuve de l’opposante concernant le rapport entre elle et WCL étaient ambigus, mais j’estime que ce n’est pas le cas. Si la requérante voulait plus de renseignements concernant l’octroi de licences d’emploi de la marque de commerce de l’opposante, elle aurait pu contre-interroger M. Stalker.

 

Je suis convaincue que l’emploi de WEETABIX par WCL a profité à l’opposante pour l’application du paragraphe 50(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 ch. T-13 (la « Loi »). De plus, puisque les emballages WEETABIX identifient l’opposante comme propriétaire de la marque et indiquent que WCL emploie la marque en vertu d’une licence, l’emploi de WEETABIX par WCL profite aussi à l’opposante pour l’application du paragraphe 50(2) de la Loi.

 

Les céréales WEETABIX sont vendues dans des épiceries et d’autres commerces de détail alimentaire. Les ventes au Canada ont été continues depuis au moins aussi tôt que 1967. Environ 1,5 million de boîtes de céréales WEETABIX ont été vendues au Canada chaque année de 1995 à 2004, ce qui correspond à des ventes annuelles d’environ 3 millions de dollars.

 

M. Stalker a produit des factures et des bons de commandes représentatifs relatifs à des céréales WEETABIX, de même que des emballages.

 

Les céréales WEETABIX ont fait l’objet de promotions et de publicité de manière continue au Canada depuis au moins aussi tôt que 1967. Plus de 9 millions de dollars ont été dépensés en publicités relatives à ces céréales entre 1995 et 2004. Des publicités ont été faites au moyen de revues, de circulaires, de panneaux publicitaires et de la télévision. Des échantillons ont été produits, mais sans que soient précisés tous les détails quant à savoir quand et où les publicités avaient été faites.

 

La promotion de la marque WEETABIX se fait aussi sous la forme de commandites d’événements, d’équipes et d’associations sportifs, comme la Saskatchewan Soccer Federation. WCL s’est également associée aux équipes Toronto Lynx et Lady Lynx lors de leurs journées scolaires et de leurs journées pour les jeunes. Le seul élément de preuve produit à cet égard est un T-shirt arborant à la fois la marque WEETABIX et le logo d’un camp de soccer.

 

Le fardeau de preuve

La requérante a le fardeau d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Un fardeau de présentation incombe cependant à l'opposante qui doit fournir une preuve admissible suffisante permettant de conclure raisonnablement que les faits allégués au soutien de chacun des motifs d'opposition existent. [Voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.).]

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

L’opposante a plaidé que la marque de la requérante n’était pas enregistrable en vertu de l’al. 12(1)d) de la Loi parce que la marque crée de la confusion avec la marque de commerce WEETABIX enregistrée au Canada par l’opposante sous le no UCA006125 en liaison avec du blé entier grillé.

 

La date pertinente au regard de ce motif d’opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. and The Registrar of Trade Marks (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

L’opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en produisant une copie certifiée de l’enregistrement WEETABIX. L’enregistrement WEETABIX a été délivré le 4 mai 1936 sur le fondement de l’emploi de la marque au Canada en liaison avec du blé entier grillé depuis le 29 avril 1932. 

 

Le critère de la confusion

Le critère de la confusion est une question de première impression et de souvenir vague. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu’il applique le critère de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, en considérant notamment les facteurs énumérés au par. 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces facteurs. [Voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), pour une analyse complète des principes qui régissent le critère de la confusion.]

 

Al. 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle chacune est devenue connue

WEETABIX est un mot inventé qui est fort de façon inhérente. Cela dit, le préfixe « WEET » évoque l’aspect « blé » (« wheat ») des marchandises de l’opposante, et l’ajout d’un prénom masculin dans la marque de la requérante crée l’impression que sa marque est le nom d’un individu réel ou fictif.

 

La requérante a souligné que l’emballage de l’opposante décrit son produit WEETABIX comme des biscuits de céréale, et elle soutient donc que le suffixe « BIX » dans la marque de l’opposante fait allusion à des biscuits. Je ne suis cependant pas convaincue que le consommateur moyen considérerait que la marque de l’opposante suggère des « biscuits » en plus du « blé ». La marque de commerce de l’opposante n’est certainement pas, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante, l’équivalent phonétique de « biscuits de blé » (« wheat biscuits »).

 

La force d’une marque de commerce peut être accrue lorsqu’on la fait connaître par la promotion et l’usage, mais aucun élément de preuve n’indique que la marque de la requérante aurait bénéficié d’un usage ou d’une promotion. Par contraste, il y a des éléments de preuve d’un usage et d’une promotion importants de la marque de l’opposante au Canada.

 

Al. 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

La marque de l’opposante est en usage depuis plusieurs décennies de plus que la marque de la requérante.

 

Al. 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

La requérante est une fabricante de produits de céréale qui sont vendus au consommateur général par l’entremise d’épiceries et autres détaillants alimentaires.

 

On ne m’a fourni aucun renseignement concernant la nature du commerce ou des voies commerciales de la requérante. Son état descriptif des services est quelque peu ambigu. L’opposante affirme :

[traduction]

On ne connaît évidemment pas la manière précise dont la requérante emploie sa marque, puisqu’elle n’a pas produit d’éléments de preuve. Si l’on se fie au libellé de l’état descriptif des services, la requérante pourrait bien créer des œuvres d’art au moyen du produit de céréale WEETABIX de l’opposante et les vendre ou les donner à autrui pour amasser des fonds. Premièrement, parce que l’opposante s’adonne aussi à la commandite d’organisations, dans le cadre de laquelle sa marque de commerce et son nom commercial sont employés. Deuxièmement, puisqu’elle utilise les céréales de l’opposante dans ses œuvres d’art, les services de la requérante sont reliés à la vente de céréales de blé entier grillé.

 

La requérante se contente d’affirmer : [traduction] « Il y a une profonde différence entre la nature des marchandises de [l’opposante] d’une part, et les services de la [requérante] d’autre part. »

 

Al. 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent

Suivant un principe bien établi, la première partie d’une marque de commerce est la plus pertinente à des fins de distinction. Il ne s’ensuit pas cependant qu’il n’y ait pas de risque de confusion du seul fait que les premières parties de deux marques diffèrent. Par exemple, lorsqu’un mot est un mot courant, descriptif ou suggestif, l’importance de la première composante décroît. [Voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.).]

 

En l’espèce, la requérante a pris l’intégralité de la marque inventée et bien employée de l’opposante et a l’a simplement fait précéder d’un prénom courant. Il y a donc un degré de ressemblance important entre SEBASTIAN WEETABIX et WEETABIX dans la présentation et le son. Les marques ne semblent toutefois pas se ressembler autant dans les idées qu’elles suggèrent.

 

Conclusion quant à la probabilité de confusion

Comme je l’ai indiqué précédemment, il y a confusion lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, j’en arrive à la conclusion que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait en vertu de la loi de démontrer que, selon la prépondérance de la preuve, la confusion entre les deux marques n’était pas probable. La marque de la requérante a incorporé l’intégralité de la marque unique de la requérante. Il n’y a aucun élément de preuve indiquant que qui que ce soit emploierait un mot similaire à WEETABIX dans aucun domaine et, dans les circonstances de l’espèce, j’estime que les différences entre les champs d’intérêt des parties ne rendent pas la confusion improbable. Après tout, il y a des rapprochements entre les deux, dans la mesure où la requérante est liée d’une certaine façon à des banques alimentaires tandis que l’opposante emploie aussi sa marque en liaison avec des projets caritatifs ou communautaires. Dans ce contexte, SEBASTIAN WEETABIX sonne presque comme un personnage ou une mascotte associé aux céréales WEETABIX.

 

En cas de doute quant à savoir si l’enregistrement d’une marque de commerce créerait de la confusion avec une marque antérieure, le doute joue contre le nouvel arrivant. [Voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes, précité, à la p. 188.] Le motif fondé sur l’al. 12(1)d) est donc accueilli.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

L’opposante a aussi plaidé que la marque n’est pas distinctive au sens de l’art. 2 de la Loi parce que la marque ne distingue pas les services de la requérante des marchandises WEETABIX de l’opposante, et elle n’est pas adaptée à les distinguer. 

 

Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à ce motif, l’opposante doit démontrer qu’à la date de la production de la déclaration d’opposition, sa marque de commerce était devenue suffisamment connue de manière à nier le caractère distinctif de la marque  [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la p. 58 (C.F. 1re inst.); Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la p. 130 (C.A.F.); et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la p. 424 (C.A.F.)]. Les éléments de preuve fournis par M. Stalker satisfont à cette exigence.

 

Pour des motifs analogues à ceux exposés plus haut relativement au motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d), le motif fondé sur le caractère distinctif est accueilli.

 

Autres motifs d’opposition

Étant donné que j’ai déjà repoussé la demande pour deux motifs, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition.

 

Décision

Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le Registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande, le tout selon les dispositions du paragraphe 38(8).

 

 

FAIT À TORONTO, EN ONTARIO, LE 5 SEPTEMBRE 2007.

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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