Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                          THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 119

Date de la décision : 2013-07-05 TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Karma Candy Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement n1446580 pour la marque de commerce ŒUF FONDANT CADBURY Dessin au nom de Cadbury UK Limited

 

Contexte

[1]               Le 30 juillet 2009, Cadbury UK Limited (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce ŒUF FONDANT CADBURY Dessin (la Marque), présentée ci-dessous, fondée sur un emploi projeté de la marque au Canada. 

CADBURY CREME EGG LABEL DESIGN

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Le dessin est hachuré pour représenter les couleurs, notamment le mauve dans la partie supérieure de l'image, le jaune au centre de l'image et le rouge dans la partie inférieure de l'image.

[2]               L’état déclaratif des marchandises est actuellement ainsi libellé : (1) Friandises au chocolat, nommément chocolats, chocolat moulé, chocolat fourré et tablettes de chocolat. La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans l'édition du 10 mars 2010 du Journal des marques de commerce.

[3]               Le 10 août 2010, Karma Candy Inc. (l’Opposante) s’est opposée à la demande pour plusieurs motifs qui peuvent être résumés ainsi :

1) La Marque est-elle un signe distinctif?

2) La demande est-elle conforme aux alinéas 30(a), 30(e), 30(h) et 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 ch. T-13, (la Loi)?  

3) La Marque donne-t-elle une description claire ou donne-t-elle une description fausse ou trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises visées par la demande?

4) La Marque est-elle enregistrable du fait qu’elle est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité des Marchandises visées par la demande?

5) La Marque permet-elle de distinguer les marchandises de la Requérante de celles d’autres propriétaires?

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration contestant les allégations de l'Opposante.

[5]               L’Opposante a produit deux affidavits de Carolyn Hewitt, tous les deux datés du 14 mars 2011 (affidavit de Mme Hewitt et affidavit rouge/mauve/jaune de Mme Hewitt). Mme Hewitt est une assistante juridique employée par la firme représentant l'Opposante. Bien qu’une ordonnance de contre‑interrogatoire concernant les affidavits de Mme Hewitt ait été rendue, la Requérante n’a pas procédé à son contre‑interrogatoire. La Requérante a produit l’affidavit de Dane Penney, un recherchiste employé par les agents de la Requérante. M. Penney n’a pas été contre-interrogé.

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit, mais les deux parties étaient représentées à l’audience. Je remarque que l’agente de l’Opposante a indiqué lors de l’audience qu’elle n’était pas au courant que seulement 2,5 heures avaient été allouées à l’audience. Ce temps alloué, cependant, est clairement indiqué dans l’avis d’audience du 17 janvier 2013. De plus, l’Opposante aurait pu demander plus de temps pour l’audience avant la date de l’audience, si elle avait été en mesure de justifier la nécessité d’accorder plus de temps. Cela dit, les plaidoiries sont généralement considérées comme un supplément aux plaidoyers écrits. En l’espèce, l’Opposante n’a pas produit de plaidoyer écrit, ce qui aurait été utile considérant la complexité des enjeux.   

[7]               À la suite de l’audience, l’Opposante a demandé l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée afin d’inclure un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b). Compte tenu du stade avancé des procédures, du fait que l’Opposante n’a fourni aucune explication, à savoir pourquoi la modification n’avait pas pu être faite plus tôt et du préjudice potentiel pour la Requérante, je n’étais pas convaincue qu’il était dans l’intérêt de la justice d’accueillir la demande de l’Opposante. La demande d’autorisation de l’Opposante de produire une déclaration d’opposition modifiée a donc été rejetée dans une lettre du 8 mai 2013.

[8]               Également à la suite de l’audience, la Requérante a demandé l’autorisation de produire un affidavit d’Amrita Singh à titre de preuve supplémentaire en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce, DPRS/96-195 (le Règlement). Bien que la Requérante ait fourni une explication raisonnable, à savoir pourquoi la preuve n’a pas été produite plus tôt, compte tenu du stade avancé des procédures, la preuve n’a pas été jugée suffisamment importante pour justifier le préjudice que subirait l’Opposante en retardant les procédures. Comme je n’étais pas convaincue qu’il était dans l’intérêt de la justice d’accueillir la demande de la Requérante, la demande d’autorisation de la Requérante de produire un affidavit supplémentaire a été rejetée dans une lettre du 8 mai 2013.

Questions préliminaires

[9]               Un certain nombre de questions préliminaires doivent être prises en considération avant l’examen des motifs d’opposition.

1. L’Opposante peut-elle s’appuyer sur un motif qui n’a pas été plaidé dans la déclaration d’opposition?

[10]           L’Opposante affirme que la preuve montre que la Marque a été employée antérieurement à la date de production de la demande. S’appuyant sur la décision de 1969 dans Tone Craft Paints Ltd c. Du-Chem Paint Co Ltd (1969), 62 CPR 283 (COMC), l’Opposante soutient que puisque la preuve montre que la Marque a été employée antérieurement à la date de production de la demande de la Requérante, la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30(b) de la Loi. Le motif fondé sur l’alinéa 30(b), cependant, n’a pas été plaidé dans la déclaration.

[11]           La Cour fédérale a ordonné que les oppositions soient évaluées en fonction des motifs d’opposition tels qu'ils sont plaidés. La décision dans Imperial Developments Ltd c. Imperial Oil Ltd (1984), 79 CPR (2d) 12 (CF 1re inst.) affirme que le Registraire ne peut pas examiner les questions qui n’ont pas été soulevées dans les déclarations d’opposition. De plus, la décision de la Cour d’appel fédérale dans Novopharm Ltd c. AstraZeneca [2002] 219 DLR (4th) 290 (CAF) (Novopharm) soutient que les déclarations d’opposition doivent être conformes à l’alinéa 38(3)(a) de la Loi et, en particulier, les motifs d’opposition allégués doivent être énoncés de façon suffisamment détaillée pour permettre à la requérante d’y répondre. La règle 40 du Règlement indique qu’aucune modification ne peut être apportée à une déclaration d’opposition sans l’autorisation du Registraire.    

[12]           Plus récemment, dans la décision Le Massif inc. c. Station touristique Massif du sud (1993) inc. (2011), 95 CPR (4th) 249 (CF), la Cour fédérale a émis les commentaires suivants en ce qui concerne le caractère suffisant des actes de procédure :

[traduction]

Or, la jurisprudence a reconnu que la Commission ne possède pas le pouvoir d’accueillir une opposition sur la base d’un motif qui n’a pas été invoqué par la partie opposante. Dans Imperial Developments Ltd.c. Imperial Oil Ltd., 26 ACWS (2d) 155, 79 CPR (2d) 12, (le juge Muldoon), la Cour a énoncé qu’un organisme, tel que le Registraire des marques de commerce, est créé par une loi et qu’il n’a aucun pouvoir inhérent et extrinsèque à sa législation constitutive. La Cour a, en outre, déclaré que le registraire appelé à trancher une opposition ne pouvait pas baser sa décision sur un motif qui n’avait pas été énoncé dans la déclaration d’opposition.

 

Plus récemment, dans l’arrêt Procter& Gamble Inc. c. Colgate-Palmolive Canada Inc., 2010 CF 231, 364 FTR 288, au paragr. 26, [81 CPR (4th) 343], le juge Boivin a également adopté ce principe jurisprudentiel :

 

... La défenderesse soutient qu’il est établi en droit qu’il n’existe pas de compétence pour trancher une question qui ne se trouve pas dans la déclaration d’opposition et que la Cour n’a pas compétence pour entendre des questions qui n’ont pas été soulevées devant la Commission (McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1994), 76 FTR 281, 55 CPR (3d) 463, décision confirmée à (1996), 199 NR 106, 68 CPR (3d) 168 (CAF)). Je suis d’accord avec la défenderesse...

[13]           Compte tenu de ce qui précède, il est évident que si une opposante a plaidé qu'une demande contrevient à une disposition de la Loi en raison de circonstances précises, il n'est pas permis de rejeter la demande au motif qu'elle ne respecte pas cette disposition de la Loi pour des raisons différentes que celles qui ont été plaidées. Par conséquent, je ne considérerai pas la non-conformité à l’alinéa 30(b) comme un motif d’opposition en l’espèce. J’aimerais ajouter que, même si un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) a été plaidé, je n’aurais pas été convaincue qu’il a été démontré que la Marque a été employée antérieurement à la date de production de la demande pour les raisons qui suivront dans le cadre de ma décision.

2. Les objections de l’Opposante à certains éléments des plaidoyers écrits de la Requérante

[14]           Lors de l’audience, l’Opposante a contesté les définitions de la Requérante de la « marque visée par l’opposition » et de « Cadbury » ou de « requérante » dans son plaidoyer écrit. La Requérante, dans son plaidoyer écrit, définit la Marque comme un DESSIN D’ŒUF MULTICOLORE, et représente l’élément graphique de la Marque sous la définition. La Requérante définit également « Cadbury » ou la « requérante » comme Cadbury UK Limited. L’Opposante demande qu’on ne tienne pas compte de ces définitions et qu’une inférence négative soit tirée de la définition de « Cadbury » ou de la « requérante » de la Requérante.

[15]           La façon choisie par la Requérante pour définir sa marque de commerce ou l’identité de Cadbury ou de la requérante dans son plaidoyer écrit n’est pas, selon moi, pertinente dans le cadre des présentes procédures. Le plaidoyer écrit d’une partie ne représente pas la preuve de ce qui y est dit. Par conséquent, toutes les questions portant sur l’identité de la requérante ou l’identité de la Marque en question seront traitées en fonction de la preuve versée au dossier.   

3. La mise en demeure envoyée par la Requérante à l’Opposante le 20 avril 2010

[16]           Lors de l’audience, l’Opposante a produit une photocopie en couleur d’une mise en demeure envoyée par la Requérante à l’Opposante le 20 avril 2010. L’Opposante a expliqué qu’il s’agissait simplement d’une copie en couleur de la même lettre qui constituait une partie du document du dossier attaché en pièce 53 de l’affidavit de Mme Hewitt, et la Requérante ne s’est pas opposée à ce que j’en prenne connaissance lors de l’audience. Cependant, étant donné que le document en pièce 53 de l’affidavit de Mme Hewitt ainsi que le dossier lui-même comportent une copie en noir et blanc de la lettre, la copie en couleur qui a été produite lors de l’audience n’a pas été versée au dossier. Si l’Opposante avait voulu qu’une copie en couleur soit versée au dossier, elle aurait dû être produite au moyen d’un affidavit ou une déclaration solennelle. Par conséquent, je ne tiendrai compte que de la copie en noir et blanc produite en pièce 53 de l’affidavit de Mme Hewitt.

4. Les questions de preuve

[17]           Les parties ont soulevé diverses objections à leur preuve réciproque. 

[18]           La Requérante s’oppose au fait que Mme Hewitt soit une assistante juridique employée par la firme représentant l'Opposante et l’Opposante s’oppose au fait que M. Penney soit un recherchiste employé par les agents de la Requérante. L’argument général qu’ils invoquent indique que les employés ne sont pas des témoins indépendants qui présentent des témoignages objectifs lorsqu’ils fournissent un témoignage d’opinion sur des questions contestées [Cross-Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd. c. Hyundai Auto Canada (2006), 53 CPR (4th) 286 (CAF) (Cross-Canada)].

[19]           La question à trancher est donc de savoir si des renseignements contenus dans l’un ou l’autre de ces affidavits comportaient des témoignages d’opinion sur des questions litigieuses comme celui qui avait été produit dans l’affaire Cross-Canada. Je résumerai la nature de la preuve afin d’examiner ce qui est admissible.

[20]           La preuve de Mme Hewitt comprend :

         Des photocopies en couleur de produits de confiserie achetés dans la région du Grand Toronto arborant les couleurs rouge, jeune et mauve sur lesquels elle n’a pas vu le mot CADBURY affiché [pièces 1 à 25 de l’affidavit rouge/mauve/jaune de Mme Hewitt].

         Des photographies en couleurs de deux présentoirs de friandises de Pâques à Brampton et à North York en Ontario [pièces 26 et 27 de l’affidavit rouge/mauve/jaune de Mme Hewitt].

         Des photocopies en couleur de produits de confiserie achetés dans des magasins de la région du Grand Toronto dont l’emballage affiche le mot CADBURY [pièces 1 à 49 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Des photographies en couleurs de présentoirs en magasin affichant le mot CADBURY [pièces 50 et 51 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Un Œuf fondant Cadbury acheté dans un magasin de Toronto [pièce 52 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Des copies certifiées de l’historique de cinq demandes d’enregistrement de marque de commerce au Canada dont la Requérante est propriétaire [pièces 53 à 57 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Des copies papier des renseignements relatifs à une société du site Web d’Industrie Canada pour les dénominations sociales « Cadbury Adams Canada Inc. » et « Kraft Canada Inc. » [pièces 58 et 59 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Une copie papier du Rapport sur les noms commerciaux de la province de l’Ontario pour la dénomination commerciale ontarienne « Cadbury Adams » [pièce 60 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Des copies de la page couverture, de la page de droit d’auteur et d’autres pages des ouvrages suivants : Chocolate Wars, Candymaking in Canada et Catholic Customs and Traditions [pièces 61 à 63 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Des copies de pages du dictionnaire New Lexicon Webster’s Encyclopedic Dictionary of the English Language montrant les définitions des mots « purple » [mauve], « red » [rouge] et « yellow » [jaune] [pièce 64 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Des copies papier de divers sites Web de tiers, dont www.kraftfoodscompany.com, www.cadbury.com, www.crivoice.org et www.catholic.org [pièces 65 à 71 de l’affidavit de Mme Hewitt].

[21]           La preuve de M. Penney comprend :

         Des extraits du Manuel des marchandises et des services du site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) où les termes « chocolat » et « confiseries au chocolat » sont énumérés dans les termes acceptables [pièce A de l’affidavit de M. Penney].

         Une référence au fait que la Requérante est propriétaire de tous les 101 enregistrements actifs et demandes d’enregistrement pour des marques de commerce dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes qui comprennent le mot CADBURY dans la marque elle-même, dans la description de la marque ou dans un titre d’index [pièces B à D de l’affidavit de M. Penney].

         Une référence au fait que, en date du 1er décembre 2011, le statut de société à responsabilité limitée de la Requérante était indiqué comme « actif » sur le site Web de Companies House et que toutes les sociétés à responsabilité limitée en Angleterre sont enregistrées auprès de Companies House, qui est un organisme de direction du ministère des Affaires, de l'Innovation et du Savoir-faire du Royaume-Uni [pièces E et F de l’affidavit de M. Penney].

[22]           Je n’ai aucune difficulté à accepter la preuve de chaque partie tirée du Bureau des marques de commerce du Canada [pièces 53 à 57 de l’affidavit de Mme Hewitt et pièces A à D de l’affidavit de M. Penney]. À cet égard, les renseignements présentés sont essentiellement un reflet de rapports et de documents existants du Bureau des marques de commerce. Les deux déposants n’ont fait que joindre des copies de documents à leur affidavit et ces documents ne comportent pas des témoignages d’opinion sur des questions litigieuses comme celui qui avait été produit dans l’affaire Cross-Canada [Mr Lube Canada Inc c. Denny’s Lube Centre Inc (2008), 73 CPR (4th) 308 (COMC)]. Je ne considère pas également qu’il y ait controverse en ce qui concerne les copies de définitions tirées du dictionnaire New Lexicon Webster’s Encyclopedic Dictionary of the English Language jointes en pièce 64 de l’affidavit de Mme Hewitt puisque la Commission a déjà admis d’office par le passé des définitions de dictionnaires ou d’encyclopédies. J’accepte également l’observation de l’Opposante qui soutient que les copies papier des renseignements relatifs à une société du site Web d’Industrie Canada ainsi que du Rapport sur les noms commerciaux de la province de l’Ontario, jointes en pièces 58 à 60 de l’affidavit de Mme Hewitt sont fiables, parce qu’elles sont tirées de ce qui peut être considéré comme des sites Web officiels [ITV Technologies Inc c. WIC Television Ltd (2003), 29 CPR (4th) 182 (CF 1re inst.)].  

[23]           En ce qui concerne les pièces jointes en pièces 1 à 52 de l’affidavit de Mme Hewitt et toutes les pièces jointes à l’affidavit rouge/mauve/jaune de Mme Hewitt, je suis d’accord avec la Requérante qu’elles portent toutes sur des questions litigieuses comme la conformité de la Requérante avec l’article 30 au sujet de l’enregistrabilité et du caractère distinctif. Par conséquent, cette preuve comporte des éléments litigieux du même genre que celui qui avait été produit dans l’affaire Cross-Canada et est donc inadmissible [Campbell Soup Co c. Fancy Pokket Corp (2006), 56 CPR (4th) 359 (COMC) à 363]. 

[24]           Les autres documents joints à l’affidavit de Mme Hewitt constituent une preuve par ouï-dire irrecevable. À cet égard, je suis d’accord avec la Requérante que l’Opposante n’a pas suffisamment expliqué en quoi les pièces 61 à 63 (extraits de divers ouvrages) et 65 à 71 (copies papier de sites Web de tiers qui lui ont été fournies par un autre agent de marques de commerce de sa firme) jointes à l’affidavit de Mme Hewitt sont à la fois nécessaires et fiables [Alpa Wood Mouldings Inc c. Craftmaster Manufacturing Inc (2007), 66 CPR (4th) 27 (COMC) aux paragr. 35 et 36]. De même, M. Penney n’a pas suffisamment expliqué en quoi les copies papier du site Web de Companies House au Royaume-Uni (jointes en pièces E et F de son affidavit) sont à la fois nécessaires et fiables. De toute façon, il est établi que, généralement, les pièces qui proviennent d’Internet ne peuvent servir qu’à établir l’existence de sites Web, et non pas la véracité de leur contenu [Envirodrive Inc. c. 836442 Canada Inc. 2005 ABQB 446 et ITV Technologies Inc, précité].  

[25]           En résumé, la preuve que je considère admissible en l’espèce, et dont j’accepte de tenir compte, comprend ce qui suit :

         Les dossiers du BMC (pièces 53 à 57 de l’affidavit de Mme Hewitt et pièces A à D de l’affidavit de M. Penney).

         La preuve de sites Web officiels (pièces 58 à 60 de l’affidavit de Mme Hewitt).

         Les définitions du dictionnaire des mots « purple » [mauve], « yellow » [jaune] et « red » [rouge] (pièce 64 de l’affidavit de Mme Hewitt).

5. Absence de réponse au dossier au rapport de l’examinateur

[26]           La preuve de l’Opposante contient une copie certifiée de l’historique du dossier de la demande en l’espèce. Lors de l’audience, l’Opposante a souligné que le rapport de l’examinateur émis le 17 décembre 2009 demandait une demande d’enregistrement modifiée avec une description plus précise de la couleur (ou des couleurs) conformément aux exigences du paragraphe 28(2) du Règlement. Il n’y a pas de réponse au dossier au rapport de l’examinateur quant à l’historique et la demande a été autorisée sous la forme sous laquelle elle a été produite à l’origine le 10 janvier 2010.

[27]           Lors de l’audience, la Requérante a fait valoir que le fait qu’il y ait eu réponse ou non au rapport de l’examinateur n’est pas pertinent, puisque la demande a été autorisée. J'abonde dans ce sens.

[28]           De toute façon, l’alinéa 38(2)(a) établi de façon évidente que le Bureau des marques de commerce a le droit de décider si les exigences de l’article 30 ont été respectées nonobstant le fait que l’examinateur ait précédemment trouvé que les exigences étaient respectées [Novopharm Ltd c. Burroughs Wellcome Inc, 58 CPR (3d) 513 à 520].

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[29]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois l'Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s'appuie chacun de ses motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) à 298 et Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[30]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition soulevés sont les suivantes :

         Alinéa 38(2)(a)/article 30 – la date de production de la demande d’enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC) à 475]

         Alinéas 38(2)(b)/12(1)(b) – la date de production de la demande d’enregistrement [voir Havana Club Holdings SA c. Bacardi & Co (2004), 35 CPR (4th) 541 (COMC) et Fiesta Barbeques Ltd c. General Housewares Corp (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF 1re inst.)]

         Alinéas 38(2)(b)/12(1)(e) – la date de ma décision [voir Association olympique canadienne c. Allied Corp (1989), 28 CPR (3d) 161 (CAF) et Association olympique canadienne c. Olympus Optical Co (1991), 38 CPR (3d) 1 (CAF)]

         Alinéas 38(2)(d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185]

Motifs d’opposition

Conformité à l’article 30 de la Loi

Alinéa 30(a) – Les marchandises sont-elles énoncées dans les termes ordinaires du commerce?

[31]           L’Opposante fait valoir que la demande d’enregistrement n’est pas conforme à l’alinéa 30(a) de la Loi du fait qu’elle ne renferme pas d’état déclaratif, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles la Marque a été ou sera employée. 

[32]           L’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve ni aucune observation en vertu de ce motif. Puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, ce motif est rejeté.

Alinéa 30(e) – La Requérante avait-elle l’intention d’employer, au Canada, la Marque elle-même ou par l’entremise d’un licencié?

[33]           L’alinéa 30(e) est libellé comme suit :

Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant… dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié.

 

[34]           Selon la preuve produite par l’Opposante dans l’affidavit de Mme Hewitt concernant le regroupement de Cadbury Adams Canada Inc. sous Kraft Canada Inc. le 26 décembre 2010, et l’acquisition de Cadbury plc par Kraft Foods Inc. le 2 février 2010, il semble que l’Opposante tente de démontrer que si une entité quelconque avait l’intention d’employer la Marque, ce serait Kraft Foods Inc. et non la Requérante, Cadbury UK Limited. 

[35]           Comme il est mentionné plus haut, la date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement (c.-à-d. le 30 juillet 2009). Étant donné que le regroupement et l’acquisition/association auxquels fait référence la preuve de l’Opposante datent tous deux de 2010, qui est subséquent à la date pertinente pour ce motif d’opposition, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en vertu de ce motif d’opposition. Ce motif est donc rejeté.

Alinéa 30(i) – La Requérante est-elle la personne ayant droit d’employer la Marque au Canada?

[36]           Lorsqu’une requérante a produit la déclaration exigée par l’alinéa 30(i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsqu’il est démontré que la requérante a fait preuve de mauvaise foi, ce qui n’est pas le cas en l’espèce [voir Sapodilla Co. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à 155]. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) est donc rejeté.

Alinéa 30(h) – La demande d’enregistrement comprend-elle une représentation exacte de la marque de commerce visée?

Aux termes de l’alinéa 30(h) de la Loi, une demande de marque de commerce doit renfermer un dessin de cette marque ainsi que le nombre prescrit de ses représentations exactes. Une marque de commerce est un monopole reconnu par la loi et sa portée doit, de ce fait, être décrite avec précision (Apotex Inc c Searle Canada Inc (2000), 6 CPR (4th) 26 au paragr. 7 [Apotex]). Il faut que le dessin soit une représentation véritable de l’élément et qu’il permette au lecteur de délimiter la marque.

[38]           Le paragraphe 28(1) du Règlement stipule que lorsque la requérante revendique une couleur comme caractéristique d’une marque de commerce, la couleur doit être décrite. De plus, le paragraphe 28(2) du Règlement stipule que si la description prévue au paragraphe 28(1) n’est pas claire, le registraire peut exiger que la requérante produise un dessin ligné qui représente les couleurs conformément au tableau présenté dans le Règlement.

[39]           En l’espèce, la demande d’enregistrement de la Marque comprend à la fois une revendication de couleur et un dessin ligné que représentent les couleurs. Les deux sont reproduits ci-dessous :

MARQUE DE COMMERCE :

CADBURY CREME EGG LABEL DESIGN

REVENDICATION DE COULEUR :

« La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce… Le dessin est hachuré pour représenter les couleurs, notamment le mauve dans la partie supérieure de l'image, le jaune au centre de l'image et le rouge dans la partie inférieure de l'image. »

[40]           La Requérante a officiellement respecté les exigences de l’alinéa 30(h) de la Loi par le fait qu’elle a produit à la fois une revendication de couleur et un dessin de la marque de commerce. Pour les raisons qui suivent, je suis convaincue que le dessin produit par la Requérante est une représentation significative de la marque de commerce dans le contexte de la description écrite figurant dans la revendication de couleur de la demande d’enregistrement.

[41]           Après avoir considéré les observations faites par l’Opposante lors de l’audience et après avoir examiné à la fois la revendication de couleur et le dessin de la demande d’enregistrement, j’observe ce qui suit :

         Près du haut de la marque de commerce, il y a une toute petite goutte qui semble être lignée pour la couleur jaune, mais qui n’est pas mentionnée dans la revendication de couleur.

         Dans le coin inférieur gauche de la marque de commerce, il y a un trapézoïde blanc qui n’est pas mentionné dans la revendication de couleur.

         Au-dessus du trapézoïde blanc, du côté inférieur gauche de la marque de commerce, il y a une petite zone qui semble être lignée pour la couleur mauve. Cependant, la revendication de couleur mentionne que le dessin est ligné pour représenter la couleur rouge « dans la partie inférieure de l’image » et, en fait, le dessin semble être ligné pour la couleur rouge au même endroit à la droite de la marque de commerce.

         Il y a un renfoncement en forme de demi-cercle du côté gauche de la marque de commerce vers ce qui serait considéré comme le « centre », mais il n’est pas mentionné dans la revendication de couleur. Je ne suis pas en mesure de déterminer si le renfoncement est ligné ou non pour une couleur.

         Un renfoncement en forme de demi-cercle similaire, mais légèrement plus grand, en face du premier renfoncement du côté droit de la marque de commerce. Il semble être ligné pour la couleur rouge ou mauve, mais je ne suis pas en mesure de le déterminer avec certitude et il n’est pas mentionné dans la revendication de couleur.

[42]           Compte tenu de la façon dont le dessin a été ligné pour la couleur, il n’est pas facile de déterminer ce que signifie la « partie supérieure », le « centre » et la « partie inférieure » de la marque de commerce, comme mentionné dans la revendication de couleur. Cela dit, compte tenu de la formulation assez générale de la revendication de couleur, on peut soutenir que ce n’est pas incompatible avec ce qui est montré dans le dessin, puisque les couleurs précisées apparaissent, tout au moins, au sommet, au centre et au bas de la marque de commerce. En conséquence, je ne considère pas que cet aspect du dessin soit, en soi, nécessairement fatal pour la Requérante.

[43]           De même, même s’il avait été préférable que la Requérante décrive toutes les caractéristiques qui apparaissent dans le dessin dans la revendication de couleur, je ne suis pas préoccupée du fait que cela n’est pas le cas, puisque le paragraphe 28(2) du Règlement stipule clairement que si la revendication de couleur n’est pas claire, un dessin ligné pour la couleur peut être employé.

[44]           Le seul aspect du dessin qui n’est pas absolument clair, ce sont les deux renfoncements en forme de demi-cercle. Il n’est pas possible de déterminer pour quelles couleurs, s’il en existe, les deux renfoncements en forme de demi-cercle ont été lignés et il n’y a rien dans les plaidoyers écrits pour nous y aider.   

[45]           la juge Snider a formulé les commentaires suivants aux paragr. 46 et 47 :

[traduction]

[48]          

La Marque est-elle enregistrable?

Article 10 et alinéa 12(1)(e) – La Marque, en raison de pratiques commerciales ordinaires et authentiques, est-elle devenue reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité des marchandises visées par la demande?

[49]           L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable parce que, en raison de pratiques commerciales ordinaires et authentiques, elle est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité des marchandises visées par la demande.

[50]           La plupart des éléments de preuve de Mme Hewitt concernant cette question ont été déclarés irrecevables. Cependant, même s’ils étaient pris en considération, ce motif ne serait pas accueilli pour les raisons qui suivent.

[51]           La Requérante ne conteste pas le fait qu’il existe des produits de confiserie en forme d’œuf sur le marché, pas plus qu’elle ne conteste que certains produits de confiserie arborent les couleurs mauve, jaune et/ou rouge [paragr. 91 du plaidoyer écrit de la Requérante]. Comme le souligne également la Requérante, cependant, la Marque est composée d’un dessin d’œuf bidimensionnel avec une configuration de couleurs distincte. Aucune des photographies de produits de confiserie, jointes en pièces 1 à 27 de l’affidavit de Mme Hewitt, ne présentait les couleurs mauve, rouge et/ou jaune selon la même configuration ou une configuration similaire à celle de la Marque projetée. Le seul élément de preuve présentant une photographie d’un dessin d’œuf bidimensionnel avec une configuration de couleurs semblable à celle de la Marque employée en liaison avec des produits de confiserie au chocolat est celui de deux présentoirs d’œufs fondant Cadbury [pièces 50 et 51 de l’affidavit de Mme Hewitt]. À mon avis, la preuve de deux présentoirs n’aurait pas été suffisante pour démontrer que la Marque était devenue reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité des marchandises visées par la demande.

[52]           Comme l’Opposante n’a produit aucune preuve pour démontrer que le dessin d’œuf bidimensionnel de la Requérante avec sa revendication de couleur distincte est devenu dans l’ensemble reconnu au Canada comme désignant le genre, la qualité ou le lieu d’origine des marchandises de la Requérante au sens de l’article 10 de la Loi, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve en vertu de ce motif. Par conséquent, ce motif est rejeté.

La Marque est-elle un signe distinctif?

[53]           L'Opposante a plaidé que la Marque est un signe distinctif. L’Opposante fait également valoir que si la Marque est un signe distinctif, elle n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’article 13 de la Loi du fait que, à la date de production de la demande, elle n’avait pas été suffisamment employée au Canada par la Requérante pour avoir acquis un caractère distinctif.

[54]           Le signe distinctif est défini à l’article 2 de la Loi comme : a) le façonnement de marchandises ou de leurs contenants ou b) un mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises. 

[55]           L’argument de l’Opposante, d’après ce que je comprends, est que la Requérante emploie la Marque comme emballage d’aluminium coloré de ses œufs fondants Cadbury depuis plus de 30 ans. L’Opposante soutient que puisque la Marque est un mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises, il s’agit d’un signe distinctif.

[56]           La preuve de l’Opposante à l’appui de son argument peut être résumée comme suit :

         Dans une lettre du 20 avril 2010 à l’Opposante, la Requérante affirme avoir vendu des chocolats fourrés en forme d’œuf au Canada depuis plus de 35 ans dans un emballage aluminium coloré distinctif [p. 235 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Dans la même lettre, la Requérante exige que l’Opposante cesse de fabriquer, entre autres, tout emballage de confiserie en forme d’œuf qui présente n’importe quelle combinaison de deux des couleurs suivantes : rouge, jaune, bleu, vert et mauve, dont les caractéristiques font référence aux « caractéristiques des ŒUFS FONDANTS CADBURY » [p. 236 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         La Requérante désigne l’œuf fondant Cadbury présenté en annexe A jointe à la mise en demeure comme un « emballage » [p. 236 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         Les étiquettes employées par la Requérante en liaison avec d’autres confiseries de chocolat en forme d’œuf constituent également un emballage des marchandises [pièces 34 et 41 de l’affidavit de Mme Hewitt].

         L’étiquette d’œuf fondant Cadbury de la Requérante est un emballage et par conséquent sert au façonnement des marchandises [p. 237 et pièces 40 et 52 de l’affidavit de Mme Hewitt].

[57]           Je suis d’accord avec l’Opposante que certains éléments de preuve montrent des œufs en chocolat enveloppés d’un emballage d’aluminium coloré qui présentent des caractéristiques et des couleurs similaires à celles de la Marque. Toutefois, j’ai déjà déclaré que la formulation employée par la Requérante dans sa description de la Marque, ainsi que les dessins illustrés dans la demande (sans tenir compte des lacunes), m’ont convaincue que le monopole recherché est pour une marque figurative bidimensionnelle avec une configuration de couleurs distincte, c’est-à-dire mauve en haut, jaune au centre et rouge en bas. La pièce 48 de l’affidavit de Mme Hewitt, bien qu’elle n’est pas recevable à titre de preuve, peut tout de même être considérée comme un exemple qui illustre une marque bidimensionnelle avec des caractéristiques et des couleurs similaires à celles de la Marque (quoiqu’en ordre inverse avec le rouge en haut, le jaune au centre et le mauve en bas) qui peut être employée sur des emballages sans être un signe distinctif. Par conséquent, je ne considère pas que la Marque soit un signe distinctif et chacun des motifs d’opposition fondés sur cet argument est rejeté.

La Marque donne-t-elle une description claire ou donne-t-elle une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises visées par la demande?

[58]           Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante fait valoir ce motif d’opposition comme suit :

[traduction]

La marque de commerce alléguée de la Requérante n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)(b) de la Loi parce que, comme elle est représentée, elle donne une description claire et/ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquels on projette de l’employer.

[59]           Comme il est mentionné plus haut, la Cour d’appel fédérale nous a demandé dans Novopharm, précité, de tenir compte de la preuve en conjonction avec les actes de procédure dans l’appréciation de la preuve que doit réfuter la Requérante. Toutefois, cette décision soutenait également que les motifs d’opposition doivent être présentés en détail pour permettre à la Requérante d’y répondre [voir le paragr. 38(3) de la Loi].

[60]           Selon moi, ce motif d’opposition, comme plaidé, est simplement une reproduction du libellé législatif de l’alinéa 12(1)(b). Comme tel, il ne comprend pas suffisamment de faits importants pour permettre à la Requérante d’y répondre. De plus, il ne s’agit pas d’une preuve recevable qui remédie au défaut dans ces actes de procédure.

[61]           Par conséquent, ce motif est rejeté. 

La Marque permet-elle de distinguer les marchandises de la Requérante de celles d’autres propriétaires?

[62]           L’Opposante a plaidé trois arguments principaux en vertu de ce motif d’opposition. Comme j’ai déjà décidé que la Marque n’est pas un signe distinctif, je ne me pencherai que sur les deux arguments qui suivent :  

         Étant donné que la Requérante marque toujours ses marchandises avec la marque de commerce CADBURY, la couleur et la forme de la Marque alléguée ne distinguent pas et ne peuvent distinguer les marchandises de la Requérante.

         La Requérante a autorisé des tiers à employer la Marque alléguée de façon telle que la marque n’est pas distinctive, allant ainsi à l’encontre de l’article 50 de la Loi.  

[63]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa Marque est adaptée pour distinguer ses marchandises de celles d'autres propriétaires au Canada, ou qu’elle les distingue véritablement [voir Muffin Houses Inc. c The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)]. D’abord, toutefois, l'Opposante a le fardeau de prouver les allégations de fait à l'appui de son motif fondé sur l'absence de caractère distinctif.

[64]           Pour s’acquitter du fardeau qui lui incombe en vertu de son deuxième motif d’opposition, l’Opposante doit établir que des marques de commerce bidimensionnelles en forme d’œuf avec les couleurs rouge, jaune et mauve ont été employées ou sont devenues reconnues en liaison avec les produits de confiserie en chocolat par des tiers dans une telle mesure et d’une telle façon que cet emploi est devenu suffisamment connu pour que le caractère distinctif de la Marque n’existe plus [Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.), à 58; Re-Andres Wines Ltd c. E & J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF), à 130 et Park Avenue Furniture Corp c. Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 412 (CAF), à 424. Autrement dit, l’Opposant a seulement besoin de démontrer que deux dessins d’œufs bidimensionnels avec les couleurs rouge, jaune et mauve étaient communs dans le marché de la confiserie à la date pertinente [Novopharm Ltd c. Astra AB (2004), 36 CPR (4th) 158 (COMC) à 174].

[65]           Comme il est mentionné précédemment, toutes les pièces jointes à l’affidavit rouge/mauve/jaune de Mme Hewitt ont été déclarées irrecevables. Même si je pouvais tenir compte de ces pièces, aucune des photographies de produits de confiserie ne montre les couleurs mauve, rouge et/ou jaune selon la même configuration ou une configuration similaire à celle de la Marque projetée.   

[66]           Le seul élément de preuve présentant une photographie d’un dessin d’œuf bidimensionnel avec une configuration de couleurs similaire à celle de la Marque employé en liaison avec des produits de confiserie au chocolat est celui de deux présentoirs d’œufs fondant Cadbury [pièces 50 et 51 de l’affidavit de Mme Hewitt]. Ces pièces, cependant, ont été déclarées irrecevables. Même si elles étaient recevables, cependant, je remarque que les photographies ont été prises le 17 février 2011, soit après la date pertinente pour ce motif d’opposition. De plus, les présentoirs semblent être ceux de la Requérante plutôt que ceux d’autres propriétaires.

[67]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne son deuxième argument en vertu de ce motif d’opposition.

[68]           Le premier argument de l’Opposante en vertu de ce motif d’opposition, d’après ce que je comprends, est que compte tenu de la preuve qui démontre que la Requérante emploie constamment le mot CADBURY sur toutes ses marchandises de confiserie, la Marque (composée uniquement de couleurs et d’une forme) ne serait pas en mesure de distinguer les marchandises de la Requérante de celles d’autres propriétaires parce qu’elle ne comprend pas le mot CADBURY. Encore une fois, comme il est mentionné plus haut, la preuve de l’emploi par la Requérante du mot CADBURY sur ses produits de confiserie est irrecevable. Même si elle était recevable, cependant, je remarque que la Cour fédérale a déjà établi qu’une couleur seule est une marque de commerce acceptable [JTI, précité, et Simpson Strong-Tie Co c. Peak Innovations Inc, 79 CPR (4th) 79 (CF)]. Par conséquent, je considère que l’argument voulant que les couleurs et la forme seules ne sont pas en mesure de distinguer les marchandises de la Requérante de celles d’autres propriétaires n’est pas fondé. De plus, je remarque que rien n’empêche la Requérante d’employer deux marques de commerce (c.-à-d. CADBURY et la Marque) en même temps [voir AW Allen Ltd c. Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst.)]. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne le premier argument en vertu de ce motif d’opposition.

[69]           Compte tenu de ce qui précède, ce motif d’opposition est rejeté.

Règlement

[70]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition selon les dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Cindy R. Folz

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

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