Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L'OPPOSITION de Kocsis Transport Ltd. à la demande no 1 175 366 produite par "K" Line America, Inc. pour la marque de commerce KLTL TOTAL LOGISTICS et Dessin                                                           

 

 

Le 22 avril 2003, "K" Line America, Inc. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement concernant la marque de commerce KLTL TOTAL LOGISTICS et Dessin (la « Marque »), illustrée ci après, fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada.

KLTL TOTAL LOGISTICS & Design

L’enregistrement de la Marque a été demandé en liaison avec des « services dans le domaine de la logistique du transport, nommément organisation et coordination du ramassage, du regroupement, du transport maritime, aérien et terrestre, du tri, de l’identification, de l’entreposage, de la distribution et de la livraison de marchandises dans le secteur du commerce intérieur et international » (les « Services »). Le droit à l’usage exclusif des mots TOTAL LOGISTICS en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement.

 

La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 26 mai 2004 aux fins d'opposition.

 

Le 26 juillet 2004, Kocsis Transport Ltd. (l'« Opposante ») a produit une déclaration d'opposition. Dans son préambule, l’Opposante a allégué être propriétaire de l'enregistrement noLMC542 139 pour la marque de commerce KTL et Dessin, et avoir antérieurement employé au Canada ladite marque de commerce et le nom KTL en liaison avec le transport par camion de marchandises en général. En gros, les motifs d’opposition  invoqués sont les suivants : la demande n'est pas conforme aux exigences de l'alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »); la Marque n’est pas enregistrable, aux termes de l'alinéa 12(1)d) parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce KTL et Dessin; la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque; la Marque n'est pas distinctive et n'est pas adaptée à distinguer les Services.

 

La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les motifs d’opposition.

 

La preuve de l’Opposante comprend l’affidavit de Donna Pastucha, assistante juridique à l’emploi des agents de marques de commerce de l'Opposante. Une copie de l’enregistrement noLMC542 139 imprimée à partir de la base de données sur Internet de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (« OPIC ») est jointe à son affidavit comme pièce A. Mme Pastucha a également déposé des copies de pages provenant du site Web de l’Opposante (pièce B), imprimées le 22 juillet 2005. Il est clair que la pièce B se rattache à un point litigieux. Étant donné que Mme Pastucha travaille au service des agents de l’Opposante, elle n’est pas un témoin indépendant et impartial [voir Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al. c. Hyundai Auto Canada (2005) C.F. 1254]. En outre, les copies de pages provenant du site Web de l’Opposante ne peuvent servir qu'à établir l'existence du site Web, non à prouver la véracité de leur contenu [Envirodrive Inc. c. 836442 Canada Inc., 2005 ABQB 446; ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd., 2003 C.F. 1056]. Je n’accorde donc aucun poids à la pièce B. Par conséquent, je conclus qu’il n’est pas nécessaire de prendre en compte l’argument de la Requérante, selon lequel la marque de commerce affichée sur le site Web ne correspond pas à la marque de commerce de l’Opposante.

 

La preuve de la Requérante comprend l’affidavit de Morine Choo, employée des agents de marques de commerce de la Requérante. Mme Choo a présenté en preuve des copies de quatorze (14) enregistrements imprimés à partir de la base de données de l’OPIC, le 15 juin 2006.

 

Seule la Requérante a déposé un plaidoyer écrit et aucune des parties n’a sollicité la tenue d'une audience.

 

Analyse des motifs d’opposition

 

L'Opposante a la charge initiale d'établir les faits invoqués à l'appui de chaque motif d'opposition. Si l'Opposante s'acquitte de cette charge initiale, la Requérante doit prouver que les motifs d'opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l'enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, (C.F. 1re inst.), Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.) Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company (2005), 41 C.P.R. (4th) 223 (C.F.) ].

 

Alinéa 30i

 

La date pertinente pour examiner les circonstances entourant le motif d'opposition fondé sur le non-respect de l'alinéa 30i) de la Loi est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.) ].

 

L’Opposante a essentiellement fait valoir que la Requérante était au courant de ses droits antérieurs et qu’elle ne pouvait être convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada. L’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait de démontrer que la Requérante était au courant de l’existence de la marque de commerce de l’Opposante à la date pertinente. J’ajouterais que même si la Requérante avait été au courant de l'existence de la marque de commerce de l’Opposante à la date pertinente, cela ne l'empêchait pas de se déclarer convaincue d'avoir le droit d'employer sa Marque. Selon moi, lorsqu'un requérant fournit la déclaration prévue à l'alinéa 30i) de la Loi, un motif d'opposition fondé sur la non-conformité à cette disposition ne devrait être retenu que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque la mauvaise foi du requérant est démontrée [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155].

 

Je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi.

 

Enregistrabilité

 

La date pertinente en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi est la date d’aujourd’hui [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.) ].

 

Grâce à la pièce A jointe à l’affidavit de Mme Pastucha, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial qui consistait à prouver les faits invoqués à l'appui du motif d’opposition. Par conséquent, il incombe maintenant à la Requérante de convaincre le Registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante, illustrée ci-après.

KTL DESIGN

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi énonce que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le Registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont explicitement mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. Il n'est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun des critères de cette liste. [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

Je vais maintenant évaluer chacune des circonstances de l’espèce.

 

alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

La marque de commerce de l’Opposante n’est pas liée à la nature des services qui s’y rattachent. Néanmoins, les marques de commerce composées seulement d'initiales sont traditionnellement considérées comme étant intrinsèquement faibles et n'ayant aucun caractère distinctif inhérent [Voir GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154 (C.F. 1re inst.)]. Le caractère stylisé des lettres KTL n’augmente pas le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce de l’Opposante. Il ne s’agit pas d’une marque intrinsèquement forte, étant donné qu’elle est composée d’initiales, de mots descriptifs et du dessin d’un globe terrestre.

 

La force d'une marque de commerce peut s’accroître lorsqu'elle devient connue grâce à la promotion ou à l'emploi au Canada. Toutefois, rien ne prouve que l'une ou l'autre des parties a employé sa marque ou qu’elle en a fait la promotion au Canada. Au mieux, on peut déduire de la simple existence de l’enregistrement noLMC542 139 qu’un emploi de minimis n’est pas suffisant pour conclure que la marque de commerce est devenue connue au Canada [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.) ].

 

alinéa 6(5)b) - la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

La demande d'enregistrement est fondée sur un emploi proposé de la Marque au Canada et il n’existe aucune preuve de l’emploi de la marque. Comme rien ne permet de conclure à un emploi continu de la marque de commerce de l’Opposante depuis la date revendiquée du premier emploi à l’égard de l’enregistrement LMC542 139, je conclus que ce facteur est sans importance.

 

alinéas 6(5)c) et d) - le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

 

Lorsque l’on prend en compte le genre des services et la nature du commerce, c’est l’état déclaratif des services figurant dans la demande et l’état déclaratif des services dans l’enregistrement qui régissent l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)]. La marque de commerce de l’Opposante est enregistrée en liaison avec le « transport par camion de marchandises en général ». Bien que je sois d’accord avec les arguments invoqués par la Requérante, selon lesquels les services associés à la marque de l’Opposante sont de par leur nature limités au transport routier de marchandises, je ne suis pas prête à conclure qu’il ne pourrait y avoir de chevauchement entre ces services et les Services. En outre, la Requérante n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de sa prétention voulant qu’il existe une différence importance entre les entreprises dont les activités se limitent au transport par camion de marchandises en général, qui sont habituellement petites et locales, et les entreprises qui assurent des services logistiques complets de transport, qui sont habituellement des transitaires internationaux, étant donné qu’elles offrent des services plus complexes.

 

alinéa 6(5)(e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent

 

Je ne suis pas d’accord avec l’argument invoqué par la Requérante selon lequel le dessin représentant le globe terrestre constitue l’élément dominant de la Marque, car j’estime que les lettres KLTL sont aussi dominantes, sinon plus, que le dessin représentant le globe terrestre. Néanmoins, je suis d’accord avec la Requérante lorsqu’elle soutient qu’il existe d’importantes différences visuelles entre les marques de commerce lorsqu’elles sont considérées dans leur ensemble. En plus du fait que la Marque comprend le dessin d’un globe terrestre et le syntagme TOTAL LOGISTICS, le regroupement visuel des lettres K et L, de même que des lettres T et L n’est pas reproduit dans la marque de commerce de l’Opposante. Le syntagme TOTAL LOGISTICS contribue également à différencier les marques de commerce lorsqu’il est prononcé. Je suis également d’accord avec les observations de la Requérante, selon lesquelles la combinaison du syntagme TOTAL LOGISTICS et du dessin représentant le globe terrestre communique l’idée de marque mondiale pour les services logistiques tandis que la marque de commerce déposée correspond à une abréviation de la dénomination sociale Kocsis Transport Ltd. de l’Opposante.

 

Facteur additionnel

 

La Requérante soutient que l'état du registre démontre qu’il est extrêmement fréquent pour divers entrepreneurs de l’industrie du transport d’utiliser des initiales représentant habituellement l’abréviation de la dénomination sociale complète du propriétaire. Toutefois, je n’estime pas qu’il soit nécessaire de tenir compte de ce facteur additionnel pour me prononcer en faveur de la Requérante.

 

En appliquant le test en matière de confusion, j'ai tenu compte du fait que la confusion s'apprécie en fonction de la première impression et du souvenir imparfait. Étant donné la faiblesse de la marque de commerce de l’Opposante et toutes les différences qui existent entre les marques de commerce sur les plans visuel et sonore et quant aux idées qu’elles suggèrent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les marques examinées ne créent aucune confusion. En tirant cette conclusion, je me rappelle les commentaires suivants du juge Cattanach dans GSW Ltd., précité :

 

« En bref, lorsqu'un commerçant s'approprie des lettres de l'alphabet comme dessin-marque sans autre signe distinctif et tente d'empêcher d'autres commerçants de faire de même, la protection à donner à ce commerçant doit être plus réduite que dans le cas d'une marque de commerce unique et des différences relativement minimes suffisent à éviter la confusion. On s'attend normalement, dans ces circonstances, à ce que le public manifeste beaucoup plus de discernement (voir les observations de Lord Simon au sujet des noms commerciaux dans l'affaire Office Cleaning Services c. Westminster Window and General Cleaners Limited (1944), 61 R.P.C. 133, à la p. 135.) ».

 

Je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi .

 

Absence de droit

 

L'Opposante a fait valoir que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque selon l'alinéa 16(3)a) de la Loi puisque, à la date de la production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce déposée de l’Opposante, antérieurement employée et révélée au Canada par l'Opposante. La Requérante a soutenu avec raison que le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi a été invoqué à tort, du fait qu’il vise le cas d’une demande fondée sur l’emploi au Canada, alors que la demande est fondée sur l’emploi projeté. Le troisième motif d’opposition est rejeté parce qu’il n’est pas valide tel qu’il est présenté.

 

À toutes fins utiles, j’ajouterais que, même si j’étais parvenue à la conclusion que la référence à l’alinéa 16(1)a) faite par l’Opposante constitue une erreur matérielle, j’aurais rejeté un motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement conformément à l’alinéa 16(3)a) de la Loi, compte tenu du défaut de l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombait relativement à l’emploi de sa marque de commerce à la date de la production de la demande.


 

Caractère distinctif

 

La date pertinente pour examiner le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

Il appartenait d'abord à l'Opposante de démontrer que sa marque de commerce était devenue suffisamment connue le 26 juillet 2004 pour faire disparaître le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.); Bojangles' International, LLC et Bojangles Restaurants, Inc. c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.). Comme l’Opposante ne l’a pas fait, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

 

Conclusion

 

Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 4 FÉVRIER 2008.

 

 

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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