Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 232

Date de la décision : 2011-11-29

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Wenger S.A., à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1 384 390 pour la marque de commerce Swiss Wear au nom de Candragon Enterprises Inc.

[1]               Le 21 février 2008, Candragon Entreprises Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce Swiss Wear (la Marque) sur la base d’un emploi au Canada depuis le 15 mai 2006. L’enregistrement de la Marque a été demandé en liaison avec des « valises, bagages, sacs de sport, housses à vêtements, sacs de voyage, valises, mallettes et serviettes, fourre-tout ».

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 13 mai 2009.

[3]               Le 9 juillet 2009, Wenger S.A. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. En résumé, les motifs d’opposition portent que :

               la Marque n’est pas enregistrable suivant l’al. 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), étant donné qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante SWISSGEAR & Dessin, nd’enregistrement LMC694549;

               la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’article 16(1)a) de la Loi;

               la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi;

               la Marque n’est pas distinctive au sens de l’art. 2 de la Loi.

[4]               La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie essentiellement chacun des motifs d’opposition.

[5]               Au soutien de sa déclaration d’opposition, l’Opposante a déposé l’affidavit de Peter Hug, souscrit le 4 décembre 2009, l’affidavit de Raymond Durocher, souscrit le 8 décembre 2009, et un certificat d’authenticité de l’enregistrement no LMC694549. Monsieur Hug est le chef de la direction de l’Opposante. Monsieur Durocher est le président de Holiday Group Inc. (Holiday), un distributeur autorisé des produits de l’Opposante au Canada. Les auteurs des affidavits n’ont pas été contre-interrogés par la Requérante.

[6]               La Requérante a décidé de ne présenter aucune preuve à l’appui de sa demande.

[7]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience.

Le fardeau de preuve

[8]               La Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.)].

Les dates pertinentes

[9]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

               alinéa 38(2)a) et article 30 - la date de production de la demande [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];

               alinéas 38(2)b) et 12(1)d) - la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

               alinéas 38(2)c) et 16(1)a) – la date de premier emploi invoquée dans la demande [al. 16(1)a) de la Loi];

               alinéa 38(2)d) / caractère non distinctif - la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

L’analyse des motifs d’opposition

[10]           Je rejette dès le départ le motif d’opposition fondé sur la non-conformité en vertu de l’alinéa 30i) de la Loi puisque l’acte de procédure n’appuie pas un tel motif d’opposition. L’alinéa 30i) de la Loi exige seulement que le requérant se déclare convaincu d’avoir le droit d’employer la marque visée par la demande. Cette déclaration est comprise dans la demande d’enregistrement de la Marque. J’ajouterais que le simple fait d’être au courant des droits d’un opposant n’est pas suffisant pour avoir gain de cause relativement à un motif d’opposition fondé sur l’al. 30i). L’alinéa 30i) de la Loi peut parfois servir de fondement à un motif d’opposition dans des cas précis, comme lorsqu’une fraude de la part du requérant est alléguée et établie ou que des dispositions législatives précises font obstacle à l’enregistrement de la marque visée par la demande [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.) et Canada Post Corporation c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.)].

[11]           Tous les autres motifs d’opposition sont fondés sur des allégations portant que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce SWISSGEAR & Dessin de l’Opposante, laquelle est reproduite ci-dessous (la Marque de l’Opposante) :

 

SWISS GEAR & Design

[12]           J’analyserai le dernier motif d’opposition en me fondant sur la preuve au dossier.

Les remarques préliminaires

[13]           Je ne tiendrai pas compte des déclarations de M. Hug qui portent vraisemblablement sur la probabilité de confusion entre les marques de commerce en cause [par. 10] parce qu’elles concernent des questions de faits et de droit devant être tranchées par le registraire dans la présente procédure. De plus, étant donné que l’Opposante a admis lors de l’audience que l’affidavit de M. Hug ne fournit que des renseignements généraux sur l’Opposante, j’examinerai la preuve de l’Opposante en me concentrant sur l’affidavit de M. Durocher.

[14]           Je ne tiendrai pas compte du témoignage de M. Durocher concernant le sac à dos qui a été acheté par un employé d’Holiday à un magasin de Vancouver en mai 2009, qui vise à démontrer que la Requérante emploie la Marque avec un dessin en forme de croix, avec les mots « Swiss » et « wear » cousus dans des tons opposés [par. 15 et 16, pièce 16]. Je suis d’accord avec la Requérante qu’il s’agit d’une preuve par ouï-dire inadmissible. De plus, on n’a pas expliqué pourquoi l’employé n’a pas pu fournir ladite preuve [voir R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531]. Dans sa plaidoirie, l’Opposante a indiqué que les observations de M. Durocher quant à la façon dont la marque a été employée sont admissibles puisqu’il affirme avoir lui-même vu le sac à dos. En réponse, la Requérante a affirmé que cet élément ne démontre pas que le sac à dos provient de la Requérante. Encore une fois, je suis d’accord avec la Requérante. Je souhaite ajouter que si la preuve par ouï-dire avait été admissible et fiable, elle n’aurait pas permis de faire avancer la cause de l’Opposante. Compte tenu de la Marque, telle qu’elle apparaît dans la demande d’enregistrement, les « tons opposés » employés pour les mots « Swiss » et « wear », ainsi que l’emploi de ces mots ensemble avec un dessin en forme de croix, ne sont pas pertinents pour mon examen [voir Rockport Co. v. Sales (2000), 2000 CarswellNat 3970 (C.O.M.C.)].

[15]           Je n’accorde aucune importance au fait qu’une objection fondée sur l’enregistrement allégué de l’Opposante a été repoussée avec succès par la Requérante durant l’instruction de la demande. Les décisions de la Section de l’examen de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada ne sont pas contraignantes et n’ont aucune valeur de précédent pour déterminer l’enregistrabilité d’une marque de commerce dans une procédure d’opposition. La Section de l’examen n’est pas saisie de la preuve produite par les parties dans les procédures d’opposition [voir Chanel S. de R. L. c. Marcon (2010), 85 C.P.R. (4th) 399 (C.O.M.C.)].

[16]           Enfin, je ne tiendrai pas compte des observations qu’a faites la Requérante à l’égard de la demande no 1 411 198 de l’Opposante pour la marque nominale SWISSGEAR qui aurait été déposée le 16 septembre 2008. Outre le fait que la demande alléguée n’a pas été produite en preuve, aucun des arguments de l’Opposante ne concerne la marque nominale SWISSGEAR ou une demande d’enregistrement de marque de commerce correspondante.

[17]           J’analyserai maintenant les autres motifs d’opposition.

L’enregistrabilité au sens de l’al. 12(1)d) de la Loi

[18]           Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire, je confirme que l’enregistrement no LMC694549 pour la Marque de l’Opposante est en règle en date d’aujourd’hui. Puisque l’enregistrement est en vigueur, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité. Par conséquent, la question consiste donc à savoir si la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombe d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la Marque de l’Opposante.

[19]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[20]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas forcément le même. [Voir, en général : Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4d) 401 (C.S.C); et Masterpiece, Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., (2011) 92 C.P.R. (4th) 361) (C.S.C.)]

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[21]           Je note que la Requérante a fait plusieurs observations quant à la faiblesse de la Marque de l’Opposante, mais qu’elle n’a pas vraiment abordé le caractère distinctif inhérent de la Marque. Visiblement, l’observation de la Requérante portant que le mot « Swiss » [traduction] « fait référence au pays qu’est la Suisse et à ses habitants » s’applique à la Marque. L’observation de la Requérante selon laquelle le mot « gear » est un  mot ordinaire du dictionnaire s’applique également au mot « wear ».

[22]           Enfin, en considérant des marques en cause dans leur ensemble, j’estime que chacune d’elles possède un certain caractère distinctif inhérent. À mon avis, les éléments graphiques de la Marque de l’Opposante n’augmentent pas de façon significative le caractère distinctif inhérent. Premièrement, les caractères utilisés pour le mot SWISSGEAR, soit un lettrage noir en gras pour « Swiss » et un lettrage blanc simple pour « gear », ne peuvent être dissociés du mot lui-même [voir Canadian Jewish Review Ltd. c. The Registrar of Trade Marks (1961), 37 C.P.R. 89 (C. de l’Éch.)]. De plus, puisque j’estime qu’il convient de prendre connaissance d’office du drapeau national de la Suisse, je suis d’accord avec la Requérante que la croix figurant sur la Marque de l’Opposante est similaire à celle apparaissant sur le drapeau suisse.

[23]           Une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif par l’emploi ou la promotion. Or, la Requérante n’a pas produit de preuve portant sur la mesure dans laquelle la marque est devenue connue au Canada par l’emploi ou la promotion.

[24]           Comme l’a fait valoir à juste titre la Requérante, M. Durocher a produit une preuve d’emploi et de promotion de la Marque de l’Opposante en se reportant aux produits vendus par Holiday qui sont associés aux marques de commerce [traduction] « SWISSGEAR et le dessin en forme de croix, SWISSGEAR (mot) et SWISSGEAR par Wenger (mot) » [par. 6]. Dans mon analyse de son affidavit, j’emploierai les termes « Marques SWISSGEAR » pour renvoyer à la référence collective aux trois marques susmentionnées faite par M. Durocher.

[25]           Monsieur Durocher affirme qu’Holiday distribue une grande variété de valises, sacs, sacs à dos, petits produits de cuir personnels, parapluies et produits connexes en liaison avec les Marques SWISSGEAR partout au Canada sur une base continue depuis juillet 2003. Il énumère les marchandises précises vendues au Canada comme les valises, les sacs à dos, les serviettes, les mallettes, les polochons, les sacs à bandoulière, les sacs de voyage et les housses à vêtements [par. 7]. Il a déposé des photos de [traduction] « divers échantillons de produits vendus au Canada » portant les Marques SWISSGEAR [par. 9, pièces 1 à 7] ainsi qu’un échantillon d’une étiquette volante « communément attachée aux valises vendues par Holiday à ses clients au Canada » [par. 10, pièce 8].

[26]           Monsieur Durocher affirme que depuis juillet 2003, la valeur en gros des produits vendus par Holiday au Canada en liaison avec les Marques SWISSGEAR est supérieure à cent millions de dollars canadiens [par. 14]. Toutefois, il ne ventile pas la valeur des ventes par année ou par produit et ne fournit pas de montants distincts pour chacune des Marques SWISSGEAR.

[27]           Suivant les déclarations faites par M. Durocher, depuis 2003, Holiday annonce et fait la promotion des produits sous les Marques SWISSGEAR en [traduction] « distribuant des catalogues sur le marché, en faisant la promotion des produits dans plusieurs salons professionnels et participe à des programmes coopératifs de publicités auprès de plusieurs clients importants, comme Costco, La Baie et Sears » [par. 13]. Monsieur Durocher a produit des photocopies des catalogues fournis aux clients d’Holiday depuis 2003 [par. 11, pièces 9 à 15]. Bien que les catalogues soient des éditions allant de 2003 à 2009, M. Durocher n’indique pas le nombre de catalogues distribués chaque année. Toutefois, il précise qu’il y a plus de 5 700 points de vente partout au Canada – des détaillants indépendants, des marchands de masse et des grands magasins – pour les produits Holiday [par. 5].

[28]           Je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’affidavit de M. Durocher comporte des lacunes. Cela étant dit, bien qu’on aurait pu obtenir par contre-interrogatoire un portrait plus complet des ventes et de la publicité des produits sous la Marque de l’Opposante, la Requérante a choisi de ne pas contre-interroger le déposant. En l’absence d’incohérences internes dans l’affidavit de M. Durocher et d’après une lecture objective de ce dernier, y compris les pièces montrant la Marque de l’Opposante qui figure sur les marchandises elles-mêmes ou sur des étiquettes volantes et d’autres produits du même genre, je suis convaincue que l’affidavit établit l’emploi de la Marque de l’Opposante au Canada depuis juillet 2003 en liaison avec des marchandises comme des valises, des sacs, des sacs à dos et des produits connexes. De plus, d’après une lecture objective de l’affidavit de M. Durocher, je suis convaincue que la Marque de l’Opposante est devenue connue dans une importante mesure au Canada. En d’autres termes, la Requérante ne m’a pas convaincue que l’affidavit de M. Durocher n’établit pas le caractère distinctif acquis de la Marque de l’Opposante à la date pertinente au titre du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité.

La période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage

[29]           La Requérante n’a produit aucune preuve démontrant l’emploi continu de la Marque depuis le 15 mai 2006, comme il est allégué dans la demande. En revanche, je suis convaincue que la preuve établit l’emploi continu de la Marque de l’Opposante au Canada depuis juillet 2003.

Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[30]           L’examen des facteurs énoncés aux al. 6(5)c) et d) de la Loi se fait en fonction de l’état déclaratif des marchandises dans la demande et de l’état déclaratif des marchandises dans l’enregistrement [voir les arrêts Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

[31]           Puisque la Marque est liée à des « bagages, sacs de sport, housses à vêtements, sacs de voyage, valises, mallettes et serviettes, fourre-tout », je souligne que l’enregistrement de l’Opposante vise, notamment, les marchandises suivantes :

[…] (3) Sacs imperméabales (sic) tout usage, bagages, sacs à dos, sacs d’un jour, sacs polochon, sacs tout usage, sacs à bandoulière, sacs tout-aller, porte-documents, sacs à roulettes non motorisés, étuis à cosmétiques vendus vides, trousses de toilette vendues vides, menus articles de cuir pour usage personnel, nommément sacoche à argent, portefeuilles et étuis de porte-documents; étuis pour catalogue, étuis pour nom et cartes de visite, courroies à bagages, étiquettes à bagages, chariots à bagage télescopables non motorisés, sacs à déchets, sacs à provisions, sacs à porter sur le corps, mallettes d’affaires, sacs à chaussures de voyage, sacs fourre-tout de voyage, sacs de voyage, petits sacs de voyage, sacs tout usage; menus articles de cuir pour usage personnel, nommément porte-billets, portemonnaie, porte-cartes de crédit, pochettes de cou, portefeuilles à armature française; sacs de formats variés pour appareils électroniques portatifs; sacs de taille pour appareils électroniques […]

[32]           Visiblement, les marchandises énoncées dans la demande sont identiques, similaires ou liées aux marchandises énumérées ci-dessus.

[33]           La Requérante n’a produit aucun élément de preuve concernant ses voies de commercialisation et sa demande ne contient aucune restriction. Puisque la nature des marchandises des parties est la même, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que les voies de commercialisation de la Requérante sont les mêmes que celles de l’Opposante ou que les voies de commercialisation des parties se chevauchent.

Le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[34]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit d’apprécier le degré de ressemblance entre deux marques, il faut les examiner comme un tout et non les disséquer [voir British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48, à la page 56 (C. de l’Éch. Can.), confirmé par (1946), 5 C.P.R. 71 (C.S.C.)]. De plus, ce facteur est « le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion » [voir Masterpiece, précité].

[35]           La Requérante soutient qu’aucun des éléments graphiques de la Marque de l’Opposante n’est reproduit dans la Marque. Elle souligne également que le mot « gear » est phonétiquement très différent du mot « wear ». En revanche, l’Opposante fait valoir que la Marque et la partie nominale de la Marque de l’Opposante [traduction] « sont presque identiques du point de vue du son et de la présentation » étant donné qu’elles commencent toutes les deux par le mot « Swiss » et que la seule différence est la première lettre de chaque deuxième mot. D’une part, et compte tenu des marques dans leur ensemble, je suis d’accord avec la Requérante que leur dernier mot, soit « wear » et « gear », comportent des différences sur le plan du son. Par contre, je suis d’accord avec l’Opposante que sur le plan de la présentation, la Marque est presque identique à la partie nominale de la Marque de l’Opposante. De plus, même si le lettrage de la partie nominale n’augmente pas le caractère distinctif de la Marque de l’Opposante, le mot SWISSGEAR est toujours perçu comme deux mots, ce qui augmente le degré de ressemblance des marques en cause sur le plan de la présentation.

[36]           Ni la Requérante ni l’Opposante n’ont présenté d’observations concernant le degré de ressemblance des idées que suggèrent les marques en cause. Cela étant dit, les deux marques suggèrent sans aucun doute que les marchandises en liaison avec lesquelles elles sont employées sont d’origine suisse.

[37]           Somme toute, j’estime que la ressemblance des marques, prises dans leur ensemble, sur le plan de la perception visuelle jumelée à leur ressemblance quant aux idées qu’elles suggèrent l’emportent sur leurs différences sur le plan du son.

Autre circonstance – incidence de la renonciation

[38]           La Requérante prétend qu’en renonçant au droit à l’emploi exclusif des mots « Swiss » et « gear » dans l’enregistrement no LMC694549, l’Opposante a reconnu que les deux mots sont descriptifs. La Requérante soutient également que la renonciation à l’égard du mot « Swiss » devrait permettre de conclure à l’absence de confusion. À cet égard, si je comprends bien les observations faites par la Requérante lors de l’audience, elle prétend que puisque la seule similitude entre les marques est le mot « Swiss », l’Opposante ne devrait pas avoir gain de cause puisque le but de la renonciation est de permettre autrement à d’autres personnes d’employer cet élément non enregistrable d’une manière indépendante.

[39]           En ce qui concerne les décisions citées par la Requérante lors de l’audience, je souligne que Canadian Parking Equipment c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 C.P.R. (3d) 154 (C.F. 1re inst.), se distingue de la présente espèce étant donné que cette affaire traite d’une décision, prise lors de l’examen, refusant une demande présentée aux termes de l’al. 12(1)b) de la Loi. De plus, et outre le fait que chaque cas est un cas d’espèce, je ne vois aucune autre décision citée par la Requérante qui appuie sa prétention portant que la renonciation du mot « Swiss » dans l’enregistrement de l’Opposante empêche de conclure à l’existence de confusion. En conclusion, je souscris au commentaire suivant formulé par le membre de la Commission, Mme Bradbury, dans Canadian Tire Corp. c. Hunter Douglas Inc. (2010), 81 C.P.R. (4th) 304 (C.O.M.C.), au par. 36, décision citée par l’Opposante : « Dans l’ensemble, lorsqu’il s’agit d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), une renonciation dans la demande de la Requérante ou dans l’enregistrement de l’Opposante n’a que peu ou pas d’importance ».

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[40]           En appliquant le test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu du caractère distinctif acquis de la Marque de l’Opposante et de la période pendant laquelle elle a été en usage, du genre de marchandises et du commerce des parties ainsi que du degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce SWISSGEAR & Dessin de l’enregistrement no LMC694549.

[41]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d) de la Loi est retenu.

L’absence de droit à l’enregistrement / l’al. 16(1)a) de la Loi

[42]           J’estime que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de prouver que la Marque de l’Opposante était employée avant le 15 mai 2006 et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la Marque [par. 16(5) de la Loi].

[43]           Compte tenu de la preuve au dossier, le fait d’examiner chacun des facteurs du par. 6(5) à la date de premier emploi dans l’enregistrement plutôt qu’à la date de ma décision n’a pas d’incidence significative sur l’analyse que j’ai faite des autres circonstances; la principale différence est le caractère distinctif acquis de la Marque de l’Opposante aux dates pertinentes. Compte tenu de la période pendant laquelle la Marque de l’Opposante a été en usage, du genre de marchandises et de la nature du commerce des parties ainsi que du degré de ressemblance entre les marques de commerce, je maintiens ma conclusion selon laquelle la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créait pas de confusion avec la Marque de l’Opposante le 15 mai 2006.

[44]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi est retenu.

L’absence de caractère distinctif

[45]           Puisque j’ai déjà accueilli deux des motifs d’opposition de l’Opposante, je n’examinerai pas le dernier motif d’opposition.

Décision

[46]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.

 

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